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10/04/2019 | FRANCE | N°18-16665

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2019, 18-16665


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1251-6, L. 1251-7 dans leur rédaction applicable au litige, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque

les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1251-6, L. 1251-7 dans leur rédaction applicable au litige, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. E... a été engagé par la société Vediorbis, entreprise de travail temporaire, aux droits de laquelle vient la société Randstad, dans le cadre de contrats de mission intérim ; qu'entre le 21 février 2005 et le 14 août 2009, il a notamment été mis à la disposition de la société Logidis comptoirs modernes ; qu'après avoir obtenu, par un jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 22 octobre 2013, la requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée et le versement de sommes en conséquence à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, il a, le 22 janvier 2014, saisi la juridiction prud'homale de demandes identiques à l'encontre de la société de travail temporaire ;

Attendu que, pour le débouter de ses prétentions, l'arrêt retient que le salarié a fait choix de solliciter, et a obtenu, la requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice par jugement devenu définitif, que les contrats de mission ayant ainsi déjà été requalifiés, la demande de requalification est dès lors sans objet ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la société de travail temporaire, qui avait conclu des contrats de mission afin de pourvoir à l'activité normale et permanente de l'entreprise, s'était placée hors du champ d'application du travail temporaire ce dont elle avait déduit que la requalification des contrats de travail intérimaire en contrat à durée indéterminée était possible, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. E... de sa demande de requalification de contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, de versement d'indemnité de requalification, de condamnations en conséquence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 10 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Randstad aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Randstad à payer à Me Balat la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. E....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N... E... de ses demandes dirigées contre la société Randstad ;

AUX MOTIFS QU' en concluant avec une entreprise utilisatrice, un contrat qui méconnaît les dispositions régissant le recours au travail temporaire, l'entreprise de travail intérimaire se place en dehors du champ d'application du travail intérimaire ; que la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, à la demande du salarié, est encourue lorsque le contrat de mission n'a pas été conclu dans le respect des conditions de forme imposées par les articles L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail, destinées à garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, ces conditions ayant le caractère d'une prescription d'ordre public, sans respecter le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 pour un motif rentrant dans le champ d'application de l'article L. 1251-37, et lorsque la succession d'un nombre important de missions sans interruption ou espacées d'un court laps de temps révèle l'existence d'un emploi durable, de sorte qu'un contrat de mission conclu pour le remplacement d'un salarié absent ne peut être immédiatement suivi d'un contrat de mission conclu pour un accroissement temporaire d'activité ; qu'il résulte des articles L. 1251-16, L. 1251-17 du code du travail, que le contrat de mission doit être établit par écrit comportant notamment la reproduction des clauses et mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l'article L. 1251-43, la qualification professionnelle du salarié, les modalités de rémunération y compris celles de l'indemnité de fin de mission et la durée de la période d'essai éventuellement prévue, et doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition ; que M. E... verse aux débats 149 contrats de mission ou avenants, dont certains ne comportent pas sa signature ; que si la signature du contrat écrit est imposée par les dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 1251-6 afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, pour autant il est établi que ces contrats de mission ont bien été transmis au salarié, et les bulletins de paye que M. E... verse aux débats démontrent que ces contrats de mission ont bien été exécutés, dans les conditions de temps fixées sans qu'il soit justifié que des observations quelconques n'aient été émises ; que dès lors ce grief ne peut justifier la requalification des contrats de mission ; que la cour constate que sur les 149 contrats de missions ou avenant versés aux débats par M. E..., 29 conclus entre le 21 février 2005 et le 3 août 2009 désignent la société Logidis comptoirs modernes comme entreprise utilisatrice, 118 conclus entre 2 mai 2006 et le 23 février 2009, désignent la société L.C.M. Epicerie située à la même adresse que la société Logidis comptoirs modernes comme entreprise utilisatrice, et enfin les contrats de mission conclus respectivement les 12 novembre 2008 et 22 juin 2009 désignent pour le premier la société FAFTT et pour le second la société Capsecur Conseil comme entreprise utilisatrice ; que sur les 29 contrats de mission mentionnant la société Logidis comptoirs modernes comme entreprise utilisatrice, 26 ont pour motif le remplacement d'un salarié absent, dont le nom est mentionné ainsi que la qualification de cariste , 2 ont pour motif le remplacement d'un salarié absent, Z
avec la mention « en poste en multizone », ce qui ne correspond pas à la qualification de ce salarié ; que le contrat de mission en date du 29 juin 2009 mentionne que le motif de recours est « lié à l'augmentation conséquente des volumes livrés due à l'activité saisonnière de certains de nos magasins en zone touristique mer et montagne », ce qui ne peut correspondre au motif d'un surcroît temporaire d'activité, le lieu de travail étant à Colomiers ; que concernant les 118 contrats de mission mentionnant la société L.C.M. Epicerie comme entreprise utilisatrice, 19 ont pour motif un surcroît temporaire d'activité, pour des durées ininterrompues cumulées parfois longues (du 10 octobre 2005 au 17 décembre 2005, du 1er octobre 2007 au 6 janvier 2008, du 9 mai 2008 au 27 septembre 2008, du 19 janvier 2009 au 16 mai 2009), suivies immédiatement d'un contrat de mission pour remplacer un salarié absent, 99 ont pour motif le remplacement d'un salarié absent, dont 4 ne précisent pas la qualification du salarié remplacé (cas de MM. S... : contrats des 1.10.06 et 25.09.06, C... : contrat du 8.05.2006, J...: contrat du 7.05.07), même s'il résulte d'autres contrats de mission que le salarié ainsi remplacé a la qualification de cariste ; qu'enfin les deux contrats de mission des 12 novembre 2008 et 22 juin 2009 comportent des motifs de recours (« montée en compétence chez notre client », « CIF ») non prévus par les articles L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail ; que la société Randstad, en concluant ainsi au cours de cette période de quatre années, à plusieurs reprises, des contrats de mission en violation des dispositions des articles L. 1251-16, L. 1251-17, L. 1251-6 et L. 1251-7, pour pourvoir en réalité à l'activité normale et permanente, de deux entreprises d'un même groupe, s'est placée hors champ d'application du travail temporaire, ce qui peut justifier qu'elle se trouve liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée ; que M. E... a fait choix de solliciter, et a obtenu, la requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice la société Logidis comptoirs modernes, par jugement devenu définitif du conseil de prud'hommes de Toulouse, en date du 20 octobre 2013 ; que les contrats de mission ayant ainsi déjà été requalifiés, la demande de requalification est dès lors sans objet ; que les demandes indemnitaires de M. E... étant toutes fondées sur la requalification des contrats de mission, la décision des premiers juges qui l'a débouté de ses demandes sera confirmée par substitution de motifs ;

ALORS QU' un salarié peut solliciter la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée en dirigeant son action à la fois contre l'entreprise de travail intérimaire et contre l'entreprise utilisatrice ; que cette action peut être exercée simultanément ou concurremment à l'encontre de ces deux entreprises ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que « M. E... a fait choix de solliciter, et a obtenu, la requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice la société Logidis comptoirs modernes, par jugement devenu définitif du conseil de prud'hommes de Toulouse, en date du 20 octobre 2013 », la cour d'appel a considéré que « les contrats de mission ayant ainsi déjà été requalifiés, la demande de requalification est dès lors sans objet » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 6) ; qu'en statuant ainsi, cependant que les actions en requalification du contrat de travail peuvent être exercées concurremment à l'encontre de l'entreprise utilisatrice et à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, de sorte que M. E... pouvait formuler sa demande de requalification à l'encontre de la société de travail temporaire Randstad après l'avoir dirigée contre l'entreprise utilisatrice Logidis comptoirs modernes, la cour d'appel violé les articles L. 1251-6, L. 1251-7, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16665
Date de la décision : 10/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 10 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2019, pourvoi n°18-16665


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16665
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