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03/04/2019 | FRANCE | N°18-18679

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 avril 2019, 18-18679


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, par acte du 12 décembre 1989, N... K... a vendu à B... W... un bien immobilier moyennant un prix de 180 000 francs, « payé comptant hors la comptabilité du notaire », tout en se réservant l'usufruit ; que B... W... est décédée le [...] , laissant pour lui succéder sa fille, Mme J... G..., et ses petits-enfants, Mme O... D..., Mme F... Q... et M. M... Q... (les consorts G...) ; que N... K... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder s

es enfants, U..., S..., Z..., C... et L... (les consorts K...) ; que, so...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, par acte du 12 décembre 1989, N... K... a vendu à B... W... un bien immobilier moyennant un prix de 180 000 francs, « payé comptant hors la comptabilité du notaire », tout en se réservant l'usufruit ; que B... W... est décédée le [...] , laissant pour lui succéder sa fille, Mme J... G..., et ses petits-enfants, Mme O... D..., Mme F... Q... et M. M... Q... (les consorts G...) ; que N... K... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder ses enfants, U..., S..., Z..., C... et L... (les consorts K...) ; que, soutenant que la vente s'analysait en une donation déguisée dont la valeur excédait la quotité disponible, ces derniers ont assigné les consorts G... pour obtenir la requalification de l'acte et une indemnité de réduction ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1315, devenu 1353 du code civil ;

Attendu que, pour dire que le prix de la vente entrera dans le calcul de la réserve et de la quotité disponible des héritiers de N... K..., l'arrêt relève que l'acte de vente mentionne que B... W... était sans profession, sans aucune autre indication sur l'origine des fonds que celle-ci aurait versés au comptant, et retient que, faute pour les consorts G... de préciser comment elle a payé le prix de la nue-propriété du terrain litigieux, il doit en être déduit que le prix de vente n'a pas été acquitté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la mention, dans un acte de vente notarié, du paiement du prix intervenu hors la vue ou hors la comptabilité du notaire faisant foi jusqu'à preuve contraire, il incombait aux consorts K..., tiers à l'acte, qui la contestaient de démontrer par tous moyens l'absence de paiement effectif, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les consorts G... ne justifiant pas du paiement par B... W... du prix de la vente pour une somme de 180 000 francs, ce prix est réputé ne pas avoir été payé par elle et entrera dans le calcul de la réserve et de la quotité disponible des héritiers de N... K..., l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mmes U..., S..., Z... K... et MM. C... et L... K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mmes J... et O... D..., et à M. et Mme Q... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mmes J... et O... G... et M. et Mme Q....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit prescrite l'action des héritiers de N... K..., d'avoir dit que cette action est recevable et fondée, d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de N... K... et désigné Maître A... X..., notaire à [...], pour y procéder, d'avoir dit que les intimés ne justifiant du paiement par B... W... du prix de la vente intervenue le 19 février 1990 du terrain de Plan de la Tour (Var) sis [...] pour une somme de 180.000 francs, ce prix est réputé ne pas avoir été payé par B... W... et entrera dans le calcul de la réserve et de la quotité disponible des héritiers de N... K..., d'avoir, s'agissant des travaux de construction de la villa sur le terrain sus-dit, dit que le notaire désigné procédera à leur évaluation ainsi qu'à la fixation de la valeur totale de la construction en tenant compte des travaux financés par B... W..., d'avoir dit qu'en tenant compte des résultats de l'expertise, le notaire procédera ensuite au calcul de la réserve et de la quotité disponible et à la réduction de la donation déguisée des biens immobiliers consentie par N... K... à B... W..., d'avoir dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il sera procédé à son remplacement sur simple ordonnance rendue sur requête par le Président de chambre, d'avoir désigné le conseiller de le mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence chambre 6 D aux fins de suivre les opérations sus-dites, d'avoir ordonné le retrait du rôle général de la cour de la présente affaire n° 16/03575 et dit qu'en cas de procès-verbal de difficultés dressé par le notaire, l'affaire pourra être rétablie à la demande de l'une des parties et d'avoir écarté toute demande supplémentaire ou contraire ;

Aux motifs que, « Par dernières conclusions notifiées 1er juin 2016, les intimés demandent à la cour de :

- réformer le jugement déféré ;
à titre principal,
- dire l'action des consorts K... prescrite au visa de l'article ancien 1304 du code civil et déclarer en conséquence les demandes des appelants irrecevables ;
à titre subsidiaire,
- débouter les appelants de leurs demandes au visa des articles 1315 ancien du code civil devenu 1353 du code civil ;

- condamner les consorts K... à verser une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Beragna Avocats ;
Les intimés exposent essentiellement les moyens suivants :
- l'acte publié le 19 février 1990 est opposable aux tiers depuis cette date ; l'action engagée plus de 5 ans après est prescrite ;
- les consorts K... viennent aux droits de N... K..., signataire de l'acte du 19 février 1990 ; ils visent des vices du consentement dans le fondement de leur demande, ce qui est sanctionné par une nullité relative ; ils mentionnent également un objet impossible et un vil prix, ce qui ouvre le débat sur la licéité de l'acte de vente ; or, l'intérêt en cause étant d'ordre privé, c'est la nullité relative qui est encourue ;
- les consorts K... n'apportent pas la preuve du "prix dérisoire" de la vente du terrain nu critiquée ; la construction a été au surplus totalement financée par B... W... ;
- N... K... n'a jamais reconnu avoir opéré une donation déguisée ; s'il a souhaité légué la quotité disponible à une de ses filles, les biens vendus à B... W... n'y figurent pas ;
- le prix de vente a été quittancé dans l'acte notarié ; les appelants ne prouvent pas le contraire et se contentent de simples affirmations.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2017.

Sur ce,

Sur la prescription de l'action

Il y a lieu de rappeler que les droits des héritiers de N... K... n'ont été ouverts qu'à compter du décès de ce dernier intervenu le [...] ; au surplus, toute demande relative à une opération portant sur le partage de la succession ne se prescrit pas avant la clôture des opérations de liquidation.

En conséquence, le moyen de prescription est inopérant et a été en l'espèce à tort retenu par le premier juge.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit prescrite l'action des consorts K.... Sur la validité de l'acte de vente du 19 février 1990

Les consorts K... demandent à titre principal d'ordonner la nullité de l'acte de vente aux motifs de son "illécéité", l'acte notarié ayant été dressé sur la base d'éléments erronés : prix de vente dérisoire, absence de mention du fait qu'une maison a été construite sur le terrain vendu, objet non réalisable.

Or, il sera rappelé aux appelants que l'acte dont s'agit est un acte notarié, rédigé donc sous la responsabilité du notaire ; si cet acte contient des mentions erronées ou falsifiées, il appartient aux appelants d'engager une action en inscription de faux, ce dont ils ne justifient pas ; la demande de nullité de cet acte étant mal fondée sera en conséquence écartée.

Sur la requalification de l'acte en donation déguisée

La donation déguisée est une simulation ; c'est à celui qui allègue de l'existence d'une donation déguisée de démontrer que l'acte apparent ne correspond pas à la réalité et qu'il y a simulation ; il incombe ainsi à l'héritier du vendeur qui soutient qu'une vente constitue une donation déguisée d'établir l'intention libérale du vendeur au moment de la cession.

La reconnaissance d'une donation suppose la réunion de deux éléments constitutifs : l'appauvrissement du disposant et son intention libérale.

En l'espèce, il est établi qu'aux termes de l'acte notarié de vente du 19 février 1990, N... K... a vendu à B... W... la nue-propriété d'une parcelle de terrain commune de Plan de la Tour (Var) lieu-dit "[...] soit une parcelle de terre en nature de vignes, cadastrés section [...] et [...] " d'une superficie de 2360m² au prix de vente de 180.000 francs.

Il est établi et non contesté que ce prix de vente est identique à celui fixé le 3 août 1987 lors de l'acquisition par N... K... du terrain concerné ; or, il s'évince des pièces versées au débat que sur le terrain vendu à B... W..., une maison d'habitation a été construite entre le 26 avril 1988 et le 10 mars 1989 (pièces 4, 5 et 6 des appelants) ce qui a incontestablement augmenté la valeur du terrain, alors que cette valorisation n'a pas été prise en compte dans l'acte de vente du 19 février 1990.

Les intimés affirment que B... W... a réglé intégralement la construction sus-dite et versent à l'appui de cette affirmation diverses pièces, qui ne sont nullement détaillées et explicitées dans leurs écritures et qui concernent notamment l'installation d'une piscine et des factures de matériaux et de travaux, il sera relevé que de nombreuses factures sont datées d'avant la vente du 19 février 1990, à une période pendant laquelle seul N... K... était propriétaire du terrain litigieux, ce qui interroge ; les intimés également produisent des factures au nom de B... W... mais sans fournir de preuve quant au compte bancaire ayant servi à les régler ; certaines de ses factures portent en outre le nom de J... G..., une des filles de la de cujus (pièces 35,36, 37) ; les intimés versent encore au débat des éléments établissant que B... W... a contracté un prêt au crédit agricole de 580.000 euros avec remboursement à compter du 8 novembre 1988 et des relevés de compte-chèques où apparaissent des prélèvements au titre de ce prêt ; par contre, faute de décompte précis fait par les intimés, la cour n'a pas les moyens de savoir quel part des travaux litigieux, non chiffrés, a été prise en charge par la de cujus ; une expertise sera donc nécessaire à ce titre ; enfin, les intimés ne précisent pas comment B... W... a réglé le prix de la nue-propriété du terrain litigieux, soit 180.000 francs, alors que dans l'acte de vente, le notaire a précisé que B... W... était sans profession et qu'aucune indication n'est donnée dans l'acte notarié sur l'origine des fonds versés au comptant ayant permis l'acquisition du terrain de Plan de la Tour.

Faute de preuve du paiement de la vente de ce terrain, il doit donc être considéré que B... W... n'a pas en réalité réglé le prix de 180.000 francs.

En toutes hypothèses, et quoi qu'une expertise soit nécessaire ainsi que précis ci-dessus, il s'évince clairement de ces éléments que N... K..., alors encore dans les liens du mariage, a, sous couvert de la vente de la nue-propriété d'un terrain, entendu en réalité donner à B... W..., en s'appauvrissant, ce terrain sur lequel une maison d'habitation a été construite, en sachant qu'à son décès, B... W... jouirait de l'entière propriété des biens immobiliers par extinction de son usufruit.

L'expertise diligentée sous contrôle du notaire désigné permettra de révéler si, outre la valeur de ce terrain, des sommes supplémentaires au titre de la construction de la maison d'habitation doivent également être retenues comme ayant appauvri le de cujus au profit de B... W....

Ces éléments confirment d'ores et déjà une intention libérale de N... K... à l'égard de B... W..., aucune contre-partie à la donation déguisée sus-dite (prix du terrain) n'étant démontrée par les intimés.

Sur l'action en réduction pour dépassement de la quotité disponible

L'article 924 du code civil dispose que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent.

B... W... n'étant pas héritière de N... K..., les règles applicables sont celles de la réduction de la libéralité et non du rapport.

Il est établi que l'actif successoral a été fixé par Maître P..., notaire, à la somme de 5.786,1 euros et que le passif successoral a été évalué à la somme de 25.903,27 euros (pièce 16 des appelants) ; quant au bien immobilier litigieux sis à Plan de la Tour, il a été évalué à 650.000 euros par Maître P..., notaire, et entre 520.000 et 540.000 euros par l'agence immobilière mandatée par les intimés ; à l'évidence, et même s'il sera tenu compte dans l'évaluation de la donation déguisée, de la part des travaux financés par B... W..., il est établi dès ce stade de la procédure que la valeur des biens immobiliers donnés par N... K... à B... W... dépasse la quotité disponible.

L'action des appelants est donc recevable et fondée.

Au vu de ces éléments, il y a lieu d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de N... K... et de désigner Maître A... X..., notaire à Hyères, pour y procéder ; ce dernier s'adjoindra un expert afin d'évaluer les biens immobiliers sis à Plan de la Tour et fixer la part des travaux financés par B... W... eu égard aux pièces comptables fournis par les parties ; à l'issue de cette expertise, en tenant compte du prix du terrain vendu par N... K... à hauteur de 180.000 francs et de la part des travaux dont le financement par B... W... ne sera pas justifié, le notaire calculera la réserve et la quotité disponible et procédera à l'opération de réduction de la donation déguisée faite au profit de B... W....

La demande des appelants au sujet du "droit de préemption" des biens immobiliers de Plan de la Tour n'a pas lieu d'être en l'état de la procédure et sera en conséquence écartée.

Eu égard aux éléments de l'espèce, il est équitable de condamner in solidum les intimés à verser aux appelants la somme de 4.000 euros en cause d'appel ; il sera noté que ces derniers ne sollicitent pas de demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les intimés seront condamnés solidairement aux dépens de l'instance d'appel. Les appelants n'ont pas formulé de demande précise au titre des dépens de première instance » ;

Alors que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu'il doit les viser avec indication de leur date ; qu'en statuant au regard des conclusions déposées le 1er juin 2016 par les consorts G... K..., quand ces derniers avaient pourtant régulièrement notifié le 2 novembre 2017 des conclusions récapitulatives, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les intimés ne justifiant du paiement par B... W... du prix de la vente intervenue le 19 février 1990 du terrain de Plan de la Tour (Var) sis [...] pour une somme de 180.000 francs, ce prix est réputé ne pas avoir été payé par B... W... et entrera dans le calcul de la réserve et de la quotité disponible des héritiers de N... K... ;

Aux motifs que, « Sur la requalification de l'acte en donation déguisée

La donation déguisée est une simulation ; c'est à celui qui allègue de l'existence d'une donation déguisée de démontrer que l'acte apparent ne correspond pas à la réalité et qu'il y a simulation ; il incombe ainsi à l'héritier du vendeur qui soutient qu'une vente constitue une donation déguisée d'établir l'intention libérale du vendeur au moment de la cession.

La reconnaissance d'une donation suppose la réunion de deux éléments constitutifs : l'appauvrissement du disposant et son intention libérale.

En l'espèce, il est établi qu'aux termes de l'acte notarié de vente du 19 février 1990, N... K... a vendu à B... W... la nue-propriété d'une parcelle de terrain commune de Plan de la Tour (Var) lieu-dit "[...] soit une parcelle de terre en nature de vignes, cadastrés section [...] et [...]" d'une superficie de 2360m² au prix de vente de 180.000 francs.

Il est établi et non contesté que ce prix de vente est identique à celui fixé le 3 août 1987 lors de l'acquisition par N... K... du terrain concerné ; or, il s'évince des pièces versées au débat que sur le terrain vendu à B... W..., une maison d'habitation a été construite entre le 26 avril 1988 et le 10 mars 1989 (pièces 4 , 5 et 6 des appelants) ce qui a incontestablement augmenté la valeur du terrain, alors que cette valorisation n'a pas été prise en compte dans l'acte de vente du 19 février 1990.

Les intimés affirment que B... W... a réglé intégralement la construction sus-dite et versent à l'appui de cette affirmation diverses pièces, qui ne sont nullement détaillées et explicitées dans leurs écritures et qui concernent notamment l'installation d'une piscine et des factures de matériaux et de travaux, il sera relevé que de nombreuses factures sont datées d'avant la vente du 19 février 1990, à une période pendant laquelle seul N... K... était propriétaire du terrain litigieux, ce qui interroge ; les intimés également produisent des factures au nom de B... W... mais sans fournir de preuve quant au compte bancaire ayant servi à les régler ; certaines de ses factures portent en outre le nom de J... G..., une des filles de la de cujus (pièces 35,36, 37) ; les intimés versent encore au débat des éléments établissant que B... W... a contracté un prêt au crédit agricole de 580.000 euros avec remboursement à compter du 8 novembre 1988 et des relevés de compte-chèques où apparaissent des prélèvements au titre de ce prêt ; par contre, faute de décompte précis fait par les intimés, la cour n'a pas les moyens de savoir quel part des travaux litigieux, non chiffrés, a été prise en charge par la de cujus ; une expertise sera donc nécessaire à ce titre ; enfin, les intimés ne précisent pas comment B... W... a réglé le prix de la nue-propriété du terrain litigieux, soit 180.000 francs, alors que dans l'acte de vente, le notaire a précisé que B... W... était sans profession et qu'aucune indication n'est donnée dans l'acte notarié sur l'origine des fonds versés au comptant ayant permis l'acquisition du terrain de Plan de la Tour.

Faute de preuve du paiement de la vente de ce terrain, il doit donc être considéré que B... W... n'a pas en réalité réglé le prix de 180.000 francs.

En toutes hypothèses, et quoi qu'une expertise soit nécessaire ainsi que précis ci-dessus, il s'évince clairement de ces éléments que N... K..., alors encore dans les liens du mariage, a, sous couvert de la vente de la nue-propriété d'un terrain, entendu en réalité donner à B... W..., en s'appauvrissant, ce terrain sur lequel une maison d'habitation a été construite, en sachant qu'à son décès, B... W... jouirait de l'entière propriété des biens immobiliers par extinction de son usufruit.

L'expertise diligentée sous contrôle du notaire désigné permettra de révéler si, outre la valeur de ce terrain, des sommes supplémentaires au titre de la construction de la maison d'habitation doivent également être retenues comme ayant appauvri le de cujus au profit de B... W....

Ces éléments confirment d'ores et déjà une intention libérale de N... K... à l'égard de B... W..., aucune contre-partie à la donation déguisée sus-dite (prix du terrain) n'étant démontrée par les intimés.

Sur l'action en réduction pour dépassement de la quotité disponible

L'article 924 du code civil dispose que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent.

B... W... n'étant pas héritière de N... K..., les règles applicables sont celles de la réduction de la libéralité et non du rapport.

Il est établi que l'actif successoral a été fixé par Maître P..., notaire, à la somme de 5.786,1 euros et que le passif successoral a été évalué à la somme de 25.903,27 euros (pièce 16 des appelants) ; quant au bien immobilier litigieux sis à Plan de la Tour, il a été évalué à 650.000 euros par Maître P..., notaire, et entre 520.000 et 540.000 euros par l'agence immobilière mandatée par les intimés ; à l'évidence, et même s'il sera tenu compte dans l'évaluation de la donation déguisée, de la part des travaux financés par B... W..., il est établi dès ce stade de la procédure que la valeur des biens immobiliers donnés par N... K... à B... W... dépasse la quotité disponible.

L'action des appelants est donc recevable et fondée » ;

Alors que la mention, dans un acte de vente notarié, d'un paiement du prix intervenu hors la vue ou hors la comptabilité du notaire faisant foi jusqu'à preuve contraire, il incombe au tiers à l'acte qui la conteste de démontrer par tous moyens l'absence de paiement effectif ; qu'en l'espèce, il ressort de l'acte de vente notarié du 21 décembre 1989 que le prix de 180.000 francs a été payé comptant et en dehors de la comptabilité du notaire, N... K... consentant « bonne et valable quittance, entière et définitive » à B... W... ; qu'en jugeant pourtant qu'il incombait aux consorts G... K... de rapporter la preuve du paiement du prix, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-18679
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 avr. 2019, pourvoi n°18-18679


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18679
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