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20/03/2019 | FRANCE | N°18-10119

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2019, 18-10119


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 22 septembre 1995 a prononcé le divorce de Mme N... et de M. X... et accordé à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère ; que, le 31 juillet 2015, M. X..., invoquant l'avantage manifestement excessif procuré à Mme N... par le maintien de la rente, en a sollicité la suppression ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour réviser

la prestation compensatoire et la fixer à la somme mensuelle de 300 euros pour une du...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 22 septembre 1995 a prononcé le divorce de Mme N... et de M. X... et accordé à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère ; que, le 31 juillet 2015, M. X..., invoquant l'avantage manifestement excessif procuré à Mme N... par le maintien de la rente, en a sollicité la suppression ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour réviser la prestation compensatoire et la fixer à la somme mensuelle de 300 euros pour une durée de trois ans, l'arrêt retient que la rente versée par M. X... depuis l'année 1995 constitue un avantage manifestement excessif, que toutefois, la suppression immédiate de la rente entraînerait des difficultés pour Mme N... alors que M. X... peut continuer à la verser tant qu'il est en activité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... sollicitait la suppression de la rente, que Mme N... en demandait le maintien et, subsidiairement, sa conversion en un capital, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur la cinquième branche du moyen :

Vu l'article 33, VI, de la loi du 26 mai 2004, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, et les articles 271 et 276 du code civil ;

Attendu que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a retenu que la suppression immédiate de la rente serait source de difficultés pour Mme N... et que M. X... pouvait continuer à la verser tant qu'il était encore en activité, ce qui justifiait son maintien temporaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la rente ne pouvait être révisée pour une durée inférieure à la vie de l'époux créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme N...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir révisé la prestation compensatoire fixée par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon sous forme de rente viagère le 22 septembre 1995 et d'avoir fixé la prestation compensatoire à la charge de M. X... à la somme mensuelle de 300 euros pour une durée de trois ans à compter du présent arrêt ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 276-3 du code civil dans le cas d'espèce, la rente d'un montant mensuel de 457,35 euros est versée depuis le 22 septembre 1995, soit depuis 21 ans et 5 mois, ce qui représente une somme globale de 117 538 euros compte non tenu de l'indexation ; qu'il convient de relever que le mariage a duré 12 ans et que les époux n'ont pas eu d'enfant ; que la situation respective des parties est aujourd'hui la suivante ; que M. X... est VRP salarié d'une société de vente de fenêtres, volets et stores ; qu'il a un salaire de base de 1 916 euros et perçoit des commissions sur les ventes qu'il réalise ; que son avis d'imposition sur les revenus de l'année 2014 mentionne un revenu global de 54 624 euros, soit un revenu mensuel moyen de 4 552 euros ; que M. X... est aujourd'hui âgé de 59 ans et projette de prendre sa retraite à l'âge de 62 ans, il percevra une somme mensuelle de 1 553 euros et pour un départ à l'âge de 65 ans, une somme de 2 066 euros ; que M. X... partage ses charges avec son épouse ; qu'il n'a pas de loyer étant occupant à titre gratuit ; que le couple marié sous le régime de la séparation de biens est propriétaire indivis d'un appartement estimé à 175 000 euros, étant précisé que M. X... ne détient que 1% des parts et son épouse 99% ; qu'il résulte de l'examen de la déclaration fiscale du couple que celui-ci bénéficie d'une réduction d'impôt au titre du dispositif Scellier, de sorte qu'il convient d'en déduire que ce bien est donné en location et qu'il génère un déficit foncier ; que Mme N... perçoit une pension d'invalidité depuis l'année 1981 ; qu'elle verse au débat une attestation de paiement de pension en date du 3 avril 2015 pour un montant mensuel de 702 euros ainsi qu'une notification de retraite complémentaire en date du 28 juillet 2015 pour un montant annuel de 838,52 euros ; qu'elle ne mentionne pas quelles sont ses charges ; qu'elle est propriétaire d'un petit appartement (T1) dont la valeur est estimée par elle à la somme de 122 000 euros ; que Mme N... ne fournit aucune indication sur les problèmes de santé qui sont les siens ; que la situation matérielle de Mme N... est certes très modeste mais elle n'est pas dans une situation de total dénuement compte tenu de la pension qu'elle reçoit, environ 770 euros par mois, et compte tenu également de sa qualité de propriétaire de l'appartement qu'elle occupe ; que la rente versée par M. X... depuis l'année 1995, tant par sa durée que par l'importance du cumul des sommes versées constitue un avantage manifestement excessif compte tenu de la relative brièveté de la durée du mariage (12 ans), de l'absence d'enfant du couple et de l'âge de l'épouse au moment du divorce (42 ans); qu'un arrêt brutal de la rente entraînerait, à l'évidence, des difficultés immédiates pour Mme N... alors que, de son côté, M. X... n'a pas de difficulté majeure pour continuer à la verser tant qu'il est en activité ;
qu'en conséquence il convient de réviser la rente, de la fixer à un montant mensuel de 300 euros et de la limiter pour une durée de trois ans à compter du prononcé du présent arrêt ;

1) ALORS QUE pour réviser, suspendre ou supprimer une rente viagère accordée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, les juges du fond doivent prendre en considération la situation du créancier au moment où ils statuent et notamment ses besoins, et apprécier si, eu égard à son âge et son état de santé, et compte tenu des éléments visés à l'article 271 du code civil, le maintien en l'état de la rente lui procurerait un avantage manifestement excessif ; qu'en affirmant que le maintien de la prestation compensatoire procurait à Mme N... un avantage excessif au regard de la relative brièveté de la durée du mariage (12 ans), de l'absence d'enfant du couple et de l'âge de l'épouse au moment du divorce (42 ans)
sans tenir compte de l'âge de Mme N... au moment où elle statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 33-VI, alinéa 1er de la loi du 26 mai 2004, 271, 276 et 276-3 du code civil ;

2) ALORS QUE pour réviser, suspendre ou supprimer une rente viagère accordée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, les juges du fond doivent prendre en considération la situation du créancier au moment où ils statuent et notamment ses besoins, et apprécier si, eu égard à son âge et son état de santé, et compte tenu des éléments visés à l'article 271 du code civil, le maintien en l'état de la rente lui procurerait un avantage manifestement excessif ; qu'aux termes de l'article 271 du code civil le juge prend en considération l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquence des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite ; qu'en retenant, pour considérer que le maintien de la prestation compensatoire procurait à Mme N... un avantage excessif, que le couple n'avait pas eu d'enfant, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et prononcé sa décision de base légale au regard des articles 33-VI, alinéa 1er de la loi du 26 mai 2004, 271 , 276 et 276-3 du code civil ;

3) ALORS QUE l'objet du litige est limité aux prétentions des parties ; que M. X... demandait la suppression de la prestation compensatoire ; que Mme N... avait formé un appel incident et demandait que la prestation compensatoire soit inchangée et soit fixée à la somme de 475 euros avec indexation ; qu'en fixant la rente à un montant mensuel de 300 euros pour une durée de trois ans, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en limitant d'office la rente à une durée de trois ans sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5) ALORS QU'en tout état de cause la rente ne peut être attribuée pour une durée inférieure à la vie de l'époux créancier ; qu'en limitant la rente versée à Mme N... à une durée de trois ans à compter du prononcé de l'arrêt la cour d'appel a violé l'article 276 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-10119
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2019, pourvoi n°18-10119


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10119
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