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11/04/2019 | FRANCE | N°17-21618

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 avril 2019, 17-21618


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Métairie de Beauregard (la SCI) a donné à bail deux bâtiments pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2005 à la société Auto sun 47 qui, après avoir sous-loué l'un des deux bâtiments à la société Alma automobiles pour la durée du bail restant à courir, a cédé son fonds

de commerce, comprenant le bail commercial, à la société Alliance Pujol 47 ; que cette dernièr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Métairie de Beauregard (la SCI) a donné à bail deux bâtiments pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2005 à la société Auto sun 47 qui, après avoir sous-loué l'un des deux bâtiments à la société Alma automobiles pour la durée du bail restant à courir, a cédé son fonds de commerce, comprenant le bail commercial, à la société Alliance Pujol 47 ; que cette dernière a sous-loué le second bâtiment à la société Etablissements Boudou, devenue CSD motors, pour la durée du bail restant à courir ; qu'une ordonnance de référé du 28 mars 2014 a condamné la société Alliance Pujol 47 à restituer sous astreinte les locaux à compter du 15 juillet 2014 ; qu'un juge de l'exécution a condamné cette société à payer une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte ;

Attendu que pour débouter la SCI de sa demande de liquidation de l'astreinte, l'arrêt retient que si elle est bien tenue au titre des deux sous-locataires, la société Alliance Pujol 47 s'est heurtée aux sorts des multiples procédures judiciaires engagées et au temps judiciaire et que, par suite, ayant respecté à titre personnel l'obligation qui lui a été faite et ayant dû s'acquitter bien au-delà de son départ de l'indemnité d'occupation mais s'étant heurtée aux positions juridiques des sous-locataires ainsi qu'aux pourparlers initiés entre la SCI et la société Alma automobiles ayant conduit à la signature d'un bail commercial, la société Alliance Pujol 47 a suffisamment démontré sa bonne foi et ne saurait se voir condamner à une astreinte ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever l'existence d'une cause étrangère susceptible de justifier le rejet de la demande de liquidation de l'astreinte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la SCI Métairie de Beauregard de sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du 28 mars 2014, l'arrêt rendu le 10 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Alliance Pujol 47 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCI Métairie de Beauregard la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Métairie de Beauregard.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Métairie de Beauregard de sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du 28 mars 2014 ;

AUX MOTIFS QUE « par ordonnance du 28 mars 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen notamment ordonnait l'expulsion de la Sas Alliance Pujol 47 tout en lui accordant un délai de grâce jusqu'au 15 juillet 2014 pour restituer les lieux, il prononçait par ailleurs pour veiller au respect de cette obligation une astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter du 15 juillet 2014, le jugement rendu le 25 novembre 2014 en confirmait les termes. La Sas Alliance Pujol 47 qui n'a pu quitter les lieux au 31 janvier 2014 en raison d'un retard de livraison de son nouveau bâtiment a finalement restitué les clefs le 30 mai 2014 en versant régulièrement jusqu'à la dite date l'indemnité d'occupation. Ainsi la Sas Alliance Pujol 47, qui avait jusqu'au 15 juillet 2014 pour libérer les lieux, a finalement restitué les clefs au 30 mai 2014, seuls les sous-locataires sont demeurés dans les lieux, la Sas Alma automobiles et la Sarl Cds Motors. Par jugement du 21 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Agen jugeait que la Sas Alma automobiles ne disposait pas d'un droit au bail direct à l'égard de la Sci Métairie de Beauregard, ordonnait son expulsion tout en lui accordant un délai de grâce pour quitter les lieux jusqu'au 15 février 2016 sous peine d'astreinte de 5.000 euros par jour de retard. Par un autre jugement du 21 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Agen statuait dans les mêmes termes à l'égard de la Sarl Cds Motors. La chronologie des faits démontre que la Sas Alliance Pujol a pour sa part quitté les lieux au 30 mai 2014, soit avant le terme du délai de grâce fixé au 15 juillet 2014 qui lui a été octroyé par l'ordonnance du 28 mars 2014. Le sort des deux sous-locataires ne s'est dénoué qu'à l'issu des jugements du 21 janvier 2016, en l'occurrence, la Sarl Cds Motors pour sa part quittait les lieux le 13 février 2016, d'autre part, la Sci Métairie de Beauregard signait le 12 février 2016 un bail commercial avec la Sas Alma automobiles pour une durée de 12 ans allant du 15 février 2016 au 14 février 2028, ce qui démontre bien comme l'indique la Sas Alliance Pujol 47 qu'il existait des pourparlers entre les deux sociétés qui ont conduit à la rédaction du bail, qu'à aucun moment la Sci Métairie de Beauregard n'a eu l'intention d'expulser la Sas Alma Automobile, qui ne craignait donc pas de rester dans les lieux. Quelles que soient les relations qui unissaient les uns et les autres, force est de constater que les circonstances de l'espèce pouvaient laisser penser aux sous-locataires qu'ils étaient fondés à se voir octroyer le bénéfice des dispositions de l'article 145-32 du Code de commerce sur le bail commercial direct. Dans ce contexte, la Sas Alliance Pujol 47 justifie avoir dès le 24 janvier 2014 fait délivrer à son sous-locataire, la Sas Alma automobiles, une sommation interpellative lui rappelant qu'elle devait quitter les lieux au plus tard le 31 janvier 2014. Le 30 janvier 2014, la Sas Alliance Pujol 47 assignait devant le juge des référés d'Agen la Sas Alma automobiles aux fins de voir ordonner son expulsion, de sorte que si la Sas Alliance Pujol 47 est bien tenue au titre des deux sous locataires, elle s'est heurtée aux sorts des multiples procédures judiciaires engagées et au temps judiciaire. Par suite, la Sas Alliance Pujol 47, qui a respecté à titre personnel l'obligation qui lui a été faite, mais qui s'est heurtée aux positions juridiques des sous-locataires, mais aussi aux pourparlers qui étaient initiés entre la Sci Métairie de Beauregard et la Sas Alma automobiles qui ont conduit à la signature d'un bail commercial le 12 février 2016, qui a dû s'acquitter bien au-delà de son départ de l'indemnité d'occupation, a suffisamment démontré sa bonne foi et ne saurait se voir condamner à une astreinte. En conséquence, il convient de débouter la Sci Métairie de Beauregard de toutes demandes à cet égard. »

1°) ALORS QUE l'astreinte provisoire ou définitive ne peut être supprimée en tout ou partie que s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; que la bonne foi de la personne soumise à l'injonction ne peut justifier la suppression de l'astreinte ; que, pour débouter la SCI Métairie de Beauregard de sa demande de liquidation d'astreinte, la cour d'appel a déduit de différents éléments que la société Alliance Pujol 47 « a suffisamment démontré sa bonne foi et ne saurait se voir condamner à une astreinte » ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provenait, en tout ou en partie, d'une cause étrangère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, le locataire doit répondre du fait du sous-locataire, lequel n'est pas un tiers à son égard ; qu'en retenant notamment, pour débouter la SCI Métairie de Beauregard de sa demande de liquidation d'astreinte, que la société Alliance Pujol 47 avait « respecté à titre personnel l'obligation qui lui a été faite, mais [s'était] heurtée aux positions juridiques des sous-locataires », lesquels étaient restés dans les lieux, cependant que la société Alliance Pujol 47 devait répondre du fait des sous-locataires qu'elle avait introduits dans les locaux loués, la cour d'appel a violé l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°) ALORS QUE, pour supprimer l'astreinte ou en limiter le montant, le juge ne peut prendre en compte des circonstances antérieures au prononcé du jugement fixant l'injonction ; que, pour débouter la SCI Métairie de Beauregard de sa demande de liquidation d'astreinte, la cour d'appel s'est notamment appuyée sur la circonstance que la société Alliance Pujol 47 avait, le 24 janvier 2014, fait délivrer une sommation à son sous-locataire, la société Alma automobiles, pour lui rappeler qu'il devait quitter les lieux au plus tard le 31 janvier 2014 puis avait, le 30 janvier 2014, assigné ce sous-locataire devant le juge des référés aux fins de voir ordonner son expulsion ; qu'en se fondant ainsi sur des faits antérieurs à l'ordonnance de référé du 28 mars 2014 ayant prononcé l'injonction de quitter les lieux assortie d'une astreinte – ordonnance qui avait de surcroît mis fin à l'instance de référé introduite le 30 janvier 2014 –, la cour d'appel a violé l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

4°) ALORS QUE la SCI Métairie de Beauregard faisait valoir qu'après l'ordonnance de référé du 28 mars 2014, qui avait prononcé l'injonction assortie d'une astreinte tout en mettant fin à l'instance de référé introduite par une assignation du 30 janvier 2014, la société Alliance Pujol 47 n'avait effectué aucune diligence pour obtenir le départ de ses deux sous-locataires et qu'elle n'avait agi que le 16 décembre 2014 à l'égard de la société Alma automobiles et le 17 décembre 2014 à l'égard de la société CSD motors ; qu'en conséquence, la SCI Métairie de Beauregard ne demandait la liquidation de l'astreinte que pour la période allant du 15 juillet au 17 décembre 2014, date à laquelle l'inaction de la société Alliance Pujol 47 avait pris fin (conclusions de la SCI Métairie de Beauregard, p.11 et 12) ; qu'en se fondant cependant, pour débouter la SCI Métairie de Beauregard de sa demande de liquidation d'astreinte, sur le fait que la société Alliance Pujol 47 s'était « heurtée aux sorts des multiples procédures judiciaires engagées et au temps judiciaire », sans constater qu'il existait une procédure judiciaire en cours durant la période du 15 juillet au 17 décembre 2014 pour laquelle la liquidation de l'astreinte était requise, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société Alliance Pujol 47 n'avait pas tardé à agir en attendant neuf mois avant de saisir le juge du fond d'une demande d'expulsion de ses sous-locataires après le prononcé de l'ordonnance fixant l'injonction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

5°) ALORS QUE, subsidiairement, pour débouter la SCI Métairie de Beauregard de sa demande de liquidation d'astreinte, la cour d'appel a pris en compte les diligences de la société Alliance Pujol 47 à l'égard de la société Alma automobiles, à savoir la sommation d'avoir à quitter les lieux délivrée le 24 janvier 2014 et l'assignation en référé du 30 janvier 2014 ; qu'en se fondant ainsi sur des diligences relatives à un seul des sous-locataires, sans constater que la société Alliance Pujol 47 avait tenté de libérer l'intégralité des locaux loués en effectuant également des démarches à l'égard du second sous-locataire, la société CSD motors, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-21618
Date de la décision : 11/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 10 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 avr. 2019, pourvoi n°17-21618


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21618
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