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21/03/2019 | FRANCE | N°10-19933

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 mars 2019, 10-19933


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 avril 2010), que la société civile immobilière République 51 (la SCI) a donné en location à l'association Adultes et enfants inadaptés mentaux (AEIM) un immeuble dans lequel elle avait réalisé des travaux de réhabilitation, pour une durée de quinze ans courant, selon l'article 2 du contrat de bail, à compter du 1er janvier 1998 "après réception de la totalité des travaux par l'AEIM" ; qu'ayant eu connaissan

ce de défauts de l'installation électrique et d'anomalies compromettant la sécur...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 avril 2010), que la société civile immobilière République 51 (la SCI) a donné en location à l'association Adultes et enfants inadaptés mentaux (AEIM) un immeuble dans lequel elle avait réalisé des travaux de réhabilitation, pour une durée de quinze ans courant, selon l'article 2 du contrat de bail, à compter du 1er janvier 1998 "après réception de la totalité des travaux par l'AEIM" ; qu'ayant eu connaissance de défauts de l'installation électrique et d'anomalies compromettant la sécurité des occupants de l'immeuble, l'AEIM a procédé au déménagement de ceux-ci et a assigné la SCI en remboursement des loyers et charges payés sans contrepartie et des frais de déménagement ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à ces titres au paiement d'une certaine somme ;

Mais attendu qu'ayant retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de l'article 2 du contrat rendait nécessaire, que cette stipulation devait être interprétée dans le sens où l'AEIM devait prendre possession des lieux loués après reconnaissance de l'exécution des travaux de réhabilitation, le contrat conclu entre les parties instaurant des rapports de bailleur à locataire et non de maître de l'ouvrage à constructeur, la cour d'appel a pu en déduire que la demande de l'AEIM devait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société République 51 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société République 51 et la condamne à payer à l'association Adultes et enfants inadaptés mentaux la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société République 51

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI REPUBLIQUE 51 à payer à l'AEIM la somme de 200 359,58 euros ;

AUX MOTIFS QUE le paragraphe "durée", page 2 du contrat de bail, précise que la durée initiale est fixée à 15 années à compter du 1er octobre 1998 pour se terminer le 30 septembre 2013, après réception de la totalité des travaux par l'AEIM ; que dans l'hypothèse où à cette date les travaux ne seraient pas achevés, les loyers ne seraient pas dus et le bailleur supporterait en sus une indemnité par jour de retard de 3000 francs payable à l'AEIM ; que la "réception de la totalité des travaux par l'AEIM" ne peut être confondue avec la notion plus étendue d'état des lieux ; que cependant l'acte ne concerne que les rapports entre la SCI REPUBLIQUE 51 en qualité de bailleur et l'association AEIM en qualité de locataire, et non les rapports entre un maître d'ouvrage et des constructeurs; que les dispositions de l'acte doivent ainsi être interprétées dans le sens où l'association AEIM devait prendre possession des locaux après réception des travaux mis en oeuvre par la SCI REPUBLIQUE 51, soit après reconnaissance de leur réalisation, et non dans le sens où l'AEIM devait procéder à la réception des travaux prévue par l'article 1792-6 du Code Civil à la place de la SCI REPUBLIQUE 51, cette réception ne concernant que les rapports du maître d'ouvrage avec les constructeurs; que cette interprétation est d'ailleurs confortée par le fait qu'en cas d'inachèvement des travaux, le bailleur devait régler une indemnité de retard ; qu'il ne peut dès lors être reproché à l'AEIM une non réception des travaux avec les constructeurs, et le fait que l'absence d'une réception des travaux avec les constructeurs n'a pas permis de découvrir les malfaçons er les non-conformités en matière de sécurité ; que l'achèvement des travaux a été fixé au 1er novembre 1998 par la déclaration d'achèvement des travaux de la SCI REPUBLIQUE 51 , que l'association a investi les lieux en octobre 1998 ; que la SCI REPUBLIQUE n'établit pas que les travaux restant à réaliser entre le 1er octobre et le 1er novembre n'ont pu être exécutés du fait de l'entrée dans les lieux ; qu'il doit en être conclu que l'entrée dans les lieux a été sans incidence sur l'achèvement des travaux; que la SCI REPUBLIQUE 51 ne s'est pas opposée à cette entrée dans les lieux; que la prise de possession des lieux a constitué une réception tacite des travaux par la SCI REPUBLIQUE 51, maître de l'ouvrage à l'égard des constructeurs; qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée en référé le 5 février 2002, du 30 octobre 2004, que différentes non-conformités aux normes affectaient la sécurité incendie et l'installation électrique des locaux donnés en location (pages 20 à 29) ; que l'expert, qui rappelle que l'immeuble donné en location comporte trois parkings intérieurs constituant des garages collectifs situés en rez-de-chaussée, une chaufferie au sous-sol, des locaux administratifs en rez-de-chaussée, des logements aux 1er et 2ème étages, des combles inaccessibles comportant des réseaux électriques et l'installation de VMC, précise ainsi : - que les structures métalliques du plancher haut du rez-de-chaussée ne comportent aucune protection quant à la stabilité au feu, - que l'enrobage des aciers de la structure béton du plancher haut du parking est insuffisant, que les rebouchages coupe-feu des trémies de traversées de canalisations de réseaux ont pour partie été réalisés en mousse de polyuréthane et doivent être repris avec un matériau adéquat comme le plâtre, - que les cloisons du 1er étage ne sont pas montées jusque sous le plancher haut à structure métallique, ou ne comportent pas de calfeutrement en tête dans les ondes du bac, ou ne comportent pas de traitement des joints dans la hauteur du plenum, ou ne disposent pas d'un doublement de plaques dans la hauteur du plenum, - que les cloisons du 2ème étage sont bloquées sous le plafond séparant logement et combles, qu'aucune émergence de cloison n'apparaît dans le plenum des combles, - que la porte de la chaufferie n'est conforme ni en degré coupe feu, ni quant à ses équipements puisqu'elle ne comporte ni ferme porte, ni barre anti-panique pour l'évacuation des personnes, - que l'épaisseur d'un panneau de l'escalier de distribution des étages ne peut répondre classement M2, - que le percement des diamètres de siphon des douches des logements est non ou mal calfeutré que dans la cage d'escalier il y a un équipement incendie non conforme - qu'il n'y a pas de dispositif de coupure du gaz alimentant les deux chaudières, facilement accessible en extérieur, pour isoler le bâtiment,- que la chaufferie ne comporte pas d'élément permettant d'extraire les fumées, - que le dispositif de commande de désenfumage de la cage d'escalier situé au dernier étage doit être renvoyé jusqu'en rez-de-chaussée, - que la ventilation de la chaufferie n'est pas conforme, - qu'une sortie de ventilation doit être mise en oeuvre dans les combles, - que l'installation électrique, selon le diagnostic de la société VERITAS reporté dans le rapport du 20 juillet 2002, n'est pas conforme en ce qui concerne principalement les différentiels, les performances des réseaux de terre et l'absence de certaines liaisons, les raccordements dans les combles et le respect des volumes de protection en salle de bains ; qu'il a considéré que les non-conformités relevées portaient atteinte à l'habitabilité des lieux, à fortiori par des handicapés mentaux; que le risque encouru justifiait la décision de l'AEIM de faire déménager les occupants de l'immeuble (page 37) ; que le contrat de bail précise que la location est soumise aux seules clauses et conditions du contrat et aux dispositions non contraires des articles 1714 à 1762 du Code Civil ; que la SCI REPUBLIQUE 51 a manqué à son obligation de délivrance issue de l'article 1719 dudit code, dans la mesure où les lieux n'étaient pas, en raison des défauts affectant la protection contre l'incendie et les installations électriques, conformes à leur destination, l'habitation ; que l'expert a précisé que les travaux de reprise imposaient une libération des lieux en totalité (page 59 du rapport), pour obtenir une performance économique, et compte tenu de leur particularité (électricité, projection générale sous plancher métallique, démontage général des faux plafonds) ; que la libération des lieux logement par logement pour travaux n'était pas imaginable en terme de sécurité, d'économie d'exécution, de nuisance et de rapidité d'exécution globale; qu'il y a lieu ainsi de retenir que le déménagement des occupants s'imposait ; que les non-conformités aux normes n'ont pas évolué entre la connaissance de partie d'entre elles en juillet 2000 par l'AEIM, et l'information donnée à la SCI REPUBLIQUE 51 en juillet 2001 ; que même si cette dernière avait été informée de la situation des locaux dès le courrier de la société RID à l'AEIM du mois de juillet 2000, le rapport de la société QUALICONSULT du 28 juin 2001 ou le compte-rendu de visite de la société AINF du 1er juin 2001, il n'était pas envisageable d'effectuer les travaux destinés à mettre fin aux non-conformités en maintenant les locataires dans les lieux; que le retard d'information n'a pas eu d'incidence sur les mesures à prendre pour remédier aux non-conformités ; que l'expert a précisé que la SCI REPUBLIQUE 51 a fait réaliser des travaux de reprise en cours d'expertise, en septembre-novembre 2003, mais que des travaux de mise en conformité restaient à faire, qu'en l'absence de procès-verbal de réception de ces travaux, de levée totale des observations sur les ouvrages électriques, d'avis ou d'observation de la société VERITAS sur certains autres ouvrages, l'état des travaux exécutés ne permettait pas la réintégration des sous-locataires ; qu'il ne peut être reproché au regard des indications données par l'expert, à faute à l'AEIM, de ne pas avoir maintenu les locataires dans les lieux dans l'attente d'une vérification de la situation par expertise amiable et de la réalisation de travaux de reprise que la SCI REPUBLIQUE 51 proposait de faire réaliser ; qu'il ne peut davantage lui être reproché à faute de n'avoir pas cherché à résoudre la situation en négociant avec la SCI REPUBLIQUE 51 ;
qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir réintégré les lieux après rapport de la société VERITAS du 22 décembre 2003 ; qu'il peut être ajouté que l'association n'a pas mis en échec la prescription biennale de l'article 1792-3 du Code Civil, alors d'une part que si l'on retient avec l'expert que les non-conformités étaient visibles pour le maître de l'ouvrage, l'absence de réserves du fait de la réception tacite des travaux a fermé la possibilité d'agir sur le fondement des garanties légales, et d'autre part, que les vices rendant l'ouvrage impropre à sa destination autorise l'application de la garantie décennale ; que l'AEIM a continué malgré le non respect de l'obligation de délivrance par le bailleur à payer les loyers après le relogement de ses locataires; qu'elle a réglé les frais de déménagement de ses locataires selon les copies de chèques produites, à charge pour elle de régler ses rapports avec ses locataires; qu'elle est fondée en application des articles 1719 et 1147 du Code Civil à réclamer le remboursement des loyers et charges réglés sans cause sans qu'il y ait lieu de s'attarder sur des considérations extérieures comme le montant des nouveaux loyers payés par ses locataires ou les aides qu'elle a pu percevoir, le fait que deux contrats de location ont pris effet en juin 2001 qui ne concernent pas ses rapports avec le bailleur et n'affectent pas les paiements effectués étant souligné que le loyer dû ne variait pas en fonction du nombre de sous locataires et des frais de déménagement engagés ; qu'ainsi selon les factures et tableau récapitulatif produit les frais de déménagement à prendre en compte se sont élevés à 10 630,35 euros ; que le montant des loyers et charges réglés d'août 2001 à juillet 2004 pris en compte par les premiers juges n'est pas discuté ; que les sommes dues par la SCI REPUBLIQUE 51 à l'association AEIM s'élèvent ainsi à 10 630,36 euros (frais de déménagement) + 136.484,38 euros (loyers et charges d'août 2001 à octobre 2003) + 56.802,75 euros (loyers et charges de novembre 2003 à juillet 2004) = 203.917,49 euros ; que l'AEIM a cependant conclu à la confirmation de la condamnation de la SCI REPUBLIQUE 51 à lui payer la somme de 200 359,58 euros (qui est résultée d'une erreur de calcul), de sorte que cette condamnation sera confirmée ; (arrêt attaqué p. 6 à 10) ;

1°) ALORS QUE le bail des 27 et 29 avril 1998 stipulait une durée de 15 ans « à compter du 01.10.1998 pour se terminer le 30 septembre deux mille treize (30/09/2013) après réception de la totalité des travaux par l'AEIM. » ; qu'en affirmant néanmoins que l'emploi du terme « réception » devait être interprétée comme une simple « reconnaissance des travaux » et non comme une « réception » au sens de l'article 1792-6 du Code civil, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat susvisé en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE la SCI REPUBLIQUE 51, bailleresse, soutenait dans ses conclusions d'appel qu'elle n'avait acquis les locaux que pour les louer à l'AEIM, que les travaux de rénovation de l'immeuble entrepris après la signature du bail en avril 1998 l'avaient été suivant un programme défini par l'AEIM, que celle-ci disposait d'un service technique immobilier dédié aux problèmes des normes de sécurité et de construction et que c'était à sa demande qu'avait été insérée la clause prévoyant la réception des travaux par ses soins ; que ces éléments de fait démontraient que l'AEIM avait eu le rôle de maitre de l'ouvrage délégué et que c'était bien à elle qu'avait été délégué la responsabilité de la réception des travaux dans les conditions stipulées au bail ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le rôle actif et prépondérant de l'AEIM pendant la phase des travaux de rénovation et qui confirmait que la « réception » visée au bail s'entendait bien de celle prévue à l'article 1792-6 du Code civil et par conséquent de répondre au moyen exposé par la SCI REPUBLIQUE 51 dans ses conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-19933
Date de la décision : 21/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 06 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 mar. 2019, pourvoi n°10-19933


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:10.19933
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