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27/03/2019 | FRANCE | N°18-13426

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 mars 2019, 18-13426


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé (Paris, 8 décembre 2017), que la société D...-P...-W... (l'agence DGT), regroupant trois architectes, M. B..., Mme P... et M. W..., a présenté un projet d'aménagement de la gare Masséna à Paris, qui a été sélectionné, puis retenu par la ville de Paris en février 2016 ; que l'agence DGT a été placée en liquidation judiciaire le 7 décembre suivant ; que, se prétendant seul auteur de l'oeuvre, Mme P... a assigné M.

B... en paiement de dommages-intérêts provisionnels, sur le fondement de la contrefaç...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé (Paris, 8 décembre 2017), que la société D...-P...-W... (l'agence DGT), regroupant trois architectes, M. B..., Mme P... et M. W..., a présenté un projet d'aménagement de la gare Masséna à Paris, qui a été sélectionné, puis retenu par la ville de Paris en février 2016 ; que l'agence DGT a été placée en liquidation judiciaire le 7 décembre suivant ; que, se prétendant seul auteur de l'oeuvre, Mme P... a assigné M. B... en paiement de dommages-intérêts provisionnels, sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;

Attendu que Mme P... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors, selon le moyen :

1°/ que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ; qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur ; que l'architecte sous le nom duquel l'oeuvre architecturale, à la création de laquelle il n'est pas contesté qu'il a contribué, a été divulguée, est donc présumé, sauf preuve contraire, avoir la qualité d'auteur de cette oeuvre ; qu'en retenant, en l'espèce, que les droits de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne seraient pas établis avec l'évidence requise en référé, sans répondre aux conclusions de celle-ci faisant valoir que « le nom de Madame D... P... apparaît [
] en qualité d'architecte conceptrice et auteur sur les documents remis lors de la réponse à appels à projets lancés par la Mairie de Paris (et notamment le document de référence divulguant l'oeuvre en cause auprès de tiers – pièce B... n° 3-4), l'engagement de confidentialité étant d'ailleurs signé par Madame P... », que l'oeuvre « a été divulguée au grand public pour la première fois le 12 juillet 2015 sous le nom d'usage de Madame P... par le Journaliste M... L... du JDD (pièce n° 3-6) », ce qui résultait également de la pièce 3-8 produite et correspondant à un article publié sur le site Internet « L'Orient Le Jour le 3 août 2015 » et intitulé « Le projet de l'architecte libanaise D... P... présélectionné pour Réinventer Paris », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ; qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur ; que l'architecte sous le nom duquel l'oeuvre architecturale, à la création de laquelle il n'est pas contesté qu'il a contribué, a été divulguée, est donc présumé avoir la qualité d'auteur, sauf à ce que soit rapportée la preuve que cette qualité reviendrait à une autre personne physique ; qu'en retenant, en l'espèce, que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'évidence requise en référé dès lors qu'il résulterait des pièces produites une ambiguïté sur le point de savoir si ce projet architectural a été divulgué sous son nom à titre personnel ou pour le compte de l'agence d'architecture, la société DGT, au sein de laquelle elle travaillait et était associée, sans constater ni l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création du projet ni qu'une autre personne physique y aurait contribué et pourrait en revendiquer la paternité exclusive, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 113-1, L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une personne morale, qui ne peut avoir la qualité d'auteur, n'est investie des prérogatives du droit moral de l'auteur qu'à la condition d'être à l'initiative d'une oeuvre collective qui suppose la contribution personnelle de plusieurs auteurs ayant participé à son élaboration ; qu'en retenant, en l'espèce, que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'exigence requise en référé dès lors que le projet architectural a été développé dans les locaux de l'agence d'architecture, la société DGT, au sein de laquelle Mme P... était associée et travaillait et n'a pas été divulgué sous le seul nom personnel de Mme P... mais également sous celui de cette agence, sans constater l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création de ce projet ni constater qu'une autre personne physique que Mme P... y aurait participé, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'élément permettant de considérer, soit que ce projet architectural puisse constituer une oeuvre collective à l'initiative de laquelle l'agence DGT pourrait être, soit qu'une autre personne physique que Mme P... pourrait en revendiquer la paternité exclusive, a encore statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 111-1, L. 113-1, L. 113-5, 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en toute hypothèse, l'auteur d'une contribution d'une oeuvre, celle-ci fût elle qualifiée de collective, reste investi du droit moral de l'auteur et, partant, du droit au respect de son nom et de sa qualité ; que l'architecte dont il n'est pas contesté qu'il a contribué à la création originale d'une oeuvre architecturale a donc droit au respect de son nom et de son rôle de créateur sur celle-ci, fût-elle qualifiée de collective ; qu'en retenant, en l'espèce, que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'évidence requise en référé, dès lors que le projet architectural a été développé dans les locaux de l'agence d'architecture, la société DGT, au sein de laquelle Mme P... était associée et travaillait et n'a pas été divulgué sous le seul nom personnel de Mme P... mais également sous celui de cette agence, sans constater l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création de ce projet ni constater qu'une autre personne physique que Mme P... en revendiquerait la paternité exclusive, la cour d'appel a encore violé les articles L. 111-1, L. 113-1, L. 113-5, 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

5°/ que M. B... n'a jamais contesté la participation et la contribution de Mme P... au projet architectural « Réalimenter Masséna », reconnaissant même explicitement qu'elle y avait travaillé et contribué, mais lui déniant tout droit moral sur celui-ci parce qu'il constituerait selon lui une oeuvre collective ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'il existait un doute ou une contestation sur la contribution de Mme P... à cette oeuvre, elle a alors dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève l'existence de mentions contradictoires, postérieures à celles dont Mme P... se prévaut, portées sur deux éditions successives d'un ouvrage intitulé " Réinventer Paris", édité par le pavillon de l'Arsenal, et sur le site Internet du même nom, tenu par la ville de Paris, indiquant que le projet a été développé par l'agence DGT et que "E... P... (DGT)" ou encore "l'agence DGT" en a assuré la conception ;

Que, de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à qualifier de collective l'oeuvre revendiquée ni à préciser quelle autre personne pourrait prétendre à sa paternité exclusive, a souverainement déduit, au visa de l'article 809 du code de procédure civile, que Mme P... n'établissait pas avec l'évidence requise en référé qu'elle pouvait revendiquer le bénéfice de la présomption légale énoncée par l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. B... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme P...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant l'ordonnance entreprise, dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions de D... P... , de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes et de l'avoir en conséquence condamnée à verser à I... B... différentes sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le trouble manifestement illicite invoqué : que si Mme P... indique que M. B... a violé son droit moral, au titre des dispositions du code de la propriété intellectuelle, qu'il a engagé sa responsabilité, sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil et qu'il a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, la saisine du juge des référés est formulée quant à elle au visa de l'article 809 du code de procédure civile, sur le fondement de l'invocation d'un trouble manifestement illicite ;
Qu'en application de l'article 809-1 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance, statuant en matière de référé, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Qu'il résulte de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée et l'article L. 113-5 du même code indique que l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée ;
Or, au cas d'espèce, le projet « réalimenter gare Masséna » a été développé dans les locaux de l'agence d'architecture DGT et non pas par Mme P... dans un cadre matériel séparé ; que dans la première édition du livre « Réinventer Paris » par le Pavillon de l'Arsenal, ce projet était mentionné comme étant développé par l'agence DGT et non pas par Mme P... ; que le fait qu'une seconde édition, parue deux mois plus tard, au mois d'avril 2016, ait mentionné comme concepteur « D... P... (DGT) » ne permet pas de déduire pour autant que Mme P... soit titulaire des droits d'auteur sur ce projet architectural, alors que le nom de l'agence continue de figurer dans cette seconde édition et que la première ne mentionnait pas Mme P... ;
Que de même, le site Internet « Réinventer Paris », qui n'est pas animé par les parties mais par la mairie de Paris, fait apparaître, dans sa version anglaise, le seul nom de l'agence DGT comme étant le concepteur du projet relatif au site Masséna ; que s'il est constant que la version française de ce même site fait apparaître pour cette rubrique « D... P... / DGT », cette mention n'est pas non plus de nature à permettre d'attribuer à Mme P... la titularité de ces droits d'auteur, compte tenu notamment de cette différence entre les deux pages d'un même site ;
Qu'au demeurant, il résulte de l'article 5 des statuts de la SARL DGT que chaque architecte exerce sa profession au nom et pour le compte de la société, de sorte que la règle sociale à laquelle Mme P... s'était elle-même soumise ne lui laissait pas l'aval de développer un mode solitaire d'activité sans l'aval exprès de ses coassociés ;
Qu'au surplus, le fait que le projet de Tour Masséna serait, comme l'expose Mme P... , fortement imprégné de sa sensibilité artistique et de sa personnalité ne transparaît pas avec l'évidence requise en matière de référé ; qu'ainsi, les travaux qu'avait déjà réalisés l'agence pour un projet de tour conçue dans le cadre de l'Exposition Universelle qui s'est tenue en 2015 dans la ville de Milan peut être considéré, au même titre que les précédents travaux propres à Mme P... , comme ayant inspiré le projet de tour Masséna : la hauteur des deux tours projetées, leurs rampes hélicoïdales et la présence de végétation le long de ces murs peuvent être considérés comme procédant d'une même parenté qui n'est, s'agissant du projet de tour à Milan, pas revendiquée comme étant l'oeuvre exclusive de Mme P... ; que les deux projets n'en comportent pas moins de notables différences : ainsi les proportions ne sont pas les mêmes, la tour prévue pour Milan ayant la forme d'un cube ; les ouvertures ne sont pas non plus les mêmes, non plus que les revêtements prévus, celui de la tour Masséna étant en bois ; les coursives sont extérieures dans le projet Masséna alors qu'elles ne le sont pas dans le projet prévu pour Milan ; qu'il n'en demeure pas moins que ces différences n'enlèvent rien aux ressemblances précitées ;
Que Mme P... produit au soutien de ses moyens un ensemble d'attestations dont elle indique, en page 70 de ses conclusions, qu'elles relatent que l'ensemble des choix artistiques et des directives créatives ont été faits par elle, et que ni M. B... ni l'autre coassocié, M. W..., n'ont participé à cette création ; que sans qu'il n'y ait lieu de revenir sur l'ensemble de ces attestations, il convient de relever que certaines d'entre elles sont inopérantes ; qu'ainsi, Mme Q... J... indique que Mme P... a été l'architecte-auteur du projet « Réalimenter Masséna » et que MM. B... et W... ne sont intervenus en aucune façon pendant la période de sa présence ; que, cependant, cette période, indique l'attestation, se déroule du 7 septembre 2015 au 5 février 2016 ; or, Mme P... indique elle-même dans ses conclusions qu'au mois de mai 2015, s'achevait la période « d'offre initiale dans laquelle la première forme architecturale des projets est dessinée » ; qu'ainsi, l'essentiel du travail a été réalisé sans que Mme J... n'ait fait partie des effectifs de l'agence en qualité de stagiaire ; qu'il en va de même des attestations de M. Y... et de Mme V... A..., ou encore de celle de U... T..., qui indique avoir commencé à travailler dans l'agence le 31 juillet 2015 ;
Qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il ne saurait être retenu avec l'évidence requise en matière de référé que les droits d'auteur de Mme P... auraient été méconnus par M. B... s'agissant du projet de tour Masséna ;
Qu'il s'infère également de ces éléments que les agissements imputés par Mme P... à M. B..., qui aurait tenté de faire remplacer le nom de Mme P... par celui de l'agence quand était invoquée la tour Masséna, ne peuvent être considérés comme susceptibles de fonder les demandes d'interdiction sollicitées en référé ;
Qu'enfin, il convient de rappeler à Mme P... que les pouvoirs du juge des référés s'exercent dans le seul cadre de ceux qui lui sont conférés par la loi : ainsi, les demandes de Mme P... tendant à ce qu'il soit dit et jugé que cette dernière est seule investie des droits d'auteur, tendant à ce qu'il soit jugé que M. B... a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil ou tendant à ce qu'il soit jugé que les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par M. B... constitueraient des fautes intentionnelles engageant sa responsabilité personnelle n'ont pas lieu d'être formulées devant le juge des référés car elles excèdent manifestement ses pouvoirs ; que l'action de Mme P... est engagée, s'agissant du code de procédure civile, au seul visa de l'article 809 de ce code et il ne peut être fait droit à des demandes qui ne sont susceptibles de relever que des seuls pouvoirs des juges du fond ;

Sur la demande de provision :

Que Mme P... sollicite une provision de 25 000 euros au titre de ce qu'elle expose être son préjudice moral et son préjudice d'image ;
Que, cependant, ainsi qu'il a été indiqué, Mme P... échoue à caractériser de la part de son adversaire des manquements qui seraient susceptibles de caractériser, selon les termes de l'article 809, alinéa 2ème, du code de procédure civile, l'existence en sa faveur d'une obligation de M. B... qui ne serait pas sérieusement contestable ;
Aussi convient-il, comme l'a pertinemment fait le premier juge, de débouter Mme P... de sa demande de provision » (cf. arrêt p. 5 et 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit, en application des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, dispose sur cette oeuvre, quel qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, pour autant que l'oeuvre soit originale ;
Que sont considérés notamment comme des oeuvres de l'esprit, les oeuvres d'architecture (article L. 122-2-7° du code de la propriété intellectuelle) ;
Et l'article L. 113-1du même code institue une présomption légale de titularité, au profit du ou des auteurs, personnes physiques, sous le nom duquel ou desquels l'oeuvre est divulguée ;
Qu'en l'occurrence, D... P... revendique la titularité de droits d'auteur, sur le projet d'architecture portant réhabilitation de la gare Masséna, dénommé « Réalimenter Masséna », exposant que l'oeuvre a été divulguée sous son nom, d'une part, et que I... B... n'a cessé d'autre part, d'intervenir pour s'approprier ses travaux ;
Que c'est ainsi, selon la demanderesse, que sur le site de la mairie de Paris réinventer Paris (pièce n° 1-6), dans l'ouvrage « Réalimenter Masséna » (pièce n° 1-7) qui contient des croquis sur calque de la Tour, dans des articles de presse (pièces n° 3-1, 3-2, 3-3, 3-4, 3-6), elle est désignée comme le concepteur du projet ; que les stagiaires et employés au sein de l'agence (pièce n° 2) attestent que D... P... est depuis les premières esquisses et jusqu'à l'aboutissement du projet, la seule instigatrice du projet, et qu'elle en est l'unique auteur, sans que les autres associés n'aient manifesté un intérêt ou un investissement pour l'exécution du projet ; que les partenaires (2-2, 2-4, 2-8) la désignent comme leur seul interlocuteur, dans l'élaboration et la conception du projet ;
Qu'en outre, D... P... indique que I... B... n'a eu de cesse de faire rectifier cette désignation, soit en intervenant auprès de tiers (pièce n° 5-1, mail à H... N..., pièce n° 5-10), soit en se faisant désigner comme l'auteur (procès-verbal de constat pièce n° 5-11, procès-verbal de constat du 15 août 2016 - pièce n° 5-12, procès-verbal de constat du 10 octobre 2016 pièce n° 5-15) ;
Que la preuve de la qualité d'auteur est libre, de sorte que le défendeur ne peut écarter les éléments précités invoqués par la demanderesse, au seul motif qu'ils émaneraient de tiers « non officiels », mais encore faut-il que les éléments de fait sur lesquels se fonde la présomption légale soient exempts d'ambiguïté ;
Or, I... B... fait valoir que la société d'architecte a participé à l'appel à projet de la Mairie de Paris « Réinventer Paris » dès novembre 2014 et que lui-même a tenté d'obtenir des financements ( pièces 3-1, 3-2-1, 3-2-2) ; que les documents élaborés dans ce cadre l'ont été au nom de l'agence d'architecture DGT (pièces n° 3-3 à 3-6) ; qu'en outre, l'article 5 a/ des statuts de la société DGT (pièce n° 1-2) stipule, conformément aux dispositions légales, que : « Chaque architecte associé exerce sa profession, au nom et pour le compte de la société. Il ne peut exercer selon un autre mode que dans la mesure où il a obtenu l'accord exprès de ses coassociés » ; qu'il est par ailleurs constant que le projet a été élaboré, dans les locaux de l'agence DGT et vraisemblablement avec les moyens de celle-ci ; que de plus, il existe des mentions contradictoires dans les éditions successives du livre « Réinventer Paris », éditées par le Pavillon de l'Arsenal, en ce qui concerne la désignation du concepteur du projet litigieux : en février 2016, il s'agit de « DGT architects », tandis qu'en avril 2016, il est mentionné « D... P... (DGT) » ; qu'enfin, la mention suivante « D... P... / DGT Architects ou DGT » est a priori susceptible d'être interprétée comme désignant la demanderesse, non pas à titre personnel, mais comme associé de l'agence d'architecture DGT ;
Qu'ainsi, les mentions contradictoires relevées ne permettent pas de considérer avec l'évidence requise en référé que l'oeuvre a été divulguée, sous le nom de D... P..., à titre personnel et non au sein de l'agence d'architecture à laquelle elle appartient et, par suite, que la demanderesse bénéficie de la présomption légale de titularité sur l'oeuvre qu'elle revendique ;
En outre, compte tenu des statuts de la société d'architecture, au demeurant conformes avec la loi régissant les activités de cette profession, il est permis d'envisager, sous réserve de l'appréciation du juge du fond le cas échéant, que le projet d'architecture « Réalimenter Masséna » constitue une oeuvre collective, créée à l'initiative, sous l'impulsion et avec les moyens de la SARL DGT, ainsi qu'elle est définie par les dispositions de l'article L. 113-2, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle ;
Que compte tenu de ces contestations qui apparaissent sérieuses, il ne peut y avoir lieu à référé, sur les réclamations formées par D... P... , au titre du droit d'auteur, ni sur les demandes qui y sont accessoires, telles que la demande d'indemnisation provisionnelle de la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral et d'image, ou celle au titre de mesures conservatoires pour faire cesser le trouble manifestement illicite allégué » (cf. ordonnance p. 6 et 7) ;

1°/ ALORS QUE la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ; qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur ; que l'architecte sous le nom duquel l'oeuvre architecturale, à la création de laquelle il n'est pas contesté qu'il a contribué, a été divulguée, est donc présumé, sauf preuve contraire, avoir la qualité d'auteur de cette oeuvre ; qu'en retenant en l'espèce que les droits de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne seraient pas établis avec l'évidence requise en référé, sans répondre aux conclusions de celle-ci faisant valoir que « le nom de Madame D... P... apparaît [
] en qualité d'architecte conceptrice et auteur sur les documents remis lors de la réponse à appels à projets lancés par la Mairie de Paris (et notamment le document de référence divulguant l'oeuvre en cause auprès de tiers – pièce B... n° 3-4), l'engagement de confidentialité étant d'ailleurs signé par Madame P... » (cf. conclusions p. 22, dernier §), que l'oeuvre « a été divulguée au grand public pour la première fois le 12 juillet 2015 sous le nom d'usage de Madame P... par le Journaliste M... L... du JDD (pièce n° 3-6) » (cf. conclusions p. 23 § 1), ce qui résultait également de la pièce 3-8 produite et correspondant à un article publié sur le site Internet « L'Orient Le Jour le 3 août 2015 » et intitulé « Le projet de l'architecte libanaise D... P... présélectionné pour Réinventer Paris », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ; qu'une personne morale ne peut avoir la qualité d'auteur ; que l'architecte sous le nom duquel l'oeuvre architecturale, à la création de laquelle il n'est pas contesté qu'il a contribué, a été divulguée, est donc présumé avoir la qualité d'auteur, sauf à ce que soit rapportée la preuve que cette qualité reviendrait à une autre personne physique ; qu'en retenant en l'espèce que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'évidence requise en référé dès lors qu'il résulterait des pièces produites une ambiguïté sur le point de savoir si ce projet architectural a été divulgué sous son nom à titre personnel ou pour le compte de l'agence d'architecture, la Sarl DGT, au sein de laquelle elle travaillait et était associée, sans constater ni l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création du projet ni qu'une autre personne physique y aurait contribué et pourrait en revendiquer la paternité exclusive, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 113-1, L. 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU'une personne morale, qui ne peut avoir la qualité d'auteur, n'est investie des prérogatives du droit moral de l'auteur qu'à la condition d'être à l'initiative d'une oeuvre collective qui suppose la contribution personnelle de plusieurs auteurs ayant participé à son élaboration ; qu'en retenant en l'espèce que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'exigence requise en référé dès lors que le projet architectural a été développé dans les locaux de l'agence d'architecture, la Sarl DGT, au sein de laquelle Mme P... était associée et travaillait et n'a pas été divulgué sous le seul nom personnel de Mme P... mais également sous celui de cette agence, sans constater l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création de ce projet ni constater qu'une autre personne physique que Mme P... y aurait participé, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'élément permettant de considérer, soit que ce projet architectural puisse constituer une oeuvre collective à l'initiative de laquelle la Sarl DGT pourrait être, soit qu'une autre personne physique que Mme P... pourrait en revendiquer la paternité exclusive, a encore statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 111-1, L.113-1, L. 113-5, 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en toute hypothèse, l'auteur d'une contribution d'une oeuvre, celle-ci fût elle qualifiée de collective, reste investi du droit moral de l'auteur et, partant, du droit au respect de son nom et de sa qualité ; que l'architecte dont il n'est pas contesté qu'il a contribué à la création originale d'une oeuvre architecturale a donc droit au respect de son nom et de son rôle de créateur sur celle-ci, fût-elle qualifiée de collective ; qu'en retenant en l'espèce que le droit de Mme P... au respect de son nom et de sa qualité d'auteur du projet architectural « Réalimenter Masséna » ne serait pas établi avec l'évidence requise en référé, dès lors que le projet architectural a été développé dans les locaux de l'agence d'architecture, la Sarl DGT, au sein de laquelle Mme P... était associée et travaillait et n'a pas été divulgué sous le seul nom personnel de Mme P... mais également sous celui de cette agence, sans constater l'existence d'une quelconque contestation sur la contribution de Mme P... à la création de ce projet ni constater qu'une autre personne physique que Mme P... en revendiquerait la paternité exclusive, la cour d'appel a encore violé les articles L. 111-1, L. 13-1, L. 113-5, 121-1, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que 809 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS, ENCORE SUBSIDIAIREMENT, QUE M. I... B... n'a jamais contesté la participation et la contribution de Mme P... au projet architectural « Réalimenter Masséna », reconnaissant même explicitement qu'elle y avait travaillé et contribué, mais lui déniant tout droit moral sur celui-ci parce qu'il constituerait selon lui une oeuvre collective ; qu'à supposer que la cour d'appel ait entendu considérer qu'il existait un doute ou une contestation sur la contribution de Mme P... à cette oeuvre, elle a alors dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-13426
Date de la décision : 27/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 mar. 2019, pourvoi n°18-13426


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13426
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