LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions (Paris, 23 mai 2017), que la société CeramTec, propriétaire de marques de l'Union européenne désignant des composants céramiques destinés à la fabrication de prothèses, a assigné la société C5 Medical Werks LLC (la société C5) devant le tribunal de grande instance de Paris, saisi en tant que tribunal des marques de l'Union européenne (le tribunal de Paris), en contrefaçon de ces marques ; que la société C5 a parallèlement saisi la division d'annulation de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur, devenu l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (l'EUIPO), de demandes de nullité de ces marques ; que la division d'annulation a suspendu ces procédures en l'attente des conclusions d'expertises ordonnées par une juridiction allemande dans le cadre d'instances opposant, à raison de faits similaires, la société CeramTec à la société C5 ainsi qu'à une société tierce au présent litige ; que la société C5 a ensuite formé devant le tribunal de Paris des demandes reconventionnelles en nullité des marques invoquées au soutien de l'action en contrefaçon et a retiré les demandes formées devant l'EUIPO ; que la société CeramTec a contesté les décisions de la division d'annulation constatant ce retrait et demandé au juge de la mise en état du tribunal de Paris de surseoir à statuer, à tout le moins sur la demande reconventionnelle, jusqu'à décisions définitives statuant sur ses recours ; que ces demandes ont été rejetées par ordonnance du 22 septembre 2016 ; que la chambre de recours de l'EUIPO l'ayant déclarée irrecevable en ses recours formés contre les décisions de la division d'annulation, la société CeramTec s'est pourvue devant le Tribunal de l'Union européenne, qui a rejeté ses recours par arrêt du 3 mai 2018 ; qu'elle a formé devant la Cour de justice de l'Union européenne un pourvoi ; la cour d'appel a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 22 septembre 2016 ;
Attendu que la société CeramTec fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes de sursis à statuer alors, selon le moyen, que si le règlement n° 207/2009 prévoit que le tribunal saisi d'une demande reconventionnelle en nullité d'une marque de l'Union européenne sursoit à statuer, conformément à l'article 104, paragraphe 1, jusqu'à ce que la demande en nullité introduite antérieurement devant l'EUIPO ait été retirée, encore faut-il qu'un tel retrait ait été valablement effectué et qu'il ait acquis un caractère définitif ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que les demandes en nullité présentées par la société C5 devant l'EUIPO ont fait l'objet d'un retrait le 7 avril 2016 et que les recours de la société CeramTec contre les trois décisions de la division d'annulation de l'Office en date du 21 avril 2016 clôturant la procédure ont été déclarés irrecevables par trois décisions de la chambre de recours de l'Office du 15 février 2017, la cour d'appel en a déduit que la demande de sursis à statuer présentée à titre principal sur le fondement de l'article 104, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne, serait "devenue sans objet du fait du retrait des demandes en nullités et de la clôture de la procédure devant l'EUIPO" ; que dans ses conclusions d'appel en date du 13 mars 2017, la société CeramTec faisait valoir que les décisions rendues par la chambre de recours de l'EUIPO le 15 février 2017 n'étaient pas définitives et qu'elle allait former des recours à leur encontre ; qu'en refusant de prononcer le sursis à statuer, sans constater que ces trois décisions seraient devenues définitives, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir, en violation de l'article 104, paragraphe 1er, du règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne (devenu l'article 132, paragraphe 1er, du règlement (UE) n° 2017/1001), ainsi que de l'article 100, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009, dans sa rédaction telle qu'issue du règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 (devenu l'article 128, paragraphe 4, du règlement (UE) n° 2017/1001 ;
Mais attendu que par ordonnance rendue le 15 janvier 2019, la Cour de justice de l'Union européenne a rejeté le pourvoi de la société CeramTec ; que le moyen est, dès lors, devenu sans objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CeramTec GmbH aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société C5 Medical Werks LLC la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société CeramTec GmbH
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 22 septembre 2016 en toutes ses dispositions, débouté la société CeramTec GmbH de l'ensemble de ses demandes de sursis à statuer présentées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire ;
AUX MOTIFS QUE « la société CeramTec GmbH demande à titre principal le sursis à statuer sur le fondement des dispositions de l'article 104.1 du règlement (CE) 207/2009 dans l'attente des procédures en nullité initiées par la société C5 Medical Werks LLC devant l'OEB [sic] ; qu'elle soutient que les nouvelles dispositions du règlement (UE) 2015/2424 entré en vigueur le 23 mars 2016 ne seraient pas applicables puisque les demandes en nullité ont été introduites par la société C5 Medical Werks LLC avant son entrée en vigueur et qu'il s'agit d'une règle de fond et non pas seulement procédurale ; qu'elle fait valoir que l'obligation de surseoir à statuer lorsque l'Office est saisi en premier lieu d'une demande en nullité d'une marque de l'Union européenne est impérative et que ce n'est qu'à titre exceptionnel que le juge national peut décider que le débat sur la validité de la marque se poursuive devant lui lorsqu'il existe des raisons particulières ; qu'elle expose que les procédures en annulation sont toujours pendantes devant l'Office dans la mesure où si la société C5 Medical Werks LLC a procédé unilatéralement au retrait de ses demandes en nullité le 07 avril 2016, elle-même a formé le 19 mai 2016 des recours en annulation des décisions de l'Office lui notifiant ces retraits ; qu'elle fait encore valoir que l'ancienneté du litige n'est pas une raison particulière justifiant la poursuite du débat sur la nullité des marques devant le tribunal et que ce débat doit uniquement être poursuivi devant l'Office compte tenu du comportement abusif de la société C5 Medical Werks LLC ; que la société C5 Medical Werks LLC réplique que la demande de sursis à statuer est sans objet puisqu'elle a retiré ses demandes en nullité devant l'Office le 07 avril 2016 et que la Chambre des recours de l'Office a rendu le 15 février 2017 des décisions déclarant ces recours irrecevables de telle sorte que la demande de sursis à statuer n'a plus d'objet ni de fondement ; qu'elle fait valoir que l'article 100.4 du règlement tel que modifié prévoit que le sursis à statuer prévu par l'article 104.1 cesse lorsque la demande en nullité est retirée et qu'il s'agit d'une règle de procédure applicable en l'espèce ; qu'elle conteste tout comportement abusif de sa part, le retrait étant un choix qui appartient au seul demandeur en nullité et que dans la mesure où la demande en nullité peut être retirée à tout moment avant une décision, un tel retrait ne peut être tardif ; qu'elle ajoute qu'il existe bien des raisons particulières de poursuivre la procédure dans la mesure où elle est défenderesse à l'action en contrefaçon et ne peut bénéficier d'aucune mesure provisoire lui permettant l'accès à un marché dont l'appelante l'exclut depuis plus de trois ans sur la base de marques nulles portant sur la couleur d'un matériau céramique qui est dans le domaine public depuis l'expiration des brevets de l'appelante sur ce matériau céramique ; que ceci exposé, l'article 104.1 du règlement intitulé « Règles spécifiques en matière de connexité » est ainsi rédigé :
« 1. Sauf s'il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques communautaires saisi d'une action visée à l'article 96, à l'exception d'une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l'une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque communautaire est déjà contestée devant un autre tribunal des marques communautaires par une demande reconventionnelle ou qu'une demande en déchéance ou en nullité a déjà été introduite auprès de l'Office. » ;
que l'article 100.4 de ce règlement intitulé « Demande reconventionnelle »
a été modifié par le règlement (UE) 2015/2424 ainsi qu'il suit :
« 4. Le tribunal des marques de l'Union européenne devant lequel une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité de la marque de l'Union européenne a été introduite ne procède pas à l'examen de cette demande reconventionnelle tant que la date à laquelle celle-ci a été introduite n'a pas été communiquée à l'Office par la partie intéressée ou par le tribunal. L'Office inscrit cette information au registre. Si une demande en déchéance ou en nullité de la marque de l'Union européenne a déjà été introduite auprès de l'Office avant le dépôt de la demande reconventionnelle précitée, le tribunal en est informé par l'Office et sursoit à statuer conformément à l'article 104, paragraphe 1, jusqu'à ce que la décision concernant cette demande soit définitive ou que la demande soit retirée. » ;
que le nouvel article 100.4 du règlement est entré en vigueur le 23 mars 2016 en application des dispositions de l'article 4 du règlement (UE)
105/2424, qu'il s'agit bien d'une règle de procédure d'application immédiate selon laquelle la décision de sursis à statuer prévue par l'article 104.1 du règlement cesse dès lors que la demande en nullité de la marque de l'Union européenne a été retirée ; que l'article 100.4 est bien applicable en l'espèce puisque le tribunal de grande instance de Paris, en sa qualité de tribunal des marques de l'Union européenne, saisi à titre principal d'une action en contrefaçon de trois marques de l'Union européenne dont la société CeramTec GmbH est titulaire, est saisi d'une demande reconventionnelle en nullité de ces marques ; qu'en l'espèce les demandes en nullité présentées par la société C5 Medical Werks LLC devant l'Office ont fait l'objet d'un retrait le 07 avril 2016 et que les recours de la société CeramTec GmbH contre les trois décisions de la division d'annulation de l'Office en date du 21 avril 2016 clôturant la procédure ont été déclarés irrecevables par trois décisions de la Chambre de recours de l'EUIPO rendues le 15 février 2017 (pièces 148 à 150 de l'intimée) ; que dès lors que la demande de sursis à statuer présentée à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article 104.1 du règlement est devenue sans objet du fait du retrait des demandes en nullités et de la clôture de la procédure devant l'EUIPO » ;
ALORS QUE si le règlement n° 207/2009 prévoit que le tribunal saisi d'une demande reconventionnelle en nullité d'une marque de l'Union européenne sursoit à statuer, conformément à l'article 104, paragraphe 1, jusqu'à ce que la demande en nullité introduite antérieurement devant l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ait été retirée, encore faut-il qu'un tel retrait ait été valablement effectué et qu'il ait acquis un caractère définitif ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que les demandes en nullité présentées par la société C5 Medical Werks LLC devant l'EUIPO ont fait l'objet d'un retrait le 7 avril 2016 et que les recours de la société CeramTec GmbH contre les trois décisions de la division d'annulation de l'Office en date du 21 avril 2016 clôturant la procédure ont été déclarés irrecevables par trois décisions de la chambre de recours de l'Office du 15 février 2017, la cour d'appel en a déduit que la demande de sursis à statuer présentée à titre principal sur le fondement de l'article 104, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne, serait «devenue sans objet du fait du retrait des demandes en nullités et de la clôture de la procédure devant l'EUIPO » ; que dans ses conclusions d'appel en date du 13 mars 2017, la société CeramTec GmbH faisait valoir que les décisions rendues par la chambre de recours de l'EUIPO le 15 février 2017 n'étaient pas définitives et qu'elle allait former des recours à leur encontre (conclusions d'appel, p. 9 §. 3.12 ; p. 28, §. 3) ; qu'en refusant de prononcer le sursis à statuer, sans constater que ces trois décisions seraient devenues définitives, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir, en violation de l'article 104, paragraphe 1er, du règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne (devenu l'article 132, paragraphe 1er, du règlement (UE) n° 2017/1001), ainsi que de l'article 100, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009, dans sa rédaction telle qu'issue du règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 (devenu l'article 128, paragraphe 4 du règlement (UE) n° 2017/1001).