La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2019 | FRANCE | N°17-26999

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019, 17-26999


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé par la société Faurecia sièges d'automobile à compter du 1er janvier 2009 en qualité de directeur programme senior et en dernier lieu comme directeur de la stratégie des achats famille, M. R... , convoqué à un entretien préalable le 14 mai 2012, avec mise à pied conservatoire, a été licencié pour faute grave le 7 juin 2012 ; qu'il a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Sur les trois premiers moyens :

Attendu qu'il n'y a pas

lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premiers moyens...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé par la société Faurecia sièges d'automobile à compter du 1er janvier 2009 en qualité de directeur programme senior et en dernier lieu comme directeur de la stratégie des achats famille, M. R... , convoqué à un entretien préalable le 14 mai 2012, avec mise à pied conservatoire, a été licencié pour faute grave le 7 juin 2012 ; qu'il a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale ;

Sur les trois premiers moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premiers moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa version alors en vigueur ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents l'arrêt retient que si le contrat de travail mentionnait un préavis de six mois, celui-ci n'est pas dû en application de l'article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave ;

Qu'en statuant ainsi alors que la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié et que l'article 7 du contrat de travail prévoyait un préavis, en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou de l'autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat ;

Et sur le cinquième moyen :

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel a condamné le salarié à payer une amende civile d'un euro au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Qu'en se déterminant ainsi, en ne relevant aucune circonstance de nature à faire dégénérer en faute le droit du salarié à agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. R... de ses demandes en paiement de la somme de 136 494 euros au titre de l'indemnité de préavis et de celle de 13 649,40 euros au titre des congés payés afférents et le condamne au paiement de la somme d'un euro en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Faurecia sièges d'automobile aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Faurecia sièges d'automobile à payer à M. R... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave est justifié, d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamné à payer à la société une somme à titre de remboursement de frais, outre le paiement d'une amende civile et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS propres QU'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave ; aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié d'avoir frauduleusement obtenu le remboursement de frais et d'avoir pris des congés sans en informer son employeur ; Monsieur R... soutient que la société n'a pas respecté le délai de prescription de deux mois en matière disciplinaire et que le licenciement se trouve de ce fait sans cause réelle et sérieuse ; il expose qu'un entretien a eu lieu le 7 février 2012 avec monsieur H... son supérieur hiérarchique qui détenait toutes ses notes de frais et qui lui avait alors indiqué que le montant des remboursements indûment versés s'élevait à environ 20.000 euros ; que dès cette date, la société avait connaissance des faits ayant motivé son licenciement et n'a engagé la procédure que postérieurement au délai de deux mois ; il ajoute qu'elle ne peut soutenir que les faits se seraient poursuivis jusqu'en avril 2012 puisque la lettre de licenciement ne vise que l'année 2011 ; aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois l'ayant précédé, qui s'entend d'une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits ; la société rétorque qu'en début d'année 2012 elle n'a été alertée que sur le niveau important des remboursements de frais du salarié depuis son expatriation et sur l'incohérence apparente de certains remboursements, dont celui-ci a été informé lors de la réunion non contestée du 7 février 2012 avec son supérieur et qu'elle n'a eu connaissance du caractère fautif des faits qu'après avoir engagé une vérification approfondie postérieurement au mail de Monsieur R... reconnaissant des demandes de remboursement en double pour plus de 4.000 euros ; l'échange de mails du mois de mars 2012 révèle que : - le 25 mars Monsieur R... informait Madame Q... et son supérieur de ce qu'il avait par erreur demandé un remboursement en double de frais pour 4.419,75 euros, - le 26 mars, le salarié informait Monsieur L... directeur des ressources humaines de ces éléments, - le jour même, Monsieur L... lui répondait qu'à la lecture des premiers éléments qui lui avaient été transmis, il avait l'impression que la « situation est beaucoup plus grave que ce que tu laisses entendre » et il précisait qu'il poursuivait l'analyse et reviendrait vers lui dans une dizaine de jours ; il en ressort que comme soutenu par l'employeur, une vérification approfondie des notes de frais de Monsieur R... n'avait eu lieu qu'à compter de mars 2012, seule de nature à connaître l'ampleur des remboursements indus et à confirmer ou infirmer l'allégation de simples erreurs du salarié ; en outre, la cour relève que dans cet échange, Monsieur R... n'évoque à aucun moment le chiffre de 20.000 euros qui lui aurait été avancé dès le 7 février 2012, ne serait-ce que pour le contester ; la société ayant engagé la procédure de licenciement par courrier de convocation à l'entretien préalable adressé le 30 avril 2012 soit moins de deux mois après avoir eu connaissance exacte des faits reprochés, aucune prescription n'est encourue ;

AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE le 7 février lors de l'entretien entre Monsieur R... et son supérieur, ce dernier se contente de lui demander de justifier les incohérences dans ses demandes de remboursements de note de frais que la société Faurecia a détecté ; que ce 7 février n'a connaissance que d'anomalie et non de faits fautifs, que ce n'est que le 25 mars que la société Faurecia a connaissance de faits fautifs de la part de Monsieur R... du fait de son courriel dans lequel il reconnaît une erreur à hauteur de 4419,75 € ; que cet aveu a entraîné une vérification approfondie des demandes de remboursements de notes de frais de Monsieur R... qui a mis en lumière l'ampleur des « erreurs » ; que la société Faurecia a convoqué Monsieur R... à un entretien préalable par un courrier recommandé avec accusé de réception le 30 avril et a donc lancé la procédure de licenciement moins de 2 mois après le 25 mars 2012 date de la découverte de la nature fautive des anomalies détectées début 2012 ; que des « erreurs » dans les demandes de remboursement de notes de frais de Monsieur R... ont perduré jusqu'en avril 2012 ; dans ces conditions le Conseil de Prud'hommes de Nanterre juge que les faits reprochés à Monsieur R... ne sont pas prescrits ;

1° ALORS QUE le délai de prescription des faits fautifs est de deux mois et lorsque la procédure disciplinaire a été engagée plus de deux mois après les faits, il incombe à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois précédant la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire ; que la cour d'appel a constaté que les faits dataient de 2011 et que la procédure de licenciement n'avait été engagée que le 30 avril 2012 ; qu'en considérant néanmoins que la prescription n'était pas encourue sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur avait apporté la preuve qu'il n'avait eu connaissance des faits que dans les deux mois précédant la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L1332-4 du code du travail et 1315 du code civil (devenu l'article 1353) ;

2° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par affirmations sans préciser sur quel élément de preuve ils se fondent pour se déterminer ; que la cour d'appel a énoncé qu'une enquête approfondie avait eu lieu en mars 2012 « seule de nature à connaître l'ampleur des remboursements indus et à confirmer ou infirmer l'allégation de simples erreurs du salarié » ; qu'en statuant de la sorte, sans viser ni analyser le moindre document susceptible d'établir la réalité de cette enquête et la date de ces révélations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° Et ALORS QUE les juges du fond ne peuvent considérer qu'un fait est établi en se fondant sur les affirmations de la partie sur laquelle repose la charge de la preuve ; que la cour d'appel a énoncé qu'une enquête approfondie avait eu lieu en mars 2012 « seule de nature à connaître l'ampleur des remboursements indus et à confirmer ou infirmer l'allégation de simples erreurs du salarié » ; qu'en se fondant sur les seules affirmations de l'employeur sur lequel pesait la charge de la preuve, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil (devenu l'article 1353) ;

4° ALORS surtout QUE dès lors que l'employeur a connaissance de l'existence éventuelle de faits fautifs reprochés au salarié, il lui appartient le cas échéant de diligenter une enquête interne sur ces agissements, sans pouvoir se prévaloir de sa propre carence pour reporter le délai de prescription ; qu'en considérant que l'employeur, qui avait connaissance de faits dès le 7 février 2012, pouvait reporter le délai de prescription en se prévalant de sa propre carence, la cour d'appel a violé les articles L 1332-4 du code du travail et 1315 du code civil (devenu l'article 1353) ;

5° ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la cour d'appel, adoptant le cas échéant les motifs des premiers juges, a retenu que « des erreurs dans les demandes de remboursement de notes de frais de Monsieur R... ont perduré jusqu'en avril 2012 » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la lettre de licenciement faisait uniquement référence à des faits datant de 2011, la cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave est justifié, d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'AVOIR condamné à payer à la société une somme à titre de remboursement de frais, outre le paiement d'une amende civile et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS propres QUE la société soutient qu'aux termes de son analyse approfondie des demandes de remboursement sur l'année 2011, elle a évalué à la somme de 22.225,85 euros le montant des remboursements perçus à tort par le salarié et que le mode opératoire utilisé par Monsieur R... établissait sa volonté de dissimulation du caractère illégitime de ses demandes et qu'il ne s'agissait pas d'une simple erreur ; à titre liminaire, il sera précisé que Monsieur R... disposait d'une carte bancaire professionnelle qu'il alimentait afin de régler certains frais, laquelle était recréditée du même montant par son employeur après validation de la dépense ; en outre, il était également remboursé par la remise de notes de frais accompagnées de justificatifs ; la société expose qu'elle a en premier lieu identifié 112 demandes de double remboursement de frais professionnels sur l'année 2011 pour une somme de 7.714,71 euros ; l'examen des relevés de la carte professionnelle et des notes de frais de Monsieur R... permet d'établir qu'à plus de cent reprises pour l'année 2011, il avait obtenu un double remboursement en présentant la même dépense, soit sur le relevé de sa carte professionnelle et sur une note de frais distincte, soit sur deux notes de frais mais à des dates différentes ; pour justifier de la dépense, il joignait des pièces différentes, à savoir la facture et le relevé de la carte bancaire ; aux termes de ses conclusions, Monsieur R... allègue que le décompte de son employeur présenterait des erreurs mais ne cite qu'un seul exemple, celui d'une dépense de carburant le 23 juillet 2011 pour 74,37 euros ; or, l'examen des notes de frais des 21 septembre et 17 octobre 2011 confirme que cette dépense a bien été présentée à deux reprises (pièce 27, note 22 et pièce 30, note 2) ; la société justifie également que Monsieur R... a été remboursé de retraits d'argent en espèces pour la somme de 4185,48 euros (conversion des retraits en roupies) sans avoir présenté de justificatif de la dépense correspondante et de frais, principalement de carburant, exposés en France alors qu'il se trouvait en Inde pour 1325,87 euros ; enfin, il ressort des justificatifs des dépenses que le salarié a obtenu remboursement de frais engagés à titre personnel, comme des nuits d'hôtels ou des repas durant ses congés ou l'achat d'un téléphone, de vêtements ou d'alcool pour un total de 8.999,79 euros ; la société justifie ainsi de double paiement et de remboursement de dépenses personnelles pour la somme de 22.225,85 euros ; si Monsieur R... fait valoir que ses notes de frais étaient pointées par l'assistante de son supérieur hiérarchique puis validées par celui-ci, force est de constater que seule une analyse approfondie a permis de relever les dépenses remboursées deux fois par recoupement des demandes présentées sur des périodes différentes avec des justificatifs différents, ou celles engagées pendant ses congés ; en outre, la cour relève que formellement le salarié présentait des justificatifs de dépenses et de retraits d'espèces, ce qui était seulement vérifié par l'assistante de son supérieur et qu'en tout état de cause une validation par celui-ci n'est pas de nature à rendre légitime des paiements indus révélés seulement après une enquête approfondie ; le salarié soutient également qu'il avait toujours bénéficié d'un avantage sous la forme d'une prime mensuelle de 600 euros, identifiée contractuellement au titre de frais de déplacement mais que son employeur avait admis qu'il puisse l'utiliser pour des dépenses personnelles ; or, comme relevé par la société, le contrat de travail mentionnait expressément que la somme mensuelle de 600 euros était allouée pour les frais de déplacement et sur présentation de justificatifs ; Monsieur R... ne justifie donc pas de l'accord de son employeur pour l'emploi de cette somme à des fins personnelles et la seule mention de "prime" indiquée par le salarié lui-même sur ses notes de frais est inopérante à l'établir ; Monsieur R... ne peut pas plus être suivi lorsqu'il invoque le caractère complexe du mécanisme de remboursement des frais mis en place par son employeur qui comprenait en définitive deux modes de paiement, l'un au vu du relevé de la carte professionnelle et l'autre au vu des notes de frais, les deux devant être accompagnés des justificatifs des dépenses ; par ailleurs, la circonstance que le salarié ait rencontré des difficultés de paiement avec la filiale indienne ou n'ait pas engagé le maximum de certains frais autorisés est inopérante sur la qualification des faits reprochés et leur gravité ; s'agissant encore des dépenses faites alors qu'il était en Inde, si Monsieur R... soutient qu'il revenait régulièrement en France ne pouvant rester plus d'un mois en Inde faute du visa nécessaire, ce qui expliquerait que son épouse ait fait des pleins en prévision de ses retours, force est de constater qu'entre le 11 mars 2011 et le 13 avril 2011, cinq demandes de remboursement à ce titre ont été présentées, toutes à des dates où il ne conteste pas s'être trouvé en Inde et particulièrement le 13 avril 2011 où des frais de restauration ont également été exposés ; enfin, Monsieur R... ne peut être suivi lorsqu'il affirme, s'agissant de ses doubles demandes, qu'il s'agissait d'une simple erreur, eu égard à leur répétition sur toute l'année 2011 et des moyens utilisés, avec notamment des présentations décalées dans le temps, ainsi pour une note d'hôtel du 16 février 2011 présentée en avril sur le relevé de la carte professionnelle puis le 1er juin en note de frais ou l'utilisation successive de la facture et du relevé de carte bancaire ; en conséquence, la société établit que Monsieur R... avait au cours de l'année 2011 obtenu le remboursement indu de frais pour plus de 20.000 euros, en violation des règles applicables et en utilisant des procédés, s'agissant des doubles remboursements, qui de par leur répétition ne peuvent s'analyser en de simples erreurs mais dénotent une volonté délibérée de fraude ; s'agissant de la gravité de la faute, outre sa nature, il sera rappelé que le salarié occupait un poste élevé au sein de la société avec une autonomie certaine, ce qui rendait effectivement impossible son maintien au sein de l'entreprise, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le grief relatif aux congés ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes afférentes à la rupture, étant rappelé que si le contrat de travail mentionnait un préavis de 6 mois, celui-ci n'est pas dû en application de l'article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave ; le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur R... à rembourser à son employeur la somme de 22.225,85 euros au titre des remboursements indus ;

AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur R... reconnaît lui-même dans son courriel du 25 mars 2012 une double demande de remboursement à hauteur de 4419.75 € ; que la vérification approfondie à laquelle s'est livrée la société Faurecia a permis de révéler plus d'une centaine de demandes de remboursements de notes de frais infondées à hauteur de près de 26 000 € pour la seule année 2011 ; que la diversité des demandes (frais en double ou en triple, frais pendant les congés, frais manifestement personnels, frais engagés en Fiance alors que Monsieur R... doit se trouver en Inde..) est telle qu'elle ne peut reposer sur la prétendue inattention mais résulte d'une violation caractérisée et continue de ses obligations contractuelles ; que les méthodes utilisées par Monsieur R... pour se faire rembourser plusieurs fois une même dépense démontre le caractère frauduleux et intentionnel de ses actes ; en conséquence le Conseil de prud'hommes de Nanterre juge qu'il ne s'agit pas d'erreurs mais d'une tentative délibérée de la part de Monsieur R... pour s'octroyer des remboursements de notes de frais indus et que cela est pleinement constitutif d'une faute grave et le déboute de sa demande à ce titre ;

1° ALORS QUE l'employeur ne peut pas licencier un salarié en lui reprochant subitement un comportement qu'il a validé et toléré pendant longtemps ; que les notes de frais du salarié étaient pointées par l'assistante de son supérieur hiérarchique, puis validées par celui-ci, sans que l'employeur ne lui ai fait la moindre réflexion ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement pour faute grave était justifié, quand l'employeur avait ainsi validé et toléré la situation, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail ;

2° Et ALORS QUE d'une part, lorsque l'employeur fonde le licenciement sur une faute grave, la charge de la preuve lui incombe exclusivement et le salarié n'a rien à démontrer et que, d'autre part, la qualification de faute grave suppose non seulement que les faits retenus à l'encontre du salarié soient fautifs mais également qu'ils soient imputables à une volonté délibérée de sa part de se soustraire à ses obligations contractuelles ; que pour considérer que le licenciement pour faute grave était justifié, la cour d'appel a retenu que le salarié avait demandé des remboursements de retraits d'argent sans avoir présenté de justificatif, avait obtenu le remboursement de frais engagés à titre personnel, et avait demandé des remboursements en double ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand les notes de frais étaient pointées par l'assistante de son supérieur hiérarchique, puis validées par celui-ci et que le fait que des justificatifs soient manquants, insuffisants ou erronés révélait tout au plus des erreurs ou des négligences mais ne permettait pas d'établir le caractère délibéré de son comportement, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail ;

3° ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués ; qu'il est constant que le licenciement est intervenu en raison de faits commis en 2011 qui ont été évoqués lors d'un entretien du 7 février 2012, suite auquel l'employeur a attendu le 30 avril 2012 pour engager une procédure de licenciement par une convocation à un entretien préalable le 14 mai et un licenciement le 7 juin 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand il en résultait que l'employeur n'avait pas agi dans un délai restreint, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le salarié à payer à la société une somme à titre de remboursement de frais, outre le paiement d'une amende civile et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS prorpes énoncés premier moyen ;

ET AUX MOTIFS adoptés QUE la demande reconventionnelle de la société Faurecia est justifiée ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen de cassation emportera la censure, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il a condamné le salarié à payer à la société une somme à titre de remboursement de frais et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité de préavis et de l'AVOIR condamné à payer à la société une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement d'une amende civile ;

AUX MOTIFS propres QUE le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes afférentes à la rupture, étant rappelé que si le contrat de travail mentionnait un préavis de 6 mois, celui-ci n'est pas dû en application de l'article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave ;

AUX MOTIFS adoptés QUE le licenciement est justifié pour faute grave et le conseil déboute le salarié de sa demande à ce titre ;

ALORS QUE la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où la convention collective applicable ou le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié ; que le contrat de travail du 9 janvier 2009 stipule en son article 7 qu'en cas de rupture du contrat de travail du fait de l'une ou l'autre des parties, le préavis sera de six mois ; qu'en déboutant le salarié quand le contrat de travail prévoyait un préavis de six mois en cas de rupture du contrat de travail du fait de l'une ou l'autre des parties, sans l'exclure en cas de faute grave, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (devenu l'article 1103.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le salarié à payer une amende civile de 1 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Sans motifs

ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; qu'en condamnant le salarié au paiement d'une amende civile sans aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26999
Date de la décision : 20/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2019, pourvoi n°17-26999


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26999
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award