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16/04/2019 | FRANCE | N°18-81295

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 avril 2019, 18-81295


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme L... U... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN- PROVENCE, 7e chambre, en date du 23 janvier 2018, qui, notamment pour mauvais traitement envers des animaux placés sous sa garde, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 euros d'amende et à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mars 2019 où étaient présents dans

la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, préside...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme L... U... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN- PROVENCE, 7e chambre, en date du 23 janvier 2018, qui, notamment pour mauvais traitement envers des animaux placés sous sa garde, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 euros d'amende et à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller Lavielle, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme L... U... a été poursuivie pour avoir, dans le cadre de son établissement d'élevage, commis des mauvais traitements sur des primates, les détenant dans des conditions inadaptées et insalubres, et ouvert cet établissement pour animaux non domestiques ainsi qu'une ferme pédagogique présentant au public des animaux non domestiques, sans avoir obtenu une autorisation préfectorale d'ouverture ; que le tribunal correctionnel l'a condamné de ces chefs et a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles de plusieurs associations de protection animale; que la prévenue, le ministère public et lesdites associations ont interjeté appel de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 410, 412, 503-1, 558, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré l'arrêt contradictoire à signifier à l'encontre de Mme L... U... ;

"aux motifs que la prévenue, citée à étude, est absente, il sera donc statué par arrêt contradictoire à signifier à son encontre ;

"1°) alors que l'huissier qui délivre une citation à la dernière adresse déclarée par le prévenu appelant, conformément à l'article 503-1 du code de procédure pénale, est tenu d'effectuer les diligences prévues par l'article 558, alinéas 2 et 4, dudit code, que l'intéressé demeure ou non à l'adresse dont il a fait le choix, cette citation étant réputée faite à personne ; que si l'huissier ne parvient pas à remettre l'acte à l'intéressé lui-même ou à une personne présente à l'adresse déclarée, il doit le signifier à son étude et accomplir les formalités de l'article 558, alinéas 2 et 4, du même code à l'adresse déclarée, qu'en l'absence de ces diligences, la citation n'est pas régulière et la cour d'appel n'est pas légalement saisie ; qu'en statuant par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Mme U... , motif pris de ce que celle-ci a été citée à étude, quand il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'huissier ait accompli les formalités de l'article 558, alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale à l'adresse déclarée, la cour d'appel, qui n'était pas légalement saisie, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

"2°) alors que selon l'article 503-1 du code de procédure pénale, le prévenu libre cité à la dernière adresse déclarée ne peut être jugé par arrêt contradictoire qu'en l'absence d'excuse reconnue valable ; qu'en statuant par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Mme U... , motif pris de ce que celle-ci a été citée à étude, sans jamais constater l'absence valable de non-comparution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en tout état de cause tout accusé doit pouvoir bénéficier du droit à se défendre lui-même ou avec l'assistance d'un défenseur de son choix ; que la cour d'appel s'est abstenue de communiquer à l'avocat de la prévenue un avis d'audience quand il ressort pourtant des pièces de la procédure d'une part que la juridiction d'appel a formellement été informée que la prévenue entendait être représentée par un avocat dont les coordonnées étaient connues, d'autre part que la prévenue n'a pas été touchée par la citation ce dont témoigne le procès-verbal de recherches infructueuses dressé le 20 juillet 2017, et enfin que l'avocat de la prévenue a expressément demandé à la juridiction d'appel que lui soit communiquée la date d'audience ; qu'en statuant néanmoins en l'absence de la prévenue et de son avocat par arrêt contradictoire à signifier, la cour d'appel a violé les droits de la défense" ;

Attendu que, pour qualifier son arrêt de contradictoire à signifier, la décision énonce que la prévenue citée à étude est absente, qu'il sera donc statué par arrêt contradictoire à signifier à son encontre ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors, d'une part, qu'il résulte des pièces de procédure que l'huissier, qui s'est transporté à l'adresse déclarée par l'avocat de la prévenue dans son acte d'appel et qui, n'y ayant trouvé personne, a déposé l'acte à l'étude, avant d'envoyer, à cette même adresse, la lettre recommandée prévue par l'article 558, alinéa 2, du code de procédure pénale, peu important que la prévenue n'ait pas signé l'avis de réception et d'autre part, que la prévenue n'a fait valoir aucune excuse à laquelle la cour aurait dû répondre et qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'imposait par ailleurs à la cour la délivrance d'un avis d'audience à son avocat, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-1, 131-27, 131-28, 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel d'Aix-en-provence a condamné la prévenue à la peine de six mois d'emprisonnement assortis de sursis, à une amende de 5 000 euros et à la peine complémentaire d'interdiction pendant cinq ans d'exercer toute activité, rémunérée ou bénévole, ayant permis la commission des infractions ;

"aux motifs que le bulletin numéro 1 du casier judiciaire de Mme U... porte trace d'une condamnation prononcée le 12 août 2016 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, s'agissant d'une interdiction de gérer, administrer, contrôler une entreprise commerciale, artisanale ou agricole et toute personne morale pendant douze ans ; qu'après les saisies effectuées en janvier 2013, les services préfectoraux ont pu constater que les animaux laissés à sa garde étaient dans le même état, certains même étant morts et retrouvés dans un congélateur ; que la peine doit prendre en compte la personnalité de la prévenue, la nature des faits qui lui sont reprochés et être en mesure de la dissuader de commettre de nouvelles infractions ; qu'au regard de ces paramètres, il convient de condamner Mme U... à la peine de six mois d'emprisonnement assortis de sursis et à une amende de cinq mille euros (5 000 euros) ; que la poursuite de cet objectif de prévention de toute récidive rend opportun le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction pendant cinq ans d'exercer une activité professionnelle ou sociale dont l'exercice procure des facilités pour commettre les infractions reprochées ;

"1°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que dès lors, en condamnant Mme U... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis en se bornant à évoquer des circonstances de fait et le rappel d'une condamnation intervenue en 2016, sans jamais s'expliquer sur la situation personnelle de la prévenue, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; que dès lors, en condamnant Mme U... à la peine d'amende de 5 000 euros en se bornant à évoquer des circonstances de fait et le rappel d'une condamnation intervenue en 2016, sans jamais s'expliquer sur la situation personnelle de la prévenue ni sur ses ressources et ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, et apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner Mme U... à la peine de cinq ans d'interdiction de toute activité professionnelle ou sociale dont l'exercice facilite la commission des infractions reprochées, que l'objectif de prévention de toute récidive rend opportun le prononcé d'une telle peine complémentaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Vu les articles 132-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ;

Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions déposées ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour prononcer à l'encontre de Mme U... les peines de six mois d'emprisonnement avec sursis, de 5 000 euros d'amende et d'interdiction d'exercer pendant cinq ans toute activité, rémunérée ou bénévole ayant permis la commission des infractions, l'arrêt retient que le bulletin numéro 1 du casier judiciaire de Mme U... porte trace d'une condamnation prononcée le 12 août 2016 et qu'après les saisies effectuées en janvier 2013, les services préfectoraux ont pu constater que les animaux laissés à sa garde étaient dans le même état, certains même étant morts et retrouvés dans un congélateur ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans dire quels éléments de personnalité elle a pris en considération, ni s'expliquer sur les ressources et charges de la prévenue, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée aux peines d'emprisonnement avec sursis, d'amende et d'interdiction d'activité rémunérée ou bénévole, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure et que la confiscation des animaux saisis et leur remise à une oeuvre de protection animale reconnue d'utilité publique n'a pas été critiquée ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 23 janvier 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines d'emprisonnement avec sursis, d'amende et d'interdiction d'activité rémunérée ou bénévole, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize avril deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81295
Date de la décision : 16/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 avr. 2019, pourvoi n°18-81295


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.81295
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