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04/04/2019 | FRANCE | N°18-10047

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2019, 18-10047


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, le premier rendu applicable au régime spécial des personnels de la SNCF par l'article 11 du chapitre 12 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du premier, la juridi

ction de sécurité sociale est tenue de recueillir préalablement l'avis d'un c...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, le premier rendu applicable au régime spécial des personnels de la SNCF par l'article 11 du chapitre 12 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du premier, la juridiction de sécurité sociale est tenue de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que G... T..., qui avait exercé des fonctions d'agent de conduite à la SNCF de 1966 à 1989, est décédé le [...] des suites d'un carcinome bronchique ; que son épouse a sollicité la prise en charge de cette affection au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles ; que la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF(la caisse) ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel de cette affection, en l'absence d'exposition à un risque d'inhalation de poussières d'amiante, elle a saisi d'un recours un tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a invité la caisse à saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) par application de l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour dire que la maladie dont est décédé G... T... doit être prise en charge au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles, et condamner à caisse à verser à Mme T..., son ayant droit, les prestations correspondantes, l'arrêt retient que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne s'impose à la juridiction saisie du litige que lorsque celui-ci porte sur une difficulté d'ordre médical, et non lorsqu'il porte sur une difficulté administrative ou juridique ; qu'il est constant que la SNCF a utilisé dans les années d'activité de M. T... de l'amiante de façon particulièrement abondante dans la composition du matériel utilisé par les salariés ; que le salarié a travaillé comme conducteur de locomotive sur des machines dont il n'est pas contesté que les garnitures de frein, notamment, dégageaient des poussières d'amiante qu'il inhalait nécessairement, et ceci durant une période de 23 années, et qu'il ya donc lieu de faire droit aux prétentions de Mme T... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la maladie ne remplissait pas les conditions d'un tableau de maladies professionnelles, la cour d'appel, qui ne pouvait se prononcer sur l'origine professionnelle de la maladie invoquée sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui avait été saisi par la caisse sur l' invitation des premiers juges, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme T... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 janvier 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale en ce qu'il avait dit que G... T... (†) remplissait les conditions administratives du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, que la maladie dont il est décédé devait être prise en charge par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et que ladite Caisse devait verser à Mme T..., ayant-droit, les prestations correspondantes,

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau ; qu'en application de l'al. 3 de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladie professionnelle peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; qu'en vertu de l'al. 4 du même article, peut-être, également, reconnue d'origine professionnelle, une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau de maladie professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % ; qu'en l'espèce, la pathologie dont est atteint G... T... est inscrite au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles relatif au cancer bronchopulmonaire, comme le souligne très clairement le docteur S... qui a diagnostiqué « un carcinome bronchique lobaire supérieur droit associé à des métastases hépatiques » ; que ni le délai de prise en charge ni la durée d'exposition ne sont contestés ; que seule soulève difficulté, la condition tenant à la liste limitative des travaux fixée au tableau n° 30 bis puisqu'elle ne comprend pas l'activité d'agent de conduite ; que les parties s'accordent sur ce point ; que d'ailleurs, il faut souligner l'autorité de chose jugée attachée aux jugements des 12 septembre 2013 et 17 septembre 2015 lesquels sont définitifs à ce jour ; que le jugement du 12 septembre 2013 a jugé que l'activité exercée par G... T... n'entrait pas dans le cadre de la liste limitative des travaux énumérés par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et a ordonné la transmission du dossier à un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles. Le jugement du 17 septembre 2015 a rejeté la demande de Mme T... quant à la désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et cette décision fait obstacle à ce que soit ordonnée une nouvelle consultation ; que, dès lors, il convient de statuer au fond ; qu'il est constant que les conditions d'application de la présomption légale simple d'origine professionnelle fixées à l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, à savoir l'exposition habituelle à l'agent nocif en exécution des travaux spécifiés aux tableaux, ne sont pas réunies ; que la jurisprudence fait peser la charge de la preuve sur l'assuré qui doit établir qu'il a été occupé à des travaux l'exposant aux risques visés dans le tableau des maladies professionnelles et que l'exposition aux risques présentait un caractère habituel ; que G... T... a travaillé à la SNCF du 1er juillet 1966 au 18 mars 1989 en qualité d'agent de conduite ; qu'il est décédé d'un cancer bronchopulmonaire ; que Mme T... soutient que son mari était exposé à l'inhalation de poussières d'amiante au cours de son activité professionnelle ; qu'en l'espèce, et selon l'avis du comité de reconnaissance des maladies professionnelles de Marseille, « la profession exercée est celle d'agent de l'infrastructure à partir de 1957, conducteur de 1966 jusqu'en 1989 date de sa retraite. L'ingénieur-conseil en matière de prévention des risques professionnels affirme que l'activité d'agent infrastructure de janvier 1959 à mars 1965 n'a pas exposé à des matériaux contenant de l'amiante. L'exposition à l'amiante lors de l'activité de conduite de locomotives à vapeur possible jusqu'en 1975 n'est pas documentée. De 1976 à 1989, aucune information ne permet de suspecter une exposition à l'amiante. L'intéressé a présenté un carcinome bronchique lobaire supérieur droit avec métastases hépatiques, sous cutanées et osseuses responsable du décès. Les facteurs de risque extraprofessionnels de carcinome bronchique ne sont pas connus. La seule constatation d'actions de conduite d'engins moteurs BB 4200 et BB 4700 pour lesquelles l'amiante pouvait être utilisée pour l'isolation électrique ou dans la composition de semelles de freins ne constitue pas une preuve d'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante dans la cabine de conduite. Aucune mesure d'empoussièrement à l'amiante n'est produite par l'ayant droit de l'assuré ni par son conseil. L'activité de conducteur de locomotive n'est pas connue comme à risque d'exposition aux poussières d'amiante. Compte tenu de l'absence d'éléments de preuve d'une exposition directe à des fibres d'amiante volatiles susceptibles d'être inhalées, le comité ne retient pas un lien direct et certain entre la pathologie décrite et la profession exercée » ; que Mme T... conteste les conclusions du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles en fournissant, notamment, plusieurs attestations d'anciens collègues de travail de son époux ; que M. U... A... atteste que de 1969 à 1989, il a travaillé avec G... T... utilisant des engins moteurs type BB 1500, 4100, 4200 dans lesquels l'amiante était abondant notamment sur l'appareillage électrique ; que le témoin indique bénéficier d'un suivi post-professionnel suite à l'utilisation de ces engins moteurs ; que M. P... D... indique avoir travaillé avec G... T... et avoir utilisé les locomotives électriques de première génération (BB 4100, 4200, 4600 et 4700) dans lesquelles l'amiante était particulièrement utilisé ; que M. W... Q... précise qu'ayant exercé les fonctions d'agent de conduite de 1962 à 1989, il est reconnu par la SNCF comme ayant été exposé aux poussières d'amiante ; que M. W... X... indique avoir travaillé avec G... T... de 1966 à 1986 dans la fonction d'agent de conduite et précise avoir utilisé des engins moteurs séries BB 4100, 4200, 4600 et 4700 dites ex- midi dans lesquels l'amiante était présent dans l'appareillage électrique ; que dans une seconde attestation, il précise avoir été affecté avec G... T..., et durant plusieurs années, à la conduite des trains désherbeurs des voies qui étaient tractés exclusivement par des locomotives diesel série BB 63500 dans lesquelles l'amiante était présent non seulement dans les moteurs mais également dans les cabines de conduite, dans les isolants des appareils de commande ainsi que dans les aérothermes de chauffage de cabine, et de conclure que tous les personnels de conduite ont été exposés aux poussières de l'amiante en précisant bénéficier à ce titre d'un suivi postprofessionnel ; que M. P... O... atteste avoir travaillé en compagnie de G... T... sur les locomotives électriques où l'amiante était fortement utilisé comme isolant ainsi que dans la composition des semelles de frein ; que les puissants ventilateurs contribuaient à soulever toute la poussière dans les locomotives ; que le témoin précise être soumis à un suivi sur les risques de l'amiante par la caisse de prévoyance ; qu'enfin, M. E... X... indique avoir côtoyé G... T... pendant de nombreuses années dans le cadre de ses activités professionnelles ; qu'il précise que les locomotives électriques avaient des isolants à base d'amiante ; que la ventilation des moteurs s'effectuait par des ventilateurs avoisinant tout l'appareillage électrique, cette situation provoquant des mouvements d'air entraînant toutes sortes de particules qui étaient respirées lors des changements de poste de conduite ; que ce témoin, également, indique être suivi médicalement à titre post-professionnel ; qu'il a déjà été indiqué ci-dessus qu'aux termes de l'article L. 461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, lorsque l'une des conditions mentionnées au tableau de maladies professionnelles fait défaut, la maladie telle qu'elle est désignée dans ce tableau peut, néanmoins, être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causé par le travail habituel du salarié, le texte n'exigeant pas toutefois que le travail habituel soit la cause unique et essentielle de maladie ; que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne s'impose à la juridiction saisie du litige que lorsque celui-ci porte sur une difficulté d'ordre médical ; que tel n'est plus le cas lorsque le litige porte sur une difficulté administrative ou juridique ; qu'en l'espèce, il est constant que la SNCF a utilisé dans les années d'activité de G... T..., de l'amiante de façon particulièrement abondante dans la composition du matériel utilisé par les salariés, (dans les freins, les plaques isolantes derrière les radiateurs, présents dans les locomotives, les câbles électriques...) ; qu'en dépit du fait que G... T... n'effectuait pas l'un des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis, il résulte des attestations produites qu'il était, néanmoins exposé, et ce de façon habituelle aux poussières très volatiles et nocives d'amiante contenues dans le matériel ceci au temps et au lieu de son travail ; qu'il convient de relever d'une part, que la plupart de ses collègues de travail, qui ont exercé leurs fonctions dans les mêmes circonstances, dans les mêmes conditions et durant la même période de temps bénéficient d'un suivi médical post-professionnel, d'autre part que le comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles n'a relevé l'existence d'aucun risque extra-professionnel ; que G... T... a travaillé comme conducteur de locomotive sur des machines dont il n'est pas contesté que les garnitures de freins, notamment, dégageaient des poussières d'amiante qu'il inhalait nécessairement et ceci durant une période de 23 années ; qu'il en résulte qu'il sera fait droit aux prétentions de Mme T... par confirmation du jugement déféré ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il résulte du dossier que, sur le recours de la demanderesse, le tribunal des affaires de sécurité sociale a, par jugement du 12 septembre 2013, saisi le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Marseille qui a émis un avis défavorable à la reconnaissance ; que le Comité a émis un avis défavorable en raison de l'absence de lien direct entre la pathologie décrite et la profession exercée, « compte tenu de l'absence d'éléments de preuve d'une exposition directe à des fibres d'amiante volatiles susceptibles d'avoir été inhalées » : qu'il est constant que le tribunal des affaires de sécurité sociale n'est tenu par l'avis du Comité Régional que lorsque le litige porte sur une difficulté d'ordre médical ; qu'en revanche, il n'est pas tenu par cet avis et peut statuer en sens inverse lorsqu'il porte sur une difficulté administrative ou juridique ; que la preuve de l'exposition en est une ; que les conditions édictées par le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles sont les suivantes : - maladie concernée : cancer broncho-pulmonaire : il n'est pas contesté que la victime est décédée d'un tel cancer ; - délai de prise en charge : 40 ans : il n'est pas contesté que Mme T... ait agi dans ce délai ; - durée d'exposition : 10 ans. Il en sera discuté ci-après ; - liste limitative des travaux : « travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante » ; qu'il en sera discuté ci-après ; quant à la durée d'exposition, il ressort de l'avis que « la seule constatation d'actions de conduite d'engins moteurs BB 4200 et BB 4700 pour lesquels l'amiante pouvait être utilisé pour l'isolation électrique ou dans la composition de semelles de freins ne constitue pas une preuve d'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante dans la cabine de conduite » ; qu'il est ainsi établi que les BB 4200 et BB 4700, motrices (engins de traction électrique) que la victime a conduites habituellement au moins à partir de 1975, année de la disparition de la traction à vapeur, et ce jusqu'en 1989, date de son départ à la retraite, contenaient de l'amiante en vue de leur isolation thermique ou dans la composition des semelles de frein ; que la durée d'exposition est donc supérieure à 10 ans ; quant à la réalité de l'exposition et à la liste des travaux : il est de notoriété publique que l'amiante a été utilisé sur l'ensemble du parc électrique de la SNCF pour l'isolation thermique de certaines pièces susceptibles d'échauffement ; que l'argument de l'ingénieurconseil selon lequel la présence d'un tel matériau dans l'équipement électrique « ne constitue pas une preuve d'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante dans la cabine de conduite » ne manquerait pas de faire sourire tout ingénieur de la SNCF ; qu'il est en effet tout aussi de notoriété publique que - les conducteurs de motrices sont amenés régulièrement, notamment en cas d'inversion du sens de la marche, à traverser l'engin d'une cabine à l'autre en passant par la partie centrale comprenant les équipements électriques, - ils possèdent actuellement tous un baccalauréat professionnel d'électro-technicien les amenant à effectuer les menues réparations des engins, notamment lors d'une panne « en ligne », autrement dit en rase-campagne, - les anciens conducteurs, y compris ceux de la « période de la vapeur », ont été reconvertis à la traction thermique ou électrique dans le cadre de la formation interne de l'entreprise, que chacun sait très performante, et ont ainsi bénéficié d'une acquisition de compétences nouvelles aussi importante que les actuels bacheliers professionnels, - qu'ils ont ainsi été amenés à traverser les motrices dans toute leur longueur, ainsi qu'il a été indiqué, mais aussi à intervenir sur le matériel électrique embarqué lorsque seules de menues réparations étaient nécessaires ; que ces constatations ne relèvent pas de l'obligation de rapporter la preuve de l'exposition au risque, qui incombe à la victime, mais d'une documentation minimale et du simple bon sens dont tout un chacun peut faire preuve, y compris un ingénieur-conseil, à condition qu'il n'utilise pas uniquement l'automobile comme moyen de transport ; qu'il est ainsi évident que non seulement la réalité de l'exposition est avérée mais aussi que la victime effectuait des travaux entrant dans la liste énumérée par le tableau n° 30 bis ; qu'il convient en conséquence de : - constater que G... T... remplit les conditions administratives du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; - dire que la maladie dont il est décédé doit être prise en charge au titre de ce tableau ; - condamner la Caisse à verser les prestations correspondantes ;

1° ALORS QU'une maladie est légalement présumée être d'origine professionnelle si elle répond à deux critères cumulatifs : être désignée dans un tableau officiel de maladies professionnelles et avoir été contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ; qu'en revanche, lorsque la maladie figure au tableau mais que l'une des conditions de ce dernier n'est pas remplie ou lorsqu'elle n'y figure pas, la preuve de l'origine professionnelle de la maladie doit être prouvée par la victime ou ses ayants droit ; que, dans ces deux cas, la caisse ne peut reconnaître l'origine professionnelle de la maladie qu'après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lequel se prononce sur le lien de causalité entre le travail habituel de la victime et la maladie ; que, pour condamner la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF à verser à Mme T..., ayant droit de G... T... (†), les prestations correspondant à la maladie dont ce dernier est décédé, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées a jugé, le 21 janvier 2016, que G... T... remplissait « les conditions administratives du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles », parce qu'il était « évident que non seulement la réalité de l'exposition [était] avérée mais aussi que la victime effectuait des travaux entrant dans la liste énumérée par le tableau n° 30 bis » ; qu'en conséquence, il a décidé, sans ordonner la saisine pour avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que « la maladie dont il est décédé [devait] être prise en charge au titre de ce tableau » (p. 5, § 5) ; que la cour, au contraire, a jugé qu'il était « constant que les conditions d'application de la présomption légale simple professionnelle (
) à savoir l'exposition habituelle à l'agent nocif en exécution des travaux spécifiés aux tableaux, ne sont pas réunies » ; qu'en décidant pourtant de confirmer « en toutes ses dispositions » le jugement déféré, y compris en ce qu'il a jugé remplies les conditions administratives du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et en ce qu'il a condamné la Caisse de prévoyance de la SNCF à versement sans avis préalable d'un autre comité régional, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

2° ALORS, en toute hypothèse, QUE si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime (art. L. 461-1 al. 3 du code de la sécurité sociale) ; que, dans un tel cas, la caisse reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, avis qui s'impose à elle ; qu'en cas de contestation de la décision de la caisse, qui a suivi cet avis, il incombe aux juges du fond, avant de statuer, de recueillir l'avis d'un autre comité régional dès lors que le caractère professionnel de la maladie est contesté ; qu'en décidant dès lors, après avoir constaté que la maladie invoquée entrait dans les prévisions de l'article L. 461-1 al. 3 susvisé, de condamner, par voie de confirmation, la Caisse de prévention de la SNCF à verser à Mme T..., ayant droit de G... T..., les prestations correspondant à la maladie dont il est décédé, sans avoir préalablement recueilli l'avis d'un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la cour a violé le texte susvisé ;

3° ALORS QUE lorsque la condition imposée par la liste limitative des travaux n'est pas remplie, la compétence du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est de droit, afin d'établir s'il existe ou non un lien de causalité entre le travail habituel de la victime et la maladie invoquée et de déterminer si l'affection doit être prise en charge au titre de l'affection professionnelle ; qu'en cas de contestation d'une décision de la caisse, qui a suivi l'avis de ce comité, les juges du fond ne peuvent pas statuer avant d'avoir recueilli l'avis d'un autre comité régional ; qu'en l'espèce, pour justifier qu'elle n'ait pas à tenir compte de l'avis du comité régional, a fortiori d'un autre comité régional, dont la saisine était de droit, la cour a retenu que l'avis de ce comité ne s'imposait à elle que lorsqu'il porte sur une difficulté médicale ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, impropres à justifier le prononcé d'une condamnation de la Caisse de prévoyance sans saisine préalable dudit comité, la cour a violé l'article L. 461-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10047
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2019, pourvoi n°18-10047


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10047
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