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21/03/2019 | FRANCE | N°18-14649

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 mars 2019, 18-14649


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 8 décembre 2017), que Mme M... R... épouse V... a assigné ses voisins, la société civile de construction vente Andrea (la SCCV) et le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] (le syndicat des copropriétaires), en construction d'un mur de soutènement ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la preuve du trouble anormal du voisinage invoqu

é par Mme V... n'est pas établie ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusion...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 8 décembre 2017), que Mme M... R... épouse V... a assigné ses voisins, la société civile de construction vente Andrea (la SCCV) et le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] (le syndicat des copropriétaires), en construction d'un mur de soutènement ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la preuve du trouble anormal du voisinage invoqué par Mme V... n'est pas établie ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme V... qui soutenait en outre que le syndicat des copropriétaires, qui avait bénéficié de travaux de décaissement rendant nécessaire la construction d'un mur, devait la prendre en charge sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, du code civil, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de construction d'un mur de soutènement, l'arrêt rendu le 8 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne la société SCCV Andrea et le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société SCCV Andrea et du syndicat des copropriétaires de la résidence [...] et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme M... R... épouse V... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme V...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir partiellement confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion du 6 novembre 2015 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de Mme V... et notamment celle tendant à enjoindre solidairement à la SCCV Andréa et à la copropriété « résidence fleur de corail », pris en la personne de son syndic, de réaliser sur 13 mètres de long un mur de soutènement, subsidiairement à leur enjoindre de faire retirer le brise-vue installé sans son accord sur son grillage et enfin celle tendant à obtenir 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « SUR LA REALISATION D'UN MUR DE SOUTENEMENT

Que Mme A... I... V... se fonde sur les dispositions de l'article 480-1 du Code de l'urbanisme qui ne font que sanctionner pénalement le non-respect des prescriptions d'un permis de construire, ce texte étant sans utilité pour l'espèce soumise ;

Qu'elle invoque également l'article 544 du Code civil qui qualifie la propriété comme étant ‘‘le droit de jouir et de disposer des choses de la façon la plus absolue'' ;

Qu'en effet, la limite à ce principe est que le propriétaire d'un fonds qui tire un profit de l'acte dommageable que constitue un trouble anormal du voisinage doit en supporter les risques, sa responsabilité, détachée de toute faute, étant exclusivement subordonnée à la preuve, dont la charge incombe à la victime, d'une nuisance excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

Qu'en l'espèce, Mme A... I... V... plaide que l'absence de mur de soutènement, infraction au permis de construire délivrée à la SCCV Andréa, constituerait un risque pour son terrain, constitutif de troubles dépassant les inconvénients normaux du voisinage ;

Que ce mur aurait vocation à venir en lieu et place de la clôture sommaire (double rangée de parpaings rehaussée d'un grillage) qu'elle avait précédemment édifiée et qui s'est écroulée, selon elle en raison du décaissement opéré par la SCCV Andréa ;

Qu'il convient de rappeler qu'un arrêt de cette cour en date du 28 février 2014 a définitivement jugé la limite de propriété (ligne BDG de l'annexe 2 du rapport de l'expert judiciaire Brial), constaté l'empiètement du mur de Madame A... I... V... sur le fonds de la SCCV Andréa et ordonné sous astreinte à l'appelante de supprimer ce mur et de le rétablir en limite séparative ;

Que par conséquence, ce mur avait vocation à disparaître, de sorte que ce n'est pas son effondrement qui, en soi, constitue le trouble anormal du voisinage ; qu'il importe donc assez peu de savoir si cet effondrement est imputable au décaissement (d'une hauteur de 2,50 mètres sur 13 mètres de longueur) effectué par la SCCV Andréa, même si la mise à nu des fondations déjà précaires du muret de clôture du fait des travaux de terrassement, comme le relève l'expert privé G... dans son rapport du 23 octobre 2012, permet de répondre par l'affirmative, ce que confirme l'expert judiciaire P... dans son rapport du 14 février 2014 ;

Que certes, M. G... note que ‘‘le mur en pierre sèches mis en oeuvre par le constructeur présente un danger de chutes (car) des pierres se désolidarisent et se détachent à la main'' ; que par ailleurs il ‘‘ne possède pas une hauteur suffisante pour étayer l'aplomb du décaissement réalisé'' ;

Que toutefois, selon l'expert P..., ‘‘il n'y a pas de risque majeur'', même s'il préconise la réalisation du mur de soutènement prévu par le permis de construire ;

Qu'en réalité, ce risque pèse essentiellement sur le fonds du Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Fleur de Corail ; qu'en effet, il ne réside pas dans un possible glissement du terrain de Mme A... I... V... mais davantage en des chutes ponctuelles de pierres et de terres sur celui de son voisin ;

Que d'ailleurs, le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Fleur de Corail est conscient de devoir protéger son fonds puisqu'il demande que Mme A... I... V... soit condamnée à lui payer les travaux (désenrochement et construction du mur de soutènement) propres à remédier à la situation ;

Que de ce point de vue, la preuve du trouble anormal du voisinage n'est pas établie, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme A... I... V... de ce chef de demande ;

SUR L'ENLEVEMENT DU BRISE-VUE

Que Mme A... I... V... n'offre pas de démontrer l'irrégularité de cette installation et échoue à rapporter la preuve du trouble anormal du voisinage qu'elle constituerait ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme A... I... V... de ce chef de demande ;

SUR LES DOMMAGES ET INTERÊTS

Qu'il n'est aucunement établi que la perte du mur de clôture (construit de façon illicite par elle) ait empêché Mme A... I... V... de jouir de son jardin privatif alors que celui-ci, en surplomb du seul mur en moellons que la SCCV Andréa a pu construire, est au contraire parfaitement épargné de tout risque ;

Que quant à son préjudice moral, la longue litanie des procès a essentiellement démontré que l'appelante était fautive dans l'enchaînement des incidents ayant émaillé les relations entre les parties ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme A... I... V... de ce chef de demande » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il ressort du rapport de l'expert P..., déposé le 14/02/2014, que le mur de clôture édifié par la demanderesse est constitué d'un muret de deux rangs de parpaings sur une base de béton coulé en place à même le sol et surmonté d'un grillage simple torsion ; que selon l'expert, ce mur n'a pas à respecter de règles de l'art particulières dès lors qu'il n'a pas de vocation de soutènement ; que la cause de l'effondrement de ce mur est à chercher dans la topographie des lieux qui sont en pente, ce qui fait que le mur litigieux reçoit et retient les eaux de ruissellement de la parcelle de Mme V... et de celles qui la surplombent ; que l'érosion du mur et l'affouillement de la semelle en résultent directement ; que Mr P... relève que la solution passerait par la réalisation du mur de soutènement prévu au plan de l'immeuble édifié par la SCCV Andréa ;

Que la Cour d'appel a jugé dans sa décision du 28/02/2014, que les bornes sépratives des fonds SCCV Andréa et V... étant fixées selon les points notés BDG sur le plan en annexe deux sur le rapport d'expertise, il convenait de constater que le mur séparatif construit par Mme V... empiète sur le fonds de la SCCV Andréa ;

Qu'il se déduit de ce qui précède que, d'une part, l'effondrement du mur de la demanderesse est du à la topographie des lieux, que d'autre part, ce mur est édifié de façon irrégulière sur le fonds de la SCCV Andréa, et qu'enfin, cette dernière ne saurait être soumise à l'obligation d'édifier le mur de soutènement figurant au permis de construire de la résidence Fleur de Corail que lorsque le mur de Mme V... aura été retiré et rebâti sur la limite séparative, ce qui a d'ailleurs été ordonné sous astreinte par l'arrêt du 28/02/2014 ;

Qu'il convient à cet égard de relever la mauvaise foi de la demanderesse qui, d'un côté, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28/02/2014 ayant dit que son mur empiétait sur le fonds de sa voisine et lui ordonnait sous astreinte de supprimer ce mur et de le rétablir en le retirant le long de la limite divisoire, et qui, de l'autre côté, plaide dans la présente instance le trouble du voisinage et l'atteinte à sa propriété du fait de la non réalisation fautive du mur de soutènement prévu au permis de construire de la SCCV Andréa ; que c'est en réalité la réalisation fautive du mur de clôture de Mme V... sur le fonds de la SCCV Andréa qui interdit à celle-ci de réaliser le mur de soutènement prévu à son permis de construire en limite des fonds ».

1°/ ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de l'exposante tirée de la violation de son permis de construire par la société SCCV Andréa, la Cour d'appel a cru pouvoir retenir que « Mme A... I... V... se fonde sur les dispositions de l'article 480-1 du Code de l'urbanisme qui ne font que sanctionner pénalement le non-respect des prescriptions d'un permis de construire, ce texte étant sans utilité pour l'espèce soumise » ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'exposante fondait sa demande sur l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240), comme le révèlent tant les motifs de ses écritures que le visa express de cet article dans le dispositif de ses conclusions et que ce n'est que pour illustrer la gravité du manquement de la société SCCV Andréa qu'elle invoquait l'article 480-1 du code de l'urbanisme sanctionnant pénalement ce comportement, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme V... en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, dès lors qu'une construction est édifiée sans respecter le permis de construire qui a été obtenu, le voisin peut en solliciter la démolition ou la modification pour non-conformité aux prescriptions du permis de construire, dès lors qu'il subit un préjudice ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de Mme V... tendant à voir condamner solidairement la SCCV Andrea et le Syndicat des copropriétaires de la résidence Fleur de Corail à faire édifier un mur de soutènement, fondée sur la méconnaissance du permis de construire qui imposait une telle construction (v. production n° 3, p. 5-8-9), la Cour d'appel s'est bornée à relever que « Mme A... I... V... se fonde sur les dispositions de l'article 480-1 du Code de l'urbanisme qui ne font que sanctionner pénalement le non-respect des prescriptions d'un permis de construire, ce texte étant sans utilité pour l'espèce soumise » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait par ailleurs que « la SCCV Andréa avait l'obligation d'édifier un mur de soutènement aux termes de son permis de construire », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240) ;

3°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Mme V... faisait valoir, au soutien de sa demande tendant à voir condamner solidairement la SCCV Andrea et le Syndicat des copropriétaires de la résidence Fleur de Corail à faire édifier un mur de soutènement, que « le syndicat, qui a bénéficié des travaux de décaissement qui rendent nécessaire la construction d'un mur de soutènement pour soutenir les terres, doit prendre en charge l'édification de ce mur sur le fondement de l'article 1384 al. 1er du code civil » (v. production n° 3, p. 10-11) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de l'exposante sur le seul fondement des troubles anormaux du voisinage, à affirmer que « la preuve du trouble anormal du voisinage n'est pas établie », sans examiner, comme il lui était pourtant expressément demandé, le moyen tiré d'une violation de l'article 1384 al. 1er (devenu l'article 1242), la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Mme V... faisait valoir que le trouble anormal résultant du refus de la SCCV Andrea de faire construire le mur de soutènement, résidait dans le risque d'un nouvel effondrement de son prochain mur de clôture (v. production n° 3, p. 8 et 9) ; que pour débouter Mme V... de sa demande de construction du mur de soutènement sur le fondement du trouble anormal de voisinage, la Cour d'appel a retenu que le risque de trouble ne résidait pas « dans un possible glissement du terrain » de Mme V... « mais davantage en des chutes ponctuelles de pierres et de terres sur celui de son voisin » (v. arrêt, p. 7§3) ; qu'en statuant ainsi, elle a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QUE subsidiairement, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, à supposer qu'elle n'aurait pas modifié l'objet du litige en jugeant que le trouble anormal du voisinage dont il était demandé la réparation ne résidait pas dans le « possible glissement de terrain » de l'exposante mais dans « des chutes ponctuelles de pierres et de terres », la Cour d'appel aurait alors relevé d'office le moyen pris de ce que le risque lié à l'absence de mur de soutènement pesait « essentiellement sur le fonds du Syndicat des copropriétaires de la Résidence Fleur de Corail », sans provoquer les observations des parties qui n'avaient engagé aucune discussion sur ce point, en violation de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-14649
Date de la décision : 21/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 08 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 mar. 2019, pourvoi n°18-14649


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14649
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