LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 novembre 2017), qu'en mai 2013, M. et Mme R..., assurés auprès de la société GAN assurances (la société GAN), ont subi des inondations qui ont causé des désordres au local technique de leur maison d'habitation, construite par la société Sélimi, assurée auprès de la société MAAF assurances (la société MAAF), sous la maîtrise d'œuvre de la société Soret-Defrance architectes (la société Soret-Defrance) ; que M. et Mme R... ont assigné les constructeurs en indemnisation ; que l'architecte a assigné la société MAAF en garantie ; que la société GAN a assigné les constructeurs en remboursement de l'indemnité pour catastrophe naturelle qu'elle avait versée à M. et Mme R... ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société GAN, l'arrêt retient qu'elle a versé à ses assurés une indemnité au titre de leur sinistre en croyant faussement que le dommage était dû à un phénomène de catastrophe naturelle alors qu'il était dû à un vice de construction dont sont responsables le maître d'œuvre et l'entreprise, que, suivant le principe en vertu duquel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui, celui qui a payé la dette d'autrui par erreur a un recours contre le débiteur, qu'il en ressort que l'assureur, qui a payé une indemnité en croyant faussement que les désordres avaient pour cause un phénomène naturel alors qu'ils avaient pour seule cause des vices de construction, dispose d'un recours contre le constructeur et son assureur, que néanmoins, pour pouvoir prétendre être légalement subrogé dans les droits de son assuré, l'assureur doit démontrer avoir indemnisé ce dernier en exécution du contrat d'assurance, ce qui implique nécessairement que ce document soit produit alors qu'il ne l'est pas ;
Qu'en statuant ainsi, alors que celui qui, par erreur, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la société GAN assurances, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Soret-Defrance architectes, la société Selimi et la société MAAF assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société GAN assurances.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Gan Assurances de sa demande en paiement ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 121-12 du code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que Gan Assurances a versé à ses assurés, les époux R..., une indemnité de 28 394 euros au titre de leur sinistre en croyant faussement que le dommage était dû à un phénomène de catastrophe naturelle alors qu'il était dû en réalité à un vice de construction dont sont responsables le maître d'oeuvre et l'entreprise Sélimi ; que suivant le principe en vertu duquel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui, celui qui a payé la dette d'autrui par erreur a un recours contre le débiteur ; qu'il en ressort que l'assureur qui a payé une indemnité en croyant faussement que les désordres avaient pour cause un phénomène naturel alors qu'ils avaient pour seule cause des vices de construction portant atteinte à la solidité de l'ouvrage imputables au constructeur, dispose d'un recours contre le constructeur et son assureur ; que néanmoins, pour pouvoir prétendre être légalement subrogé dans les droits de son assuré, l'assureur doit démontrer avoir indemnisé ce dernier en exécution du contrat d'assurance, ce qui implique nécessairement que ce document soit produit ; que si Gan Assurances justifie avoir indemnisé les époux R... à hauteur de 28 394 euros, il ne verse pas aux débats le contrat d'assurance souscrit par ses assurés, de sorte qu'il ne met pas la cour en mesure de vérifier si l'indemnisation au titre de la catastrophe naturelle a été justement allouée en vertu des dispositions contractuelles ou s'il existait des clauses d'exclusion de garantie dans la police, et ce d'autant que la somme demandée dans le dispositif des conclusions de Gan Assurances - 17 036,40 euros - ne correspond pas à la somme effectivement versée aux époux R... ; qu'il convient donc de débouter Gan Assurances de sa demande en paiement faute de production du contrat et la décision sera infirmée de ce chef (arrêt, p. 8 et 9) ;
1°) ALORS QU'en application du principe général du droit selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui, celui qui, par erreur, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur ; que, pour débouter la société Gan Assurances de sa demande en paiement de la somme réglée par erreur aux époux R..., l'arrêt retient qu'en ne produisant pas le contrat d'assurance, l'assureur n'a pas démontré qu'il avait indemnisé ceux-ci en exécution du contrat d'assurance et n'a pas mis la cour d'appel en mesure de vérifier si l'indemnisation au titre de la catastrophe naturelle avait été justement allouée en vertu des dispositions contractuelles ou s'il existait des clauses d'exclusion de garantie dans la police ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ;
Subsidiairement,
2°) ALORS QUE comme le faisait valoir la société Gan Assurances dans ses conclusions d'appel (p. 4), les conditions particulières du contrat d'assurance étaient annexées au rapport d'expertise du cabinet Y... et S..., lui-même annexé au rapport d'expertise judiciaire en page 111 ; qu'il est constant que les époux R... avaient versé aux débats l'intégralité du rapport d'expertise (conclusions d'appel des époux R..., p. 26) ; qu'en jugeant néanmoins qu'il convenait de débouter Gan Assurances de sa demande en paiement, faute de production du contrat, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'il résulte du jugement déféré à la cour d'appel que les juges de première instance avaient condamné la société Soret-Defrance à payer à la société Gan Assurances la somme de 17.036 € correspondant à 60 % du montant de 28.394 euros, et la société Sélimi à payer à la société Gan Assurances la somme de 11.357,60 euros correspondant à 40 % de ce même montant ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la somme demandée dans le dispositif des conclusions de Gan Assurances - 17 036,40 euros - ne correspondait pas à la somme effectivement versée aux époux R..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.