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03/04/2019 | FRANCE | N°17-26240

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 avril 2019, 17-26240


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ecodem a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 5 septembre et 24 octobre 2013 ; que M. Y..., gérant de la société, a été condamné à supporter l'insuffisance d'actif ;

Attendu que pour prononcer cette condamnation, l'arrêt retient qu'outre ses fautes tenant à une déclaration de cessation des paiements tardiv

e, au paiement privilégié de ses dettes personnelles, à la poursuite d'une activité défic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ecodem a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 5 septembre et 24 octobre 2013 ; que M. Y..., gérant de la société, a été condamné à supporter l'insuffisance d'actif ;

Attendu que pour prononcer cette condamnation, l'arrêt retient qu'outre ses fautes tenant à une déclaration de cessation des paiements tardive, au paiement privilégié de ses dettes personnelles, à la poursuite d'une activité déficitaire et au remboursement du compte courant d'associé, fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif dès lors qu'une demande d'ouverture de la procédure collective dès le mois de mars 2012 aurait pu permettre le redressement de l'entreprise, M. Y... n'a pas tenu de comptabilité régulière ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre cette dernière faute de gestion, qu'elle retenait, et l'insuffisance d'actif de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société U..., en qualité de liquidateur de la société Ecodem, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce d'Angoulême en date du 31 mai 2016 en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à la société U... la somme de 202.256,19 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, sauf à fixer cette somme à 212.256,19 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par le dirigeant de droit ; que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre du dirigeant d'une personne morale sous procédure collective requiert donc trois conditions, savoir une faute de gestion, une insuffisance d'actif et un lien de causalité ; qu'il s'agit d'une action en responsabilité civile délictuelle à caractère non répressif, mais exclusivement indemnitaire, qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers, qui se satisfait de la preuve d'une faute de gestion suffisamment grave tranchant avec le comportement habituel d'un dirigeant malheureux et de bonne foi, mais n'est pas subordonnée à la démonstration de la poursuite par le dirigeant de la satisfaction d'un intérêt personnel ; que sur les fautes de gestion et le lien de causalité, l'appelant soutient que le tribunal n'a pas suffisamment caractérisé les fautes de gestion qui lui sont reprochées ; qu'il se déduit cependant des termes du jugement que les fautes retenues pour caractériser la faillite personnelle de M. Y... étaient aussi constitutives de fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; que les faits tels qu'ils ont été développés supra (déclaration de cessation des paiements tardive ; paiement privilégié de ses dettes personnelles par M. Y... ; poursuite d'une activité déficitaire ; remboursement du compte courant d'associé de la société Maxeva) constituent à l'évidence des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif dès lors qu'une demande d'ouverture de procédure collective dès le mois de mars 2012 aurait pu permettre le redressement de l'entreprise ; que de même, le remboursement anticipé du compte courant d'associé de la société Maxeva, comme la prise en charge des dettes personnelles de RSI de M. Y... par la société, ont incontestablement contribué à l'aggravation du passif et donc à l'insuffisance d'actif puisque ces paiements ont nécessairement été faits au détriment du paiement d'autres dettes de la société ; qu'à cela s'ajoute l'absence de comptabilité régulière, M. Y... n'ayant communiqué, à l'appui de sa demande d'ouverture de redressement judiciaire, qu'un projet de bilan au 30 septembre 2012 sans qu'aucune comptabilité définitive ne soit ensuite fournie concernant cet exercice alors même que les comptes de la société Ecodem, qui étaient clôturés au 30 septembre de chaque année, auraient dû être approuvés au plus tard le 30 mars 2013 puis déposés au plus tard le 30 avril suivant, rien ne justifiant que M. Y..., qui a sollicité l'ouverture d'une procédure collective le 14 août 2013, se dispense de cette formalité ; qu'il en résulte une irrégularité des grands livres 2013 qui reposent donc sur des comptes établis au 30 septembre 2012 de façon provisoire, cette absence de tenue d'une comptabilité régulière étant constitutive d'une faute de gestion ; que sur l'insuffisance d'actif, par principe, une telle insuffisance s'établit par la différence entre le montant du passif admis et le montant de l'actif de la personne morale débitrice, tel qu'il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire ; que l'action est recevable même si les opérations de liquidation ne sont pas terminées, dès lors qu'il apparaît avec évidence que l'actif sera insuffisant pour payer le passif ; qu'il n'est pas nécessaire par ailleurs que la faute soit à l'origine exclusive du dommage constitué par l'insuffisance d'actif, mais qu'il il suffit qu'elle y ait contribué ; qu'en l'espèce, l'état des créances au 7 juillet 2016 de la société Ecodem révèle une insuffisance d'actif à hauteur de 212.256,19 € (passif définitif échu de 197.202,94 € + passif définitif à échoir de 15.053,25 €), déduction faite de l'actif (constitué de quelques véhicules, mis en vente et vendu le 5 juin 2014 pour un montant global de 21.200 €) ; que dès lors qu'il résulte de l'argumentation développée plus haut que les fautes de l'appelant ont contribué à l'insuffisance d'actif, il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné M. Y... au paiement de l'insuffisance d'actif, sauf à fixer cette somme à 212.256,19 € au lieu de celle de 202.256,19 € retenue par le tribunal du fait, à l'évidence, d'une simple erreur de plume ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les fautes relevées ci-dessus dans le cadre de la condamnation à une sanction personnelle de M. Y... sont des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'il y a lieu de condamner M. Y... à régler entre les mains du liquidateur la somme de 202.256,19 € représentant la totalité de l'insuffisance d'actif ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le ministère public peut faire connaitre son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la dispositions des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en se bornant à énoncer que le ministère public avait conclu le 1er septembre 2016 (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 1er), sans constater que M. Y... avait reçu communication desdites conclusions écrites, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE l'existence d'une faute de gestion n'autorise à faire supporter par le dirigeant social l'insuffisance d'actif que s'il est établi que cette faute a contribué à créer ou à accroître le passif ; qu'en condamnant M. Y... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Ecodem, motif pris de fautes de gestion imputables à celui-ci, sans caractériser en quoi ces fautes avaient contribué à cette insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE la condamnation pour insuffisance d'actif impose la caractérisation d'une faute de gestion ; que lorsque la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif a été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ; qu'en retenant, au titre des fautes de gestion imputées à M. Y..., le remboursement du compte courant d'associé de la société Maxeva pour une somme de 15.829 € (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 4 et p. 8, alinéa 2), tout en constatant que le principe d'une telle opération n'était « ni illégal, ni critiquable » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble le principe de proportionnalité ;

ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions du 16 mars 2017, p. 11, alinéa 7), M. Y... faisait valoir que la mise en liquidation judiciaire de la société Ecodem était liée « au mauvais contexte économique du secteur d'activité et à la concurrence exacerbée entre les transporteurs et les déménageurs » ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions déterminantes, de nature à établir que l'insuffisance d'actif de la société Ecodem ne pouvait être imputée à des fautes de gestion imputables à son dirigeant mais aux difficultés économiques affectant le secteur du déménagement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26240
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 26 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-26240


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Rémy-Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26240
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