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17/04/2019 | FRANCE | N°17-17525

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 avril 2019, 17-17525


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 17 février 2015, pourvoi n° J 13-27.545), que M. et Mme V..., en vue de la réduction de leurs impôts, ont, sur information de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la Caisse), pris contact avec la société Adomos, partenaire de cette dernière ; qu'ils ont acquis un bien immobilier faisant l'objet d'une opération de réhabilitation de mon

uments historiques menée par la société Financière Barbatre moyennant le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 17 février 2015, pourvoi n° J 13-27.545), que M. et Mme V..., en vue de la réduction de leurs impôts, ont, sur information de la société Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la Caisse), pris contact avec la société Adomos, partenaire de cette dernière ; qu'ils ont acquis un bien immobilier faisant l'objet d'une opération de réhabilitation de monuments historiques menée par la société Financière Barbatre moyennant le prix de 267 461,50 euros, dont 228 209 euros représentaient le coût des travaux, la prestation d'investissement « clés en mains » comprenant, en outre, l'étude fiscale ainsi que l'intervention du notaire et du cabinet de gestion en charge de la location ; que, pour financer cet investissement, M. et Mme V... ont contracté auprès de la Caisse un emprunt dont le déblocage est intervenu en deux temps ; que la société Financière Barbatre n'ayant pas effectué de travaux et ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. et Mme V... ont assigné la Caisse et la société Adomos en paiement de dommages-intérêts ; que la société Adomos a appelé en garantie M. R..., liquidateur de la société Financière Barbatre, la société de notaires SCP Y... T..., N... U..., B... X..., P... K..., A... Q..., devenue la société SCP B... X..., P... K... et A... Q..., (la SCP de notaires) et M. U..., notaire associé ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Adomos fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée contre les notaires alors, selon le moyen, que l'auteur d'un dommage peut appeler en garantie les coauteurs fautifs du même dommage, peu important que la victime n'ait pas formulé de demandes contre eux ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le notaire avait manqué à son devoir d'informer et d'éclairer les époux V... lors de la signature du contrat « d'abord parce qu'il n'a effectué aucun contrôle sur l'éligibilité de l'opération aux dispositions de la loi Malraux, ensuite parce que le premier acompte affecté aux travaux n'aurait jamais dû être débloqué par ses soins au profit de la société Financière Barbatre puisque ces travaux n'avaient pas été votés par l'assemblée générale des copropriétaires et qu'il n'a pas attiré l'attention des époux V... sur le danger de payer une somme aussi importante alors qu'ils ne disposaient d'aucun élément concernant l'étendue de l'exécution des travaux et risquaient de payer des travaux non exécutés » ; qu'il s'en évinçait que M. U... et la SCP de notaires ayant commis une faute ayant concouru à la réalisation des dommages que la société Adomos était condamnée à indemniser, cette dernière était bien fondée à agir en garantie contre eux ; qu'en écartant cependant ce recours au prétexte que la société Adomos avait commis « la faute originaire à l'origine du préjudice des époux V..., sachant qu'elle a en outre convaincu M. V... de libérer le second acompte alors qu'aucun des travaux prévus n'avait été réalisé » et qu'elle « ne saurait dès lors utilement invoquer la faute du notaire pour échapper à tout ou partie de sa responsabilité en faisant supporter par un tiers les condamnations mises à sa charge, lesquelles ne constituent pas un préjudice indemnisable », la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1213 du code civil dans leur version applicable au litige ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'un côté, que la société Adomos a présenté un projet incertain au regard de la situation du promoteur et ne permettant pas la défiscalisation des travaux de restauration immobilière et, de l'autre, qu'elle a convaincu M. V... de payer le second acompte, bien que les travaux prévus ne fussent pas réalisés ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la faute commise par les notaires était, dans leurs rapports avec la société Adomos, entièrement absorbée par celle, plus grave et prépondérante, de cette dernière, la cour d'appel a pu écarter toute garantie, même partielle, de cette société par les notaires ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Adomos aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. M... V... et à Mme H... V..., la somme de 3 000 euros à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la somme globale de 3 000 euros à la société de notaires SCP B... X..., P... K... et A... Q... et à M. N... U... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Adomos

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné in solidum la société Adomos et la Caisse d'épargne à payer à M. et Mme V... la somme de 308 934,25 euros à titre de dommages-intérêts, condamné la société Adomos à garantir la Caisse d'épargne à hauteur de 50 % des sommes mises à sa charge au profit des époux V... (en ce compris l'allocation au titre des frais irrépétibles), débouté la société Adomos de toutes ses demandes, condamné in solidum la société Adomos et la Caisse d'épargne aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct et condamné in solidum la société Adomos et la Caisse d'épargne à payer à M. et Mme V... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« Il sera préalablement rappelé que les époux V... ont renoncé à former la moindre demande du chef du redressement fiscal dont ils ont fait l'objet et qu'ils ne forment plus aucune demande à l'encontre de la SCP de notaires et de Me U.... En revanche la cour demeure saisie d'une demande de garantie formée par la société Adomos contre les notaires. Le 15 mars 2004, la société Adomos a confié à la Caisse d'épargne un mandat de recherche d'acquéreurs en vue de la vente de biens immobiliers défiscalisés, le mandat prévoyant que le mandataire pouvait, à ses frais, soumettre tout programme immobilier commercialisé par le mandant à une expertise auprès de qui il entendra. La Caisse d'épargne percevait une rémunération de 4 % HT sur le prix de vente TTC de chaque bien vendu. La société Financière Barbatre a acheté le 16 septembre 2004 les dépendances du château de Maintenon se composant notamment des anciennes écuries du château et d'un terrain d'environ 6.000 m², ensemble classé depuis 1944 aux Monuments historiques. L'objectif de la société Barbatre était d'entreprendre de vastes travaux d'aménagement afin de transformer ces bâtiments en résidence hôtelière de luxe. L'état descriptif de division et le règlement de copropriété ont été établis. Quelques jours après la signature de la promesse unilatérale de vente signée par les époux V..., la société chargée de conduire les travaux de transformation des lieux selon le projet présenté par la société Barbatre (Demeures et Châteaux Restauration) a été placée en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au jour de la signature de la promesse, soit le 26 mai 2005, la liquidation judiciaire de la société étant prononcée le 20 octobre 2005. Suivant offre du 4 octobre 2005, la Caisse d'épargne a prêté aux époux V... la somme de 256.566 euros remboursable sur 15 ans correspondant au prix d'achat du bien (25.357 euros) et au coût des travaux (228.209 euros). Les époux V... ont donné pouvoir le 21 novembre 2005 à tout clerc de la SCP U... pour signer l'acte d'achat, faire les appels de fonds auprès de la banque afin notamment de régler tout ou partie des frais, honoraires ou coût des travaux portant sur les biens immobiliers et verser le montant demandé au compte du syndicat des copropriétaires de l'ASL à l'effet de payer les travaux, effectuer le versement des sommes provenant du prêt et intégrer le syndicat de propriété, l'ASL ou l'AFUL « selon le cas », signer toute feuille de présence et participer à toutes délibérations, s'engager à acquitter le coût des travaux qui seront décidés par l'assemblée générale. La vente a été signée par acte authentique du 25 novembre 2005, la Caisse d'épargne remettant au notaire un chèque de 142.461,50 euros, au titre du prix de vente frais d'acte compris et du premier appel de fonds sur les travaux, soit la somme de 114.104,50 euros. Cette dernière somme a été versée par le notaire à titre d'acompte à la société Sogecif, chargée de la réalisation des travaux. Un second acompte de 114.104,50 euros sera versé à la même société par chèque de M. et Mme V... le 4 janvier 2007 après que la banque ait libéré le solde de leur prêt sur présentation d'une facture de la société Sogecif.
Sur les demandes des époux V...
Sur la responsabilité d'Adomos
La société Adomos persiste à soutenir qu'elle n'est intervenue dans cette opération qu'en qualité de simple agent immobilier alors que son rôle n'était pas limité au seul rapprochement vendeur acquéreurs, puisqu'elle intervenait pour proposer et personnaliser un investissement relevant de législations complexes (rénovation d'un monument classé et application des avantages fiscaux consécutifs), ce qui résulte des documents qu'elle communique à ses clients selon lesquels elle commercialise des solutions d'investissement clés en main et assure proposer des investissements de qualité, exposant notamment dans sa plaquette : « indépendant et intransigeant, Adomos sélectionne les meilleurs programmes immobiliers¿ construits par les promoteurs offrant les meilleures garanties de qualité et de professionnalisme. Véritable ingénieur de votre patrimoine immobilier Adomos vous apporte des conseils objectifs et des solutions clés en main en choisissant avec soins les gestionnaires et les assureurs ». La société Adomos a remis à la Caisse d'épargne le projet de résidence hôtelière relatif aux dépendances du château de Maintenon acquises par la société Financière Barbatre, société holding de promotion immobilière et marchand de biens, qui confiait les travaux de rénovation à la société Demeures et Châteaux Restauration. S'agissant de la solidité de la société promoteur, Financière Barbatre, ainsi que le soulignent à raison les époux V..., l'examen du résultat clos au 31 août 2004 (seul disponible lors du démarchage des époux V..., et même lors de la vente puisque les comptes arrêtés au 31 août 2005 n'ont été approuvés que le 29 novembre suivant) révèle que celui-ci était certes largement positif, mais que cette situation résulte d'opérations en capital, le résultat d'exploitation étant quant à lui déficitaire, le résultat social final ayant été tiré vers le haut pour l'essentiel grâce à une cession d'actif de plus d'un million d'euros, à savoir un navire puisqu'initialement la société avait pour activité l'acquisition de navires, leur armement, leur location, ainsi que l'acquisition, la création, l'exploitation et la gestion de lignes maritimes. Quant au chiffre d'affaires prévisionnel mirifique de 70 millions d'euros évoqué dans le rapport de gestion de 2004, il est difficilement crédible puisqu'il correspondait à plus de 70 fois celui réalisé en 2004. Il faut ajouter qu'en outre, la société était gérée par une jeune femme de 21 ans qui ne pouvait donc être dotée d'une solide expérience dans le domaine de l'investissement immobilier, activité que la société ne pratiquait que depuis 2002. En outre, Adomos n'avait manifestement pas vérifié la solidité de la société chargée de piloter les travaux, la société Demeures et Châteaux Restauration, filiale de Financière Barbatre, expressément citée dans la plaquette de présentation du projet, puisque celle-ci a été placée en redressement judiciaire le 30 juin 2005, alors que la promesse de vente était conclue depuis le 26 mai 2005. Enfin, il résulte de la réponse que l'administration fiscale a adressée aux époux V... le 18 avril 2012 que l'éligibilité du projet aux dispositions de la loi Malraux était tout à fait discutable puisque ne peuvent être déduites les dépenses relatives aux travaux de construction, de reconstruction, d'agrandissement et aux travaux assimilés, lesquels s'entendent notamment de ceux qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre des locaux existants, des travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction, et de ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants, notamment lorsque les locaux étaient initialement destinés à un autre usage. Tel était bien le cas des biens en cause puisqu'il s'agissait notamment d'anciennes écuries, lesquelles avaient un autre usage que l'habitation. En tout état de cause, la mise en vente des biens dans le cadre d'un investissement permettant une défiscalisation n'avait manifestement pas été précédée d'une étude sérieuse au regard de l'importance des travaux à réaliser et de la nature des locaux devant être transformés. Ainsi, son obligation de prudence en sa qualité de prestataire de services d'investissement, prétendant commercialiser des investissements sécurisés, aurait dû conduire Adomos, soit à approfondir ses vérifications, soit à mettre très explicitement en garde ses clients sur les aléas de l'investissement proposé, et tenant tant à l'aléa d'une réhabilitation importante, qu'à celui lié à l'absence de garantie présentée par ses promoteurs. La société Adomos a donc commis une faute en communiquant à la banque des renseignements dont la fiabilité ne correspondait pas aux affirmations de soins et de rigueur dont elle se vantait, puisqu'elle n'avait pas étudié avec sérieux la faisabilité du projet, lequel présentait un risque important de pertes les acheteurs ne bénéficiant d'aucune garantie d'achèvement effectif des travaux, lesquels constituaient l'essentiel de l'investissement. Cette faute, de nature contractuelle entre Adomos et la banque, et de nature délictuelle vis-à-vis des époux V..., a eu pour conséquence directe de convaincre ces derniers de contracter aux conditions annoncées. En effet, correctement informés, tant sur la sécurité du projet que sur son réel intérêt fiscal, ils n'auraient pas contracté.
Sur la responsabilité de la Caisse d'épargne
Les époux V... reprochent à la banque à la fois un manquement à son devoir d'information sur l'investissement proposé qui les a conduits à s'engager dans cette acquisition immobilière et une faute contractuelle sur les conditions de déblocage des fonds. La Caisse d'épargne réplique que les seuls documents comptables de la société Financière Barbatre publiés au titre des exercices 2003/2004 et 2004/2005 montraient une situation financière très favorable avec un résultat d'exploitation positif de 3.145.584 euros et qu'elle n'a commis aucune faute lors de la libération des fonds destinés au paiement du second acompte. L'obligation d'information du banquier dispensateur de crédits doit être exécutée avec neutralité, exactitude et loyauté ; en matière d'investissement, l'information ne doit pas éluder les caractéristiques les moins favorables du produit et les risques inhérents au placement choisi. Les dires des époux V... selon lesquels la Caisse d'épargne n'aurait pas même dû leur accorder son financement au regard de leur taux d'endettement de 46 % ne sont pas étayés par la moindre pièce probante puisqu'ils ne versent aux débats ni leurs déclarations de revenus, ni les pièces justifiant de l'état de leur endettement, étant en outre observé que M. V..., haut cadre dirigeant de la société l'Oréal, percevant un salaire mensuel de 14.000 euros, était parfaitement à même de mesurer sa capacité d'endettement. Ce grief est donc dénué de pertinence. La banque, fût-elle mandataire d'Adomos rémunérée pour vendre les biens que celle-ci proposait, est tenue d'apporter à son client, fût-il averti, une information adaptée à son degré de connaissance, sa situation personnelle et ses objectifs, dont elle doit s'enquérir préalablement ; il lui appartient, en outre, d'apporter la preuve qu'elle a satisfait à cette obligation. Or, la Caisse d'épargne, sollicitée par M. et Mme V... pour bénéficier d'une réduction d'impôts, leur a présenté la documentation de la société Adomos, notamment le fascicule relatif au projet dont le promoteur était la société financière Barbatre et qui devait permettre aux investisseurs de bénéficier d'un régime fiscal favorable, mais elle ne donne aucune indication sur les informations données à ses clients concernant le mécanisme fiscal et les conditions leur permettant de bénéficier d'une réduction de leurs impôts au titre de cette opération immobilière ; elle a, au contraire, rempli l'imprimé destiné à l'administration fiscale en commettant des erreurs sur les sommes susceptibles d'ouvrir droit à déduction en y intégrant le prix et les frais d'achat du bien (sachant au surplus que la déduction était limitée à 50 % du coût des travaux et non 100 %, ainsi que le rappelle l'administration fiscale dans sa proposition de rectification du 24 décembre 2008, sous réserve qu'il s'agisse de simples travaux de réparation et d'entretien), ce qui en dit long sur la maîtrise qu'elle avait du mécanisme de la loi Malraux et la qualité du conseil qu'elle a pu apporter aux époux V... à ce titre. Il est ainsi établi que la Caisse d'épargne ne démontre pas avoir donné une information complète et satisfaisante à M. et Mme V..., qui cherchaient en priorité à réduire leurs impôts, sur les conditions de défiscalisation liées à leur investissement, puisque compte tenu de la nature des travaux, l'investissement n'était même pas éligible au dispositif de déductions fiscales de la loi Malraux. La banque a ainsi manqué à ses obligations professionnelles, et cette faute est directement à l'origine de la souscription de ses clients à l'opération en cause et donc du paiement du bien et du premier acompte sur travaux. La Caisse d'épargne invoque la faute des époux V... qui auraient laissé débloquer le second versement (114.104,50 euros) alors qu'ils savaient que les travaux n'avaient même pas commencé, ce qui résulte sans aucune ambiguïté du courrier de M. V... en date du 16 mai 2007 dans lequel il explique avoir visité plusieurs fois le bien en 2006 et avoir remarqué que « rien n'avait bougé depuis le premier jour où j'avais vu le terrain ». M. V... explique dans ce courrier que malgré ce constat, la société Adomos l'a convaincu de ne pas s'inquiéter, l'éventuel retard dans l'achèvement des travaux n'ayant pas d'incidence sur le fait qu'il percevrait quand même les loyers dès janvier 2007. Invoquant en outre le fait que dans la lettre précitée écrite par M. V... le 16 mai 2007, celui-ci écrit qu'il a payé la société Sogecif avant que la banque ne lui débloque les fonds, la Caisse d'épargne soutient également que son préjudice était acquis dès cet instant, indépendamment de sa faute éventuelle ayant consisté à libérer les fonds sans avoir reçu aucun des documents prévus par le contrat de prêt. Cependant, l'article 6.3 des conditions générales du contrat de prêt stipulait qu'en cas d'opérations d'acquisition-amélioration, « les fonds seront débloqués, au choix du prêteur, entre les mains des emprunteurs ou des entrepreneurs, sur production des mémoires ou des factures de matériaux, après justification de la prise de garantie, à la demande écrite des emprunteurs lors de chaque appel de fonds », « le solde du montant des prêts... ne pourra être versé qu'après production de la totalité des factures justificatives » et que, pour toutes les opérations nécessitant la délivrance d'un permis de construire, le versement du solde du montant du prêt « sera subordonné à la présentation du récépissé de la déclaration d'achèvement des travaux délivré par la mairie ou la direction départementale de l'équipement ». Ainsi, s'agissant du versement du solde du prêt, la banque était tenue de ne pas se contenter de la production d'une facture revêtue d'un ordre de paiement de l'emprunteur, mais devait s'assurer, avant tout déblocage, que la totalité des travaux avait bien été facturée. Il est constant que la Caisse d'épargne a reçu de M. V... le 20 décembre 2006 une facture de la société Sogecif d'un montant de 125.102,50 euros, intitulée « 2ème acompte pour les travaux de rénovation de votre appartement au château de Maintenon », revêtu de cette mention manuscrite des époux V... : « bon pour accord de déblocage des fonds ». Les époux V... ont établi le 4 janvier 2007 le chèque à l'ordre de la société Sogecif. Ainsi, la Caisse a débloqué le solde du prêt alors qu'elle avait la preuve que les travaux n'étaient pas achevés, ni facturés en totalité, puisque n'était réclamé qu'un second acompte. Il résulte par ailleurs des relevés du compte bancaire des époux V... que c'est par erreur que M. V... a indiqué avoir réglé la facture Sogecif avant d'avoir perçu les fonds de la banque puisque ceux-ci ont été crédités sur son compte le 22 décembre 2006, soit avant l'établissement du chèque au profit de Sogecif. La banque ne peut donc s'exonérer des conséquences de sa propre faute en invoquant l'imprudence de l'emprunteur, alors que tant la loi que les dispositions contractuelles lui faisaient obligation de vérifier la facturation effective de la totalité des travaux, et ainsi leur exécution avant d'accéder à une demande de paiement formulée par l'emprunteur. Aucune faute ne peut donc être reprochée par la banque aux époux V... s'agissant du paiement de ce second acompte.
Sur le préjudice
Les époux V... réclament la somme de 318.895,93 euros en réparation de leur préjudice se composant du coût total du prêt (347.120,31 euros, soit 256.566 euros en principal et 90.554,31 euros au titre du coût total du crédit en ce compris les intérêts), dont ils déduisent le prix du bien (25.357 euros) et les frais d'achat (2.867,38 euros). Ni la société Adomos, ni la Caisse d'épargne n'opposent aux époux V... que leur préjudice ne peut être constitué que d'une perte de chance de ne pas contracter. Les fautes de la société Adomos et de la Caisse d'épargne sont directement à l'origine du préjudice des époux V..., lequel s'établit à la somme de 308.934,25 euros : soit le montant emprunté (256.566 euros) auquel s'ajoute le coût du crédit comprenant les intérêts (90.554,31 euros), dont il faut déduire, comme ils le demandent, le prix d'achat du bien (25.357 euros), les frais d'achat (2.867,38 euros), mais également le coût du crédit sur ces deux dernières sommes (9.961,68 euros). Le jugement sera donc infirmé, la société Adomos et la Caisse d'épargne seront condamnées in solidum à payer cette somme aux époux V....
Sur les demandes réciproques de garantie de la Caisse d'épargne et de la société Adomos
La Caisse d'épargne soutient que la Cour de cassation a définitivement tranché la question du principe de la garantie que lui doit Adomos dont la faute originaire est seule à l'origine du litige. La société Adomos indique qu'elle est totalement étrangère au manquement du notaire s'agissant du paiement du premier acompte et à celui de la banque s'agissant du paiement du second acompte, ces manquements étant seuls à l'origine de l'appauvrissement des époux V.... La Cour de cassation a expressément exclu de la cassation prononcée le rejet de la demande de garantie formée par Adomos contre la Caisse d'épargne. Les demandes sur ce point sont donc sans objet. Le principe de la garantie de la Caisse d'épargne par la société Adomos à hauteur de 50 % des sommes mises à sa charge par l'arrêt objet du pourvoi (soit le montant du 1er acompte) est acquis, la Cour de cassation ayant également exclu de la cassation prononcée cette disposition de l'arrêt de la cour de Versailles du 19 septembre 2013. La Caisse d'épargne est mal fondée en sa demande tendant à être garantie en totalité des sommes mises à sa charge au titre du second acompte dès lors qu'il a été démontré ci-dessus qu'elle a contribué, par sa propre faute, à ce que ce paiement à pure perte intervienne. En conséquence, et ainsi qu'il est définitivement jugé s'agissant du paiement du premier acompte, elle ne sera garantie qu'à hauteur de 50 % par la société Adomos, qui a elle-même commis à son égard une faute dans le cadre du mandat qui les liait, ainsi qu'il a été jugé plus haut.
Sur la demande de garantie formée contre les notaires :
Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment quant à ses incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que l'acceptation par l'acquéreur d'être représenté à l'acte par le notaire, l'absence de demande d'information à ce dernier, la circonstance qu'un autre notaire soit intervenu, le fait que le versement des fonds soit nécessaire à la réalisation de l'opération « clé en main » envisagée et que le notaire ait reçu pouvoir sur tous appels de fonds ne le dispensent de son devoir de conseil. Me U... n'a manifestement pas respecté ses obligations professionnelles à l'égard des parties à l'acte qu'il recevait, d'abord parce qu'il n'a effectué aucun contrôle sur l'éligibilité de l'opération aux dispositions de la loi Malraux, ensuite parce que le premier acompte affecté aux travaux n'aurait jamais dû être débloqué par ses soins au profit de la société Financière Barbatre puisque ces travaux n'avaient pas été votés par l'assemblée générale des copropriétaires et qu'il n'a pas attiré l'attention des époux V... sur le danger de payer une somme aussi importante alors qu'ils ne disposaient d'aucun élément concernant l'étendue de l'exécution des travaux et risquaient de payer des travaux non exécutés. Les notaires soutiennent qu'en tout état de cause, le préjudice des époux V... ne peut être constitué que d'une perte de chance de ne pas contracter. Ce point est désormais sans incidence puisque les époux V... ne forment aucune demande à leur encontre. En ce qui concerne la demande de la société Adomos contre les notaires, il a été jugé plus haut que cette société a présenté un projet à la fois incertain quant à son issue au regard de la situation du promoteur et inéligible aux dispositions de la loi Malraux. Elle a ainsi commis la faute originaire à l'origine du préjudice des époux V..., sachant qu'elle a en outre convaincu M. V... de libérer le second acompte alors qu'aucun des travaux prévus n'avait été réalisé. Elle ne saurait dès lors utilement invoquer la faute du notaire pour échapper à tout ou partie de sa responsabilité en faisant supporter par un tiers les condamnations mises à sa charge, lesquelles ne constituent pas un préjudice indemnisable » ;

ALORS QUE l'auteur d'une faute ne peut être tenu d'indemniser un dommage que s'il existe un lien de causalité entre ce dommage et la faute commise ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que le second déblocage de fonds avait pour cause la faute de la banque qui y avait procédé sans avoir en sa possession les justificatifs imposés contractuellement, et non pas le défaut d'information qui avait conduit les époux V... a contracter et à accepter le premier déblocage des fonds ; que la cour d'appel a par ailleurs relevé que la seule faute de la société Adomos consistait à avoir fourni « des renseignements dont la fiabilité ne correspondait pas aux affirmations de soin et de rigueur dont elle se vantait » et qui avait eu pour conséquence de « convaincre les époux V... de contracter » ; qu'il s'en évinçait que la société Adomos ne pouvait voir sa responsabilité engagée au titre du second déblocage de fonds qui avait pour cause une faute de la seule banque ; qu'en condamnant cependant la société Adomos à indemniser les époux V... au titre du second déblocage des fonds, soit 114 104,50 euros, et à garantir la Caisse d'épargne à hauteur de 50 %, y compris pour cette somme, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR débouté la société Adomos de toutes ses demandes, y compris ses demandes à l'encontre de Me U... et la SCP X..., K... et Q..., anciennement dénommée T..., U..., X..., K... et Q... et d'AVOIR condamné in solidum la société Adomos et la Caisse d'épargne aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct et condamné in solidum la société Adomos et la Caisse d'épargne à payer à M. et Mme V... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'« Il sera préalablement rappelé que les époux V... ont renoncé à former la moindre demande du chef du redressement fiscal dont ils ont fait l'objet et qu'ils ne forment plus aucune demande à l'encontre de la SCP de notaires et de Me U.... En revanche la cour demeure saisie d'une demande de garantie formée par la société Adomos contre les notaires¿
Sur la demande de garantie formée contre les notaires :
Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques, notamment quant à ses incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que l'acceptation par l'acquéreur d'être représenté à l'acte par le notaire, l'absence de demande d'information à ce dernier, la circonstance qu'un autre notaire soit intervenu, le fait que le versement des fonds soit nécessaire à la réalisation de l'opération "clé en main" envisagée et que le notaire ait reçu pouvoir sur tous appels de fonds ne le dispensent de son devoir de conseil. Me U... n'a manifestement pas respecté ses obligations professionnelles à l'égard des parties à l'acte qu'il recevait, d'abord parce qu'il n'a effectué aucun contrôle sur l'éligibilité de l'opération aux dispositions de la loi Malraux, ensuite parce que le premier acompte affecté aux travaux n'aurait jamais dû être débloqué par ses soins au profit de la société Financière Barbatre puisque ces travaux n'avaient pas été votés par l'assemblée générale des copropriétaires et qu'il n'a pas attiré l'attention des époux V... sur le danger de payer une somme aussi importante alors qu'ils ne disposaient d'aucun élément concernant l'étendue de l'exécution des travaux et risquaient de payer des travaux non exécutés. Les notaires soutiennent qu'en tout état de cause, le préjudice des époux V... ne peut être constitué que d'une perte de chance de ne pas contracter. Ce point est désormais sans incidence puisque les époux V... ne forment aucune demande à leur encontre. En ce qui concerne la demande de la société Adomos contre les notaires, il a été jugé plus haut que cette société a présenté un projet à la fois incertain quant à son issue au regard de la situation du promoteur et inéligible aux dispositions de la loi Malraux. Elle a ainsi commis la faute originaire à l'origine du préjudice des époux V..., sachant qu'elle a en outre convaincu M. V... de libérer le second acompte alors qu'aucun des travaux prévus n'avait été réalisé. Elle ne saurait dès lors utilement invoquer la faute du notaire pour échapper à tout ou partie de sa responsabilité en faisant supporter par un tiers les condamnations mises à sa charge, lesquelles ne constituent pas un préjudice indemnisable.
Sur les demandes de la SCP de notaires et de Me U...
Me U... n'a manifestement pas respecté ses obligations professionnelles, d'abord parce qu'il n'a effectué aucun contrôle sur l'éligibilité de l'opération aux dispositions de la loi Malraux, ensuite parce que le premier acompte affecté aux travaux n'aurait jamais dû être débloqué par ses soins au profit de la société Sogecif puisque ces travaux n'avaient pas été votés par l'assemblée générale des copropriétaires. Dans ces conditions, il est particulièrement mal fondé à solliciter de la part d'Adomos une indemnisation pour procédure abusive et vexatoire » ;

ALORS QUE l'auteur d'un dommage peut appeler en garantie les coauteurs fautifs du même dommage, peu important que la victime n'ait pas formulé de demandes contre eux ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le notaire avait manqué à son devoir d'informer et d'éclairer les époux V... lors de la signature du contrat « d'abord parce qu'il n'a effectué aucun contrôle sur l'éligibilité de l'opération aux dispositions de la loi Malraux, ensuite parce que le premier acompte affecté aux travaux n'aurait jamais dû être débloqué par ses soins au profit de la société Financière Barbatre puisque ces travaux n'avaient pas été votés par l'assemblée générale des copropriétaires et qu'il n'a pas attiré l'attention des époux V... sur le danger de payer une somme aussi importante alors qu'ils ne disposaient d'aucun élément concernant l'étendue de l'exécution des travaux et risquaient de payer des travaux non exécutés » ; qu'il s'en évinçait que maître U... et la SCP de notaires ayant commis une faute ayant concouru à la réalisation des dommages que la société Adomos était condamnée à indemniser, cette dernière était bien fondée à agir en garantie contre eux ; qu'en écartant cependant ce recours au prétexte que la société Adomos avait commis « la faute originaire à l'origine du préjudice des époux V..., sachant qu'elle a en outre convaincu M. V... de libérer le second acompte alors qu'aucun des travaux prévus n'avait été réalisé » et qu'elle « ne saurait dès lors utilement invoquer la faute du notaire pour échapper à tout ou partie de sa responsabilité en faisant supporter par un tiers les condamnations mises à sa charge, lesquelles ne constituent pas un préjudice indemnisable », la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1213 du code civil dans leur version applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-17525
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 avr. 2019, pourvoi n°17-17525


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17525
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