LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 1er février 2017), que, suivant offre de prêt acceptée le 8 avril 2012, la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin (la banque) a consenti à M. Y... et à Mme Q... deux prêts immobiliers qui ont été garantis par la société Compagnie européenne de garantie et de cautions (la société) ; que, le 25 septembre 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme pour chacun des deux prêts et appelé en garantie la société ; que, se prévalant de la subrogation dans les droits de la banque, la société a assigné M. Y... en paiement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 128 063,61 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat par lequel un tiers s'engage envers un établissement prêteur à garantir la défaillance de l'emprunteur, en contrepartie du versement de primes par le prêteur, constitue une assurance-crédit, et non un cautionnement ; qu'en jugeant que M. Y... était mal fondé à se prévaloir d'une requalification du contrat de cautionnement en assurance-crédit, tout en constatant l'absence de rapport contractuel entre M. Y..., emprunteur, et la société garante, et le fait que cette dernière était rémunérée par la banque prêteuse, quand le caractère unilatéral du contrat cautionnement excluait que la caution fût rémunérée par le créancier, la cour d'appel a violé l'article 2388 du code civil ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la subrogation conventionnelle de la société dans les droits de la banque prêteuse, quand aucune des deux parties ne discutait d'un tel moyen, les demandes de la société étant fondées sur les seuls articles 2305 et 2306 du code civil, propres aux recours de la caution, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la subrogation légale de droit commun de la société dans les droits de la banque prêteuse, quand aucune des deux parties n'avait invoqué un tel moyen, les demandes de la société étant fondées sur les seuls articles 2305 et 2306 du code civil, propres aux recours de la caution, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que la subrogation légale de l'assureur crédit dans les droits du prêteur relève d'un texte spécial, l'article 22 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, dérogatoire au droit commun de la subrogation légale ; qu'en jugeant que la société était fondée à se prévaloir de la subrogation légale de droit commun, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972 ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résulte de l'offre de prêt acceptée que, si la société a fourni sa garantie, sous forme de caution SACCEF à la banque moyennant le versement de « primes » ou de « commissions », dont la société a, de manière apparente et conforme aux exigences du code de la consommation, répercuté le coût sur chacun des deux prêts accordés, il n'en est, pour autant, résulté aucun rapport contractuel entre les coemprunteurs et la société ; qu'il énonce que la société qui, en sa qualité de caution, a payé à la banque le montant des prêts, dispose d'un recours personnel contre M. Y... et se trouve subrogée dans tous les droits qu'avait la banque contre ce dernier, pris en sa qualité de codébiteur principal solidaire ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, a exactement déduit que M. Y... n'était pas en droit de solliciter, à l'égard de la société, une disqualification du contrat de cautionnement en contrat d'assurance-crédit ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 128 063,61 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte du dossier, et notamment de l'article 14 de l'offre de prêt acceptée, que, si la CEGC a fourni sa garantie, sous forme d'une "caution SACCEF", à la banque moyennant le versement de "primes", ou de "commissions" (cf. piéce de M. KEAY n° 7), dont cette dernière a, de manière apparente et conforme aux exigences du code de la consommation, répercuté le coût sur chacun des deux prêts accordés à M. KEAY et Mme Q..., il n'en est, pour autant, résulté aucun rapport contractuel entre ces coemprunteurs et l'organisme de garantie et de caution, de sorte que M. KEAY se trouve mal fondé à invoquer, à son égard, un prétendu "contrat sui generis" ou une "convention de crédit par signature", ni à solliciter, à l'endroit de la CEGC, une disqualification du contrat de cautionnement en contrat d'assurance-crédit ; qu'aux termes de ses écritures, la CEGC entend exercer à l'encontre de M. KEAY un recours tant personnel que subrogatoire sur le fondement des articles 2305 et 2306 du code civil ; d'une part, qu'au titre du premier de ces textes, la CEGC qui a, en sa qualité de caution, payé les sommes de 78 132,62 euros et de 49 930,99 euros à la banque, a son recours personnel contre M. KEAY, pris en sa qualité de codébiteur principal solidaire ; que ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais, la caution n'ayant néanmoins de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle ; qu'en l'espèce, alors même que la CEGC ne saurait utilement invoquer son propre décompte de sommes dues au 31 octobre 2014, adressé à M. KEAY par lettre recommandée avec avis de réception du même jour (cf sa piéce n° 8), il ressort, au contraire, des documents extrinsèques, qu'elle n'a versé à la banque, par deux virements du 29 octobre 2014, en remboursement des deux prêts dont elle s'était portée caution, que la somme totale de 128 063,61 enfin correspondant, à hauteur des sommes de 78 132,62 euros et de 49 930,99 euros, au capital restant dû pour chacun d'eux au 24 septembre 2014 (cf pièces de la CEGC re 6 et 7) ; que, dès lors, faute d'établir qu'elle aurait exposé des frais postérieurs à la dénonciation faite le 31 octobre 2014 à M. KEAY des poursuites dirigées contre elle, la CEGC ne peut, par son recours personnel fondé sur l'article 2305 du code civil, que réclamer le paiement par M. KEAY de la somme précitée de 123 063,61 euros, sans préjudice des intérêts qui ont couru de plein droit au taux légal à compter de la date des virements effectués au profit de la banque ; d'autre part, qu'en application de l'article 2306 du code civil, la CEGC qui, en sa qualité de caution, a payé la dette de M. KEAY, est subrogée à tous les droits qu'avait la banque créancière contre ce débiteur solidaire ; que la CEGC est donc également bien fondée à exercer, à due concurrence, un recours subrogatoire à l'encontre de M. KEAY au vu de la quittance subrogative du 31 octobre 2014 par laquelle la banque reconnaît avoir reçu d'elle, prise en sa qualité de caution solidaire, la somme globale de 123 063,61 euros au titre du remboursement des deux prêts (v. pièce 10) ; qu'au surplus, il convient de relever le caractère inopérant de l'ensemble de l'argumentation de M KEAY, dès lors que, quelle que puisse être la qualification juridique de l'acte d'engagement de la CEGC, les dispositions de l'article 1250, 1° du code civil, alors en vigueur et depuis lors recodifiées à l'article 1346-1 de ce code, prévoient que la banque, créancière de M. KEAY, qui recevait son payement d'une tierce personne telle que la CEGC, avait, comme elle l'a fait, la faculté de la subroger conventionnellement, de manière expresse, en même temps que le payement, dans ses droits, actions, privilèges et hypothèques contre ce débiteur ; qu'il sera encore surabondamment observé qu'aux termes de l'actuel article 1346 du code civil, la subrogation légale a dorénavant lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y avant un intérêt légitime, paie, dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser ta charge définitive de tout eu partie de la dette ; que la CEGC est donc bien fondée, par son recours tant personnel que subrogatoire, à solliciter la condamnation de M. KEAY au paiement des sommes effectivement versées à la banque ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur les demandes dirigées contre Mr B... KEAY, la SACCEF verse aux débats à l'appui de ses demandes les pièces suivantes : - contrats de crédit, - lettres de mise en demeure, - tableau d'amortissement, - décompte détaillé des sommes réclamées, - les déclarations de créance, - quittance subrogative ; que le recours exercé par la SACCEF est un recours subrogatoire prévu par l'article 2306 du code civil ; que ce recours suppose le paiement préalable de la caution et ne peut être exercé pour une somme supérieure à celle réglée par celle-ci sauf la possibilité de solliciter paiement des intérêts moratoires au taux légal sur la somme payée au créancier ; qu'au vu de la quittance subrogative établie le 31 octobre 2014 ,la SACCEF a réglé la somme de 128 063,61 €, soit la somme de 78 132,62 € pour le premier prêt et celle de 49 930,99 € pour le second prêt ; qu'elle sollicite dans son assignation, paiement de la somme de 137 135,95 € selon décompte établi à la date du 5 novembre 2014 ; qu'elle inclut dans sa demande notamment des intérêts contractuels qu'elle n'a pas payés et des indemnités de résiliation non réglées au créancier ; qu'au vu des pièces justificatives produites, sa demande en paiement est justifiée à concurrence de la somme réglée par ses soins soit 128 063,61 € outre les intérêts au taux légal à compter du paiement, soit le 31 octobre 2014 ; qu'en conséquence, B... KEAY sera condamné à payer à la SACCEF la somme de 128 063,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014 ;
1° ALORS QUE le contrat par lequel un tiers s'engage envers un établissement prêteur à garantir la défaillance de l'emprunteur, en contrepartie du versement de primes par le prêteur, constitue une assurance-crédit, et non un cautionnement ; qu'en jugeant que M. Y... était mal fondé à se prévaloir d'une requalification du contrat de cautionnement en assurance-crédit, tout en constatant l'absence de rapport contractuel entre M. Y..., emprunteur, et la CEGC, société garante, et le fait que cette dernière était rémunérée par la banque prêteuse, quand le caractère unilatéral du contrat cautionnement excluait que la caution fût rémunérée par le créancier, la cour d'appel a violé l'article 2388 du code civil ;
2° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la subrogation conventionnelle de la CEGC dans les droits de la banque prêteuse, quand aucune des deux parties ne discutait d'un tel moyen, les demandes de la CEGC étant fondées sur les seuls articles 2305 et 2306 du code civil, propres aux recours de la caution, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la subrogation légale de droit commun de la CEGC dans les droits de la banque prêteuse, quand aucune des deux parties n'avait invoqué un tel moyen, les demandes de la CEGC étant fondées sur les seuls articles 2305 et 2306 du code civil, propres aux recours de la caution, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4° ALORS QUE la subrogation légale de l'assureur crédit dans les droits du prêteur relève d'un texte spécial, l'article 22 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, dérogatoire au droit commun de la subrogation légale ; qu'en jugeant que la CEGC était fondée à se prévaloir de la subrogation légale de droit commun, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à la Compagnie Européenne de Garantie et Cautions la somme de 128 063,61 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il sera néanmoins rappelé que la subrogation est à la mesure du paiement et que le subrogé ne peut prétendre, en outre, qu'aux intérêts au taux légal produits par la dette qu'il a acquittée, lesquels courent de plein droit à compter du paiement ; que, dès lors, comme l'a exactement jugé le tribunal, et contrairement à ce que soutient la CEGC par son appel incident, celle-ci n'est pas en droit de demander le paiement d'intérêts aux taux contractuels, avec anatocisme, ni d'indemnités de résiliation des prêts, qu'elle n'a pas payés et pour lesquels la banque – qui conserve encore ses droits à les recouvrer contre le débiteur – n'est donc pas subrogée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'au vu des pièces justificatives produites, sa demande en paiement est justifiée à concurrence de la somme réglée par ses soins soit 128 063,61 € outre les intérêts au taux légal à compter du paiement, soit le 31 octobre 2014 ; qu'en conséquence, B... KEAY sera condamné à payer à la SACCEF la somme de 128 063,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014 ;
ALORS QUE les intérêts au taux légal ne sont dus au subrogé qu'à compter de la mise en demeure du débiteur ; qu'en jugeant que les intérêts au taux légal couraient, au bénéfice de la CEGC, « de plein droit à compter du paiement », la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.