LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. A... et de Mme R... ;
Attendu que, pour limiter le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme R... à la somme de 55 000 euros, l'arrêt, constate que M. A... a perçu, au cours de l'année 2016, un revenu annuel brut de 142 937 dollars australiens (AUD) et a acquitté à ce titre un impôt de 43 617 AUD ; qu'il retient que le revenu annuel net de celui-ci s'est élevé à 69 320 AUD et en déduit que son revenu mensuel net s'élève à 5776 AUD, soit 3 687 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que le revenu annuel net de M. A... s'était élevé, pour l'année considérée, à la somme de 99 320 AUD, soit un revenu mensuel de 8276,67 AUD, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. A... à verser à Mme R... une prestation compensatoire d'un montant de 55 000 euros, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme R....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité à la somme de 55.000 € en capital le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur A... à Madame R... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le montant de la prestation compensatoire : Considérant que le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais que selon les dispositions des articles 270 et 271 du code civil, l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; Considérant que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge a notamment égard à : - la durée du mariage, - l'âge et l'état de santé des époux, - leur qualification et leur situation professionnelles ; - les conséquences des choix professionnels fait par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, - le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, - leurs droits existants et prévisibles, - leur situation respective en matière de pension de retraite ; Considérant que le mariage a duré 22 ans et la vie commune jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation 14 ans ; que les époux sont âgés de 49 ans pour être nés, le mari le [...] et l'épouse le [...] ; Considérant que Mme R... invoque des problèmes de santé relativement mineurs et que M. A... justifie avoir subi deux opérations pour retirer un granulome et une tumeur et souffrir de longue date d'une atrophie du rein, sans toutefois alléguer que cet état de santé obéreraient ses capacités professionnelles ; Considérant que M. A... est chercheur et a intégré une université australienne après avoir exercé les fonctions de professeur de gestion à l'ESSEC ; que si la situation à prendre en compte pour le calcul d'une prestation compensatoire est celle existant à la date à laquelle le divorce devient définitif, il ne peut être fait abstraction de la situation antérieure qui permet de mieux appréhender la situation financière actuelle de chacun des époux ainsi que son évolution prévisible ; Considérant qu'il résulte du bulletin de salaire de décembre 2013 de M. A... qu'il a perçu au cours de cette année un cumul net de 74 696 €, soit une moyenne mensuelle de 6 224 €, étant noté que figure sur ce bulletin de salaire un avantage en nature pour un logement évalué à 702 € ; qu'il justifie percevoir en Australie un revenu qui était de 5 449 AUD (dollar australien), soit 3 479 €, et de 3 403 AUD, soit 2 172 €, déduction faite de la retenue à la source, pour la période du 18 au 31 octobre 2015; qu'il produit un avis d'imposition délivré par l'administration fiscale australienne faisant mention pour l'année se terminant le 30 juin 2016 d'un revenu de 142 937 AUD et d'un montant de taxes de 43 617 AUD, soit un revenu net après imposition de 69 320 AUD, soit une moyenne mensuelle de 5 776 AUD, soit 3 687 € ;
que rien ne permet de considérer que M. A... dissimulerait d'autres revenus; qu'il supporte un loyer de 2 564 AUD partagé avec « Cerasela » ainsi qu'il résulte de la quittance de loyer ; Considérant que Mine R... a une formation de comptable; qu'il résulte de ses avis d'imposition qu'elle a perçu en 2014 un revenu de 21 346 €, en 2015 un revenu de 22 253 € et en 2016 un revenu de 22 302 €, soit une moyenne mensuelle de 1 858 €; qu'elle bénéficie depuis juin 2013 d'un CDI; qu'elle est hébergée à titre gratuit en exécution du devoir de secours dans le logement familial qui est la propriété des deux époux et qu'elle va avoir une charge de logement après la dissolution du mariage ; Considérant que Mme R... a travaillé pendant tout le temps du mariage, hormis un congé parental de deux ans après la naissance de son deuxième enfant ; qu'elle ne démontre pas que la carrière de son mari aurait été privilégiée au détriment de la sienne ; Considérant que M. A... est propriétaire en propre de la moitié d'une maison en Bretagne à la suite d'une donation, ses enfants étant propriétaires de l'autre moitié, que pour la donation, ce bien a été évalué à 120 000 € ; que l'aléa invoqué par M. A... sur cette propriété, la donation pouvant être modifiée selon lui jusqu'au décès de ses parents, n'impacte que modérément sa situation patrimoniale concernant ce bien ; Considérant que les époux sont propriétaires d'un bien immobilier à l'Haÿ-les-Roses, estimé par M. A... à 675 000 € et par Mine R... à 580 000 €; que le capital restant dû sur les deux crédits immobiliers souscrits pour l'acquisition de ce bien s'élève à 28 158 E, après règlement de l'échéance de novembre 2017; que les règlement opérés par chacun d'eux dans le cadre de l'indivision post-communautaire feront l'objet de comptes entre les parties, mais que les droits de chacun d'eux sur ce bien sont identiques ; Considérant que M. A... invoque des fonds détenus sur des comptes au nom de son épouse ; que celle-ci soutient qu'une partie de ces fonds appartenaient à sa mère et que l'autre partie a été donnée aux enfants ; qu'il appartiendra aux époux de s'expliquer sur la nature et la destination de ces fonds, mais il n'est pas démontré que Mme R... disposerait encore aujourd'hui d'une épargne ; Considérant que M. A... produit l'évaluation de sa retraite établie par l'Assurance retraite en novembre 2012 faisant état d'une retraite du régime général de 651 €; qu'il avait accumulé à cette époque 1 667 points de l'ARRCO et 17 208 points de l'AGIRC; que l'évaluation de retraite établie pour Mine R... en septembre 2010 fait état d'une pension de retraite du régime général de 354 € ; Considérant qu'il résulte de ces éléments que le divorce crée une disparité dans les conditions de vie respectives des parties qu'il y a lieu de compenser par l'allocation d'une somme de 55 000 € à l'épouse ; que la décision dont appel est confirmée de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Sur la prestation compensatoire : Madame R... C... épouse A... sollicite la condamnation de Monsieur A... P... au versement d'une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 190.000 euros. Elle explique cette demande par la différence de revenus entre les deux époux, le fait que Monsieur A... P... a un patrimoine propre et son état de santé défaillant actuellement. Monsieur A... P... s'oppose à cette demande et offre, pour sa part, de verser la somme de 30.000 euros au moment de la liquidation de la communauté. Monsieur A... P... a produit une déclaration sur l'honneur en date du 24 novembre 2014 certifiant l'exactitude de ses ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. Madame R... C... épouse A... a produit une déclaration sur l'honneur en date du 26 juin 2014 certifiant l'exactitude de ses ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. Il ressort des articles 270, 271 et 272 du code civil que la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux. Cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de celui à qui elle est versée et les ressources de celui qui la doit, en prenant en considération, notamment : -la durée du mariage ; l'âge et l'état de santé des époux ; - la qualification et la situation professionnelle de chacun des époux ; - les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune, pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; - le patrimoine, estimé et prévisible; tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; -les droits existants et prévisibles de chacun des époux ;-la situation respective de chacun des époux en matière de pensions de retraite ; L'union a duré 13 ans et 8 mois jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation en date du 6 février 2009. Monsieur A... P... est âgé de 47 ans. Il est professeur de gestion et a travaillé à l'ESSEC de 2001 jusqu'en août 2014. Il percevait : - en 2009 un salaire de l'ordre de 4.020 euros par mois selon le plan de surendettement,- en 2013 un salaire de l'ordre de 6.224 euros par mois (cumul net imposable en décembre 2013 : 74.696 euros). Monsieur A... P... est parti s'installer en AUSTRALIE en septembre 2014, il va percevoir un salaire de l'ordre de 87.311 AUD soit la somme annuelle de 57.000 euros soit mensuellement un revenu de l'ordre de 4.750 euros. Il va acquitter un loyer d'un montant de 1.760 euros par mois. Il est propriétaire indivis d'un bien situé en BRETAGNE suite à une donation-partage, il évalue ce bien à la somme de 120.000 euros sans aucun justificatif. Madame R... C... épouse A... est âgée de 47 ans. Elle a travaillé comme comptable jusqu'à son licenciement économique en juin 2008.Elle percevait, en 2011, un revenu de l'ordre de 2.501 euros par mois (cumul net imposable en décembre 2011 : 30.013 euros). Elle s'est reconvertie comme aide-soignante et a fait une formation qui a débouché sur un diplôme en juillet 2011.Elle a repris une activité de comptable, d'abord en contrat à durée déterminée puis, depuis juin 2013, en contrat à durée indéterminée à l'ARC pour un salaire de l'ordre de 2.829 euros par mois (cumul net imposable en 2013 33.952 euros). Les époux sont propriétaires d'un bien commun situé [...]. Ce bien est évalué à la somme de 675.000 euros par l'agence immobilière CENTURY 21 en avril 2012. Au mois de novembre 2014, le capital restant dû s'élevait à la somme de 130.000 euros selon Monsieur A... P.... Chacun des époux aura sa part à la liquidation du régime matrimonial. Monsieur A... P... comme Madame R... C... épouse A... font état de problèmes de santé : tumeur au sein pour Madame R... C... épouse A... et atrophie d'un rein pour Monsieur A... P.... Il ne sera pas tenu compte des perspectives de retraite pour les deux époux compte tenu de leur âge. En considération des critères prévus à l'article 271 du code civil, la rupture du mariage créera une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, qui justifie l'attribution d'une prestation compensatoire. En considération de ses éléments et compte tenu de la consistance du patrimoine et des revenus de l'époux débiteur, la prestation compensatoire prendra la forme d'un capital d'un montant de 55.000 euros. Ce capital sera payé par le versement d'une somme d'argent. Monsieur A... P... demande à ce que le capital soit versé au moment de la liquidation de la communauté. Madame R... C... épouse A... s'oppose à cette demande. Il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'en application de l'article 275-1 du Code Civil, le versement du capital ne peut être subordonné à la liquidation de la communauté. Monsieur A... P... sera donc débouté de cette demande » ;
1°) ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué (p. 7, 2ème §) que Monsieur A... avait perçu en 2013 des salaires d'un montant net de 74.696 €, soit 6.224 € par mois, et que ses revenus avaient ensuite diminué après son départ en Australie ; que la cour d'appel énoncé qu'il produisait à cet égard « un avis d'imposition délivré par l'administration fiscale australienne faisant mention pour l'année se terminant le 30 juin 2016 d'un revenu de 142 937 AUD et d'un montant de taxes de 43 617 AUD » ; qu'en retenant que Monsieur A... avait ainsi perçu un revenu au titre de cette année de 69.320 AUD, et en calculant le montant de la prestation compensatoire due à Madame R... au regard notamment de ce niveau de revenus, quand il résultait du montant susvisé que le revenu annuel net de Monsieur A... s'élevait au titre de l'année en cause à la somme de 99.320 dollars australiens, non à 69.320 dollars australiens, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et violé les articles 270 et 271 du code civil ;
2°) ALORS QU' il ressort de l'avis d'imposition au titre de l'année se terminant le 30 juin 2016 que Monsieur A... avait perçu des revenus bruts au cours de cette année s'élevant à la somme de 142.937 dollars australiens, et payé des impôts à hauteur de 43.617 dollars australiens, de sorte qu'il avait perçu des revenus annuels nets de 99.320 dollars australiens ; qu'en énonçant qu'il résultait de l'avis d'imposition de Monsieur A... que celui-ci avait perçu au titre de l'année en cause des revenus nets après imposition de « 69 320 AUD, soit une moyenne mensuelle de 5 776 AUD, soit 3 687 € », la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation de l'article 1134 du code civil (nouvel article 1192 du code civil) ;
3°) ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en retenant que Madame R... ne démontrait pas que « la carrière de son mari aurait été privilégiée au détriment de la sienne » quand il résultait de ses propres constatations que Madame R... avait pris un congé parental de deux ans à la suite de la naissance de leur deuxième enfant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
4°) ALORS QUE les ressources du nouveau foyer au sein duquel vit l'un des ex-époux doivent être prises en considération pour évaluer la disparité que la rupture du mariage a créée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en l'espèce, Madame R... faisait valoir (ses conclusions d'appel, not. p. 21) que Monsieur A... vivait désormais en concubinage avec Madame D... et que le couple percevait de très confortables revenus, et partageait en outre ses charges, notamment de loyers (p. 33) ; qu'en s'abstenant de tenir compte, ainsi qu'elle y était invitée, des revenus issus du nouveau foyer de Monsieur A..., et de la circonstance que ce dernier partageait ses charges avec sa nouvelle concubine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
5°) ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en appréciant le niveau de revenus de Monsieur A... au regard de ses revenus nets après impôts, mais ceux de Madame R... au regard des revenus figurant sur ses avis d'imposition, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.