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27/03/2019 | FRANCE | N°17-23104

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 mars 2019, 17-23104


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance, que la société Francotyp-Postalia France (la société Francotyp-Postalia) a participé, en tant que mandataire d'un groupement momentané d'entreprises (le groupement), à une consultation mise en oeuvre par la société La Poste, entité adjudicatrice, visant à la conclusion, par voie de procédure négociée, d'un accord-cadre dont l'objet était ainsi défini : "Achat et location des sys

tèmes à affranchir destinés à assurer l'affranchissement de lots de courrie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance, que la société Francotyp-Postalia France (la société Francotyp-Postalia) a participé, en tant que mandataire d'un groupement momentané d'entreprises (le groupement), à une consultation mise en oeuvre par la société La Poste, entité adjudicatrice, visant à la conclusion, par voie de procédure négociée, d'un accord-cadre dont l'objet était ainsi défini : "Achat et location des systèmes à affranchir destinés à assurer l'affranchissement de lots de courriers déposés par des clients occasionnels ou réguliers de La Poste sur plus de 150 sites de tri en France continentale, Corse, Monaco, et départements d'Outre-Mer" ; qu'après avoir été admis à participer aux deux premières phases de la consultation, le groupement a été informé que son offre n'avait pas été retenue ; que la société Francotyp-Postalia a saisi le juge du référé précontractuel en lui demandant d'ordonner la suspension de toute décision se rapportant à la consultation et d'enjoindre à la société La Poste de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et les articles 13 et 14 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Francotyp-Postalia, qui invoquait la méconnaissance, par l'autorité adjudicatrice, de l'obligation de recourir à une plate-forme sécurisée comme le prévoyait le règlement de consultation, l'ordonnance retient que cette société n'invoque aucun fondement textuel pertinent dès lors que la société La Poste n'avait pas d'obligation légale d'utiliser une plate-forme sécurisée de dématérialisation, l'article 5 de l'arrêté du 14 décembre 2009 prévoyant simplement que le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou par support physique électronique donne lieu à un accusé de réception, et relève que l'article IV du règlement de consultation autorisait l'entité adjudicatrice à modifier les modalités de consultation ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'article 14 du décret du 20 octobre 2005 dispose que toutes les mesures techniques nécessaires, notamment, au cryptage et à la sécurité des données, doivent être prises de telle façon que personne ne puisse avoir accès aux données transmises par les candidats avant les dates limites de réception des candidatures et des offres et que toute violation de cette interdiction soit facilement détectable, ce qui exclut, en procédure formalisée, le recours à un simple courrier électronique, le juge du référé précontractuel, qui a admis le recours à ce mode de communication, a violé les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et les articles 13 et 14 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;

Attendu que pour statuer comme elle fait, après avoir exactement rappelé que, selon l'article 5 de l'ordonnance n° 2009–515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, les personnes habilitées à agir pour mettre fin au manquement de l'entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements, l'ordonnance relève que la société Francotyp-Postalia a pu déposer son offre dans les mêmes conditions que ses concurrents ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque l'entité adjudicatrice recourt à un mode de communication qui ne garantit pas l'intégrité et la confidentialité des offres, le manquement à cette obligation, en ce qu'il est susceptible d'avantager un concurrent, cause nécessairement grief à tous les candidats, le juge du référé précontractuel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

Attendu que le contrat ayant été conclu, il n'y a plus lieu à référé précontractuel ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue en la forme des référés le 28 juillet 2017, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT qu'il n'y a plus lieu à référé précontractuel ;

Condamne la société La Poste aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le juge du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Francotyp-Postalia France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Francotyp-Postalia France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les demandes de la société Francotyp-Postalia, d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia à payer à la société La Poste la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia aux dépens ;

Aux motifs qu'en application des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 7 mai 2009, applicables en la cause, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat ; qu'en application des dispositions de l'article 6 de la même ordonnance, le juge peut prendre des mesures tendant à ce que la personne morale responsable du manquement se conforme à ses obligations, dans un délai qu'il fixe ; qu'en l'espèce, il importe donc de vérifier la régularité de la procédure au regard des griefs successivement invoqués (
) ; que sur la remise de l'offre par voie de courriel, la société Francotyp-Postalia France n'invoque aucun moyen textuel pertinent dès lors qu'il est justement fait observer que La Poste n'a pas d'obligation légale d'utiliser une plate-forme sécurisée de dématérialisation, l'article 5 de l'arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics prévoyant simplement que le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou par support physique électronique donne lieu à un accusé de réception indiquant la date et l'heure de réception, ce à quoi il n'est pas contesté qu'il a été satisfait ; qu'il ne peut être non plus valablement soutenu que La Poste n'a pas respecté les règles qu'elle s'est imposée pour la procédure de consultation, dès lors qu'il ressort des stipulations de l'article IV du règlement de la consultation qu'elle s'est réservée la faculté de modifier les modalités de consultation, ce qu'elle a donc fait en toute régularité ; qu'en tout état de cause, la société Francotyp-Postalia France, qui a pu déposer son offre dans les mêmes conditions que ses concurrents, n'a pas pu être lésée par la procédure imposée à cet égard » ;

Alors 1°) que les transmissions, les échanges et le stockage d'informations effectués dans le cadre des procédures de passation de marchés formalisées doivent être effectués de manière à assurer l'intégrité des données et la confidentialité des candidatures et des offres, et à garantir que l'entité adjudicatrice ne prend connaissance de leur contenu qu'à l'expiration du délai prévu pour la présentation de celles-ci ; que les communications électroniques doivent prévoir des garanties de cryptage et de sécurité conformément aux prescriptions de l'article 14 du décret du 20 octobre 2005 ; qu'en l'espèce, la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, p. 23 à 27) qu'en demandant aux candidats de transmettre leur dernière offre financière non sur la plateforme sécurisée eAchats, ainsi que l'imposait l'article VII du règlement de consultation, mais par simple courriel, la société La Poste avait méconnu son obligation d'assurer l'intégrité et la confidentialité des offres des différents candidats telles qu'elles étaient prévues par le règlement de consultation lui-même, conformément aux règles de sécurité prévues par les articles 13 et 14 du décret du 20 octobre 2005 ; que pour rejeter ce grief, le juge du référé précontractuel a retenu que la société Francotyp-Postalia n'invoquait aucun fondement textuel pertinent dès lors que La Poste n'avait pas d'obligation légale d'utiliser une plateforme sécurisée de dématérialisation - l'article 5 de l'arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics prévoyant simplement que le dépôt des candidatures et des offres transmises par voie électronique ou par support physique électronique donne lieu à un accusé de réception -, que l'article IV du règlement de consultation autorisait l'entité adjudicatrice à modifier les modalités de consultation et que la société Francotyp n'invoquait aucun fondement textuel pertinent ; qu'en statuant de la sorte, quand l'article 14 du décret du 20 octobre 2005, expressément invoqué, prévoyait précisément que toutes les mesures techniques nécessaires, notamment de cryptage et de sécurité, devaient être prises pour que personne ne puisse avoir accès aux données transmises par les candidats avant les dates limites de réception des candidatures et des offres et que toute violation de cette interdiction soit facilement détectable, ce qui excluait la modification des modalités d'envoi des offres à l'entité adjudicatrice en autorisant le recours à un courriel simple, c'est-à-dire sans précautions particulières de cryptage et de sécurité qui seules permettaient d'assurer l'intégrité et la confidentialité des offres, le juge du référé précontractuel a violé les articles 13 et 14 du décret du 20 octobre 2005 ensemble l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ;

Alors 2°) en tout état de cause que dans ses conclusions (p. 15 ; p. 23 à 27), la société Francotyp-Postalia faisait valoir que l'exigence posée par l'article VII du règlement de consultation d'une remise des offres sur la plateforme sécurisée eAchats de La Poste avait pour objet, non seulement de prouver la date de leur réception, mais aussi et surtout de garantir l'intégrité et la confidentialité du message, ce que ne permettait pas l'envoi des offres par courriel simple ; qu'en retenant, pour dire que la société Francotyp-Postalia n'avait en tout état de cause pas été lésée par le manquement allégué, qu'elle avait pu déposer son offre dans les mêmes conditions que ses concurrents, quand le choix par la société La Poste d'admettre la transmission des offres des candidats par voie de courriel simple – c'est-à-dire sans aucune précaution de cryptage et de sécurité – constituait un manquement à l'obligation pour l'entité adjudicatrice d'assurer l'intégrité et la confidentialité des offres qui lui seraient adressées, qui avait causé un grief à l'exposante dans la mesure où il était susceptible d'avoir avantagé un concurrent, le délégué du Président du tribunal de grande instance a violé l'article 5 de l'ordonnance du 7 mai 2009, ensemble les articles 13 et 14 du décret du 20 octobre 2005 et 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les demandes de la société Francotyp-Postalia, d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia à payer à la société La Poste la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia aux dépens ;

Aux motifs que, sur le respect du principe d'égalité de traitement des candidats dans le cadre de la négociation, que la société Francotyp-Postalia France se contente d'évoquer le fait que La Poste aurait exagérément usé de la liberté qui lui est reconnue en « s'octroyant la plus extrême souplesse de négociation et en n'apportant aucune restriction ni encadrement procédural ni même la moindre règle de conduite » ; que les éléments que La Poste relève tels que les conditions de l'organisation de la réunion de présentation, de celle des questions posées par les soumissionnaires et le calendrier sont suffisants pour justifier du contraire ; que la circonstance selon laquelle La Poste se serait trouvée en situation de s'entretenir de manière privilégiée avec l'attributaire est purement hypothétique et dénuée de toute conséquence, dès lors qu'elle-même a pu également bénéficier de la souplesse de la procédure de négociation arrêtée et utilisée ; que de manière plus générale et en réponse aux arguments développés quant à l'absence de transparence invoquée de la phase de négociation, il est établi par le rappel des critères imposés par l'entité adjudicatrice tant dans la première phase que dans la seconde que les offres ont été évaluées par rapport aux fiches renseignées comportant un énoncé et un descriptif précis de ces critères et qu'aucun manquement de La Poste ne peut donc être caractérisé à cet égard » ;

Que sur la méthode de notation : s'agissant des critères de notation, l'entité adjudicatrice, qui, tenue d'indiquer dans les documents de la consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, ne l'est pas quant à la méthode de notation des offres ; qu'en l'espèce, et en premier lieu, La Poste, en justifiant avoir communiqué sur demande de la société Francotyp-Postalia France, postérieure au rejet de son offre, le détail des motifs de rejet, les notes qu'elle a obtenues pour chacun des critères ainsi que les notes obtenues par l'attributaire a satisfait à son obligation ; qu'en second lieu, il est justifié par La Poste que l'offre de la société Francotyp-Postalia France a bien été notée conformément aux critères annoncés et il ressort en particulier de l'extrait de l'analyse des coûts comparés que l'offre ayant reçu la meilleure note sur le critère financier était bien la moins disante, peu important à cet égard les termes employés par La Poste, tenue à l'emploi de formulation garantissant le respect des règles de non divulgation, dont il ne peut dès lors être déduit un quelconque comportement douteux ; qu'en troisième lieu, en effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une simulation consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, l'entité adjudicatrice n'a pas eu recours à un critère caché qu'elle aurait eu l'obligation de porter à la connaissance des candidats, mais a ainsi simplement décliné sa propre méthode d'évaluation dont elle avait la maîtrise ; qu'il est en effet légitime qu'elle ne révèle pas aux candidats la méthode de notation dans tous ses détails, ce qui, si elle le faisait, serait de nature à inciter les candidats à concentrer leurs efforts de prix sur les postes sélectionnés afin d'emporter le marché sans faire leurs meilleures offres sur l'ensemble des coûts et aboutirait, in fine, à l'effet inverse de celui recherché ; qu'en tout état de cause, La Poste justifie bien à l'occasion des débats et par les pièces qu'elle y verse que la simulation choisie correspond à l'objet du marché et qu'elle a été appliquée à tous les candidats de la même façon ; qu'en quatrième lieu, la dénaturation alléguée de l'estimation du coût des consommables, pour séduisante qu'elle soit au premier abord, ne résiste pas à un examen approfondi. En effet, le raisonnement de la société Francotyp-Postalia France repose sur la reprise, dans l'extrait du comparatif des coûts des offres, de la somme de 91 500 euros au titre du coût des consommables, qui, selon la société Francotyp-Postalia France ne tiendrait pas compte de la contenance et de la consommation d'une cartouche. En réalité, le calcul opéré par La Poste repose sur les éléments chiffrés communiqués dans son offre par la société Francotyp-Postalia France elle-même ; que celle-ci ayant mentionné dans son offre la somme de 305 euros comme représentant le coût de renouvellement des consommables par machine et par an, le prix et la consommation d'une cartouche importent peu puisque ce qui est pris en compte est bien le coût réel de son fonctionnement en consommables, en fonction de l'équipement qu'elle propose et des caractéristiques des consommables nécessaires à son utilisation pour un nombre d'impression annoncé ; qu'en cinquième lieu, il ne peut être valablement invoqué une prétendue erreur sur l'estimation du coût de la location, dès lors que le choix de méthode sciemment opéré par la poste à cet égard est en lien avec l'objet du marché et correspond à la moitié de la durée maximale du marché, soit la durée médiane, ainsi qu'elle le souligne » ;

Alors 1°) que le tableau figurant en quatrième page de l'offre financière transmise par la société Francotyp-Postalia le 14 avril 2017 mentionne à la ligne « Renouvellement des consommables » : « Estimation des dépenses annuelles suivant les capacités d'utilisation demandées dans le cahier des charges : Année 1 : 305,00 € ; Année 2 : 305,00 € ; Année 3 : 305,00 € ; Année 4 : 305,00 € », la société ayant expressément précisé : « Volumétrie maximale par système mentionnée au cahier des charges : 1 million de plis par an/ Tank grande capacité 350 mL cette estimation peut varier suivant l'empreinte » ; qu'en énonçant, pour valider le calcul du poste « coût des consommables » opéré par la société La Poste, ayant consisté à multiplier le prix unitaire d'une cartouche (305 euros) par le nombre de machines et d'années de contrat, sans tenir compte de la capacité respective des cartouches des candidats - la capacité des cartouches proposées par l'autre candidat n'étant que de 140 Ml - que ce calcul « repos[ait] sur les éléments chiffrés communiqués dans son offre par la société Francotyp-Postalia elle-même. Celle-ci ayant mentionné dans son offre la somme de 305 euros comme représentant le coût de renouvellement des consommables par machine et par an, le prix et la consommation d'une cartouche importent peu puisque ce qui est pris en compte est bien le coût réel de son fonctionnement en consommables, en fonction de l'équipement qu'elle propose et des caractéristiques des consommables nécessaires à son utilisation pour un nombre d'impression annoncé », le juge du référé précontractuel a dénaturé l'offre financière établie par la société Francotyp-Postalia, violant ainsi l'article 1134 du code civil (dans sa version applicable en l'espèce ; nouvel article 1192 du code civil) ;

Alors 2°) en tout état de cause, que le juge du référé précontractuel doit vérifier que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou altérant manifestement les termes de celle-ci, procédant ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats ; qu'en l'espèce, la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, p. 37 et s.) que l'évaluation par la société La Poste à hauteur de 91 500 euros du coût des consommables proposé dans son offre ne tenait compte ni des prérequis mentionnés dans le cahier des charges, ni de la contenance des cartouches fournies qui différait selon les candidats ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter les demandes de la société Francotyp-Postalia, que le calcul opéré par la société La Poste ayant consisté à multiplier le prix d'une cartouche par le nombre de machines et le nombre d'années, reposait sur les données communiquées par la société Francotyp-Postalia elle-même, sans rechercher, au regard des éléments invoqués par l'exposante, si l'absence de prise en compte par la société La Poste de ses besoins réels en consommables et de la différence de capacité entre les cartouches respectivement fournies par les deux derniers candidats n'avait pas entraîné une dénaturation des offres qui lui avaient été soumises, et ce alors qu'une cartouche d'encre ne pouvait satisfaire son besoin annuel d'un million de plis par machine et que c'est manifestement un prix unitaire qui avait été renseigné, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 du décret du 20 octobre 2005, ensemble l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ;

Alors 3°) que le juge du référé précontractuel doit rechercher si la méthode de notation n'est pas de nature à rompre l'égalité entre les candidats ; que la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, p. 39 ; p. 41) qu'eu égard à la différence de contenance entre ses cartouches (350 mL) et celles de la société Pitney-Bowes (140 mL seulement), il était inéquitable de calculer le coût des consommables selon la formule « (prix unitaire de la cartouche) x 100 (nombre de machines vendues) x 3 (années) », sans considération de leurs contenances respectives, laquelle aboutissait à avantager la seconde dont le prix unitaire était inférieur en raison de leur plus faible capacité, alors que le tarif au mL de la société Francotyp-Postalia (0,87 euro) était inférieur à celui de cette société (1,39 euro) ; qu'en s'abstenant de rechercher si la méthode d'évaluation fondée sur un calcul du coût des consommables basée sur le prix unitaire d'une cartouche multiplié par le nombre de machines et la durée du contrat, sans tenir compte des capacités respectives des cartouches, n'était pas de nature à rompre l'égalité entre les candidats, le juge a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 du décret du 20 octobre 2005, ensemble l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ;

Alors 4°) que si l'entité adjudicatrice peut utiliser les méthodes d'évaluation de son choix, elle doit respecter la méthode qu'elle a portée à la connaissance des candidats et en fonction de laquelle ces derniers ont formulé leur offre ; que la société Francotyp-Postalia soulignait (ses conclusions, p. 44 et s.) que l'offre qu'elle avait présentée avait été établie sur la base de coûts de location de matériels sur deux ans, ainsi que le lui avait demandé La Poste, et faisait valoir que la prise en compte par cette dernière d'un prix de location sur trois années n'était pas conforme à la méthode annoncée et l'avait désavantagée puisque le prix de location qu'elle aurait pu proposer sur une période de trois ans aurait été significativement inférieur ; qu'en se bornant à retenir pour écarter ce grief que le choix de méthode sciemment opéré par La Poste était en lien avec l'objet du marché et correspondait à la moitié de sa durée maximale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celle-ci n'avait pas méconnu ses obligations de mise en concurrence en évaluant l'offre financière de la société Francotyp-Postalia selon une méthode différente de celle portée à sa connaissance et en fonction de laquelle elle avait élaboré son offre, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 du décret du 20 octobre 2005, ensemble l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 ;

Alors 5°) en outre, que la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, spéc. p. 45) que si elle avait su que La Poste procéderait à l'évaluation de son offre sur la base de coûts de location étalés sur trois ans et non deux comme cela lui avait été demandé, elle aurait été en mesure de proposer un prix de location nettement inférieur à celui calculé sur la base d'une durée contractuelle de deux années ; qu'en ne recherchant pas si la méthode d'évaluation retenue par La Poste n'aboutissait pas à dénaturer l'offre, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 et 29 du décret du 20 octobre 2005 ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les demandes de la société Francotyp-Postalia, d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia à payer à la société La Poste la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir condamné la société Francotyp-Postalia aux dépens ;

Aux motifs que, sur les critères de choix énoncés : En application des dispositions de l'article 29 II et III du décret 2005-1308, pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'entité adjudicatrice se fonde soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment énoncés par le texte, soit, compte tenu de l'objet du marché, sur le seul critère de prix ; que contrairement à ce qui est soutenu par la société Francotyp-Postalia France, le critère « Précisions et compléments apportés en soutenance » est précis et non discriminatoire dans la mesure où il est justifié par La Postée ce qu'elle a informé tous les candidats, dont la demanderesse, par un courriel préalable, du temps total de la soutenance, du détail de la présentation et du temps à consacrer aux thèmes à aborder oralement ; qu'elle ne saurait pas plus prétendre que la valeur technique n'aurait pas été notée dès lors que le règlement de consultation prévoit l'examen de l'adéquation de l'offre technique au cahier des charges ; que sur les éventuelles contradictions et imprécisions clans les documents de consultation, la société Francotyp-Postalia France ne saurait être fondée à prétendre que les renseignements portés sur les documents de consultation l'auraient induite en erreur quant au nombre des attributaires dès lors, d'une part, que contrairement à ce qui est soutenu, ce nombre est clairement mentionné dans l'avis de marché qui stipulait que La Postes réservait le droit de sélectionner un ou deux opérateurs à l'accord cadre et que, d'autre part, la société Francotyp-Postalia France reconnaît elle-même avoir été informée avant la remise de son offre de ce qu'un seul attributaire serait finalement retenu ; que la société Francotyp-Postalia France ne peut non plus faire état d'une imprécision relative à la durée du contrat, alors que l'avis de marché mentionne que la durée totale envisageable du contrat est de 60 mois, par période ferme ou par prorogation, ce qui est manifestement en adéquation avec le règlement de consultation qui stipule que le contrat sera conclu pour une période de 24 mois maximum par période ferme ou par prorogation tacite pour des périodes successives de 12 mois dans la limite de 3 fois, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties ; que contrairement à ce que prétend la société Francotyp-Postalia France, La Poste est fondée à soutenir que la volumétrie a toujours été indiquée, ainsi que cela ressort de la rubrique 11.2.1) de l'avis de marché, les quantités estimatives de location et d'achat ayant été données aux candidats avant la remise de leur dernière offre ; qu'enfin, la demande de précisions techniques s'analysant en simple demande d'information, le grief invoqué est dénué de tout fondement ; qu'en conséquence de l'ensemble de ces motifs, la société Francotyp-Postalia France, qui ne caractérise aucun manquement de La Poste, n'est fondée dans aucune de ses demandes dirigées contre celle-ci, qui doivent donc être rejetées ;

Alors 1°) que si l'entité adjudicatrice est libre de choisir la méthode de notation pour la mise en oeuvre des critères de sélection des offres, sont irrégulières les méthodes de notation qui, en méconnaissance des principes fondamentaux de transparence et d'égalité de traitement entre les candidats, ne permettent pas au juge de contrôler l'absence de caractère discrétionnaire du choix du candidat retenu ; que cette irrégularité ne saurait être couverte du seul fait que l'entité adjudicatrice a préalablement porté à la connaissance des candidats la méthode de notation viciée ; qu'en l'espèce, pour dire que la mise en oeuvre par la société La Poste d'une notation des candidats selon le critère des « précisions et compléments apportés en soutenance » était précise et non-discriminatoire, le juge du référé précontractuel a retenu qu'il était justifié par la société La Poste de ce qu'elle avait informé les candidats, dont la société Francotyp-Postalia, par un courriel préalable, du temps total de la soutenance, du détail de la présentation et du temps à consacrer aux thèmes à aborder oralement ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société Francotyp-Postalia, p. 50 à 53) si le critère relatif aux « précisions et compléments apportés en soutenance » ne conduisait pas à noter les candidats, non sur leur offre au regard de l'objet du marché, mais sur une présentation orale de celle-ci, et si eu égard à l'imprécision de ses modalités de mise en oeuvre et à son caractère purement subjectif et invérifiable, il ne réservait pas une marge de choix discrétionnaire à l'entité adjudicatrice, privant ainsi le juge de la possibilité de s'assurer de l'adéquation de la méthode de notation retenue avec les principes de transparence et de d'égalité de traitement entre les candidats, le juge du référé précontractuel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005, ensemble l'article 29 du décret du 20 octobre 2005 ;

Alors 2°) que si l'entité adjudicatrice est libre de choisir la méthode de notation pour la mise en oeuvre des critères de sélection des offres, sont irrégulières les méthodes de notation qui ne permettent pas de sélectionner l'offre économiquement et techniquement la plus avantageuse ; que le seul examen de la conformité des critères techniques au cahier de charge, au premier stade de la présélection des candidats admis à participer à la consultation, ne suffit pas à départager ces derniers au second stade de l'examen des offres, en considération - et de manière objective et transparente - de l'offre technique la plus avantageuse ; qu'en l'espèce, la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, p. 53 à 56) que la méthode de notation mise en oeuvre par la société La Poste n'avait pas tenu compte du critère technique ; que, pour dire que la procédure suivie par la société La Poste était régulière, le juge du référé précontractuel a considéré que la société Francotyp-Postalia n'était pas fondée à soutenir que la valeur technique des offres n'avait pas été notée « dès lors que le règlement de consultation prévoit l'examen de l'adéquation de l'offre technique au cahier des charges » ; qu'en statuant par ce motif inopérant, sans préciser en quoi l'absence de notation spécifique des différentes offres techniques, lors de l'étape ultérieure de l'examen comparatif des offres, aurait permis de sélectionner, de manière objective, non discriminatoire, transparente et véritable, l'offre technique la plus avantageuse, le juge du référé précontractuel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005, ensemble l'article 29 du décret du 20 octobre 2005 ;

Alors 3°) que la société Francotyp-Postalia faisait valoir (ses conclusions, p. 57 à 61) que la société La Poste avait méconnu le principe d'égalité de traitement entre les candidats en modifiant en cours de consultation, et qui plus est après le dépôt des offres techniques, ses besoins en matière technique en n'exigeant plus que les machines à affranchir proposées soient équipées d'un scanner permettant de lire l'ensemble des plis, favorisant ainsi la société Pitney-Bowes dont les scanners, à la différence de ceux de l'exposante, ne pouvait lire qu'une partie des plis ; que pour rejeter ce moyen, le juge du référé précontractuel s'est contenté d'affirmer que « la demande de précisions techniques s'analysant en [une] simple demande d'information, le grief invoqué est dénué de tout fondement » ; qu'en statuant par ce seul motif, sans indiquer sur quelle pièce il fondait l'affirmation selon laquelle la société La Poste se serait bornée à demander de simples précisions techniques sans modifier les critères d'attribution du marché, et en particulier sans examiner le document intitulé « Questions/réponses consultation Marquéo n° 2 » versé aux débats par l'exposante (sa pièce n° 30) dans lequel la société La Poste indiquait « Attente de 2 propositions financières : 1. Capture sur l'ensemble du pli ; 2. Capture sur une zone en haut à gauche du pli (à gauche de la marque d'affranchissement et sur la même hauteur que la marque d'affranchissement) », document dont il résultait que La Poste avait finalement modifié ses exigences en envisageant une solution technique ne permettant qu'une lecture partielle du pli, faisant ainsi perdre à la société exposante un avantage déterminant, le juge du référé précontractuel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-23104
Date de la décision : 27/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REFERE - Applications diverses - Contrats de la commande publique - Référé précontractuel - Procédure - Intérêt à agir - Personnes lésées par un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence - Détermination

Il résulte des articles 5 et 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et des articles 13 et 14 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 que, lorsque l'entité adjudicatrice recourt à un mode de communication qui ne garantit pas l'intégrité et la confidentialité des offres, le manquement à cette obligation, en ce qu'il est susceptible d'avantager un concurrent, cause nécessairement grief à tous les candidats, même à ceux ayant pu déposer leur offre dans les mêmes conditions que leurs concurrents


Références :

Sur le numéro 1 : articles 13 et 14 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005

article 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005
Sur le numéro 2 : articles 5 et 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005

articles 13 et 14 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 28 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 mar. 2019, pourvoi n°17-23104, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.23104
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