LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2017), que M. et Mme W... sont mariés sous le régime de la communauté légale ; que par acte du 6 octobre 2004, le comptable du service des impôts des 2e et 16e arrondissements de Marseille (le comptable public) leur a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur l'immeuble commun constituant leur domicile, et ce sur le fondement d'avis de mise en recouvrement notifiés à M. W... au titre de diverses impositions ; que par jugement du 18 mars 2010, la chambre des criées d'un tribunal de grande instance a fixé la date de vente sur adjudication, prorogé les effets du commandement de saisie et décidé que M. et Mme W... étaient irrecevables à contester la déclaration de subrogation du comptable public ; que la vente a été ensuite reportée à plusieurs reprises en raison de la contestation des titres exécutoires devant la juridiction administrative ; qu'à l'audience du 2 mai 2016, M. et Mme W... ont sollicité la mainlevée de la saisie immobilière en excipant notamment d'une déclaration d'insaisissabilité de leur immeuble d'habitation effectuée devant notaire le 16 novembre 2007 ; qu'un jugement du 6 juin 2016 a constaté l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité et a débouté les débiteurs de l'intégralité de leurs demandes ; qu'ils ont relevé appel de ce jugement ;
Attendu que M. et Mme W... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors selon le moyen :
1°/ qu'en jugeant que l'immeuble commun à Mme W... et M. W... pouvait faire l'objet d'une saisie au titre de dettes fiscales de M. W... sans même que les avis de mise en recouvrement dussent être notifiés à Mme W..., la cour d'appel a méconnu le droit de Mme W... au respect de ses biens et violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales ;
2°/ qu'en décidant, par application de l'article 1413 du code civil, que le fisc pouvait saisir l'immeuble commun à Mme W... et M. W..., lors-même qu'elle constatait que Mme W... n'était pas débitrice du fisc et que ce dernier reconnaissait que l'immeuble saisi constituait le logement des époux W..., de sorte qu'elle devait écarter le texte susmentionné et juger l'immeuble insaisissable, la cour d'appel a méconnu le droit de Mme W... au respect de ses biens et violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la possibilité de poursuivre, sur le fondement de l'article 1413 du code civil, le recouvrement de dettes fiscales nées du chef d'un époux pendant la communauté sur les biens mobiliers et immobiliers communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, et sauf la récompense due à la communauté, ne porte pas atteinte au respect de ses biens dont bénéficie toute personne en application de l'article 1er, § 1, du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucune charge spéciale et excessive n'en résultant pour le conjoint du débiteur ;
Que c'est dès lors sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a débouté M. et Mme W..., dont la juridiction administrative avait préalablement rejeté la demande contestant l'obligation de payer fondant le commandement à fin de saisie immobilière du 6 octobre 2004, de leur demande tendant à obtenir la mainlevée de la procédure de saisie immobilière ;
D'où il suit que le moyen, pris en ses deux premières branches, n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme W... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme W...
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté les époux W... de leurs demandes ;
aux motifs propres que « les époux W... soutiennent que le créancier poursuivant ne disposait pas d'un titre définitif de créance à l'égard des époux W..., qui aurait pu éviter l'application des dispositions de l'article R 532-5 du code des procédures civiles d'exécution ; mais que les créances du comptable des impôts de Marseille 5è et 6è arrondissements sont garanties par des hypothèques légales prises les 13 décembre 1996 et 17 novembre 1997 sur le fondement de l'article 1929 Ter du code général des impôts, de sorte que les dispositions des articles R 232-5 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas applicables ; [
] que les époux W... arguent ensuite de ce que les titres exécutoires n'ont pas été notifiés à Mme W... ; mais que les poursuites dans lesquelles est subrogé le comptable des impôts de Marseille 5è et 6è arrondissement portent sur un bien commun et conformément à l'article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit pendant la communauté peut toujours être poursuivi sur les biens communs, de sorte que les titres exécutoires notifiés à M. W... n'ont pas à l'être également à son épouse qui n'est concernée par les poursuites qu'en ce qu'elles s'exercent sur un bien commun ; que le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ces dispositions » ;
et aux motifs réputés adoptés que « M. et Mme W... font valoir que les titres exécutoires ayant servi de fondement aux hypothèques qui leur sont opposées n'auraient pas été définitifs au moment de l'inscription d'hypothèque en ce qu'ils n'auraient acquis leur caractère définitif que du fait des décisions de justice les entérinant. Il découle cependant des article L. 256 et L. 257 A du Livre des procédures fiscales que ce sont bien les mises en recouvrement qui constituent les titres exécutoires fondant l'inscription d'hypothèque légale qui elle découle des dispositions de l'article 1989 ter du code général des impôts. Ainsi les dispositions des articles R. 531-1 et suivants relatifs à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire préexistant à une action judiciaire en vue de l'obtention d'un titre exécutoire ne sont nullement applicables en l'espèce, de sorte qu'il n'a nullement été contrevenu à la loi. [
] L'article 1413 du code civil sur lequel le Trésor public fonde son action à l'encontre de Mme W... dispose que « Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. L'article R 256-2 du livre des procédures fiscales que lui opposent les époux W... prévoit que 5 sur 16 « Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard du débiteur tenu conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement à moins qu'ils n'aient la qualité de représentant ou d'ayant cause du contribuable, telle que mentionnée à l'article 1682 du code général des impôts. Or, il n'est pas contesté que Mme W... n'est pas débitrice du Trésor public et que le bien objet de la saisie est un bien commun aux époux. Dès lors, il est de jurisprudence constante qu'agissant sur un bien commun dont chacun des époux peut disposer seul, le créancier poursuivant n'était pas tenu de signifier l'acte de mise en recouvrement et l'inscription d'hypothèque légale à Mme W.... »
alors 1°/ qu'en jugeant que l'immeuble commun à madame W... et monsieur W... pouvait faire l'objet d'une saisie au titre de dettes fiscales de monsieur W... sans même que les avis de mise en recouvrement dussent être notifiés à madame W..., la cour d'appel a méconnu le droit de madame W... au respect de ses biens et violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article R 256-2 du livre des procédures fiscales ;
alors 2°/ qu'en décidant, par application de l'article 1413 du code civil, que le fisc pouvait saisir l'immeuble commun à madame W... et monsieur W..., lors-même qu'elle constatait que madame W... n'était pas débitrice du fisc et que ce dernier reconnaissait que l'immeuble saisi constituait le logement des époux W..., de sorte qu'elle devait écarter le texte susmentionné et juger l'immeuble insaisissable, la cour d'appel a méconnu le droit de madame W... au respect de ses biens et violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
alors 3°/ que pour décider que le fisc n'avait pas à respecter les dispositions de l'article R. 532-5 du code des procédures civiles d'exécution, les juges du fond ont retenu qu'il avait effectué ses inscriptions d'hypothèque en vertu de l'hypothèque légale que lui conférait l'article 1929 ter du code général des impôts ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'immeuble objet des poursuites (donc des inscriptions d'hypothèque) était commun à monsieur et madame W... et que cette dernière n'était pas débitrice du fisc, ce dont il résultait que le fisc ne pouvait se prévaloir de l'article 1929 ter du code général des impôts, la cour d'appel a violé ce texte et l'article R. 532-5 du code des procédures civiles d'exécution.