LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 622-7, I, du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours de l'année 2007, la société Sauvaget et compagnie (la société Sauvaget) a réalisé, pour le compte de la SCI Lepas Dubuisson (la SCI), des travaux portant notamment sur l'installation d'un système de chauffage et réceptionnés le 12 août 2008 ; que la société Sauvaget a été mise en redressement judiciaire le 31 mars 2011 ; que le 21 octobre 2011, la SCI, qui, par une ordonnance du 8 septembre 2011, avait été relevée de la forclusion encourue par une ordonnance du 8 septembre 2011, a déclaré des créances au passif concernant des pénalités de retard et des dommages-intérêts pour non-conformité de l'installation de chauffage ; que le 9 décembre 2011, un plan de redressement a été arrêté au profit de la société Sauvaget ; que le 30 janvier 2013, cette dernière a assigné en paiement du solde des travaux la SCI, laquelle lui a opposé la compensation avec ses propres créances déclarées ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées par la SCI au titre des pénalités de retard et des dommages-intérêts liés à la non-conformité de l'installation de chauffage, l'arrêt retient que cette société ne justifie pas de l'admission de ses créances au passif de la procédure collective de la société Sauvaget ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'un créancier invoque la compensation d'une créance antérieure connexe déclarée pour s'opposer à la demande en paiement formée contre lui par un débiteur en procédure collective, le juge du fond saisi de cette demande doit d'abord se prononcer sur le caractère vraisemblable ou non de la créance ainsi invoquée, et, dans l'affirmative, ne peut qu'admettre le principe de la compensation et ordonner celle-ci à concurrence du montant de la créance à fixer par le juge-commissaire, sans que le créancier n'ait à prouver que sa créance a été admise à ce stade, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la SCI Lepas Dubuisson au titre des pénalités de retard et de l'installation de chauffage, l'arrêt rendu le 15 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Entreprise Sauvaget et compagnie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Lepas Dubuisson.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande en paiement de la SCI Lepas Dubuisson au titre des pénalités de retard, ainsi que celle au titre de l'installation de chauffage ;
AUX MOTIFS QUE « sur les pénalités de retard : la société Sauvaget ; qui a été condamnée par les premiers juges à verser à ce titre la somme de 16.000 euros, fait valoir que la SCI Lepas et Dubuisson n'a pas déclaré à son passif la créance au titre des pénalités de retard de sorte qu'elle ne peut lui opposer aucune créance à ce titre ; que la SCI réclame pour sa part à ce titre la somme de 1.078.482,85 euros ; qu'elle soutient avoir déclaré cette créance au passif de la société Sauvadet ; que la société Sauvaget a été en effet placée en redressement judiciaire le 31 mars 2011 par jugement du tribunal de commerce de Nanterre, le 21 janvier 2011 étant la date de cessation des paiements. Ce même tribunal a adopté le 9 décembre 2011 un plan de redressement (pièces de l'appelante n°37 et 38) ; qu'il résulte des pièces versées aux débats : - que par ordonnance en date 8 septembre 2011 notifiée le 16 septembre 2011, le juge commissaire chargé du suivi de la procédure collective de la société Sauvaget a relevé la SCI de la forclusion encourue, (pièce N°4 de la SCI) ; - que le 2I octobre 2011, la SCI Lepas Dubuisson a déclaré sa créance à titre chirographaire pour notamment la somme de 1.078.482,85 euros au titre des pénalités de retard pour les 4 lots (pièce n°3 de la SCI) ; - que la SCI Lepas Dubuisson ne verse aux débats aucune pièce justifiant de l'admission de sa créance au passif de la société Sauvaget ou d'une ordonnance du juge commissaire constatant qu'une instance était en cours, (article L 624-2 du code de commerce) ; - que par courrier du 30 novembre 2015, te commissaire à l'exécution du plan de la société Sauvaget précise que La créance de la SCI Lepas Dubuissson est forclose et donc inopposable au débiteur pendant l'exécution du plan et ce en application des dispositions de l'article L 626-26 du code de commerce (pièce n°49 de la société Sauvaget) ; que dès lors, le plan de continuation étant en cours et la SCI Lepas Dubuisson ne justifiant pas de l'admission de sa créance au passif, sa demande de paiement des pénalités de retard est donc irrecevable : le jugement doit être infirmé du chef de la condamnation au titre des pénalités de retard et également du chef de la compensation entre les créances » ;
ET AUX MOTIFS QU' : « il a déjà été statué sur l'appel incident relatif aux pénalités de retard dans le cadre de l'appel principal de la société Sauvaget sur ce chef du jugement ; que sur la demande au titre de la mise en conformité de l'installation de chauffage : que la SCI Lepas Dubuisson qui en a été déboutée en première instance sollicite la somme de 39.242,53 euros au titre des frais de mise en conformité de l'installation de chauffage, faisant valoir qu'il existe un déficit de chauffage en hiver ; une température de 18°, conforme aux normes et aux textes réglementaires ; la société Sauvaget conclut au débouté de la demande soulignant que l'immeuble a été revendu, que cette demande a pour but de tenter de compenser les sommes dues au titre du soldes marchés et plus de 8 ans après les travaux ; que comme précédemment, la demande au titre des travaux de reprise a fait l'objet de la déclaration de créance du 21 octobre 2011 précédemment évoquée (pièce n°3 de la SCI) à hauteur de 40.000 euros ; qu'il n'est pas plus justifié que pour les pénalités de retard que cette créance ait été admise au passif de la société Sauvaget ou fasse l'objet d'une décision de constatation d'une instance en cours de sorte que la demande de la SCI Lepas Dubuisson est également irrecevable du chef des travaux de reprise du chauffage, le jugement étant réformé de ce chef » ;
1°) ALORS QUE la déclaration de créance au passif d'un débiteur équivaut à une demande en justice qui saisit le juge-commissaire, qui doit statuer sur toutes les créances déclarées ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de la société Lepas Dubuisson aux motifs que sa créance était forclose et qu'elle ne justifiait pas de son admission au passif, après avoir pourtant constaté que la société Lepas Dubuisson avait régulièrement déclaré sa créance après avoir été relevée de la forclusion, ce dont il s'inférait qu'elle demeurait dans l'attente de la décision du jugecommissaire et ne pouvait être considéré comme forclose, la cour d'appel a violé l'article L. 624-1 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE le créancier qui a régulièrement déclaré sa créance et qui est poursuivi en paiement par le débiteur peut opposer la compensation avant même que sa propre créance ait été vérifiée ; que la société Lepas Dubuisson, qui avait régulièrement déclaré sa créance après avoir été relevée de la forclusion, pouvait en toute hypothèse opposer la compensation à la société Sauvaget et compagnie, sans avoir à prouver que sa créance avait été admise à la procédure collective ; qu'en rejetant néanmoins sa demande de compensation au motif inopérant qu'elle ne justifiait pas de l'admission de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du Code de commerce.