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21/03/2019 | FRANCE | N°18-12131

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 mars 2019, 18-12131


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Demathieu et Bard bâtiment Île-de-France (Demathieu et Bard) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Compagnie générale d'affacturage (CGA) ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2018), que la commune d'Arcueil a fait construire un ensemble scolaire par la société Demathieu et Bard, qui a sous-traité le lot n° 3 "menuiseries extérieures bois, aluminium-occultation" et le l

ot n° 12 "métallerie-serrurerie" à la société KMI, laquelle a chargé la société Atelier...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Demathieu et Bard bâtiment Île-de-France (Demathieu et Bard) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Compagnie générale d'affacturage (CGA) ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2018), que la commune d'Arcueil a fait construire un ensemble scolaire par la société Demathieu et Bard, qui a sous-traité le lot n° 3 "menuiseries extérieures bois, aluminium-occultation" et le lot n° 12 "métallerie-serrurerie" à la société KMI, laquelle a chargé la société Atelier métallerie Sud-Est société application (Amsesa), depuis en liquidation judiciaire, de la fourniture des menuiseries du lot n° 3 ; que, le 12 avril 2007, la société KMI a conclu un contrat d'affacturage avec la société CGA pour les factures émises contre la société Demathieu et Bard ; que, le 26 octobre 2009, les parties ont conclu, pour le lot n° 3, une convention tripartite de paiement stipulant que la société Demathieu et Bard, entrepreneur principal, paierait directement à la société Amsesa, fournisseur, les menuiseries commandées par la société KMI, sous-traitant ; que la société KMI, placée en liquidation judiciaire, représentée par M. A..., a assigné les parties pour voir dire que cette convention ne lui était plus opposable ;

Attendu que la société Demathieu et Bard fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. B..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Amsesa, la somme de 127 377,22 euros ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la convention tripartite était une délégation de paiement imparfaite par laquelle la société KMI, délégant, avait obtenu de la société Demathieu et Bard, déléguée, qu'elle s'obligeât envers la société Amsesa, délégataire, de sorte que les sommes que pouvait devoir la société Demathieu et Bard à la société Amsesa étaient seulement celles qu'elle pouvait devoir à son sous-traitant, la société KMI, pour les prestations réalisées pour le lot n° 3, sans pouvoir opposer à la société Amsesa aucune exception tirée de ses rapports avec la société KMI ou des rapports entre la société KMI et la société Amsesa, et retenu que la société Demathieu et Bard ne pouvait opposer à M. B..., ès qualités, les paiements qu'elle avait effectués pour le compte de la société KMI mais qui ne concernaient pas le lot n° 3, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise sur les sommes que la société Demathieu et Bard restaient devoir à la société KMI, a légalement justifié sa décision d'accueillir la demande en paiement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Demathieu et Bard bâtiment Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Demathieu et Bard bâtiment Ile-de-France et la condamne à payer à M. B..., ès qualités, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Demathieu et Bard bâtiment Ile-de-France

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à verser à Maître B..., ès qualités de liquidateur de la société Amsesa, la somme de 127.377,22 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2010 avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-3 nouveau du code civil (1154 ancien), outre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE la convention tripartite de paiement du 26 octobre 2009, telle que modifiée par avenant du 4 novembre 2009 (paiement à 30 jours à réception de facture) suivant accord des trois signataires, a été précédemment reconnue valable par arrêt du 6 mai 2015 et doit produire son plein effet entre les parties à la convention. Elle concerne exclusivement le lot n° 3 Menuiserie extérieures, suivant bon de commande du 24 septembre 2009 pour un montant de 171.183 euros HT soit 204.734,87 euros TTC. L'article 4 de la convention indique qu'elle s'analyse comme un simple ‘‘paiement pour compte'' ne créant aucun lien contractuel entre la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France et la société Amsesa et qu'en conséquence, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France désignée ‘‘entrepreneur principal'' est tenue envers la société Amsesa dite ‘‘fournisseur'' pour le montant qu'elle doit effectivement à la société KMI dite ‘‘sous-traitant'' pour les prestations exécutées. Il s'agit donc d'une délégation de paiement dite ‘‘simple'' ou ‘‘imparfaite'' par laquelle la société KMI (délégant) a obtenu de la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France (délégué) qu'elle s'oblige envers la société Amsesa (délégataire) qui a ainsi obtenu un second débiteur, de sorte que les sommes que peut devoir la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à la société Amsesa sont seulement celles qu'elle peut devoir à son sous-traitant, la société KMI, pour les prestations réalisées pour cet unique lot n° 3, sans pouvoir, conformément à l'article 1336 nouveau du code civil (1275 ancien), opposer à la société Amsesa aucune exception tirée de ses rapports avec la société KMI ou des rapports entre la société KMI et la société Amsesa. Par suite, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France ne peut opposer à Maître B..., ès qualités : - la clause sur le visa préalable (bon pour paiement) contenue dans la convention tripartite initiale comme condition préalable au règlement de ses situations dès lors qu'elle a été rayée, d'un commun accord par avenant du 4 novembre 2009, comme cela résulte des lettres des 4 et 12 novembre 2009 adressée par Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à la société Amsesa, la société KMI en étant destinataire, étant ajouté, à titre surabondant, que cette clause n'est ni une condition de validité ni un élément constitutif de la délégation de paiement mais une modalité de son exécution, - la faute de la société KMI qui lui aurait interdit de régler la société Amsesa, en conditionnant le paiement des situations de la société Amsesa à son acception expresse dès décembre 2009, puis en mettant fin à la délégation de paiement dès janvier 2010, - la cessation de la délégation de paiement, faute d'acceptation par la société Amsesa, délégataire, - les paiements qu'elle aurait effectués indirectement auprès des fournisseurs de la société KMI et/ou de la CGA qui ne concernent pas le lot n° 3 et sont, de surcroît, postérieurs à la convention tripartite qu'elle était tenue d'exécuter, nonobstant la volonté contraire de la société KMI. Il n'est pas discuté que la société Amsesa a accompli l'intégralité des prestations commandée (lot n° 3 Menuiseries) qui ont été libérées et réceptionnées sans qu'il ne ressorte des pièces produites que la preuve de réserves ne soit rapportée, que la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France a réglé directement à la société Amsesa la somme de 67.795,76 euros TTC, correspondant aux trois premières situations, le 1er décembre 2009, et qu'à compter de cette date, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France ne lui a plus adressé aucun paiement directement de sorte que sur un montant total de 204.734,87 euros TTC, il resterait dû à la société Amsesa la somme de 136.939,11 euros TTC (204.734,87 – 67.795,76), correspondant aux situations n° 4 et 7 du 23 novembre 2009, suivant factures payables successivement les 21 et 23 décembre 2009 et 10 et 21 janvier 2010. Il sera ajouté que la société KMI, qui est défaillante en appel, soutenait en première instance n'avoir reçu aucune facture mais que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé qu'elle avait bien été destinataire des factures de la société Amsesa lesquelles lui avaient été adressées par lettres recommandées avec accusé de réception. Il ressort du rapport d'expertise et il est constant que la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France a : - réglé la somme totale de 196.612,94 euros TTC pour le lot n°12 Métallerie serrurerie se répartissant ainsi : *à la société KMI la somme de 49.360,94 euros, *à CGA par cession de créance la somme de 147.252 euros, mais ces paiements ne concernent pas le lot n° 3 de sorte qu'ils ne peuvent venir en déduction de la créance de la société Amsesa, - réglé, en outre, aux fournisseurs de la société KMI la somme de 124.729,63 euros HT soit 149.176,44 euros TTC dont, selon le rapport d'expertise non contesté sur ce point (pages 8 et 9), celle de 9.561,89 euros TTC au titre du lot n° 3 qu'il y a donc lieu de déduire, - et dans le cadre de l'affacturage de CGA, elle a réglé également la somme de 24.072,61 euros correspondant à une facture n° 1005/246. S'agissant de cette facture n° 1005/246, tout en reconnaissant qu'elle porte sur le lot n° 3 et qu'elle n'aurait donc pas dû être cédée par la société KMI à la CGA, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France en conteste la validité. Elle affirme ne l'avoir ni reçue ni approuvée et relève qu'elle ne correspond à aucune commande du marché. Elle souligne qu'elle est datée du 25 mai 2010, soit quelques jours avant le prononcé du redressement judiciaire de la société KMI intervenue le 9 juin 2010, période suspecte de cessation de paiement de cette dernière. La CGA réplique qu'elle lui a bien été cédée par la société KMI et relève que l'expert ne s'est pas prononcé sur la réalité des prestations concernées par cette facture et n'a pu que constater l'absence de la société KMI à ses réunions. Elle considère qu'il appartient à la cour d'apprécier si la seule absence de la société KMI et donc l'impossibilité pour l'adhérent de faire valoir ses moyens et de justifier de sa facturation, peuvent constituer un élément permettant d'écarter cette facture. Elle ajoute que l'émission d'une facture en période suspecte n'est pas répréhensible. Mais, la validité de cette facture émise à l'encontre de la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France par la société KMI, cédée par cette dernière à la CGA qui n'est corroborée par aucun élément, qui ne correspond à aucune commande du lot n° 3 et dont le montant conduit à un dépassement de ce marché, n'est pas établie de sorte que son paiement par la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France au profit de la CGA, n'est pas opposable à la société Amsesa. En définitive, la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France ne pouvant opposer à Maître B..., ès-qualités, les paiements qu'elle a effectués pour le compte de la société KMI qui ne concernait pas le lot n° 3 et qui, de surcroît, sont postérieurs à la convention tripartite, elle reste redevable envers la société Amsesa de la somme de 127.377,22 euros TTC (136.939,11 – 9.561,89) au paiement de laquelle elle sera condamnée. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal, faute de justifier que les conditions d'application de l'article L. 441-6 du code de commerce soient réunies, et ce à compter du 9 février 2010, date de la première mise en demeure, et avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 nouveau du code civil (1154 ancien). Cette somme sera également fixée au passif de la société KMI. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ces chefs (arrêt, p. 10 à 12) ;

ALORS D'UNE PART QUE les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ; que la cour d'appel a relevé qu'aux termes de la convention de délégation tripartite signée entre les sociétés Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, KMI et Amsesa « les sommes que peut devoir la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France à la société Amsesa sont seulement celles qu'elle peut devoir à son sous-traitant, la société KMI » (Arrêt p. 4, dernier §) ; qu'il en résultait que la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France s'était engagée dans une délégation dit incertaine à l'égard de la société Amsesa en soumettant explicitement son engagement à l'existence de sa dette à l'égard de la société KMI, circonstance qu'elle se trouvait en droit d'opposer à la société Amsesa ; que la cour d'appel, pour condamner la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France envers la société Amsesa, a néanmoins jugé que celle-ci ne pouvait « conformément à l'article 1336 nouveau du code civil (1275 ancien), opposer à la société Amsesa aucune exception tirée de ses rapports avec la société KMI » (Ibid.) ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu l'article 1193 du code civil, ensemble l'article 1275, devenu l'article 1336 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la délégation incertaine est la délégation par laquelle le délégué ne s'engage à l'égard du délégataire que dans la limite de ce qu'il doit au délégant ; que l'engagement de la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France, délégué, envers la société Amsesa, délégataire, était expressément limité à ce qu'elle devait « effectivement » à la société KMI, délégant, de sorte que la cour d'appel ne pouvait condamner la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France envers la société Amsesa sans rechercher préalablement, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France était débitrice de la société KMI et ce d'autant que le rapport d'expertise avait relevé quant à lui que la société Demathieu et Bard Bâtiment Ile-de-France n'était débitrice d'aucune somme à l'égard de la société KMI au titre du lot n° 3 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1275, devenu l'article 1336 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-12131
Date de la décision : 21/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 mar. 2019, pourvoi n°18-12131


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Marc Lévis, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12131
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