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03/04/2019 | FRANCE | N°17-22405

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 avril 2019, 17-22405


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme J... , engagée par la société Façonnable le 1er février 1985, a été licenciée pour motif économique par lettre du 24 décembre 2012 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, pour juger le licenciement de la salariée sans cause réelle et s

érieuse et condamner la société à lui payer la somme de 80 500 euros de dommages-intérêts ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme J... , engagée par la société Façonnable le 1er février 1985, a été licenciée pour motif économique par lettre du 24 décembre 2012 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, pour juger le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer la somme de 80 500 euros de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que la liste de différents postes disponibles au sein du groupe et de la maison mère remise à la salariée le 29 novembre 2012 comprenait des postes sans rapport avec celui occupé par cette dernière ou avec un salaire et un niveau de responsabilité inférieurs à son poste et que, si la société a complété cette liste le 3 décembre 2012 par une liste de trois postes à l'étranger, ceux-ci figuraient déjà sur la liste précédente, qu'en outre, la salariée avait précisé, en réponse à un questionnaire permettant d'étudier les possibilités de reclassement, que sa mobilité géographique n'incluait pas l'étranger ; qu'il se déduit de ces éléments que la société n'a pas individualisé les offres de reclassement faites à la salariée et a manqué de sérieux dans l'exécution de son obligation de reclassement ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans vérifier, après avoir constaté que la société avait proposé à la salariée différents postes au sein du groupe et de la maison mère, si l'employeur ne justifiait pas de l'absence d'autres postes disponibles au sein des entreprises du groupe de reclassement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement de Mme J... sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Façonnable à lui payer la somme de 80 500 euros de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 31 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Façonnable.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme P... J... est sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la société Façonnable à lui payer les sommes de 80 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Mme J... déclare qu'elle a légitimement refusé la modification de son poste car son époux travaille en région parisienne et que sans déménagement, cela représentait plus de quatre heures de trajet quotidien. Mme J... ajoute que la liste des postes remise le 29 novembre 2012 comprenait seulement deux emplois similaires sur le territoire français, celui déjà refusé, et un poste à Toulouse encore plus éloigné et inenvisageable, ainsi que deux postes de responsable de boutique en Espagne et en Belgique et que la liste de postes remise le 3 décembre 2012 comprenait les postes déjà communiqués. Mme J... conclut que l'employeur n'a pas procédé à une recherche de reclassement de façon loyale, sérieuse et personnalisée alors que le groupe possède plusieurs marques de prêt à porter de luxe.
La société Façonnable fait valoir qu'un nombre important de propositions de reclassement ont été communiquées à la salariée, qui a fait savoir qu'elle n'accepterait qu'un poste situé dans le département de Paris. La société Façonnable précise avoir communiqué à la salariée, le 29 novembre 2012, une liste de postes à pourvoir au sein de la société mais aussi des filiales du groupe, puis lui avoir fait connaître la disponibilité de deux nouveaux postes, qu'elle a fait des efforts importants pour tenter de la reclasser en vain. La société Façonnable ajoute que l'obligation de reclassement ne naît qu'au moment où est envisagée la procédure de licenciement, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir tardé à mettre en oeuvre la procédure de reclassement.
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si son reclassement dans l'entreprise, et le cas échéant dans le groupe auquel appartient l'entreprise n'est pas possible. Les possibilités de reclassements doivent être recherchées à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Aucune forme n'est requise par la loi ou la convention collective pour interroger les sociétés appartenant à un groupe en vue du reclassement d'un salarié dont le licenciement est envisagé. Les propositions de reclassement doivent être précises et individualisées.
En l'espèce, la société Façonnable a proposé une modification du contrat de travail de la salariée par son affectation sur un poste de responsable de boutique près de Troyes, proposition refusée par celle-ci en raison de l'impossibilité d'effectuer des trajets quotidiens d'environ quatre heures, mais également de déménager du fait de l'emploi de son époux situé en région parisienne.
Il ne peut être tenu rigueur à l'employeur de ne pas avoir proposé un poste de responsable de boutique située boulevard Saint Germain en décembre 201l, ayant nécessité un recrutement extérieur, alors que l'obligation de reclassement s'apprécie à partir du moment où le licenciement est envisagé, c'est à dire dans une période proche de la convocation à l'entretien préalable au licenciement envoyée le 16 novembre 2012, soit près d'un an après le recrutement litigieux.
La société Façonnable produit une liste de différents postes à pourvoir au sein du groupe et de la maison mère, remise à la salariée le 29 novembre 2012.
Cependant cette liste comprend des postes sans rapport avec celui occupé par Mme J... , tel que femme de ménage, retoucheur, démonstrateur, assistant planning, ou avec un salaire et un niveau de responsabilité inférieurs au poste de Mme J... tel que vendeur.
La société Façonnable a complété cette liste le 3 décembre 2012 par une liste de trois postes à l'étranger, lesquels figuraient cependant déjà sur la liste précédente.
Or, le 25 novembre 2012, Mme J... avait précisé, en réponse à un questionnaire permettant d'étudier les possibilités de reclassement, que sa mobilité géographique n'incluait pas l'étranger, mais était limitée à la région Ile de France et au département de Haute Savoie, ainsi que son acceptation d'un emploi à temps partiel, d'un changement de métier ou de suivi d'une formation.
Il s'en déduit que l'employeur, en n'individualisant pas les offres de reclassement faites à la salariée qui avait refusé la proposition de modification de poste pour des motifs légitimes et avait répondu au questionnaire permettant d'individualiser les offres en fonction de son profil et de sa mobilité géographique et fonctionnelle, a manqué de sérieux dans l'exécution de son obligation de reclassement.
La rupture du contrat de travail produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision sera infirmée.
La salariée qui avait au moins deux ans d'ancienneté dans la société qui employait au moins onze salariés au moment de la rupture de son contrat de travail peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.
Mme J... justifie avoir recherché du travail, et n'avoir retrouvé un emploi qu'à compter du 17 novembre 2015 en qualité de responsable de boutique pour la société La Maille Souple pour un salaire moins élevé de 2 400 € mensuels, outre des primes d'objectifs.

Au vu du salaire mensuel brut moyen de la salariée de 4 026 €, de son ancienneté de plus de 27 ans, de son âge de 52 ans au moment de la rupture, il y a lieu de lui allouer une somme de 80 500 € à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse »

ALORS QU' aucun manquement à l'obligation de reclassement ne peut être reproché à l'employeur lorsque ce dernier justifie de l'absence de tout poste disponible correspondant à la fois à la qualification du salarié et aux exigences de ce dernier en termes de mobilité géographique, et établit lui avoir proposé tous les postes disponibles de catégorie inférieure compatibles avec ces exigences ; que la société Façonnable faisait valoir qu'elle avait transmis la liste de tous les postes disponibles en son sein et au sein du groupe à Mme J... correspondant à son statut et son niveau de qualification ; qu'il n'était pas contesté que chaque poste de la liste était parfaitement individualisé et détaillé de sorte que la salariée pouvait choisir en toute connaissance de cause les postes qui pouvaient lui convenir ; qu'en reprochant à l'employeur, après avoir constaté que cette liste comportait des postes de catégorie inférieure à celui occupé par Mme J... , ou situés à l'étranger contrairement au refus de mobilité exprimé par cette dernière, de n'avoir pas individualisé les propositions de reclassement qui lui avaient été faites, pour dire que la société Façonnable avait failli à son obligation de reclassement, sans cependant caractériser qu'il existait d'autres postes disponibles davantage compatibles avec le profil et les exigences de la salariée qui ne lui auraient pas été proposés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22405
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-22405


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22405
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