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10/04/2019 | FRANCE | N°17-24772

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2019, 17-24772


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S... a été engagé, le 17 septembre 2007, par la société Pony, aux droits de laquelle se trouve la société Rives P..., en qualité de chef d'agence ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 23 septembre 2013 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen, en sa première branche, ne tend

qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des documen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S... a été engagé, le 17 septembre 2007, par la société Pony, aux droits de laquelle se trouve la société Rives P..., en qualité de chef d'agence ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 23 septembre 2013 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen, en sa première branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des documents produits par le salarié dont elle a, sans faire peser la charge de la preuve sur ce dernier, estimé qu'ils ne suffisaient pas à étayer sa demande ; que le rejet de la première branche du premier moyen rend sans portée le moyen pris en sa seconde branche en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir condamner l'employeur à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, après avoir énoncé que « les missions de chef d'agence telles que définies par le contrat de travail de M. S... étaient notamment les suivantes : - responsabilité d'exploitation : veiller au maintien en bon état du parc de véhicules, - responsabilités technico-commerciales : assurer le suivi client et les visites techniques en étroit lien avec sa direction et selon ses consignes et faire remonter auprès de sa direction toutes les informations inhérentes à la qualité du service, - responsabilité de gestion et d'animation : établir le tableau de bord du service de l'exploitation une fois par semaine, fournir tous les éléments constitutifs de la paie pour le 30 de chaque mois, valider l'exactitude de la facturation, assurer la gestion et l'animation du personnel », l'arrêt retient que « M. S... avait en charge, ainsi qu'il a été mentionné plus haut, le suivi client et le suivi de la facturation », que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques réalisés par M. F... sur une période de plusieurs mois met en évidence le fait que M. S... n'a pas assuré la mission de vérification qui lui incombait et que cette carence dans le suivi clientèle et le suivi facturation est à elle seule constitutive d'une faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail stipulait que M. S... devait « valider l'exactitude de la facturation en rapprochant pour chaque opération, le prix de vente de la prestation effectuée avec le coût des moyens techniques et humains mis en oeuvre », ce dont il résultait que M. S... ne devait vérifier que la rentabilité des opérations et nullement le suivi de la facturation et, donc, l'encaissement réel des factures, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que M. S... avait en charge le suivi client et le suivi de la facturation, que cette mission est établie par les termes des courriels adressés à M. S... par Mme X..., son contact au service comptabilité, que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques réalisés par M. F... sur une période de plusieurs mois met en évidence le fait que M. S... n'a pas assuré la mission de vérification qui lui incombait et que cette carence dans le suivi clientèle et le suivi facturation est à elle seule constitutive d'une faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand dans les courriels adressés à M. S..., Mme X... se bornait à lui demander, à l'instar de cinq autres salariés, de lui envoyer les factures afin qu'elle commence le contrôle des comptes, la cour d'appel a violé à nouveau le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que la charge de la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer et n'a pas à prouver que les faits qui lui sont reprochés sont imputables à d'autres ; que l'employeur, tout en reconnaissant que M. S... était chargé d'enregistrer les chèques sur le logiciel de suivi en acompte ou en solde, en faire une photocopie pour le dossier papier, les adresser par courrier au service comptabilité de Toulouse où ils étaient enregistrés et remis en banque, affirmait que M. S... n'avait opéré strictement aucun contrôle puisque pour de nombreux dossiers soit les chèques d'acompte n'y figuraient pas, soit les chèques de solde de règlement de la prestation étaient absents ; que M. S..., quant à lui, contestait ces affirmations et faisait valoir qu'à aucun moment il ne lui avait été demandé d'assurer le suivi et le contrôle de M. F..., ce dernier étant directement supervisé par M. P..., qu'il avait parfaitement rempli les obligations qui étaient les siennes, - à savoir enregistrer les chèques sur le logiciel de suivi en acompte ou en solde, en faire une photocopie pour le dossier papier, les adresser par courrier au service comptabilité de Toulouse où ils étaient enregistrés et remis en banque -, que les chèques étaient confiés à M. F... pour qu'il les envoie par courrier au service comptabilité de Toulouse, que c'est lors de cette phase de traitement que M. F... procédait au détournement des chèques, c'est-à-dire après la dernière intervention de M. S..., qu'à aucun moment, le service comptabilité de Toulouse n'a effectué de rapprochements entre les saisies informatiques de M. S... et les encaissements réels et que lorsque les faits ont été mis à jour, la vérification dans les dossiers ayant fait l'objet de détournement a permis de se rendre compte qu'ils étaient complets, en ce compris la photocopie des chèques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en se bornant à entériner les affirmations de l'employeur, la cour d'appel a fait peser sur M. S... la charge de la preuve de ce qu'il avait respecté la procédure de traitement des dossiers, de ce que les dossiers étaient complets et de ce que les faits qui lui étaient reprochés étaient imputables à d'autres, en violation des articles 1315 ancien (devenu 1353) du code civil et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, alors applicables ;

4°/ que les juges du fond doivent indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant que les autres griefs sont également établis par les documents produits par l'employeur, sans indiquer sur quels éléments elle se fondait pour étayer cette affirmation, la cour d'appel a manqué aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la faute grave privative du préavis s'apprécie in concreto au regard des seuls motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'elle suppose que les faits retenus à l'encontre du salarié soient imputables à une volonté délibérée de sa part de se soustraire à ses obligations contractuelles ou à tout le moins à une mauvaise volonté délibérée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui ne s'est pas interrogée sur l'ancienneté, qualité de travail et attitude du salarié pendant toute la durée de la collaboration et n'a pas caractérisé la volonté délibérée du salarié de se soustraire à ses obligations contractuelles ou à tout le moins sa mauvaise volonté délibérée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, alors applicable ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, sans dénaturation, que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques commis par un salarié de l'entreprise, se trouvant sous la responsabilité de M. S..., avaient mis en évidence que ce dernier, qui était en charge du suivi clientèle et du suivi facturation, n'avait pas rempli sa mission de vérification pendant plusieurs mois, a pu décider, sans faire peser la charge de la preuve sur l'intéressé et nonobstant son ancienneté dans la société et l'absence d'incidents antérieurs, que ces manquements, qui rendaient impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise, constituaient une faute grave ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche en ce qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1315, devenu 1353 du code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation au titre du dépassement des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, l'arrêt retient que l'intéressé ne prend pas en considération dans ses explications les principes liés à l'application dans l'entreprise de la modulation trimestrielle du temps de travail, et qu'il ne produit aucun élément précis relatif aux horaires d'embauche et de départ ou à l'amplitude horaire travaillée à laquelle il fait allusion ;

Attendu cependant que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur justifiait avoir satisfait à ses obligations, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. S... de sa demande de dommages-intérêts pour le non-respect des durées maximales de travail, l'arrêt rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Rives P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Rives P... à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. S....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté M. S... de sa demande tendant à voir condamner la société Rives G... Pony à lui payer les sommes de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait d'un temps de travail effectué et non rémunéré, de 17 700 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié aux dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE l'article L. 3171-4 du code du travail dispose : « En cas de litige relatif l'existence et au nombre et d'heures accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l ‘appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; que, ainsi, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'apporter ses propres éléments ; que les documents établis par le salarié lui-même et qui ne sont corroborés par aucun autre élément extérieur ne sont pas de nature à étayer suffisamment sa demande ; que seules les heures supplémentaires accomplies à la demande ou pour le compte de l'employeur, ou au moins avec son accord implicite, donnent lieu à rémunération ; que l'article 6 du contrat de travail de M. S... stipule que le salarié percevra une rémunération brute de 2.200 euros pour 174 heures par mois ; qu'un avenant n° 1 du 1er janvier 2008 ramène la durée mensuelle de travail de M. S... à 169 heures pour une rémunération inchangée ; qu'un avenant n° 2 du 1er novembre 2010 porte sa rémunération brute à la somme de 2 350 euros pour 169 heures par mois ; que, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, M. S... ne produit aucun élément ; qu'il ne présente pas de relevé des horaires précis auxquels il se serait conformé et se déclare en difficulté pour calculer les heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées ; que c'est ainsi qu'il présente une demande en dommages et intérêts et non une demande en rappel de salaires ; qu'il procède par estimation à hauteur de 80 heures supplémentaires par mois mais sans les étayer dans les faits, alors que la société Pony établit de son côté que, après consultation du comité d'entreprise le 19 décembre 2008, la société Pony a mis en oeuvre l'accord cadre du 23 août 2000 relatif au temps de travail dans les entreprises de transport de déménagement ainsi que le décret du 4 janvier 2007 relatif au temps de travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, lesquels organisent la modulation trimestrielle du temps de travail ; que, dès lors, M. S... ne peut procéder à une comparaison sur les seuls mois de juin et juillet 2013 entre son bulletin de salaire et le relevé d'heures produit par l'employeur, sans étendre son analyse à la totalité du trimestre concerné ; que le conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de 21 500 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société Pony au paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé puisqu'il n'est pas établi que celle-ci n'aurait pas réglé M. S... de la totalité de ses heures travaillées ; que M. S... présente une demande nouvelle en appel en indemnisation du préjudice résultant du défaut de respect par l'employeur de la législation sur le temps de travail ; que, toutefois, M. S... ne prend pas en considération dans ses explications les principes liés à l'application dans l'entreprise de la modulation trimestrielle du temps de travail, outre qu'il ne produit aucun élément précis relatif aux horaires d'embauche et de départ ou à l'amplitude horaire travaillée à laquelle il fait allusion ; que sa demande à ce titre sera rejetée.

1°) ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; que pour débouter le salarié de sa demande, l'arrêt retient, d'une part, que M. S... procède par estimation à hauteur de 80 heures supplémentaires par mois mais sans les étayer dans les faits, alors que la société Pony établit de son côté avoir mis en oeuvre l'accord cadre du 23 août 2000 relatif au temps de travail dans les entreprises de transport de déménagement ainsi que le décret du 4 janvier 2007 relatif au temps de travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, lesquels organisent la modulation trimestrielle du temps de travail et, d'autre part, que M. S... ne produit aucun élément précis relatif aux horaires d'embauche et de départ ou à l'amplitude horaire travaillée à laquelle il fait allusion ; qu'en statuant ainsi alors pourtant que, d'une part, le salarié, réputé s'être approprié les motifs des premiers juges, faisait valoir avoir effectué, pendant les périodes de modulation, des heures au-delà de la limite supérieure hebdomadaire prévue par l'accord-cadre du 23 août 20 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport de déménagement et fixée à 39 heures et, par conséquent, que ces heures constituaient des heures supplémentaires et, d'autre part, que dans ses conclusions d'appel, le salarié étayait sa demande par un décompte des heures supplémentaires par lui accomplies non seulement trimestre par trimestre mais aussi semaine par semaine, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

2°) ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la société Pony n'aurait pas réglé le salarié de la totalité de ses heures travaillées ; que la cassation qui interviendra sur la première branche du moyen s'étendra donc à cette disposition de l'arrêt et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté M. S... de sa demande tendant à voir condamner la société Rives G... Pony à lui payer les sommes de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié aux dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE M. S... présente une demande nouvelle en appel en indemnisation du préjudice résultant du défaut de respect par l'employeur de la législation sur le temps de travail ; que, toutefois, M. S... ne prend pas en considération dans ses explications les principes liés à l'application dans l'entreprise de la modulation trimestrielle du temps de travail, outre qu'il ne produit aucun élément précis relatif aux horaires d'embauche et de départ ou à l'amplitude horaire travaillée à laquelle il fait allusion ; que sa demande à ce titre sera rejetée.

1°) ALORS QUE la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; que pour débouter le salarié de sa demande en indemnisation au titre du dépassement des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, l'arrêt retient que le salarié ne prend pas en considération dans ses explications les principes liés à l'application dans l'entreprise de la modulation trimestrielle du temps de travail, outre qu'il ne produit aucun élément précis relatif aux horaires d'embauche et de départ ou à l'amplitude horaire travaillée à laquelle il fait allusion ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 du code civil.

2°) ALORS QUE (subsidiairement) la cassation qui interviendra sur le fondement de la première branche du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fait peser la charge de la preuve des heures de travail effectuées sur le salarié, entraînera nécessairement, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en indemnisation du préjudice résultant du défaut de respect par l'employeur de la législation sur le temps de travail en application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir condamner la société Rives G... Pony à lui payer les sommes de 4 700,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 470 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, de 4 053,75 € à titre d'indemnité de licenciement, de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le salarié aux dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QU'en vertu des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, en cas de litige relatif au licenciement, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, étant précisé que l'employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que le doute qui subsiste profite au salarié ; que la faute grave, qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, prive celui-ci de son droit à préavis, ce en application de l'alinéa 1 de l'article L. 1234-1 du même code ; que, lorsqu'aucune vérification n'est nécessaire, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a connaissance des faits qu'il allègue ; que la lettre recommandée avec accusé de réception qui notifie le 23 septembre 2013 son licenciement à M. S... vise expressément plusieurs griefs, ainsi énoncés : « De façon plus précise nous vous reprochons des négligences professionnelles fautives : - Ainsi en est-il de votre absence totale de contrôle, de vérification et de gestion de l'activité des chargés d'affaires et notamment de Monsieur Y... F..., puisque vous auriez dû être amené à constater de la part de ce collaborateur la violation de toutes les procédures instituées au sein de notre société pour l'administration des déménagements et notamment des déménagements de particuliers. Il est particulièrement impossible qu'ait pu échapper à votre vigilance le fait que les dossiers constitués sur les commandes des particuliers étaient dépourvus des chèques d'acompte avant toute exécution. Vous n'avez manifestement procédé à aucun contrôle de ces dossiers en violation de vos obligations, puisque ces prestations ont été exécutées sans pour autant que les chèques d'acompte aient été perçus par nos services. Cette responsabilité vous incombait directement, indépendamment du système frauduleux mis en place par ce collaborateur. Votre vigilance aurait donc dû permettre de déceler ces anomalies graves, ce qui nous aurait permis notamment de mettre un terme aux agissements délictuels de ce collaborateur. Tel n'a pas été le cas et ce, en raison de votre négligence fautive recelant une absence totale de surveillance. (
) Plusieurs autres séries de négligences fautives traduisant le non-respect de vos obligations élémentaires ont été mises en lumière et notamment : - L'absence d'établissement des factures concernant plusieurs opérations de déménagement qui n'ont jamais été établies sur vos instructions alors que ces opérations ont été réalisées entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet 2013, ce qui n'est pas admissible, révèle que les paiements, selon les procédures instituées n'ont pas été sollicités ni même suivis, avec des conséquences préjudiciables évidentes pour notre société. (
) - Au mépris des procédures instituées en ce sens, vous avez affecté un collaborateur sur une activité sans procéder à sa déclaration sur le système d'information de l'entreprise, privant ainsi celle-ci des informations essentielles devant permettre d'établir notamment les éléments de paie relatifs à ce collaborateur. Pour précision, il s'agit de Monsieur N.... (
) En matière de gestion et de suivi de clientèle, plusieurs séries de négligences fautives ont tout autant été relevées et caractérisées, à savoir : - En dépit de réclamations réitérées du client Distritec sur la facturation reçue, réclamations réitérées notamment des 11 et 16 juillet 2013, vous n'avez pas estimé devoir apporter la moindre réponse, alors que celle-ci vous incombait, obligeant ce client à porter sa réclamation au siège de notre structure. Ici encore, votre négligence fautive est en cause avec les conséquences dommageables en termes d'organisation et financières pour notre société. - Vous vous êtes dispensé de traiter l'interface comptable du mois de juin 2013 dans les mêmes délais que l'entreprise et n'y avez procédé que le 25 juillet suivant, manifestant ainsi une négligence supplémentaire incompatible avec vos fonctions. (
) Les négligences observées dans le suivi et le contrôle de la conformité réglementaire du matériel utilisé par les équipes : - Nous vous avons sollicité afin que vous établissiez un rapport sur le suivi et la gestion du matériel mis à disposition des équipes, lequel a révélé, sans susciter la moindre réaction de votre part, que la date de validité du contrôle de hayon élévateur était dépassée alors pourtant que ces matériels étaient utilisés et en exploitation, plaçant ainsi notre société en situation d'illégalité et l'exposant à un risque majeur de mise en cause de sa responsabilité juridique et financière en cas d'accident du travail notamment. Cette négligence fautive ne peut non plus être toléré dès lors qu'elle est très un impératif de sécurité élémentaire » ; que la cour relève que les missions de chef d'agence telles que définies par le contrat de travail de M S... étaient notamment les suivantes : - responsabilité d'exploitation : veiller au maintien en bon état du parc de véhicules, - responsabilités technico-commerciales : assurer le suivi client et les visites techniques en étroit lien avec sa direction et selon ses consignes et faire remonter auprès de sa direction toutes les informations inhérentes à la qualité du service, - responsabilité de gestion et d'animation : établir le tableau de bord du service de l'exploitation une fois par semaine, fournir tous les éléments constitutifs de la paie pour le 30 de chaque mois, valider l'exactitude de la facturation, assurer la gestion et l'animation du personnel ; qu'il est rappelé que, d'une manière générale, M. S... devra rendre compte de son activité à la direction générale de l'entreprise ; que la cour observe également que le salarié avait d'ores et déjà, avant d'être promu chef d'agence à Bordeaux, une connaissance des procédures interne aux agences de la société Pony puisqu'il était auparavant, du 1er août 1998 au 18 octobre 2007, technico-commercial au sein de l'agence Pony de Tours (Indre et Loire) ; que l'examen des pièces produites par la société appelante établit la réalité des faits d'abus de confiance pour lesquels M. F... a fait l'objet d'une condamnation prononcée le 19 décembre 2013 par le tribunal correctionnel de Bordeaux ; que les termes du jugement pénal, ainsi que le relevé des paiements détournés par le salarié établissent que les faits ont duré six mois, du 2 janvier au 30 juin 2013 ; que M. F... était technico-commercial sous la responsabilité de M. S... qui avait en charge, ainsi qu'il a été mentionné plus haut, le suivi client et le suivi de la facturation ; que cette mission est d'ailleurs également établie par les tenues des courriels adressés à M. S... par Mme X..., son contact au service comptabilité ; qu'il apparaît que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques réalisés par M. F... sur une période de plusieurs mois met en évidence le fait que son chef d'agence n'a pas assuré la mission de vérification qui lui incombait, ce également pendant une période de plusieurs mois, ce qui rend inopérant le moyen tiré par le salarié de ce que le déménagement de l'agence en avril 2013 puis à nouveau en juillet 2013 a compliqué sa tâche, étant au surplus observé que l'intimé ne produit aucun élément de nature à démontrer ses difficultés tel que des messages d'alerte à sa hiérarchie ; que cette carence dans le suivi clientèle et le suivi facturation est à elle seule, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs d'ailleurs également établis par les documents produits par l'appelante, constitutive d'une faute grave justifiant le licenciement de M. S... ; que le conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement litigieux était dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Pony au paiement de diverses sommes à ce titre.

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, après avoir énoncé que « les missions de chef d'agence telles que définies par le contrat de travail de M S... étaient notamment les suivantes : - responsabilité d'exploitation : veiller au maintien en bon état du parc de véhicules, - responsabilités technico-commerciales : assurer le suivi client et les visites techniques en étroit lien avec sa direction et selon ses consignes et faire remonter auprès de sa direction toutes les informations inhérentes à la qualité du service, - responsabilité de gestion et d'animation : établir le tableau de bord du service de l'exploitation une fois par semaine, fournir tous les éléments constitutifs de la paie pour le 30 de chaque mois, valider l'exactitude de la facturation, assurer la gestion et l'animation du personnel », l'arrêt retient que « M. S... avait en charge, ainsi qu'il a été mentionné plus haut, le suivi client et le suivi de la facturation », que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques réalisés par M. F... sur une période de plusieurs mois met en évidence le fait que M. S... n'a pas assuré la mission de vérification qui lui incombait et que cette carence dans le suivi clientèle et le suivi facturation est à elle seule constitutive d'une faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail stipulait que M. S... devait « valider l'exactitude de la facturation en rapprochant pour chaque opération, le prix de vente de la prestation effectuée avec le coût des moyens techniques et humains mis en oeuvre », ce dont il résultait que M. S... ne devait vérifier que la rentabilité des opérations et nullement le suivi de la facturation et, donc, l'encaissement réel des factures, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve ; que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que M. S... avait en charge le suivi client et le suivi de la facturation, que cette mission est établie par les termes des courriels adressés à M. S... par Mme X..., son contact au service comptabilité, que la fréquence et l'ampleur des détournements de chèques réalisés par M. F... sur une période de plusieurs mois met en évidence le fait que M. S... n'a pas assuré la mission de vérification qui lui incombait et que cette carence dans le suivi clientèle et le suivi facturation est à elle seule constitutive d'une faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand dans les courriels adressés à M. S..., Mme X... se bornait à lui demander, à l'instar de cinq autres salariés, de lui envoyer les factures afin qu'elle commence le contrôle les comptes, la cour d'appel a violé à nouveau le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

3°) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer et n'a pas à prouver que les faits qui lui sont reprochés sont imputables à d'autres ; que l'employeur, tout en reconnaissant que M. S... était chargé d'enregistrer les chèques sur le logiciel de suivi en acompte ou en solde, en faire une photocopie pour le dossier papier, les adresser par courrier au service comptabilité de Toulouse où ils étaient enregistrés et remis en banque, affirmait que M. S... n'avait opéré strictement aucun contrôle puisque pour des nombreux dossiers soit les chèques d'acompte n'y figuraient pas, soit les chèques de solde de règlement de la prestation étaient absents ; que M. S..., quant à lui, contestait ces affirmations et faisait valoir qu'à aucun moment il ne lui avait été demandé d'assurer le suivi et le contrôle de M. F..., ce dernier étant directement supervisé par M. P..., qu'il avait parfaitement rempli les obligations qui étaient les siennes, - à savoir enregistrer les chèques sur le logiciel de suivi en acompte ou en solde, en faire une photocopie pour le dossier papier, les adresser par courrier au service comptabilité de Toulouse où ils étaient enregistrés et remis en banque -, que les chèques étaient confiés à M. F... pour qu'il les envoie par courrier au service comptabilité de Toulouse, que c'est lors de cette phase de traitement que M. F... procédait au détournement des chèques, c'est-à-dire après la dernière intervention de M. S..., qu'à aucun moment, le service comptabilité de Toulouse n'a effectué de rapprochements entre les saisies informatiques de M. S... et les encaissements réels et que lorsque les faits ont été mis à jour, la vérification dans les dossiers ayant fait l'objet de détournement a permis de se rendre compte qu'ils étaient complets, en ce compris la photocopie des chèques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en se bornant à entériner les affirmations de l'employeur, la cour d'appel a fait peser sur M. S... la charge de la preuve de ce qu'il avait respecté la procédure de traitement des dossiers, de ce que les dossiers étaient complets et de ce que les faits qui lui étaient reprochés étaient imputables à d'autres, en violation des articles 1315 ancien (devenu 1353) du code civil et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, alors applicable.

4°) ALORS QUE les juges du fond doivent indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en affirmant que les autres griefs sont également établis par les documents produits par l'employeur, sans indiquer sur quels éléments elle se fondait pour étayer cette affirmation, la cour d'appel a manqué aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.la cour d'appel.

5°) ALORS QUE la faute grave privative du préavis s'apprécie in concreto au regard des seuls motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'elle suppose que les faits retenus à l'encontre du salarié soient imputables à une volonté délibérée de sa part de se soustraire à ses obligations contractuelles ou à tout le moins à une mauvaise volonté délibérée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui ne s'est pas interrogée sur l'ancienneté, qualité de travail et attitude du salarié pendant toute la durée de la collaboration et n'a pas caractérisé la volonté délibérée du salarié de se soustraire à ses obligations contractuelles ou à tout le moins sa mauvaise volonté délibérée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-24772
Date de la décision : 10/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2019, pourvoi n°17-24772


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.24772
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