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23/01/2018 | FRANCE | N°16/05804

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 23 janvier 2018, 16/05804


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2018

L.V

N° 2018/













Rôle N° 16/05804







DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES REGION PACA





C/



SARL IMOD





















Grosse délivrée

le :

à :Me Beridot

Me Rousseau

















Décision défér

ée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 29 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01944.





APPELANTE



Madame LA DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES REGION PACA, [Adresse 1]



représentée par Me Marc BERIDOT de la SCP ROUSTAN BERIDOT, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2018

L.V

N° 2018/

Rôle N° 16/05804

DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES REGION PACA

C/

SARL IMOD

Grosse délivrée

le :

à :Me Beridot

Me Rousseau

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 29 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01944.

APPELANTE

Madame LA DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES REGION PACA, [Adresse 1]

représentée par Me Marc BERIDOT de la SCP ROUSTAN BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,plaidant

INTIMEE

SARL IMOD, société à responsabilité limitée, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me François MORAZIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2018,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SARL IMOD a acquis le 16 février 2006, un immeuble sis [Adresse 3], moyennant un prix de 4.000.000 €. Elle a été exonérée du paiement des droits d'enregistrement à taux plein et ne s'est acquittée de la taxe de publicité foncière qu'au taux de 0,70 % bénéficiant ainsi des dispositions de l'article 1115 du code général des impôts en application desquelles les acquisitions d'immeubles par des marchands de biens à cette date étaient exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prenait l'engagement de revendre dans un délai de quatre ans.

Le 16 septembre 2010, la Direction des finances publiques a adressé à la SARL IMOD une proposition de rectification du fait qu'elle n'avait pas vendu le bien acquis, à laquelle la société s'est opposée.

L'imposition a été recouvrée le 11 juillet 2011 pour un montant en droits de 175.000 € et, en pénalités de 107.100 €.

La SARL IMOD a adressé une réclamation à la Direction des finances publiques le 18 septembre 2012, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet.

Par acte d'huissier en date du 22 octobre 2014, la SARL IMOD a fait assigner le Directeur départemental des finances publiques de Marseille devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de la recevoir dans son opposition à l'avis de mise en recouvrement et, à titre principal, de prononcer la décharge de toutes les impositions, pénalités et intérêts de retard mis à sa charge.

Par jugement contradictoire en date du 29 février 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a:

- prononcé la décharge de la SARL IMOD des impositions, pénalités et intérêts de retard contenus dans la proposition de rectification n° 2120 du 16 septembre 2010,

- condamné la Direction générale des finances publiques à payer à la SARL IMOD la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que l'administration fiscale n'avait pas, durant la procédure d'imposition, correctement dénommé de façon précise et détaillée les impositions rectifiées et que la SARL IMOD ne pouvait, dans ces conditions, être valablement renseignée sur la nature de l'imposition réclamée par l'administration fiscale.

Par déclaration en date du 30 mars 2016, la Directrice régionale des finances publiques de la région PACA et des BOUCHES DU RHONE a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 mai 2016, la Directrice régionale des finances publiques de la région PACA et des BOUCHES DU RHONE demande à la cour de:

- réformer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 29 février 2016 par le tribunal de grande instance de Marseille,

- débouter la société IMOD de sa contestation de l'avis de mise en recouvrement du 11 juillet 2011 et de toutes ses autres demandes.

Elle rappelle que la jurisprudence est venue préciser l'étendue de l'obligation de motivation prévue à l'article L 57 du livre des procédures fiscales, que la notification de redressement doit mentionner l'ensemble des textes pertinents, à savoir ceux ayant un lien direct avec le redressement. Elle considère qu'au cas particulier, la proposition de rectification adressée à la SARL IMOD a été réalisée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue aux articles L 55 à L 61 du livre des procédures fiscales, qu'elle y a mentionné les articles du code général des impôts afférents aux rehaussements et les modalités d'application, ainsi que la nature et les motifs des rectifications, en précisant les bases imposables retenues pour la taxation, à savoir 4.000.000 €, ainsi que leur fondement légal.

Elle en conclut que la nature des différents droits rectifiés a été régulièrement mentionnée par l'administration du fait du non respect de l'engagement de revendre dans le délai maximum de quatre ans, les différentes impositions exigibles étant en outre visées.

Elle soutient que l'ensemble des textes et impositions est bien mentionné, de façon distincte et correcte, aussi bien dans la proposition de rectification que dans l'avis de mise en recouvrement, ce qui ne peut être source de confusion sur la nature de l'imposition litigieuse.

Elle ajoute que bien que les droits de mutation rappelés aient été qualifiés du terme générique 'droits d'enregistrement' au titre des conséquences financières, l'administration, en précisant la nature de chaque imposition, a régulièrement motivé son redressement, conformément aux dispositions légales et a permis au contribuable d'identifier, sans confusion possible, la nature de la rectification envisagée. Elle précise que les termes utilisés ' droits d'enregistrement' ne sauraient à eux seuls, fonder la prétendue irrégularité de la procédure, dès lors qu'il n'est pas contesté que les textes légaux fondant le redressement ont été cités et que les droits rappelés ont reçu les dénominations exigées par la loi.

La SARL IMOD, dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 29 juillet 2016, demande à la cour de:

- à titre principal et du fait des violations des dispositions de l'article L 57 du livre des procédures fiscales, confirmer la décharge de la SARL IMOD des impositions, pénalités et intérêts de retard contenus dans la proposition de rectification n° 2120 du 16 septembre 2010 prononcée par le tribunal de grande instance de Marseille dans son jugement du 29 février 2016,

- à titre subsidiaire, prononcer la décharge de la majoration prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts,

- mettre, à la charge de l'Etat, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 15.000 € qui sera éventuellement révisée en cours d'instance, au titre des frais irrépétibles.

Elle rappelle que la validité de la procédure est soumise à la désignation exacte des impôts et plus particulièrement à l'indication par l'administration, précisément et de manière non équivoque, de l'imposition due.

Elle soutient qu'en l'espèce la proposition de rectification qui lui a été adressée par l'administration fiscale n'est pas régulière aux motifs que:

- elle n'a jamais été en mesure de déterminer si la proposition de rectification querellée avait pour objet la taxe de publicité foncière, dès lors qu'elle n'a explicitement visé que les droits d'enregistrement,

- la simple mention de l'article 683 du code général des impôts ne permettait pas à elle seule de déterminer l'impôt dû, puisque cet article évoque à la fois la taxe de publicité foncière et le droit d'enregistrement,

- en visant indistinctement et de manière erronée les droits d'enregistrement, alors que des règles différentes s'appliquent à la taxe de publicité foncière et aux taxes annexes et que par ailleurs le fondement légal de ces impositions est différente, la motivation de la proposition de rectification querellée est insuffisante au regard de l'article 57 du livre des procédures fiscales.

En tout état de cause, elle demande à la cour d'écarter l'application de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts, dans la mesure où la déchéance du régime de faveur n'est pas de nature à entraîner l'application de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue par les dispositions de ce texte, la déchéance du régime de l'article 1115 du code général des impôts n'étant pas considérée comme entrant dans le champ d'application des sanctions fiscales au sens de l'article 1729 du code général des impôts.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 07 novembre 2017.

MOTIFS

Selon l'article L 57 alinéa 1du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

L'article R * 57-1 précise que la proposition de rectification prévue à l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

Une notification de redressement doit être considérée comme suffisamment motivée dès lors qu'elle indique clairement la nature des redressements envisagés, le montant de ces redressements distinctement par catégorie de revenus et par chef de redressement , l'impôt et l'année d'imposition, et que ces motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations.

Il est constant que le 16 septembre 2010, l'administration fiscale a adressé à la SARL IMOD une proposition de rectification fondée sur la déchéance du régime de faveur des marchands de biens pour absence de revente dans le délai légal.

Si en vis-à-vis de la rubrique générique ' Les rectifications proposées concernent les bases et/ ou impositions suivantes' , la case ' droits d'enregistrement ' a été cochée, avec la mention 'acte du 16/02/2006", la proposition de rectification mentionne, dans les pages qui suivent, les articles du code général des impôts afférents aux rehaussements et les modalités d'application. Elle expose clairement la nature et les motifs des rectifications, en indiquant les bases imposables retenues pour la taxation, à savoir 4.000.000 € ainsi que leur fondement légal.

Il est ainsi rappelé à la SARL IMOD qu'en réalisant son opération elle a bénéficié de l'exonération des droits d'enregistrement à taux plein sur l'acquisition réalisée, en versant seulement une taxe de publicité foncière au taux de 0,7 %, que conformément aux dispositions de l'article 1115 du code général des impôts instituant ce régime de faveur pour les marchands de biens, elle devait vendre le bien acquis avant le 16 février 2010, qu'à, ce jour ce terrain n'est pas vendu, entraînant conformément à l'article 1840 ter du code général des impôts, la déchéance dudit régime.

Il est ensuite, expliqué que cette déchéance entraîne l'exigibilité:

- du complément de taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement, perçu au profit du département dont le taux de droit commun est de 3,6 % conformément aux dispositions de l'article 1594 D du code général des impôts,

- d'une taxe additionnelle de 1,20 % perçue au profit de la commune en vertu des dispositions de l'article 1584 du code général des impôts,

- du prélèvement pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non valeurs de 2,50 % du montant de la taxe perçu au profit du département en application de l'article 1594 A du code général des impôts,

- d'une taxe au profit de l'Etat qui s'ajoute au droit départemental à compter du 01.01.2006 ( loi 2004-1455 du 30.12.2004, art 95).

Les articles du code général des impôts sont reproduits à chaque fois de manière littérale et les différents impôts exigibles sont ensuite récapitulés dans un tableau, reprenant, pour chacun, la base taxable, le taux d'imposition et le montant des droits, permettant ainsi au contribuable d'identifier, sans confusion possible, la nature du redressement envisagé.

Bien que les droits de mutation rappelés aient été qualifiés du terme générique de ' droits d'enregistrement' au titre des conséquences financières et s'agissant de taxes dues au titre des droits d'enregistrement de l'acte de vente, objet du redressement, il apparaît que l'administration a cependant clairement précisé dans sa proposition de rectification, la nature des quatre différentes impositions réclamées, ainsi que les textes légaux fondant le redressement, avec pour conséquence que les droits rappelés ont reçu les dénominations exigées par la loi.

La proposition de rectification du 16 septembre 2010 adressée à la SARL IMOD est donc correctement motivée au sens de l'article L 57 du livre des procédures fiscales et a permis au contribuable d'identifier la nature de la rectification envisagée, excluant tout risque de confusion sur les impositions concernées.

L'avis de mise en recouvrement n° 11 06 03135du 11 juillet 2011 fait référence à la proposition de rectification susvisée et à la nature exacte de l'impôt visé, la mention de la taxe de publicité foncière ainsi que des trois autres taxes perçues au profit du département et de la commune, apparaissant clairement.

C'est donc à tort que le tribunal a prononcé la décharge de la SARL IMOD des impositions, pénalités et intérêts de retard contenus dans la proposition de rectification n°2120 du 16 septembre 2010 et le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

L'intimée conclut subsidiairement à la décharge de la majoration prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

La proposition de rectification notifiée à la SARL IMOD ainsi que l'avis de mise en recouvrement du 11 juillet 2017 font en effet application de la majoration de 40% prévue par l'article 1729 susvisé, pour manquement délibéré.

Or, cet article ne visant que les insuffisances déclaratives, il ne peut concerner la situation de la SARL IMOD, l'article 1840 du code général des impôts ne prévoyant pas de déclaration préalable en cas de non respect par le contribuable de l'engagement de revente dans le délai de quatre ans qui lui est imparti.

La majoration de 40% pour manquement délibéré n'est donc pas applicable en cas de déchéance du régime de faveur institué par l'article 1115 du code général des impôts dont a bénéficié l'intimée et qui n'entre pas dans le champ des sanctions fiscales de l'article 1729, le législateur ayant expressément prévu qu'à défaut de revente dans le délai prévu, l'acquéreur était tenu de s'acquitter, sans déclaration préalable, du montant des impositions dont la perception a été différée.

En conséquence, il convient de prononcer la décharge de la majoration de 40% notifiée à la SARL IMOD et mise en recouvrement à tort à hauteur de 70.000 €.

L'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau:

Prononce la décharge de la majoration de 40% prévue à l'article 1729 du code général des impôts et mise en recouvrement à tort dans l'avis n° 11 06 03135 du 11 juillet 2011 pour un montant de 70.000 €,

Déboute la SARL IMOD de son opposition à l'avis de mise en recouvrement n° 11 06 03135 du 11 juillet 2011 pour le surplus des sommes y figurant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL IMOD aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/05804
Date de la décision : 23/01/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/05804 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-23;16.05804 ?
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