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03/04/2019 | FRANCE | N°17-87209

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 avril 2019, 17-87209


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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M. K...-F... N...,
Mme J... O...,
M. Q... X...,
M. H... W...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 22 novembre 2017, qui a condamné le premier pour complicité de corruption passive à dix-huit mois d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende, la deuxième pour corruption passive à trois ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende et à l'interdiction définitive d'exercer toute fonction ou emp

loi public, le troisième pour trafic d'influence à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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M. K...-F... N...,
Mme J... O...,
M. Q... X...,
M. H... W...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 22 novembre 2017, qui a condamné le premier pour complicité de corruption passive à dix-huit mois d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende, la deuxième pour corruption passive à trois ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende et à l'interdiction définitive d'exercer toute fonction ou emploi public, le troisième pour trafic d'influence à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et 50 000 euros d'amende, et le quatrième pour complicité de corruption passive à un an d'emprisonnement, la révocation d'un précédent sursis, 20 000 euros d'amende et à une interdiction définitive de gérer une entreprise commerciale ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. WYON, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller WYON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ, les avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I- Sur les pourvois de MM. N... et W... :

Attendu que MM. N... et W... se sont régulièrement pourvus en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 22 novembre 2017 ;

Attendu que les demandeurs n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale ;

II - Sur les autres pourvois :

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme J... O..., qui a exercé les fonctions de sous-préfet de l'arrondissement de Grasse entre mars 2011 et janvier 2013, a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir accepté le versement par un marchand de biens d'une somme d'argent au profit de son mari, en contrepartie de son intervention favorable dans la procédure d'instruction du dossier d'une piste de protection de la forêt contre les incendies, dont la réalisation était censée accroître la valeur d'un bien immobilier appartenant à ce marchand de biens ; que M. K...-F... N..., époux à l'époque de Mme O..., a été poursuivi pour complicité de ce délit de corruption passive, ainsi que M. H... W... ; que par ailleurs, M. Q... X..., gérant d'une entreprise spécialisée en matière d'aménagement de voirie, a été poursuivi de son côté notamment du chef de trafic d'influence actif, pour avoir lui-même participé, et fait participer un autre entrepreneur, M. D..., à un repas avec Mme O..., afin d'obtenir qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée pour obtenir des décisions favorables du conseil du patrimoine naturel et de la préfecture des Alpes-Maritimes dans un dossier concernant une décharge située au Broc ; que par jugement du 6 décembre 2016, le tribunal correctionnel de Nice a déclaré les prévenus coupables notamment de ces délits, et a condamné Mme O..., pour corruption passive par personne dépositaire de I'autorité publique, à trois ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende et à l'interdiction d'exercer toute fonction ou emploi public à titre définitif, M. X..., pour corruption active et trafic d'influence commis par un particulier, à un an d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, et MM. N... et W..., pour complicité de corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique, à un an d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende ; que les prévenus ainsi que le ministère public ont relevé appel de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Mme O... :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Mme O..., pris de la violation des articles 432-11 du code pénal, dans sa réaction antérieure à la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2016,485,512 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que I'arrêt attaqué a déclaré Mme J... O... coupable de corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique, puis I'a condamnée à la peine de trois ans d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende et, à titre de peine complémentaire, à I'interdiction d'exercer toute fonction ou emploi public à titre définitif ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne le second volet des poursuites, il est acquis que M. Z... M..., marchand de biens à la tête d'un ensemble immobilier qu'il se devait de revendre, et dont il attendait nécessairement une plus-value, avait en vue celle qu'il pouvait attendre d'un déclassement qui offrirait à I'ensemble immobilier du Mas d'Artigny une constructibilité accrue, l'économie de la promesse de vente signée le 12 avril 2013 en témoigne ; qu'il était prêt à payer pour cela, il avait fait au gérant de la SCI Helga la proposition de lui payer la somme de 200 000 euros afin qu'il renonce à ses objections ; que M. M... avait été condamné en 1992 pour corruption ; qu'on n'est donc pas surpris qu'il ait pris I'attache de Mme O..., qu'il connaissait de longue date, au cours du printemps 2011, à propos de la piste des Allègres - ceci correspondait selon lui à l'invitation du 27 mai 2011 - et qu'à cette occasion ait été expressément évoquée la question du gain de constructibilité attendu de la réalisation de la piste ; qu'il avait affirmé que MmeO... s'était engagée à s'occuper du dossier, mais qu'elle n'avait rien demandé en échange ; que c'est toutefois bien d'elle qu'il attendait qu'elle fasse avancer la procédure, ce qu'elle a fait, et il est établi que M. M... a explicité, au moins par le truchement de M. K...-F... N..., la proposition de rémunérer des démarches qui ne pouvaient émaner que de son épouse ; que c'est en tout cas la thèse défendue un temps par M. N..., et c'était la version de M. M...; que M. N... fait valoir désormais qu'il aurait eu de son côté une toute autre préoccupation, qui aurait été d'obtenir rémunération des efforts qu'il avait accomplis pour trouver un acquéreur au Mas d'Artigny ; que le couple s'était posé à ce propos des questions éthiques, Mme E... O... a ainsi affirmé à I'audience qu'elle avait bien évidemment interdit à son mari toute activité professionnelle dans le ressort de Grasse mais que, la vente devant se faire au bénéfice d'un acquéreur étranger, l'éthique apparaissait préservée ; qu'il est notable que dans le même temps, les relations personnelles qu'entretenait la prévenue avec M. M... ne I'avaient pas conduite à informer le préfet de la situation, alors qu'elle s'investissait dans le dossier de la piste des Allègres, et moins encore à s'interroger sur les invitations récurrentes qui étaient lancées à elle et ses proches au Mas d'Artigny, et le cadeau de 1 500 euros qui lui était fait par M. M... à I'occasion de son anniversaire ; qu'il est malaisé d'apprécier le travail qu'aurait fourni M. N... en vue de la vente de la propriété de la société au profît de la société OPR Sarl dirigée par M. M..., principalement parce qu'il n'a été fait état d'aucune convention qui I'aurait défini, alors qu'il est reconnu qu'aucune démarche n'a abouti ; que des documents médicaux qu'il produit, et des déclarations qu'il a faites à I'audience sur son état de santé, s'évince par ailleurs que le prévenu avait à l'époque une santé fragile, après avoir subi une greffe de foie en 2007, et souffrait de diverses pathologies notamment addictives, ce qui donne à penser que ses capacités de travail étaient amoindries ; qu'il est produit aux débats par M. N... divers documents qui sont soit relatifs à la mise en vente de I'ensemble immobilier, mais où son nom n'apparaît pas et qui ne font pas état de son intervention (ainsi d'un feuillet curieusement intitulé attestation qui fait état d'un mandat de vente non exclusif du 5 avril 2012 au profit de VX... PB... et A... I...), soit des documents où son nom figure mais qui n'ont aucun rapport établi avec I'opération en cause (un accord de partenariat du 1er juillet 2013 avec une société kazakhe, Issmat); que M. N... produit également des brochures relatives au Mas d'Artigny, dont il n'est pas I'auteur ; qu'en l'état, il n'est justifié d'aucune activité de M. N... qui justifie le paiement à son profit d'une somme de 200 000 ou même de 20 000 euros ; qu'à supposer qu'elle ait été réelle, rien n'empêchait M. N... d'en demander le paiement dans le cadre de DTM etamp; associés, en présentant une facture ; que, quant à I'intervention de M. W..., I'examen de la facture du 2 novembre 2012 attire tout d'abord I'attention ; qu'elle fait en effet réference à une TVA (VAT) de 19,6 Yo, dont le montant n'est pas indiqué, ni réclamé, ce qui signifie que la facture relève du régime d'exonération de TVA ; que font défaut la mention de cette exonération ou toute mention équivalente, comme les mentions des numéros d'identification à la TVA du prestataire et du preneur ; qu'au plan formel, ce document présente en lui-mêrne les signes de la complaisance ; qu'assurant que Havila Partners n'était pas qu'une officine, M. W... a produit des pièces qu'il présente comme des bilans, ceux des années 2012 et 2013 qui intéressent les poursuites au premier chef ne sont toutefois pas communiqués ; que le "bilan" 2014 rassemble une vingtaine de chiffres sur une demi page, les bilans 2015 et 2016 ne sont pas plus explicites ; que rien n'indique que ces documents satisfont aux exigences de la loi anglaise, ni qu'ils ont été vérifiés, approuvés par les associés, communiqués et déposés ; que sur le fond, M. W... affirme avoir "laissé tomber" contrat et facture comme il n'avait plus de nouvelle de M.M..., dès la fin novembre 20I2, mais que celle-ci avait fait I'objet d'une relance auprès de lui par son service comptable ; que c'est alors que M. W... avait repris contact avec M. M..., qui aurait consenti à régulariser le mandat pour 20 000 euros, expliquant ainsi la facture du 14 juin 2013, qui présente les mêmes irrégularités que la précédente ; que ces explications sont fantaisistes ; qu'elles conduisent le prévenu à affirmer avoir été, alerté par son service comptable sur cette facture à la clôture des comptes en soutenant quelques instants plus tard qu'elle n'avait pas été "formellement comptabilisée", en I'absence de support juridique ; qu'elles se heurtent au fait qu'une promesse de vente avait été, souscrite le 12 avril 2013 par M. M... pour la vente du Mas d'Artigny ; que dans un tel contexte M. W... n'explique pas pourquoi le premier aurait accepté de le rémunérer pour des recherches qu'il n'avait pas faites le 14 juin 2013 ; que les écrits et paroles de M. W... ne laissent pas de place au doute sur le point qu'il agissait dans cette affaire pour le compte d'autrui : quand il assure à M. M... qu'il "n'a pas de débat" sur le sujet à titre personnel, quand il répète qu'il se trouve pris entre le marteau et I'enclume, ou lorsqu'inquiet des allusions directes de son interlocuteur à M. N..., il prend soin de lui demander de noter que celui-ci n'a aucun rapport avec sa société ; qu'en octobre 2012, le dossier de la piste des Allègres était sur le point d'être bouclé et c'est à cette date que M. N... a présenté M. W... à M. M... afin de convenir des conditions dans lesquelles la rémunération des actes réalisés par l'épouse du premier allait pouvoir être effectuée, Havila Partners acceptant d'être faux facturier pour I'occasion ; que I'arrêté était signé le 29 octobre 2012 ; que le 31 octobre 2012, Mme O... écrivait à M. M... pour le lui signifier ; que le 2 novembre 2012, la facture Havila Partners était transmise à la société OPR ; qu'à cet égard, il est établi, contrairement à ce qu'allègue M. N..., que les actes qui lui sont reprochés, comme ceux imputés à M. W..., avaient bien pour objet de faciliter la consommation du délit de corruption passive reproché à Mme O..., s'agissant d'un arrangement convenu pour faciliter le paiement du prix des diligences, et donc directement lié à I'agrément de I'offre faite par M. M... ; que la fausse facture Havila Partners allait être suivie d'une note d'honoraires de DTM etamp; associés et ainsi le couple pourrait justifier la rentrée des fonds ; que Mme O... était partie prenante à cet arrangement dont elle n'a rien ignoré, qu'elle a agréé, sans doute en mai 2011, au moins en octobre 2012, et qui a été réitéré au printemps 2013, M. M... acceptant un paiement partiel de 20 000 euros dans un premier temps, comme il pensait que la situation contentieuse pouvait rapidement s'éclaircir, puis se ravisant ; que sa diligence à faire avancer le dossier de la piste des Allègres a été soulignée, elle I'a conduite à se substituer à la commune de la Colle-sur-Loup en maintes occasions, à prendre des libertés et des risques en soutenant le recours à un arrêté de constitution de servitude pour un ouvrage qui ne relevait pas des dispositions du code forestier, et à adopter envers M. M... une attitude pour le moins curieuse, dont témoigne ses courriers des 4 avril et 31 octobre 2012, où il est clairement question, non seulement de la réalisation de la piste, mais encore des conséquences heureuses qu'on en attend ; que son agrément de I'offre faite par M. M... de lui verser 200 000 euros en contrepartie de son action est avéré non seulement par les déclarations de ce dernier, indirectement par celles de son ex-mari, mais aussi par les conversations téléphoniques qu'elle a eu au cours du printemps 2013 avec M. M..., alors que préfète de la Creuse, elle continuait par ailleurs à s'intéresser au contentieux relatif à l'anêté du 29 octobre 2012 ; que lorsque le 30 mai 2013 elle explique que le contact de son mari va lui envoyer une facture, puis quand le 9 juillet elle évoque la même facture qui a été envoyée, il est directement question de la facture du 14 juin 2013, adressée le 12 juin 2013, de 20 000 euros ; que Mme O... manifeste par là qu'elle n'ignore rien du moyen mis au point pour faire transiter les fonds promis, qui n'ont pas été payés du fait de la contestation de l'arrêté préfectoral, tout laissant à penser qu'une somme de 20 000 euros était réclamée au titre du service rnalgré tout rendu, à titre d'acompte, demande à laquelle M. M... ne voulait pas donner suite tant que le contentieux ne serait pas réglé ; que rappelons ce que dit ce dernier à son interlocutrice :"que le problème du PLU soit réglé et je paye ce que j'ai à payer" ; que K...-F... N... a reconnu lors de I'audience que le couple était alors en difficultés financières, du fait notamment du coût des études des deux enfants ; que de I'audition du responsable d'agence de la société générale de Grasse, on peut tirer que Mme O... dépensait plus que ses revenus ne le lui permettaient à l'époque ; que I'ensemble du dossier en témoigne ; qu'elle utilisait régulièrement une facilité de découvert rémunérée à 9 % ; qu'elle avait dû restructurer un crédit à la consommation et lui avait été accordé un nouveau prêt de 80 000 euros, qu'en juillet 2013, elle avait sollicité un nouveau dépassement de découvert en expliquant qu'elle aurait une rentrée d'argent conséquente en septembre 2013 ; que c'est à cette époque que M. M..., qui pensait que le litige relatif à I'arrêté allait s'aplanir, avait laissé entendre à M. N... qu'il paierait ; que sous-préfète de I'arrondissement de Grasse, dépositaire de I'autorité publique, Mme O... a accepté en toute conscience de I'illicéité de son comportement I'offre qui lui a été faite, directement ou par I'intermédiaire de son mari, de recevoir la somme de 200 000 euros, puis a sollicité celle de 20 000 euros, afin d'aboutir à une solution sur le dossier de la piste des Allègres, par des actes relevant de ses attributions ou facilités par sa fonction, actes qu'elle allait accomplir ou avait accomplis ; que MM. N... et S... W... ont sciemment apporté leur concours à la consommation de ce délit, en créant les conditions d'un transfert de fonds présentant I'aspect d'une opération licite ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré les trois prévenus coupables des faits de corruption passive et complicité de corruption passive qui leur étaient reprochés ;

"1°) alors que la commission du délit de corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique suppose que cette dernière accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction ; que le seul fait pour elle d'intervenir auprès d'un tiers, en dehors de ses attributions, en vue de suggérer une prise de décision, ne caractérise pas I'infraction ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer Mme O... coupable de corruption passive, qu'elle s'était investie dans le dossier de la piste des Allègres, d'ores et déjà en cours d'instruction au sein de la commune de la Colle-sur-Loup, que M. M... avait affirmé qu'elle s'était engagée à s'occuper du dossier et qu'elle l'avait informé de ce que l'arrêté préfectoral instaurant une servitude de passage avait été signé par le Préfet des Alpes-Maritimes, enfin qu'elle s'était substituée à la commune de la Colle-sur-Loup en maintes occasions et avait pris des libertés et des risques en soutenant le recours à un arrêté de constitution de servitude qui ne relevait pas des dispositions du code forestier, sans constater que moyennant avantage, Mme O... aurait accompli ou se serait abstenue d'accomplir un acte relevant de sa fonction ou facilité par elle en vue de faire avancer le dossier de la piste des Allègres, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer Mme O... coupable de corruption passive, que son agrément de l'offre de lui verser la somme de 200 000 euros résultait des déclarations de M. M... et, indirectement de celles de son ex-mari, sans indiquer, fû-ce de manière succincte, quelle était la teneur de ces déclarations et, par voie de conséquence, sans les analyser d'aucune manière, afin d'en déterminer le sens et la portée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"3°) alors que la commission du délit de corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique suppose que cette dernière sollicite ou agrée, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui, soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer Mme O... coupable de corruption passive, que son agrément de l'offre de lui verser la somme de 200 000 euros résultait des conversations téléphoniques qu'elle avait eues au cours du printemps 2013 avec M. M..., au cours desquelles elle aurait indiqué que M. N..., qui était à l'époque son mari, allait adresser une facture à M. M..., sans aucune précision quant à la nature de cette facture, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à établir que Mme O... avait agréé une offre de percevoir la somme de 200 000 euros moyennant son intervention dans le dossier de la piste des Allègres, a exposé sa décision à la cassation" ;

Attendu que pour déclarer Mme O... coupable de corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen et, notamment, expose les interventions effectuées par Mme O... en sa qualité de sous-préfet de l'arrondissement de Grasse tant auprès de la commune de la Colle-sur-Loup pour faire accélérer l'instruction du dossier de la piste des Allègres, qu'auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes pour faire connaître son avis favorable à cette réalisation, et retient que Mme O... avait déclaré avoir agi dans le cadre de ses fonctions relatives à l'assistance des entreprises pouvant rencontrer des difficultés, qu'elle avait en l'espèce accompli des actes facilités par sa fonction, que l'existence d'un pacte de corruption portant sur le versement de 200000 euros se déduisait d'une part du comportement de son mari et de M. W..., d'autre part des déclarations de MM. M... et N..., enfin de la teneur des conversations téléphoniques interceptées entre les protagonistes ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 121-1, 121-4 et 433-1 2° du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de trafic d'influence actif ;

"aux motifs qu'une conversation du 27 septembre 2012 entre M. Q... X... et le directeur de la société X... SAS, M. P... T..., attirait l'attention :
« bon le funiculaire de Grasse, ça prend une bonne tournure aussi, favorable »

- Q... X... « ce soir je vais diner chez la sous-préfète là, il n'y pas de sujet sur l'est ? »,
- P... T... « non à part qu'il faut le funiculaire, il faut qu'il se fasse, après les sujets c'est de savoir un peu son sentiment sur les affaires qui sont en cours, des poubelles tu sais, l'incinérateur et le CVO, le centre de recyclage des poubelles, l'appel d'offres qui est en cours, comment elle voit la chose, si elle pense que cela va aller au bout, qu'il n'y a pas de problème avec les syndicats » ; [
] que le 16 novembre 2012 était interceptée une nouvelle conversation entre MM. X... et T... ; il était question du dossier du syndicat mixte d'enlèvement des déchets (SMED), et des soucis créés par le CNP (conseil du patrimoine ?) ; M. X... indiquait qu'il pourrait en parler à la sous-préfète ; qu'avant un déjeuner avec Mme O... qui devait initialement avoir lieu au restaurant de l'hôtel Martinez, M. X... avait avec M. T..., le 5 décembre 2012, la conversation suivante :
« à midi je bouffe avec la sous-préfète »,
- T... « tu penses à parler, il y a AV... »,
- Q... X... « AV... j'y ai pensé mais je veux attendre que l'on voit la mairie, ça sert à rien de précipiter les choses »,
P... T... « il y a le funiculaire de Grasse, si tu peux lui glisser un mot, en disant ouais cela en est où ? Nous on est là on attend vachement, après le reste, les poubelles, tu sais mieux que moi » ;
que cette conversation est surprenante au regard des déclarations que fera M. X... aux enquêteurs selon lesquelles ni le marché du funiculaire pour lequel sa société était adjudicataire avec la société Bouygues, depuis 2011, et qui n'avait pas encore été lancé, ni le dossier SMED ne pouvaient intéresser la sous-prèfète, à laquelle il n'avait rien demandé, ajoutant « en plus ce n'est pas de son ressort» et « tout cela ne dépend pas d'une once de la sous-préfète » ; qu'à l'audience de la cour, M. X... a maintenu qu'il n'avait jamais parlé à Mme O... de sujets dont il avait dit au téléphone qu'il les évoquerait, et cette dernière n'a cité que les dossiers afférents aux déchets pour avoir été évoqués, lors de simples échanges d'informations ; que pour autant M. X... expliquait qu'il avait organisé avec M. C... D... un dîner pour lui présenter Mme O... qui ne connaissait rien au thème du déchet sur le département, au restaurant « la petite maison de Nicole » à Nice fin 2012, repas qu'il avait payé ; que le 17 décembre 2012, M. X... avait Z... M... au téléphone :
Q... X... « oui je t'appelle parce que je suis avec notre amie J... »,
- Z... M... « oui pour son anniversaire »,
- Q... X... « et voilà, voilà et tu sais qu'elle a (mot inaudible) dans un magasin »,
- Z... M... « oui, je suis au courant, je l'ai su hier »,
- Q... X... « voilà, il serait souhaitable que vous vous rappelasse de mettre quelques écus »,
- Z... M... « ouais, ouais, je vais envoyer un chèque moi, il y a pas de problème » [
] « tu envoies quoi toi ? »,
- Q... X... « moi j'ai envoyé 1 500
j'ai envoyé 1 500 »,
- Z... M... « c'est ça je vais faire la même chose » [
]
« c'est le violon avec l'archet [
], je l'ai su hier ! Le jour c'est quand son anniversaire ? » ;
qu'en ce qui concerne l'achat d'un violon pour son anniversaire, Mme O... avait ouvert une liste au magasin Allain etamp; Gasq à Nice ; violon, archet et étui ont été facturés le 28 décembre 2012 la somme de 7 900 euros ; qu'au nombre des contributeurs, trois officiers de gendarmerie et un commissaire de police pour chacun 50 euros, le directeur de la verrerie de Biot pour 150 euros, le directeur de l'hôtel Martinez à Cannes pour 200 euros, M. et Mme B... de la fondation B... pour 300 euros ; et aussi C... D..., président de la société Ehol SAS, ayant une activité de traitement des déchets et dont le siège est à Nice, pour 500 euros, M. M... pour 1 500 euros, M. X... pour 1 500 euros, et Mme Y... V..., présidente de la société Leclerc approvisionnement sud (centres commerciaux à l'enseigne Leclerc) pour le solde ; que Mme Y... V..., propriétaire d'un centre Leclerc au Cannet, l'est aussi d'un centre ouvert à Cannes Ranguin courant 2012 ; qu'à l'audience, Mme O... a indiqué qu'elle avait préféré avoir un cadeau qui fasse plaisir plutôt que plusieurs qui ne serviraient à rien ; qu'elle ne se souvenait plus comment les contributeurs avait pu être informés de l'existence de cette liste ; que toutes les personnes citées étaient ses amis, mis à part M. C... D... ; [
] que le 26 décembre 2012, M. X... appelait Mme O... : « tu as ton passeport ? C'est bon ? »,
- Q... X... « ça y est ça y est je l'ai eu en express je voulais te remercier, c'est parfait comme on part dimanche le timing était un peu short »,
- J... E... O... « serré
vous allez où. »,
- Q... X... « on part aux Maldives [
] ah j'ai eu mon pote pour te donner le dossier il lui manque un élément que l'on n'aura qu'à la rentrée avec H... G... U... qui gère les déchets sur Nice »,
- J... E... O... « tu me donnes ça la première semaine de la rentrée parce qu'après je vais être obligée de monter au créneau » ; qu'interrogés lors de l'audience à propos de cette question des déchets et du nommé U..., ni Q... X... ni J... E... O... ne se souvenaient de quoi et de qui il avait pu être question lors de leur échange ; que le 2 février 2013, M. M... appelait Q... X... : « j'ai eu J... E... à l'instant, tu sais, elle a été nommée préfète dans la Creuse, je l'ai invitée, on va manger chez F... R..., voilà »,
- Q... X... « ah c'est sympa »,
- Z... M... « pour changer un peu. Tu veux venir ? » ;
[
] que tant pour le site du Broc que pour celui de Massoins, où le SMED souhaitait trier ou enfouir des déchets, était nécessaire l'obtention de deux arrêtés préfectoraux autorisant les travaux, s'agissant de mesures dérogatoires à la protection du lézard ocellé au Broc et d'une fleur, la molinie tardive, à Massouins ; qu'une évaluation préalable par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) était nécessaire, qui ne fut pas préalable en l'espèce puisque le président de ce conseil a indiqué que lorsqu'il s'était rendu sur les lieux pour évaluation, les travaux avaient en réalité commencé, en toute illégalité ; que des régularisations sont intervenues a posteriori, passant outre l'avis du CSRPN ; que ces passages en force, qui sont confirmés par l'audition de M. A... L... , avaient été, contrairement à ce qu'affirment certains mis en cause, source de difficultés dans la mesure où la DREAL avait signifié au SMED qu'elle ne rendrait pas d'avis sur le site de Massoins tant que la situation ne serait pas clarifiée ; que la situation avait été débloquée après que le SMED avait proposé des mesures compensatoires supplémentaires ; que le groupe Ozon, dirigé par M. C... D..., exploite le site du Broc depuis octobre 2010 ; que ce dernier ne semblait pas particulièrement inquiet que les autorisations nécessaires n'aient pas été données en temps et en heure, ou plutôt que les travaux aient été engagés de manière sauvage ; qu'il avait en revanche en vue une politique d'extension des sites de traitement de déchets sur les Alpes-Maritimes, dont une partie était envoyée sur Marseille ; qu'il déclarait qu'au cours du déjeuner de décembre 2012, qu'il avait initié car il voulait se faire connaître de la sous-préfète et lui présenter « sa vision des choses », celle-ci avait dit à deux reprises qu'elle avait déposé une liste pour son anniversaire, qu'il avait senti un message « un peu insistant » et qu'il ne pouvait pas ne pas participer, son refus pouvant peut-être nuire au groupe ; qu'il précisait « j'ai senti que je n'avais pas vraiment le choix » ; que la somme de 1 500 euros avait été prise en charge par une de ses sociétés ; qu' il convient de déterminer s'il résulte du dossier que les dons, présents et avantages qui sont en cause ont été mis en oeuvre dans le dessein de bénéficier des pouvoirs et/ou de l'influence, d'une sous-préfète en l'occurrence, et spécialement s'agissant du triathlon de Cannes 2012, l'organisation du triathlon de Cannes 2013, l'obtention du duplicata du permis de conduire de son épouse QF... X... et d'une intervention sur le dossier SMED, site du Broc ; [
] ; qu'on sait que M. X... a fait en sorte que le fils de Mme O..., qu'il connaissait depuis quelques semaines alors, bénéficie d'entrées privilégiées dans des lieux de nuit de la côte d'Azur à l'occasion du festival du film de Cannes, en mai 2012, participé par l'intermédiaire de sa société à l'aménagement du parc de la sous-préfecture en obtenant que la mise à disposition d'une grue soit prise en charge par une société en relation d'affaires avec celle qu'il dirigeait, émargé à hauteur de 1 500 euros pour l'achat d'un violon offert à MmeO..., encouragé des tiers à y participer, conforté son épouse pour le paiement d'un spa au profit de cette dernière ; qu'il a aussi organisé un diner avec M. D..., dirigeant de la société gestionnaire du site du Broc, qu'il a pris en charge ; que si le prévenu souligne à juste titre que ces cadeaux représentent peu de choses au regard de ses revenus nets, qui sont de plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois, il n'ignorait pas non plus qu'au regard de ceux d'un fonctionnaire, fut-il de haut rang, ces dons pouvaient apparaître significatifs, et hors de proportion avec les usages ; que M. X... peine à décrire la nature des relations qu'il entretenait avec Mme O..., assurant qu'elle ne faisait pas partie de son cercle d'amis, puis mettant son attitude au compte d'une relation de proximité (« j'ai fait cela car elle était très affectée par la maladie de son mari et qu'elle ne pouvait pas beaucoup s'occuper de son fils »), sentiment qu'entretenait sans doute la familiarité dont Mme O... fait montre à l'égard de ses interlocuteurs, au travers des interceptions téléphoniques, et plaidant à l'audience de la cour d'admiration qu'il aurait eu à l'égard de cette femme brillante ; que certaines conversations laissent néanmoins apparaître une attitude moins désintéressée, notamment celle qu'il a avec son épouse où la remise d'un permis de conduire apparaît devoir résulter du cadeau de la mise à disposition d'une grue de levage, ou celle au cours de laquelle il invite fermement M. M... à participer à l'achat du violon ; que de nombreuses conversations font état de l'intervention de M. X... pour faire avancer des dossiers tels que celui du funiculaire de Grasse, dans un intérêt personnel, ou celui des déchets pour le compte de M. D... alors que contrairement à ce qui a pu être allégué des blocages subsistaient à l'époque, à l'égard desquels l'influence de Mme O... était jugée utile, outre sa possible intervention, sur le sujet, de manière générale ; que les conversations du 27 septembre et du 16 novembre 2012 entre M. X... et le directeur général de la société X... ne laissent aucune place au doute au lieu de quoi le premier n'aurait pas pris le soin d'aviser le second qu'il allait manger avec la sous-préfète avant de lui demander quels dossiers étaient à avancer auprès d'elle ; que lors de la perquisition des locaux de la société X... SAS, dans le dossier du marché de la SMED, on trouvera une fiche manuscrite où il est écrit : « la commission CNPN a donné un avis positif sur le dossier du SMED pour notre cas mais pas pour le dossier du Broc qui fait l'objet d'un retard certain, le préfet peut éventuellement passer outre » ; que M. X... a lui-même organisé la rencontre avec M. D..., qui participera sans avoir aucune relation personnelle avec Mme O... à l'achat de son violon ; qu'à cet égard les explications données par Mme O... ont été confondantes ; que celle-ci comme M. X... n'ont pu s'expliquer sur leur échange téléphonique du 26 décembre 2012, qui se clôt de la manière suivante : « ah j'ai eu mon pote pour te donner le dossier il lui manque un élément que l'on n'aura qu'à la rentrée avec H... G... U... qui gère les déchets sur Nice »,
- « tu me donnes ça la première semaine de la rentrée parce qu'après je vais être obligée de monter au créneau » ;
que si les faits de corruption reprochés à M. X... n'apparaissent pas suffisamment établis pour entrer en voie de condamnation à son encontre, ceux de trafic d'influence apparaissent au contraire parfaitement caractérisés ;

"1°) alors que le trafic d'influence actif suppose pour être caractérisé qu'une demande de décision favorable sur un objet précis ait été formulée par son auteur auprès de l'agent public dont il recherche l'influence ; qu'au-delà de conversations révélant que M. X... cherchait à informer la sous-préfète et à se tenir informé des questions relatives au traitement des déchets dans la région, la cour d'appel, qui ne fait état dans ses motifs d'aucune demande de décision ni même d'intervention ayant un objet déterminé adressée par le prévenu à sous-préfète n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors qu'en se bornant à constater, s'agissant du site du Broc, que M. X... avait organisé un dîner avec Mme O... et M. D..., dîner au cours duquel la sous-préfète aurait suggéré à M. D... de participer à l'achat d'un violon, sans préciser en quoi M. X... aurait personnellement proposé un avantage quelconque à la sous-préfète en vue d'obtenir une décision favorable concernant le site du Broc, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 121-1, 121-3, 121-4 et 433-1 2° du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de trafic d'influence actif ;

"aux motifs qu' une conversation du 27 septembre 2012 entre M. X... et le directeur de la société X... SAS, P... T..., attirait l'attention : « bon le funiculaire de Grasse, ça prend une bonne tournure aussi, favorable »

- Q... X... « ce soir je vais diner chez la sous-préfète là, il n'y pas de sujet sur l'est ? »,
- P... T... « non à part qu'il faut le funiculaire, il faut qu'il se fasse, après les sujets c'est de savoir un peu son sentiment sur les affaires qui sont en cours, des poubelles tu sais, l'incinérateur et le CVO, le centre de recyclage des poubelles, l'appel d'offres qui est en cours, comment elle voit la chose, si elle pense que cela va aller au bout, qu'il n'y a pas de problème avec les syndicats » ; [
] que le 16 novembre 2012 était interceptée une nouvelle conversation entre MM. X... et T... ; qu'il était question du dossier du syndicat mixte d'enlèvement des déchets (SMED), et des soucis créés par le CNP (conseil du patrimoine ?) ; que M. X... indiquait qu'il pourrait en parler à la sous-préfète ; qu'avant un déjeuner avec Mme O... qui devait initialement avoir lieu au restaurant de l'hôtel Martinez, M. X... avait avec M. T..., le 5 décembre 2012, la conversation suivante : « à midi je bouffe avec la sous12 préfète »,
- T... « tu penses à parler, il y a AV... »,
- Q... X... « AV... j'y ai pensé mais je veux attendre que l'on voit la mairie, ça sert à rien de précipiter les choses »,
P... T... « il y a le funiculaire de Grasse, si tu peux lui glisser un mot, en disant ouais cela en est où ? Nous on est là on attend vachement, après le reste, les poubelles, tu sais mieux que moi » ;
que cette conversation est surprenante au regard des déclarations que fera M. X... aux enquêteurs selon lesquelles ni le marché du funiculaire pour lequel sa société était adjudicataire avec la société Bouygues, depuis 2011, et qui n'avait pas encore été lancé, ni le dossier SMED ne pouvaient intéresser la sous-prèfète, à laquelle il n'avait rien demandé, ajoutant « en plus ce n'est pas de son ressort » et « tout cela ne dépend pas d'une once de la sous-préfète » ; qu'à l'audience de la cour, M. X... a maintenu qu'il n'avait jamais parlé à Mme O... de sujets dont il avait dit au téléphone qu'il les évoquerait, et cette dernière n'a cité que les dossiers afférents aux déchets pour avoir été évoqués, lors de simples échanges d'informations ; que pour autant M. X... expliquait qu'il avait organisé avec M. D... un dîner pour lui présenter Mme O... qui ne connaissait rien au thème du déchet sur le département, au restaurant « la petite maison de Nicole » à Nice fin 2012, repas qu'il avait payé ; que le 17 décembre 2012, Q... X... avait Z... M... au téléphone : Q... X... « oui je t'appelle parce que je suis avec notre amie J... »,
- Z... M... « oui pour son anniversaire »,
- Q... X... « et voilà, voilà et tu sais qu'elle a (mot inaudible) dans un magasin »,
- Z... M... « oui, je suis au courant, je l'ai su hier », Q... X... « voilà, il serait souhaitable que vous vous rappelasse de mettre quelques écus »,
- Z... M... « ouais, ouais, je vais envoyer un chèque moi, il y a pas de problème » [
] « tu envoies quoi toi ? »,
- Q... X... « moi j'ai envoyé 1 500
j'ai envoyé 1 500 »,
- Z... M... « c'est ça je vais faire la même chose » [
]
« c'est le violon avec l'archet [
], je l'ai su hier ! Le jour c'est quand son anniversaire ? » ;
qu'en ce qui concerne l'achat d'un violon pour son anniversaire, MmeO... avait ouvert une liste au magasin Allain etamp; Gasq à Nice ; que violon, archet et étui ont été facturés le 28 décembre 2012 la somme de 7 900 euros ; qu'au nombre des contributeurs, trois officiers de gendarmerie et un commissaire de police pour chacun 50 euros, le directeur de la verrerie de Biot pour 150 euros, le directeur de l'hôtel Martinez à Cannes pour 200 euros, M. et Mme B... de la fondation B... pour 300 euros, et aussi M. C... D..., président de la société Ehol SAS, ayant une activité de traitement des déchets et dont le siège est à Nice, pour 500 euros, M. M... pour 1 500 euros, M. X... pour 1 500 euros, et Mme Y... V..., présidente de la société Leclerc approvisionnement sud (centres commerciaux à l'enseigne Leclerc) pour le solde ; que Mme V..., propriétaire d'un centre Leclerc au Cannet, l'est aussi d'un centre ouvert à Cannes Ranguin courant 2012 ; qu'à l'audience, Mme O... a indiqué qu'elle avait préféré avoir un cadeau qui fasse plaisir plutôt que plusieurs qui ne serviraient à rien ; qu'elle ne se souvenait plus comment les contributeurs avait pu être informés de l'existence de cette liste ; que toutes les personnes citées étaient ses amis, mis à part C... D... ; [
] que le 26 décembre 2012, M. X... appelait J... E... O... : « tu as ton passeport ? C'est bon ? »,
- Q... X... « ça y est ça y est je l'ai eu en express je voulais te remercier, c'est parfait comme on part dimanche le timing était un peu short »,
- J... E... O... « serré
vous allez où. »,
- Q... X... « on part aux Maldives [
] ah j'ai eu mon pote pour te donner le dossier il lui manque un élément que l'on n'aura qu'à la rentrée avec H... G... U... qui gère les déchets sur Nice »,
- J... E... O... « tu me donnes ça la première semaine de la rentrée parce qu'après je vais être obligée de monter au créneau » ; qu'interrogés lors de l'audience à propos de cette question des déchets et du nommé U..., ni M. X... ni Mme O... ne se souvenaient de quoi et de qui il avait pu être question lors de leur échange ; que le 2 février 2013, Z... M... appelait Q... X... : « j'ai eu J... E... à l'instant, tu sais, elle a été nommée préfète dans la Creuse, je l'ai invitée, on va manger chez F... R..., voilà »,
- Q... X... « ah c'est sympa »,
- Z... M... « pour changer un peu. Tu veux venir ? » ; [
]
que tant pour le site du Broc que pour celui de Massoins, où le SMED souhaitait trier ou enfouir des déchets, était nécessaire l'obtention de deux arrêtés préfectoraux autorisant les travaux, s'agissant de mesures dérogatoires à la protection du lézard ocellé au Broc et d'une fleur, la molinie tardive, à Massouins ; qu'une évaluation préalable par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) était nécessaire, qui ne fut pas préalable en l'espèce puisque le président de ce conseil a indiqué que lorsqu'il s'était rendu sur les lieux pour évaluation, les travaux avaient en réalité commencé, en toute illégalité ; que des régularisations sont intervenues a posteriori, passant outre l'avis du CSRPN ; que ces passages en force, qui sont confirmés par l'audition de A... L... , avaient été, contrairement à ce qu'affirment certains mis en cause, source de difficultés dans la mesure où la DREAL avait signifié au SMED qu'elle ne rendrait pas d'avis sur le site de Massoins tant que la situation ne serait pas clarifiée ; que la situation avait été débloquée après que le SMED avait proposé des mesures compensatoires supplémentaires ; que le groupe Ozon, dirigé par M. D..., exploite le site du Broc depuis octobre 2010 ; que ce dernier ne semblait pas particulièrement inquiet que les autorisations nécessaires n'aient pas été données en temps et en heure, ou plutôt que les travaux aient été engagés de manière sauvage ; qu'il avait en revanche en vue une politique d'extension des sites de traitement de déchets sur les Alpes-Maritimes, dont une partie était envoyée sur Marseille ; qu'il déclarait qu'au cours du déjeuner de décembre 2012, qu'il avait initié car il voulait se faire connaître de la sous-préfète et lui présenter « sa vision des choses », celle-ci avait dit à deux reprises qu'elle avait déposé une liste pour son anniversaire, qu'il avait senti un message « un peu insistant » et qu'il ne pouvait pas ne pas participer, son refus pouvant peut-être nuire au groupe ; qu'il précisait « j'ai senti que je n'avais pas vraiment le choix » ; que la somme de 1 500 euros avait été prise en charge par une de ses sociétés ; [
] qu' il convient de déterminer s'il résulte du dossier que les dons, présents et avantages qui sont en cause ont été mis en oeuvre dans le dessein de bénéficier des pouvoirs et/ou de l'influence, d'une sous-préfète en l'occurrence, et spécialement s'agissant du triathlon de Cannes 2012, l'organisation du triathlon de Cannes 2013, l'obtention du duplicata du permis de conduire de son épouse QF... X... et d'une intervention sur le dossier SMED, site du Broc ; [
] ; qu'on sait que M. X... a fait en sorte que le fils de Mme O..., qu'il connaissait depuis quelques semaines alors, bénéficie d'entrées privilégiées dans des lieux de nuit de la côte d'Azur à l'occasion du festival du film de Cannes, en mai 2012, participé par l'intermédiaire de sa société à l'aménagement du parc de la sous-préfecture en obtenant que la mise à disposition d'une grue soit prise en charge par une société en relation d'affaires avec celle qu'il dirigeait, émargé à hauteur de 1 500 euros pour l'achat d'un violon offert à Mme O..., encouragé des tiers à y participer, conforté son épouse pour le paiement d'un spa au profit de cette dernière ; qu'il a aussi organisé un diner avec M. D..., dirigeant de la société gestionnaire du site du Broc, qu'il a pris en charge ; que si le prévenu souligne à juste titre que ces cadeaux représentent peu de choses au regard de ses revenus nets, qui sont de plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois, il n'ignorait pas non plus qu'au regard de ceux d'un fonctionnaire, fut-il de haut rang, ces dons pouvaient apparaître significatifs, et hors de proportion avec les usages ; que M. X... peine à décrire la nature des relations qu'il entretenait avec Mme O..., assurant qu'elle ne faisait pas partie de son cercle d'amis, puis mettant son attitude au compte d'une relation de proximité (« j'ai fait cela car elle était très affectée par la maladie de son mari et qu'elle ne pouvait pas beaucoup s'occuper de son fils »), sentiment qu'entretenait sans doute la familiarité dont Mme O... fait montre à l'égard de ses interlocuteurs, au travers des interceptions téléphoniques, et plaidant à l'audience de la cour d'admiration qu'il aurait eu à l'égard de cette femme brillante ; que certaines conversations laissent néanmoins apparaître une attitude moins désintéressée, notamment celle qu'il a avec son épouse où la remise d'un permis de conduire apparaît devoir résulter du cadeau de la mise à disposition d'une grue de levage, ou celle au cours de laquelle il invite fermement M. M... à participer à l'achat du violon ; [
] que de nombreuses conversations font état de l'intervention de M. X... pour faire avancer des dossiers tels que celui du funiculaire de Grasse, dans un intérêt personnel, ou celui des déchets pour le compte de M. D... alors que contrairement à ce qui a pu être allégué des blocages subsistaient à l'époque, à l'égard desquels l'influence de Mme O... était jugée utile, outre sa possible intervention, sur le sujet, de manière générale ; que les conversations du 27 septembre et du 16 novembre 2012 entre M. X... et le directeur général de la société X... ne laissent aucune place au doute au lieu de quoi le premier n'aurait pas pris le soin d'aviser le second qu'il allait manger avec la sous-préfète avant de lui demander quels dossiers étaient à avancer auprès d'elle ; que lors de la perquisition des locaux de la société X... SAS, dans le dossier du marché de la SMED, on trouvera une fiche manuscrite où il est écrit : « la commission CNPN a donné un avis positif sur le dossier du SMED pour notre cas mais pas pour le dossier du Broc qui fait l'objet d'un retard certain, le préfet peut éventuellement passer outre » ; que M. X... a lui-même organisé la rencontre avec M. D..., qui participera sans avoir aucune relation personnelle avec Mme O... à l'achat de son violon ; qu'à cet égard les explications données par Mme O... ont été confondantes ; que celle-ci comme M. X... n'ont pu s'expliquer sur leur échange téléphonique du 26 décembre 2012, qui se clôt de la manière suivante : « ah j'ai eu mon pote pour te donner le dossier il lui manque un élément que l'on n'aura qu'à la rentrée avec M. H... G... U... qui gère les déchets sur Nice »,
- « tu me donnes ça la première semaine de la rentrée parce qu'après je vais être obligée de monter au créneau » ;
que si les faits de corruption reprochés à M. X... n'apparaissent pas suffisamment établis pour entrer en voie de condamnation à son encontre, ceux de trafic d'influence apparaissent au contraire parfaitement caractérisés ;

"1°) alors que les motifs de la décision attaquée, qui se réfèrent indistinctement à la situation du site de Massouins et à celle du site du Broc, seul ce dernier faisant l'objet des poursuites, ne permettent pas de distinguer précisément quels faits se réfèreraient à ce dernier et seraient ainsi susceptibles de caractériser le trafic d'influence poursuivi ; que faute de permettre d'identifier une quelconque décision favorable sollicitée par le prévenu et qu'il aurait demandé à la sous-préfète d'influencer, relative au site du Broc et non à celui de Massouins, l'arrêt attaqué n'est pas suffisamment motivé ni légalement justifié ;

"2°) alors que l'élément intentionnel du trafic d'influence actif suppose que soit caractérisé un dol spécial, consistant dans le fait pour son auteur d'agir dans le but d'obtenir une décision favorable ; que faute d'avoir identifié la décision favorable qu'aurait recherchée M. X... par les agissements reprochés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour déclarer M. X... coupable de trafic d'influence actif, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne pouvait sans se contredire énoncer que M. X... a gratifié en connaissance de cause le sous-préfet d'arrondissement afin qu'elle use de son influence pour favoriser ses affaires et celles de M. D..., dirigeant du groupe exploitant le site de traitement de déchets du Broc, car des blocages subsistaient à l'époque, tout en relevant que les travaux sur ce site avaient été engagés malgré le défaut d'autorisation, que des régularisations étaient intervenues a posteriori, et que la situation avait été débloquée après proposition de mesures compensatoires supplémentaires, raison pour laquelle M. D... n'était pas inquiet de ce que les autorisations nécessaires n'avaient pas été données en temps et en heure, n'a pas justifié sa décision s'agissant de l'intervention favorable attendue de Mme O... concernant ce site ;

Par ces motifs :

I- Sur les pourvois de MM. N... et W... :

CONSTATE la déchéance des pourvois ;

II- Sur le pourvoi de Mme O... :

REJETTE le pourvoi ;

III - Sur le pourvoi de M. X... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 novembre 2017, mais en ses seules dispositions relatives à M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois avril deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-87209
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-87209


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.87209
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