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20/03/2019 | FRANCE | N°17-27854

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019, 17-27854


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable en la cause, du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un

harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable en la cause, du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H... H... a été engagé le 17 octobre 2011 par la société Stream international (la société), en qualité de technicien support sur le site d'Angers, selon un contrat de travail à durée déterminée puis à durée indéterminée ; qu'il a été placé en arrêt maladie le 14 mai 2013 et a saisi, le 10 juillet 2013, la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur pour des faits de harcèlement moral et de discrimination ; qu'il a, le 19 juillet 2013, été déclaré par le médecin du travail inapte à son poste en un seul examen, avec mention d'un danger immédiat, et a, le 16 octobre 2013, été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et au titre de la violation par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral, l'arrêt retient que le premier grief du salarié relatif à son isolement physique par rapport à des collègues n'est pas fondé, que le courriel du 3 mai 2013 de Mme K..., manager, ne révèle pas la moindre attitude harcelante de l'employeur à l'égard du salarié, que, s'agissant du grief de fausses accusations lors d'un entretien disciplinaire le 26 avril 2013, aucune sanction n'a été prise à l'encontre du salarié et que la preuve d'une attitude vexatoire de la part de l'employeur n'est pas rapportée étant observé que le salarié est lui-même à l'origine de la diffusion des « fausses accusations » et de la teneur de cet entretien disciplinaire dont il s'est plaint auprès de ses collègues, qu'enfin le salarié ne fournit aucun élément permettant de considérer que son arrêt de travail à compter du 14 mai 2013 et son avis d'inaptitude sont en lien avec des faits de harcèlement moral et des agissements de l'employeur, étant constaté que le médecin du travail a visé une origine non professionnelle de la maladie, qu'il résulte de ces éléments concordants que les faits présentés par le salarié ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que l'attitude reprochée à la société est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ;

Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs visés par les deuxième, troisième et quatrième moyens ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Stream international aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Stream international à payer à M. H... H... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. H... H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. H... H... de ses demandes de dommages intérêts pour harcèlement moral et pour violation de son obligation de prévention du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE Sur le harcèlement moral Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, le salarié expose avoir été victime, depuis le mois de mars 2013, de faits de harcèlement moral se traduisant par un isolement physique par rapport à des collègues, des fausses accusations lors d'un entretien disciplinaire le 26 avril 2013, un rappel sur le non-respect de ses horaires de travail et des pressions de la direction pour se "débarrasser de lui". Pour étayer sa demande, il produit :
- trois photographies du plateau du centre d'appels téléphoniques, sur lesquelles apparaît M. H... H..., assis à son bureau, le courriel de Mme K... adressé le 11 avril 2013 à propos du "changement de place de l'équipe Melteampotes "et dont M. H... H... n'était pas destinataire, un courriel adressé le 12 avril 2012 par M. H... H... à Mme K... "la remerciant de sa proposition de se rapprocher de son compère "et la sollicitant pour un échange de jour de congé, le courriel du 3 mai 2013 de Mme K... rappelant à M. H... H..., suite à leur entretien de la veille, "merci de bien respecter tes horaires", avec un récapitulatif de ses logs pour avril 2013 révélant des retards quasi-systématiques (15 sur 20 journées), jusqu'à 24 minutes en début de prise de service, l'avertissement du 13 mai 2013 pour avoir pris le casque d'une collègue en communication avec une cliente et avoir indiqué à cette cliente qu'il faisait une blague à sa collègue, le courrier de son avocat daté du 14 mai 2013 se plaignant d'une dégradation importante de ses conditions de travail depuis le mois de mars 2013, qualifiant les faits de harcèlement moral à l'origine de son arrêt de travail,- les attestations de plusieurs collègues faisant état , après le licenciement de leur chef d'équipe fin mars 2013, de la mise à l'écart de M. H... H... "seul dans une allée toute la journée" alors que ses collègues étaient répartis dans d'autres équipes, (Mme G..., M. T..., Mme V...), des fausses accusations d'avoir mal parlé à une cliente (Mme W..., M. T...), de l'envoi d'un courriel "intimidant' sur ses retards (M. F...), "la volonté de la direction de se débarrasser de lui "(M. L...). M. H... H... a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 14 mai 2013, dont le motif médical est ignoré. Il a bénéficié le 19 juillet 2013, lors de la reprise de son poste, d'un avis du médecin du travail, le déclarant en une seule visite pour danger immédiat "Inapte à tous postes dans l'entreprise, sans reclassement envisageable dans l'entreprise." En défense, la société Stream international fait valoir : - sur l'isolement - le changement de position des salariés sur le plateau est intervenu suite à des transferts sur le client Orange Open et du départ du manager, licencié disciplinairement fin mars 2013, et devait être finalisé au cours du mois de juin 2013, M. H... s'est vu proposé au mois d'avril 2013, tout comme ses collègues, de se rapprocher de ceux-ci mais il a préféré conserver son bureau. Il résulte des pièces produites que M. H... H... a décliné par courriel en réponse du 12 avril 2013 la proposition de Mme K..., sa team manager, de rejoindre "son compère" dans le cadre de la réaffection des membres de son équipe. Les témoignages des collègues de M. H... H..., se bornant à rapporter les doléances injustifiées de l'intimé à propos de sa mise à l'écart, ne sont pas probantes. Les trois photographies produites par le salarié, prises selon un angle identique, ne permettent pas de visualiser l'ensemble de l'espace de travail et sa position réelle par rapport à ses collègues. Elles ne comportent aucune indication sur la date et l'heure où elles ont été prises. Le premier grief du salarié n'est donc pas fondé. - sur le rappel du non-respect des horaires de travail Le courriel du 3 mai 2013 de Mme K..., manager, libellé dans des ternies courtois , est adapté à la situation au regard des multiples retards du salarié lors de sa prise de service et s'inscrit dans le cadre normal du pouvoir de direction. Il ne présente aucun caractère "intimidant" contrairement à ce que soutient M. F..., collègue du salarié. L'employeur justifie au demeurant que M. H... n'était pas le seul, contrairement au témoignage de Me G..., à recevoir ce type de rappel sur le respect des horaires de travail comme elle en rapporte la preuve au travers du licenciement d'un autre salarié M. C... motivé par des retards récurrents et des dépassements de temps de pause. Ce courriel ne révèle pas la moindre attitude harcelante de l'employeur à l'égard du salarié. - sur les "fausses" accusations du 26 avril 2013 La société Stream international ne conteste pas avoir recueilli les explications de M. H... H... lors de l'entretien disciplinaire le 23 avril 2013 tant sur les faits du 6 avril (blague) au détriment de sa collègue que sur la plainte d'une cliente à l'encontre d'un conseiller prénommé Z... pour des propos irrespectueux. Compte tenu des dénégations du salarié et de l'identification d'un autre salarié prénommé Z... comme. étant l'auteur des seconds faits, l'employeur n'a sanctionné M. H... H... que sur la base des premiers faits du 6 avril 2013, dont la matérialité était admise par le salarié. Il s'ensuit qu'aucune sanction n'a été prise à l'encontre de M. H... H... pour des faits dont il n'était pas l'auteur. La preuve d'une attitude vexatoire de la part de l'employeur n'est pas rapportée étant observé que le salarié est lui-même à l'origine de la diffusion des "fausses accusations" et de la teneur de l'entretien disciplinaire du 23 avril 2013 dont il s'est plaint auprès de ses collègues. - sur les pressions exercées pour se débarrasser de lui Les attestations fournies par les collègues de M. H... H... à propos du comportement indifférent voire menaçant des membres de la Direction accusés de vouloir le "mater", le "virer" et se "débarrasser de lui" après le départ de son manager, M. N..., fin mars 2013, ne rapportent aucun fait précis et daté qu'ils auraient pu constater personnellement. Ces témoignages vagues ne fournissent aucun élément pour identifier les membres de la Direction, à l'origine de "la pression perpétuelle" (M. T...) exercée sur leur collègue. A l'inverse, les courriels échangés avec Mme K..., manager, reflètent des échanges tout à fait corrects avec M. H... H..., à propos de sa réponse favorable à une demande d'échange de journée de congé. Sur la dégradation de son état de santé M. H... H... ne fournit aucun élément permettant de considérer que son arrêt de travail à compter du 14 mai 2013 et son avis d'inaptitude sont en lien avec des faits de harcèlement moral et des agissements de l'employeur étant constaté que le médecin du travail a visé une origine non professionnelle de la maladie. Il résulte de ces éléments concordants que les faits présentés par M. H... H... ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que l'attitude reprochés à la société est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. M. H... H... sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, par voie d'infirmation du jugement, et de sa demande, nouvelle en cause d'appel, au titre de la violation de son obligation de prévention du harcèlement moral.

1°) ALORS QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté la production par le salarié de photographies de son lieu de travail le montrant isolé, de plusieurs courriels soit dont il était exclu soit destinés uniquement à lui, d'un avertissement injustifié, de plusieurs attestations, d'arrêts de travail et d'un avis d'inaptitude prononcé à l'issue d'une seule visite pour danger immédiat (cf. arrêt attaqué p. 7-8) ; qu'en affirmant néanmoins que M. H... H... ne fournissait aucun élément permettant de considérer que son arrêt de travail à compter du 14 mai 2013 et son avis d'inaptitude étaient en lien avec des faits de harcèlement moral et des agissements de l'employeur étant constaté que le médecin du travail a visé une origine non professionnelle de la maladie, qu'il résultait de ces éléments concordants que les faits présentés par M. H... H... n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral sur le salarié, a violé les articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué (cf. p. 7 à 9) que la cour d'appel a examiné isolément les différents éléments produits par le salarié au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. H... H... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, de sa demande de nullité de son licenciement, et subsidiairement de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Sur la demande de résiliation judiciaire Lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour des faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. M. H... H... a invoqué des faits de harcèlement moral et de discrimination à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. La cour ayant jugé que les faits allégués n'étaient pas établis, M. H... H... doit être débouté de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et le jugement infirmé sur ce point. Le salarié doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant débouté M. H... H... de ses demandes au titre du harcèlement moral entraînera, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions de l'arrêt attaqué l'ayant débouté de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire, de la nullité du licenciement et subsidiairement de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, compte tenu du lien de dépendance nécessaire existant entre ces différents chefs du dispositif.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. H... H... de sa demande de dommages intérêts pour discrimination ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la discrimination M. H... H... considère qu'il a subi une discrimination en ce que : il a été isolé physiquement de ses collègues, il a été menacé de licenciement pour des faits qu'il n'avait pas commis, il a reçu un avertissement pour avoir fait une blague à une collègue, il est le seul à avoir reçu un courriel sur ses retards, il a fait l'objet de remarques discriminatoires sinon racistes prononcées par des personnes de la Direction. L'article L 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit faire l'objet d'une mesure de discrimination. La discrimination suppose un motif à l'origine de la différence de traitement alléguée et l'employeur ne peut pas prendre en considération certains facteurs ou certaines caractéristiques du salarié pour arrêter des décisions. Au cas d'espèce, M. H... H... n'invoque, à l'exception des propos à connotation raciste, aucune caractéristique personnelle qui aurait déterminé l'employeur à le traiter différemment de ses collègues. Il n'articule pas les moyens sur lesquels il fonde sa demande au titre de la discrimination, s'agissant des griefs identiques à ceux non retenus au titre d'un harcèlement moral. S'agissant des propos à connotation raciste, M. H... H... se fonde sur : - l'attestation de M. L..., un collègue, selon lequel "depuis une blague qu'avait faite Z... (H... S...) sur le caractère multiculturel des conseillers clientèle, la responsable qualité lui avait précisé je cite "que ce genre de remarque pouvait nuire au client Orange dont la clientèle est en majorité raciste et qu'il était censé le savoir", je vous laisse apprécier ces propos qui sont prononcés à un conseiller clientèle originaire d'Afrique noire" .- l'attestation de M. F..., collègue, qui fait valoir que M. H... s'est vu refuser au poste d'expert au sein du support Open au motif que "l'exotisme ne suffisait pas et qu'il fallait des compétences supplémentaires". Toutefois, le témoignage de M. F... n'est ni daté ni précis et ne désigne pas l'auteur des propos prêtés. Il se borne à rapporter les doléances de M. H... H.... Il en est de même pour l'attestation de M. L... dont les faits relatés ne sont pas datés et ne permettent pas d'identifier l'auteur des propos. En l'état des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination au préjudice de M. H... H... n'est pas établie. La demande de dommages et intérêts pour discrimination doit être rejetée par voie de confirmation du jugement.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur la demande de discrimination : Afin d'étayer sa position Monsieur H... /H... Z... fait référence à ce qu'il considère avoir été victime d'un traitement particulier se traduisant par - un isolement physique - d'être menacé de licenciement pour des faits qu'il n'a pas commis - avoir reçu un avertissement pour avoir fait une blague à une collègue alors qu'à contrario l'auteur de propos agressifs auprès d'une cliente n'a même pas reçu le moindre blâme - qu'à la suite de sa candidature à un poste d'expert il se serait fait répondre que "l'exotisme ne suffit pas, il faut des compétences supplémentaires.". Ces derniers faits ne sont corroborés par aucun témoin. En l'espèce, les reproches cités ci-dessus, à l'exception du dernier (non étayé) ont déjà fait l'objet d'une prise en compte dans le cadre du harcèlement moral. D'abonder dans le sens de Monsieur H... H... Z... sur cette demande complémentaire de discrimination serait redondant et condamner deux fois la société sur des faits identiques. En conséquence, le Conseil déboute Monsieur H... H... Z... de sa demande en reconnaissance de discrimination. Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination : Le Conseil ayant considéré que Monsieur H... H... Z... n'avait pas subi de discrimination, il sera tout naturellement débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce point. En conséquence, le Conseil déboute Monsieur H... H... Z... de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination.

1°) ALORS QUE les obligations résultant des articles L.1132-1, L.1152-1 et L.1152-4 du code du travail sont distinctes et indépendantes, en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour débouter M. H... H... de sa demande afférente à la discrimination, à affirmer que les faits allégués étaient les mêmes que ceux invoqués à l'appui du harcèlement moral, sans même examiner les faits invoqués par le salarié au soutien de ses demandes pour déterminer s'ils laissaient supposer l'existence d'une discrimination, dont il aurait alors incombé à l'employeur de démontrer objectivement l'inexistence, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe alors à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. H... H... invoquait des griefs identiques à ceux invoqués au titre du harcèlement moral ainsi que des propos à connotation raciste étayés par des attestations, établissant l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre quant à son origine ; qu'en déboutant toutefois le salarié de ses demandes de ce chef, tandis qu'elle n'avait pas jugé non établie la matérialité même des faits invoqués au titre du harcèlement moral, mais seulement estimé qu'ils n'étaient pas constitutifs de harcèlement, et que c'était donc à l'employeur qu'il incombait de prouver que ses décisions et comportements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE, en tout état de cause, la cour d'appel ayant écarté les prétentions du salarié fondées sur une discrimination au motif qu'elles reposaient sur les mêmes griefs que ceux invoqués à l'appui du harcèlement moral, qu'elle avait écartés, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence nécessaire, l'annulation du chef de l'arrêt rejetant les prétentions fondées sur une discrimination, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. H... H... de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement Sur la demande de rejet des pièces n°18 à 23 de la société Stream international La société Stream international a produit en cause d'appel la traduction libre du courrier type de recherche de reclassement adressé le 14 août 2013 aux autres centres d'appels téléphoniques situés en France à Vélizy et à l'étranger, en Irlande, en Italie, en Allemagne, au Portugal, en Egypte. Les pièces ainsi traduites sont recevables. Sur la demande de rejet des avis de réception transmises après la clôture des débats Le salarié a, dans ses dernières écritures du 22 mai 2017, souligné le caractère suspect des fiches de dépôt de recommandé établies par l'employeur pour justifier de l'envoi de ses courriers de recherche de reclassement auprès des centres situés à l'étranger. En cours de délibéré, le conseil de l'employeur a adressé à la cour la copie de trois avis de réception dont le salarié a demandé le rejet. Ces pièces, transmises après la clôture des débats sans l'autorisation expresse de la cour, ne sont pas recevables. L'obligation de reclassement dont la preuve doit être rapportée par l'employeur est une obligation de moyen renforcée. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant en cas d'appartenance à un groupe de sociétés, aux entreprises du groupe dont les activités ; l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel éventuellement à l'étranger. En l'espèce, la société Stream international a convenu de l'existence d'un groupe de reclassement en proposant des postes de reclassement dans des entreprises du groupe. L'employeur produit aux débats la copie des courriers datés du 14 août 2013 adressés par la responsable des ressources humaines de son entreprise à ses homologues des entités en France à là l'étranger du groupe Stream. L'impossibilité de reclassement est établie dès lors que la société Stream international justifie de ses démarches et des recherches effectuées pour tenter de procéder au reclassement du salarié tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau du groupe, peu importe que les lettres aient été adressées en recommandé ou en courrier simple. Les offres recueillies de plusieurs postes disponibles confirment en tant que de besoin la réalité des envois des lettres circulaires. La société Stream international justifie avoir interrogé le médecin du travail par courrier du 6 septembre 2013 sur les postes de reclassement susceptibles d'être proposés au salarié en France et à l'étranger. Le médecin du travail, à l'issue d'une étude de poste, a considéré qu'aucun des postes disponible n'était compatible avec ses préconisations. Aucun reclassement de M. H... H... n'étant possible, le salarié est mal fondé à se prévaloir du manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement et à réclamer les indemnités de rupture subséquentes et des dommages et intérêts. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a alloué au salarié l'indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ALORS QUE l'employeur ne satisfait à son obligation de reclassement qu'à la condition de démontrer par des éléments matériellement vérifiables et objectifs que l'impossibilité de pourvoir au reclassement du salarié licencié pour inaptitude résulte de l'absence effective de postes disponibles et compatibles avec les compétences du salarié et les préconisations du médecin du travail ; qu'en l'espèce, pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu que l'impossibilité de reclassement était établie dès lors que la société Stream international inc. justifiait de ses démarches et des recherches effectuées pour tenter de procéder au reclassement du salarié tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau du groupe ; qu'en statuant ainsi, au seul constat de l'envoi de courriers à différentes sociétés du groupe de la part de l'employeur, sans constater que l'employeur établissait l'absence de tout poste disponible au sein de l'entreprise ou du groupe, au besoin par transformation de poste ou aménagement de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27854
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 19 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-27854


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27854
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