LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. J... de ce qu'il intervient volontairement en qualité de mandataire judiciaire de Mme Q... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu qu'il résulte du second de ces textes que la résolution d'un contrat emporte anéantissement rétroactif de celui-ci et remise des choses en leur état antérieur à la date de conclusion du contrat ; que selon le premier, lorsque des contrats sont interdépendants, la résolution de l'un quelconque d'entre eux entraîne, à la date d'effet de la résolution, la caducité par voie de conséquence des autres ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 20 janvier 2011, Mme Q... a conclu avec la société Eurocaisse un contrat portant sur la fourniture de matériels incluant une caisse enregistreuse et, avec la société Locam, un contrat de location financière ayant pour objet la location de ces matériels, d'une durée de soixante-trois mois, moyennant le paiement de loyers mensuels ; que, soutenant que la caisse enregistreuse n'avait jamais fonctionné, Mme Q... n'a pas payé les loyers et a vainement mis en demeure, par une lettre du 27 avril 2011, la société Eurocaisse de remplacer le matériel défectueux ; que le 20 mai 2011, la société Locam a vainement mis en demeure Mme Q... de lui payer les loyers échus et impayés, sous peine d'application de la clause résolutoire stipulée au contrat de location financière ; que les 3 et 8 juin 2011, Mme Q... a assigné les sociétés Eurocaisse et Locam en demandant, à titre principal, l'annulation du contrat de fourniture de matériels et la nullité subséquente du contrat de location financière et, subsidiairement, la résolution du premier contrat et la « résolution » par voie de conséquence du second, ainsi que la condamnation de la société Locam au paiement de dommages-intérêts ; qu'au cours de la première instance, le 4 septembre 2012, la société Eurocaisse a été mise en liquidation judiciaire, M. P... étant nommé liquidateur ; que le 24 octobre 2017, après le prononcé de l'arrêt attaqué, Mme Q... a été mise en redressement judiciaire, M. J... étant nommé mandataire judiciaire ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme Q... tendant à la « résolution » par voie de conséquence du contrat de location financière conclu avec la société Locam et à la condamnation de cette dernière au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt énonce, d'abord, que la caducité de ce contrat, par l'effet de la résolution du contrat de prestations de service, est subordonnée à l'absence de résiliation préalable du contrat de location en vertu de sa clause résolutoire ; qu'il retient, ensuite, que Mme Q..., qui n'a jamais payé les loyers dus à la société Locam, n'a pas demandé la résolution judiciaire du contrat conclu avec la société Eurocaisse avant de recevoir, le 20 mai 2011, une lettre de la société Locam la mettant en demeure de payer l'arriéré de loyers ; qu'il en déduit que, le contrat de location financière ayant pris fin par l'effet de la clause résolutoire, le 28 mai 2011, dans les conditions prévues par cette clause, et avant l'exercice par Mme Q..., le 3 juin 2011, de l'action en résolution judiciaire du contrat de prestations de service conclu avec la société Eurocaisse, la résolution de ce dernier contrat ne peut avoir pour conséquence de frapper de caducité un contrat qui avait déjà pris fin, de sorte que Mme Q... reste redevable des loyers échus et impayés, ainsi que de l'indemnité de résiliation ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté l'interdépendance existant entre les deux contrats en cause et prononcé la résolution de celui conclu le 20 janvier 2011 entre Mme Q... et la société Eurocaisse, ce dont il résulte que cette résolution, qui avait pris effet au 20 janvier 2011, avait entraîné, à la même date, la caducité, par voie de conséquence, du contrat conclu entre Mme Q... et la société Locam, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir entraîne la cassation par voie de conséquence des dispositions relatives à la condamnation de Mme Q... à payer à la société Locam la somme de 51 376,02 euros, correspondant aux loyers échus et à échoir, majorés d'une clause pénale de 10 %, assortie des intérêts au taux légal, à la capitalisation de ces intérêts et à la condamnation de Mme Q... aux dépens ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme Q... tendant à la résolution du contrat conclu avec la société Locam et à la condamnation de cette société au paiement de dommages-intérêts, en ce qu'il condamne Mme Q... à payer à la société Locam la somme de 51 376,02 euros assortie des intérêts au taux légal, en ce qu'il ordonne la capitalisation de ces intérêts et en ce qu'il condamne Mme Q... aux dépens, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne la société Locam aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme Q... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme Q... et Me J..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Q... de sa demande tendant au prononcé de la résolution du contrat conclu avec la société Locam et de sa demande de dommages et intérêts et de l'avoir condamnée à payer à la société Locam la somme de 51 376,02 euros,
AUX MOTIFS QU'au regard de ce bon de commande signé le 20 janvier 2011, et du contrat de location conclu avec la société Locam, M... Q..., en vertu d'un mandat que lui a donné celle-ci, a choisi la société Eurocaisse comme son fournisseur, ainsi que le matériel dont elle avait besoin ; qu'au regard du bon de commande, elle a aussi conclu avec la société Eurocaisse un contrat de prestation de service ayant pour objet l'installation de ce matériel et la fourniture d'une assistance technique ; qu'un document du 24 janvier 2011 émanant de la société Eurocaisse précise son engagement consistant à mettre gratuitement à la disposition de M... Q... un technicien qui « assurera toutes les mises en place nécessaires pour le bon fonctionnement de l'installation » ; qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 3 mars 2011 par un huissier de justice, que la caisse enregistreuse vendue par la société Eurocaisse à la société Locam, et donnée en location à M... Q... ne fonctionne pas ; que l'huissier a notamment constaté que l'état du stock était arrêté au 15 février 2011 ; que des produits achetés et passés en caisse étaient affichés à des prix erronés ; que le prix affiché sur cette caisse et imprimé sur le ticket de caisse pour un produit ne correspondait pas à son étiquetage ; que pour un pack de douze canettes de bière de marque Heineken, la caisse enregistreuse affichait un stock de moins 90 unités le 2 mars 2011, alors que dans le magasin le même produit se trouvait en plusieurs exemplaires ; que l'huissier a aussi constaté sur le deuxième poste informatique situé à l'arrière du magasin qu'un message d'erreur imposait l'arrêt du système dès la mise en route ; qu'il a ensuite observé que plusieurs fonctionnalités des onglets de l'écran étaient inaccessibles ; qu'il a noté les allégations de M... Q... selon lesquelles elle était contrainte, en raison de l'absence de fiabilité de la caisse enregistreuse litigieuse, de procéder quotidiennement à un inventaire manuel, à un établissement manuel des tickets de caisse et de l'étiquetage des produits en rayon ; que ces éléments établissent donc que la société Eurocaisse, en dépit de plusieurs déplacements de ses techniciens pour installer le matériel donné en location, a exécuté imparfaitement son engagement, en dépit de la mise en demeure qui lui a été notifiée, et que cette inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résolution du contrat ; que M... Q... soutient que le contrat qu'elle a conclu avec la société Eurocaisse et celui conclu avec la société Locam sont interdépendants et qu'il en résulte que doivent être réputées non écrites les clauses du contrat de location inconciliables avec cette interdépendance, notamment celle privant le locataire de son droit d'agir à l'encontre de la société Locam, celles prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas de défaut du paiement du loyer et celle mettant à la charge du locataire le paiement d'une indemnité forfaitaire qu'elle en déduit que la résolution du contrat conclu avec la société Eurocaisse entraîne donc la disparition du contrat conclu avec la société Locam dans la mesure où celui-ci n'a plus de cause et d'objet ; que cependant la clause résolutoire stipulée par les conditions générales du contrat de location n'est pas inconciliable avec l'interdépendance qui existe entre ce contrat et celui conclu entre M... Q... et la société Eurocaisse ; que la caducité du contrat de location, par l'effet de la résolution du contrat de prestation de service, est subordonnée à l'absence de résiliation préalable du contrat de location en vertu de la clause résolutoire ; que M... Q..., qui n'a jamais payé les loyers dus à la société Locam, n'a pas sollicité la résolution judiciaire du contrat conclu avec la société Eurocaisse avant de recevoir le 20 mai 2011 une lettre du loueur la mettant en demeure de payer l'arriéré de loyers ; que le contrat de location a donc pris fin par l'effet de la clause résolutoire le 28 mai 2011 ; que la résiliation du contrat de location ayant pris effet dans les conditions prévues par sa clause résolutoire avant l'exercice par M... Q... le 3 juin 2011 de l'action en résolution judiciaire du contrat de prestation de service, cette résolution ne peut pas avoir pour conséquence de frapper de caducité un contrat qui avait déjà pris fin, en sorte que M... Q... reste redevable des loyers échus et impayés, ainsi que de l'indemnité de résiliation ; qu'en l'absence de faute prouvée de la société Locam dans l'exécution du contrat de location, M... Q... doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée contre elle ; que l'article 12 des conditions générales du contrat de location stipule qu'en cas de résiliation contractuelle du contrat, le locataire devra verser au louer une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 %, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 % ; que cette peine conventionnellement fixée n'est pas manifestement excessive ;
1°- ALORS QUE lorsque deux contrats sont interdépendants, la résolution de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité de l'autre ; qu'en cas de résolution judiciaire d'un contrat synallagmatique à exécution successive, celui-ci est résolu, non à compter de la date à laquelle une action en ce sens a été initiée mais, rétroactivement, pour la période à partir de laquelle l'un des contractants n'a pas rempli ses obligations ; qu'en décidant que le contrat avec la société Eurocaisse n'était pas résolu à la date du 20 mai 2011, ce qui permettait à cette date à la société Locam de mettre en oeuvre sa propre clause résolutoire, quand elle prononçait la résolution du contrat de la société Eurocaisse à raison de la défaillance de cette dernière au moins à compter du 3 mars 2011, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°- ALORS QUE Mme Q... faisait valoir qu'étaient inconciliables avec l'interdépendance des contrats en cause les clauses qui, dans le contrat de la société Locam, interdisaient au locataire d'exercer quelque recours que ce soit contre le loueur en cas de défaillance du prestataire et permettaient la résiliation de plein droit en cas de non paiement du loyer ; qu'en se bornant à énoncer que la clause résolutoire n'est pas inconciliable avec l'interdépendance des contrats en cause, sans rechercher si la clause privant le locataire de tout recours contre le loueur en cas de défaillance du prestataire, permettant ainsi le jeu de la clause résolutoire nonobstant la défaillance caractérisée de ce dernier, n'était pas inconciliable avec l'interdépendance des contrats de prestation de service et de location financière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3° - ALORS, QUE Mme Q... faisait valoir (p. 11 in fine et p. 12) que la société Locam était parfaitement au courant des dysfonctionnements dont étaient affectés les matériels loués, et avait mis en oeuvre de mauvaise foi la clause résolutoire ; qu'en statuant comme ci-dessus sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;