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20/03/2019 | FRANCE | N°17-27663

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019, 17-27663


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 2 novembre 2017), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions des travail (CHSCT) de la société Ormeaudis (la société) a, selon procès-verbal de réunion du 22 février 2016, désigné, en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, la société Secafi, expert comptable, pour réaliser une expertise portant sur le projet d'ouverture de l'hypermarché exploité par la société le dimanche matin ; que par acte d'huissier du

30 septembre 2016, la société a fait assigner l'expert devant le tribunal de gran...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 2 novembre 2017), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions des travail (CHSCT) de la société Ormeaudis (la société) a, selon procès-verbal de réunion du 22 février 2016, désigné, en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, la société Secafi, expert comptable, pour réaliser une expertise portant sur le projet d'ouverture de l'hypermarché exploité par la société le dimanche matin ; que par acte d'huissier du 30 septembre 2016, la société a fait assigner l'expert devant le tribunal de grande instance de Tarbes statuant en la forme des référés aux fins de voir réduire le montant de sa rémunération ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant constaté l'irrecevabilité de ses demandes pour cause de forclusion, alors, selon le moyen :

1°/ que l'entrée en vigueur des lois dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; que l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, codifié à l'article L. 4614-13-1 du code du travail, énonçant que « L'employeur peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût », l'entrée en vigueur du texte dans son ensemble était reportée à la date d'entrée en vigueur du décret d'application précisant le juge judiciaire compétent, décret ultérieurement adopté le 16 décembre 2016, puisqu'avant cette date, l'employeur ne savait pas, faute de précision de la loi sur ce point, quel juge il devait saisir dans le délai de quinze jours ; qu'en jugeant, au contraire, que le texte devait être immédiatement appliqué en ce qu'il instaurait un délai de quinze jours pour saisir le juge que l'employeur estimait compétent, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil ;

2°/ subsidiairement, que l'article L.4614-13-1 du code du travail prévoyait que le délai de contestation du coût final de l'expertise courait à compter de la date à laquelle l'employeur avait été informé de ce coût ; qu'en jugeant pourtant qu'un tel délai courait à compter du lendemain de la publication de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-13-1 du code du travail, aujourd'hui abrogé ;

3°/ que le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions de première instance, l'employeur s'était borné à affirmer que « le 26 juillet 2016, la société Secafi a transmis à la société Ormeaudis la facture » et encore que « la facture Secafi a été communiquée le 26 juillet 2016 », date portée sur la facture, sans nullement reconnaître avoir reçu à cette date la communication de cette pièce ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur avait reconnu dans ses conclusions de première instance avoir reçu communication de la facture litigieuse le 26 juillet 2016, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a décidé à bon droit que l'action de l'employeur en contestation du coût final de l'expertise, soumise auparavant au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, était soumise désormais au délai de forclusion de quinze jours, en application de l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dès lors que la mise en oeuvre de ce délai, en l'absence de dispositions particulières, ne nécessitait pas de décret d'application ;

Attendu, ensuite, que c'est par une interprétation exclusive de dénaturation que la cour d'appel a retenu que la société avait reconnu, dans ses conclusions de première instance, avoir reçu communication de la facture de l'expert quant au coût final de l'expertise le 26 juillet 2016 ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que l'employeur avait saisi le président du tribunal de grande instance le 30 septembre 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de quinze jours courant à compter de l'entrée en vigueur le 10 août 2016 de la loi du 8 août 2016, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une contestation quant à la juridiction compétente, en a déduit à bon droit, par motifs propres et adoptés, que la contestation était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ormeaudis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Secafi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ormeaudis

Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance ayant constaté l'irrecevabilité des demandes de la société Ormeaudis pour cause de forclusion et d'AVOIR condamné la société Ormeaudis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 31 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, publié le 9 août 2016, devenu l'article L.4614-13-1 du code du travail prévoit que « L'employeur peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût » ; qu'or, cette disposition énonce une règle de procédure dans la mesure où elle détermine la juridiction à saisir et le délai pour ce faire ; qu'il en résulte donc, que le 10 août 2016, lendemain de sa publication, elle était immédiatement applicable et ne justifiait pas l'édiction d'un décret d'application ; qu'en l'espèce, la facture du coût final de l'expertise a été établie par la société Secafi le 26 juillet 2016 ; que le 30 septembre 2016, la société Ormeaudis l'a contestée devant le président du tribunal de grande instance de Tarbes statuant en la forme des référés ; que soutenir, pour s'opposer au prononcé de la forclusion de sa contestation, qu'un décret d'application était nécessaire pour déterminer quel juge judiciaire devait être saisi est totalement inopérant, dans la mesure où il ne lui est pas reproché d'avoir saisi un juge judiciaire incompétent - dès lors que jusque-là seul le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, était compétent pour en connaître - mais où il lui est uniquement fait grief de ne pas avoir respecté le délai de quinzaine pour saisir la juridiction compétente ; qu'or, sur le fondement des principes sus-rappelés, l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, publié le 9 août 2016, se suffisait à lui-même sur ce point et le délai pour former le recours courait à compter du 10 août 2016, date d'entrée en application de la disposition litigieuse ; qu'aussi, quel que soit le juge judiciaire qu'elle estimait être compétent pour statuer sur sa demande, elle se devait de le saisir dans les quinze jours suivant la publication de l'article précité, soit au plus tard le 25 août 2016 ; que cependant, alors qu'elle a reconnu dans ses conclusions de première instance avoir reçu communication de la facture litigieuse le 26 juillet 2016, - soit antérieurement à la publication de la loi - elle n'a fait assigner la société Secafi aux fins de contestation devant le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, que le 30 septembre 2016, se plaçant ainsi hors délai pour ce faire ; que l'article R.4614-20 du code du travail issu de l'article 2 du décret n°2016-1761 du 16 décembre 2016 intervenu ultérieurement et disposant que « la contestation par l'employeur du coût final de l'expertise prévue à l'article L.4614-13-1 relève de la compétence du tribunal de grande instance » ne modifiant pas le délai litigieux pour former une contestation, en conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance attaquée,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article L.4614-13-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût ; que la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, qui ne contient aucune disposition transitoire, est de ce fait d'application immédiate dès lors que ses dispositions ne nécessitent pas de décret pour pouvoir être effectivement appliquées, ce qui est le cas de son article 31 ayant donné lieu à l'article L.4614-13-1 susvisé ; qu'en vertu de l'article 1er du code civil, une loi d'application immédiate s'applique aux prescriptions en cours à compter du lendemain du jour de la publication de la loi, en l'espèce le 9 août 2016, de sorte que la SAS Ormeaudis disposait d'un délai courant jusqu'au 24 août 2016 pour saisir le juge d'une contestations du coût de l'expertise ; que la société Ormeaudis estime que selon la jurisprudence, la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément prévue par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur ; que cependant, la décision de recourir à un expert émane du CHSCT, de sorte que l'expert n'a aucun lien contractuel avec la société Ormeaudis, le rôle de cette dernière se limitant au financement de l'expertise en application de l'article L.4614-13 alinéa 3 du code du travail ; qu'il résulte de ce qui précède que la forclusion est acquise depuis le 25 août 2016, l'action de la SAS Ormeaudis ayant été introduite par assignation du 30 septembre 2016,

1- ALORS QUE l'entrée en vigueur des lois dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; que l'article 31 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, codifié à l'article L.4614-13-1 du code du travail, énonçant que « L'employeur peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût », l'entrée en vigueur du texte dans son ensemble était reportée à la date d'entrée en vigueur du décret d'application précisant le juge judiciaire compétent, décret ultérieurement adopté le 16 décembre 2016, puisqu'avant cette date, l'employeur ne savait pas, faute de précision de la loi sur ce point, quel juge il devait saisir dans le délai de quinze jours ; qu'en jugeant, au contraire, que le texte devait être immédiatement appliqué en ce qu'il instaurait un délai de quinze jours pour saisir le juge que l'employeur estimait compétent, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil.

2- ALORS, subsidiairement, QUE l'article L.4614-13-1 du code du travail prévoyait que le délai de contestation du coût final de l'expertise courait à compter de la date à laquelle l'employeur avait été informé de ce coût ; qu'en jugeant pourtant qu'un tel délai courait à compter du lendemain de la publication de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, la cour d'appel a violé l'article L.4614-13-1 du code du travail, aujourd'hui abrogé.

3- ET ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions de première instance, l'employeur s'était borné à affirmer que « le 26 juillet 2016, la société Secafi a transmis à la société Ormeaudis la facture » et encore que « la facture Secafi a été communiquée le 26 juillet 2016 », date portée sur la facture, sans nullement reconnaître avoir reçu à cette date la communication de cette pièce ; qu'en jugeant pourtant que l'employeur avait reconnu dans ses conclusions de première instance avoir reçu communication de la facture litigieuse le 26 juillet 2016, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27663
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 02 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-27663


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27663
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