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27/03/2019 | FRANCE | N°17-26273

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mars 2019, 17-26273


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir engagé M. T... du 2 mai au 9 juin 2006 pour le remplacement d'une salariée absente, la société Des Eaux de Capès Dolé l'a réengagé par contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent polyvalent, à compter du 18 février 2008 ; qu'ayant été licencié le 19 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification du contrat à durée déterminée du 2 mai 2006 et de condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité d

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir engagé M. T... du 2 mai au 9 juin 2006 pour le remplacement d'une salariée absente, la société Des Eaux de Capès Dolé l'a réengagé par contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent polyvalent, à compter du 18 février 2008 ; qu'ayant été licencié le 19 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification du contrat à durée déterminée du 2 mai 2006 et de condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification et de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1242-12 du code du travail ;

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient qu'à l'appui de sa demande le salarié invoque l'absence de contrat écrit à la date du 2 mai 2006, que l'employeur verse au dossier un contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2006 au 9 juin 2006 portant sur le remplacement d'une salariée en congés payés, que s'il est constant que ce contrat n'a pas été signé par le salarié, il est corroboré par l'attestation de l'employeur datée du 12 juin 2006, sur ladite période d'emploi, que cependant, le salarié ne justifie pas avoir travaillé sans discontinuation de juin 2006 à février 2008, date à laquelle les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée, que dès lors, la relation de travail ne peut être considérée comme à durée indéterminée dès le 2 mai 2006 et l'ancienneté du salarié prise en compte à compter de cette date, comme il le réclame ;

Qu'en statuant ainsi, alors que d'une part, faute de comporter la signature de l'intéressé, le contrat à durée déterminée invoqué par l'employeur ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit et qu'il était, par suite, réputé conclu pour une durée indéterminée, et alors que, d'autre part, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. T... de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée du 2 mai 2006 en contrat à durée indéterminée et rejette la demande en paiement d'une indemnité de requalification ainsi que la demande en délivrance de documents de rupture rectifiés, l'arrêt rendu le 24 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne la société Des Eaux de Capès Dolé aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Des Eaux de Capès Dolé à payer à M. T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour M. T...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de M. T... tendant à voir condamnée la société des Eaux de Capes Dolé à payer à M. T... les sommes de 25 461,60 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 243,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 424,36 euros à titre de congés payés y afférents, 1 626,71 euros à titre d'indemnité de licenciement, et à voir ordonné la remise à M. T... sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement un nouveau certificat de travail et une nouvelle attestation Pôle Emploi rectifiée, et d'avoir rejeté la demande au titre de d'indemnité de licenciement à hauteur de 3100,68 euros ;

Aux motifs que sur le bien-fondé du licenciement : la faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la gravité des griefs énoncés dans la lettre de rupture, dont les termes lient le débat ; que par ailleurs aucun agissement fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance, sauf s'il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai (art. L.1332-4 du code du travail) ; que la lettre de licenciement en date du 19 décembre 2012 est libellée en ces termes : « Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 30 novembre 2012. En effet, alors que vous êtes chargé de la vente d'eau et de bouteilles plastiques à la clientèle se présentant à l'usine, nous nous sommes aperçus que plusieurs d'entre ceux-ci n'avaient pas de factures acquittées, mais des devis sur lesquels figurent la mention payé en espèces, alors que ces sommes payées en espèces n'ont jamais été versées et intégrées à la comptabilité de l'entreprise. Il en est ainsi notamment pour Monsieur Q..., pour quatre opérations relevées qui s'étalent de Février 2012 à Juin 2012 et de Monsieur G... N... pour plusieurs opérations de janvier à Août 2012. Interrogées, ces personnes vous décrivent comme celui à qui ils ont remis les fonds. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 30 Novembre 2012 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet, Nous vous informons que nous avons en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date » ; que M. T... soulève en premier lieu l'exception de prescription des faits fautifs allégués en vertu de l'article L.1332-4 du code du travail susvisé ; que lorsqu'un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites ; que M. T... fait valoir à cet égard que les derniers faits reprochés au salarié sont datés dans la lettre de licenciement du mois d'août 2012, alors que la procédure de licenciement disciplinaire n'a été engagée à son encontre que le novembre 2012 ; que cependant, le point de départ du délai de deux mois ne peut être que lorsque l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés ; que la société Capes Dolé reproche à M. T... d'avoir remis des devis à des clients au lieu de factures moyennant paiement en espèces, lesquelles ne figuraient pas en comptabilité de la société ; que l'employeur, informé d'irrégularités au niveau de la vente de bouteilles à l'usine, a mené une enquête interne et a interrogé des clients réguliers, par sommations interpellatives d'huissier du 16 octobre 2012, lesquelles ont permis à la société Capes Dolé de confirmer ses soupçons sur la personne de H... T... ; que les clients interrogés ont donné une description physique de leur interlocuteur au sein de l'usine lors des transactions commerciales, laquelle correspondait à M. T... ; que dès lors, l'employeur ayant la connaissance exacte de la réalité et de la nature des faits reprochés au salarié, à partir du 16 octobre 2012, a engagé les poursuites le mois suivant, soit dans le délai légal susvisé ; que l'exception de prescription soulevée a été justement rejetée ; que sur l'imputabilité des fautes à M. T..., il est constant que ce dernier occupait un poste commercial en contact avec la clientèle et qu'il encaissait le produit des ventes d'eau et de bouteilles plastiques faites à l'usine ; que l'enquête de gendarmerie diligentée suite à la plainte de la société Capes Dolé contre M. T... pour détournements de fonds, a permis d'établir que M. T... concluait des ventes au moyen de « devis » au lieu de factures, et encaissait le produit en espèces ; que le salarié sans contester émettre des devis au lieu de factures, rétorque qu'il s'agissait d'erreurs de sa part, qu'il régularisait aussitôt ; que son supérieur hiérarchique, M. X... M... a attesté l'avoir surpris en train de remettre un devis en échange de paiement en espèces courant 2012, avoir été intrigué par ce mode de fonctionnement, même si M. T... lui avait indiqué qu'il avait agi par erreur et qu'il a vérifié tout le listing des factures et devis établis sur l'ordinateur de M. T... ; que ledit examen a révélé des anomalies, telles que différence entre ventes et encaissements, chiffre d'affaire supérieur lors des absences de M. T... et après son licenciement, établissement de devis inutiles pour des clients réguliers..) ; que de même, il a été révélé (PV d'audition n° 02508 de M. X...) que des devis établis par M. T... étaient introuvables en comptabilité et avaient fait l'objet de manipulation ; que les devis remis par les clients Q... et G... comportent la signature de M. T..., la mention manuscrite du client « payé en espèces » suivie de sa signature et la signature du cariste qui certifie que la marchandise a bien été remise au client ;
que cette troisième signature ne saurait être celle d'un autre salarié qui aurait encaissé les fonds alors que M. T... est le seul responsable du bureau de vente et a la charge de la caisse, ce qu'il a d'ailleurs reconnu devant les gendarmes ( PV d'audition du 6 octobre 2013) ; que les clients interrogés par huissier ont confirmé avoir comme seul interlocuteur M. T... auquel il avait remis des fonds en espèces ou chèques et qu'ils ont décrit avec précision ; qu'enfin, les comptes bancaires de M. T... ont révélé d'importantes remises de fonds en espèces au cours des années 2010 à 2012, lesquelles corroborent les faits sus énoncés même si le salarié avait des activités parallèles non déclarées ; que l'employeur justifie, par des tableaux comparatifs, que les ventes de bouteilles étaient supérieures durant les congés de M. T..., de même que depuis son départ de l'entreprise ; qu'en conséquence de tous ces éléments matériellement établis, il y a lieu de dire et juger que le licenciement de M. T... H... est fondé sur une faute grave du salarié et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que M. T... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ; qu'en cas de faute grave, M. T... n'a pas droit aux indemnités de rupture ; que ses demandes en paiement d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement seront dès lors rejetées, de même que les demandes de délivrance de documents rectifiés ;

Alors 1°) qu' aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que pour déterminer si le délai de deux mois est respecté, il appartient aux juges du fond de rechercher à quelle date l'employeur a eu connaissance de l'existence éventuelle des faits fautifs reprochés au salarié, et non de prendre en compte la date de l'enquête interne diligentée pour confirmer les soupçons de l'employeur ; qu'en se bornant à prendre en compte la date de l'enquête interne, le 16 octobre 2012, pour écarter l'exception de prescription, sans rechercher, comme elle y était invitée, la date à laquelle l'employeur avait eu connaissance des faits reprochés, la cour d'appel a violé l'article L.1332-4 du code du travail ;

Alors 2°) que le procès-verbal de synthèse du 3 septembre 2013 concluait qu' « il apparaît que M. T... a bien fait des versements en espèce sur son compte. Il semble toutefois que tous ces versements soient le fruit d'activités annexes qui ne soient pas en rapport avec les faits reprochés par la société Capes Dolé. Suite à ses directives, nous transmettons la présente procédure ainsi constituée en double exemplaire à Mme le substitut placé de monsieur le procureur de la république à Basse Terre pour un classement 21 (infraction insuffisamment caractérisée) » ; qu'en affirmant néanmoins que l'enquête de gendarmerie a permis d'établir que M. T... concluait des ventes au moyen de devis au lieu de factures et encaissait le produit en espèces, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de synthèse du 3 septembre 2013 et a ainsi violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Alors 3°) qu' un motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; qu'en émettant l'hypothèse avouée et gratuite que la troisième signature ne saurait être celle d'un autre salarié alors que M. T... était le seul responsable du bureau de vente et avait la charge de la caisse, sans déterminer avec certitude si cette troisième signature était effectivement celle de de M. T..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un motif hypothétique équivalant à un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. T... au titre de l'indemnité de requalification de son contrat de travail à hauteur de 2 121,80 euros ;

Aux motifs que sur la qualification, M. T... sollicite la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2006, pour absence de contrat écrit à cette date ; que l'employeur verse au dossier un contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2006 au 9 juin 2006, portant sur le remplacement par M. T... d'une salariée absente pour congés payés ; que s'il est constant que ce contrat n'a pas été signé par le salarié, il est corroboré par l'attestation de l'employeur datée du 12 juin 2006, sur ladite période d'emploi ; que cependant, M. T... ne justifie pas avoir travaillé sans discontinuation de juin 2006 à février 2008, date à laquelle les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, la relation de travail ne peut être considérée comme à durée indéterminée dès le 2 mai 2006 et l'ancienneté de M. T... prise en compte à compter de cette date, comme il le réclame ; que ce chef de demande a été à juste titre rejeté par le jugement déféré ;

Alors 1°) que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et être signé par le salarié, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'il résulte de ce texte qu'en l'absence de contrat signé par le salarié l'employeur ne peut écarter la présomption légale ainsi instituée en apportant la preuve de l'existence d'un contrat verbal conclu pour une durée déterminée ; qu'en refusant de requalifier le contrat du 2 mai 2006 en contrat à durée indéterminée, au motif que l'employeur avait rédigé une attestation le 12 juin 2006 selon laquelle M. T... avait travaillé du 2 mai 2006 au 9 juin 2006, après avoir pourtant constaté que le contrat n'avait pas été signé par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-12 du code du travail ;

Alors 2°) que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'en refusant de requalifier le contrat à durée déterminée de M. T... en contrat à durée indéterminée au motif qu'il ne justifiait pas avoir travaillé sans discontinuation de juin 2006 à février 2008, la cour d'appel, qui a subordonné l'application de l'article L. 1242-12 du code du travail à la poursuite ininterrompue de la relation contractuelle jusqu'à la conclusion d'un nouveau contrat à durée déterminée, a ajouté à ce texte, une condition qu'il ne comporte pas et a violé l'article L.1242-12 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26273
Date de la décision : 27/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 24 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mar. 2019, pourvoi n°17-26273


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26273
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