LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 novembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 8 avril 2010, pourvoi n° 09-11.159), que, le 20 octobre 2003, la société Le Caveau du Haxakessel (la société Le Caveau), locataire de locaux commerciaux appartenant à Mme Y..., l'a assignée en remboursement de trop-perçus de loyers et en obtention d'un libre accès à une partie des lieux loués ; que Mme Y... a reconventionnellement sollicité le paiement d'arriérés de loyers, ainsi que la validation du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes, délivré le 19 mars 2003, à effet du 10 avril 2004, et, subsidiairement, la résiliation judiciaire du bail ; que la société Le Caveau a sollicité à titre additionnel le paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que, pour déclarer valable le congé délivré par Mme Y..., l'arrêt retient que, la société Le Caveau n'ayant pas contesté la validité du congé lors de l'instance initiale, engagée le 20 octobre 2003 et ayant abouti au jugement entrepris du 28 mars 2006, mais lors d'une autre instance ayant donné lieu, le 11 avril 2006, à l'enregistrement de la demande par le greffe, sa demande en contestation de congé, qui n'a pas été formée dans le délai prévu à l'article L. 145-9 du code de commerce, est irrecevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Le Caveau avait contesté la validité du congé et sollicité une indemnité d'éviction par conclusions du 9 mai 2005 en formant une demande additionnelle, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à la société Le Caveau du Haxakessel la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Le Caveau du Haxakessel
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré valable le congé délivré par acte d'huissier du 19 septembre 2003 à la requête de Mme Y... sans offre de renouvellement, la demande en contestation de congé et en paiement d'une indemnité d'éviction de la société Le Caveau du Haxakessel étant irrecevable car forclose, et d'AVOIR condamné, en conséquence, la société Le Caveau du Haxakessel à verser une indemnité d'occupation à Mme Y..., d'un montant équivalent au montant du loyer, à compter du 11 avril 2006 ;
AUX MOTIFS QUE pour solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction, la Sarl Le Caveau du Haxakessel devait contester le congé du bailleur avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, pour motifs graves et légitimes qui lui avait été délivré le 19 septembre 2003 avec effet à la date du 10 avril 2004, avant le 10 avril 2006 ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel n'a pas contesté la validité du congé dans le cadre de la procédure initiale, engagée le 20 octobre 2003 et ayant débouché sur le jugement entrepris du 28 mars 2006, mais a engagé une autre procédure pour laquelle la demande a été enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Colmar le 11 avril 2006 ; que si la cour n'a pas compétence pour apprécier la recevabilité de la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Colmar, elle ne peut que constater que la contestation de la validité du congé et la demande en paiement d'une indemnité d'éviction n'a pas été engagée dans le délai de forclusion de deux années prévues à l'article L. 145-9 du code de commerce ; que dans ces conditions, cette demande doit être déclarée irrecevable ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel n'ayant pas contesté la validité du congé dans les délais prévus à l'article L. 145-9 du code de commerce, ce congé doit être déclaré définitif et la société appelante sera en conséquence redevable d'une indemnité d'occupation dont le montant sera égal à celui du loyer ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel ne pourra pas dans ces conditions, être autorisée à se maintenir dans les lieux ; que ce loyer subira l'indexation contractuelle prévue dans le bail initial ;
1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que dans ses conclusions du 9 mai 2005, la société Le Caveau du Haxakessel demandait au tribunal de grande instance de Colmar de dire que le congé qui lui avait été délivré par Mme Y... le 19 septembre 2003 n'était pas fondé (concl. p. 14), qu'elle était en droit d'obtenir l'indemnité d'éviction et de condamner Mme Y... à lui payer la somme de 350.000 euros (concl. p. 15) ; qu'en retenant, pour déclarer la société Le Caveau du Haxakessel irrecevable, comme forclose, en sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction, qu'elle n'avait pas contesté la validité du congé délivré le 19 septembre 2003 à effet du 10 avril 2004 dans le cadre de la procédure initiale engagée le 20 octobre 2003 et ayant débouché sur le jugement du 28 mars 2006 et, partant, dans le délai de deux ans prévu par l'article L. 145-9 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que le 20 octobre 2003, une action a été introduite par la Sarl Le Caveau du Haxakessel, afin d'obtenir le remboursement d'un indû de charges ou de loyers prélevés à tort par la propriétaire ; que dans le cadre de cette procédure, Mme Y... a, par acte du 25 janvier 2005, à la suite du congé qu'elle avait délivré par voie reconventionnelle, sollicité la constatation de la validité du congé ; que par conclusions du 9 mai 2005, une demande additionnelle a alors été formée par la société Le Caveau du Haxakessel, précisément à l'encontre du congé, et ce dans le délai de deux ans pour éviter toute prescription ; qu'il était demandé au tribunal de constater que le congé délivré par Mme Y... n'était pas fondé et de dire que la société Le Caveau du Haxakessel était en droit d'obtenir l'indemnité d'éviction fixée à 350.000 € ; que dans son jugement du 28 mars 2006 (cf. pp. 2 et 3), le tribunal de grande instance de Colmar a rappelé que Mme Y... avait « fait délivrer à la Sarl Caveau du Haxakessel une mise en demeure et un congé avec refus de renouvellement sans indemnité pour motif grave et légitime », qu'elle demandait en conséquence « que soit validé le congé, subsidiairement prononcée la résiliation du bail », et que la société Le Caveau du Haxakessel contestait « la validité et le bien-fondé du congé dont se prévaut la défenderesse », sollicitant « la condamnation de D... Y... à lui payer une indemnité d'éviction dont elle chiffre le montant à la somme de 350.000 € avec intérêts légaux, à parfaire au besoin par le recours à une mesure d'expertise » ; que dans son arrêt avant-dire droit du 20 avril 2016 (cf. p. 2), la cour d'appel de Colmar a également rappelé que la Sarl Le Caveau du Haxakessel avait fait assigner Mme Y... « le 20 octobre 2003 en remboursement de trop-perçu de loyers et en obtention d'un libre accès à une partie des lieux loués », que Mme Y... avait « reconventionnellement sollicité le paiement d'arriérés de loyer ainsi que la validation d'un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes délivré le 19 mars 2003 et, subsidiairement, la résiliation judiciaire du bail » et qu' « en réponse, la Sarl Le Caveau du Haxakessel a(vait) demandé le paiement d'une indemnité d'éviction » ; qu'en retenant, pour déclarer la société Le Caveau du Haxakessel irrecevable, comme forclose, en sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction, qu'elle n'avait pas contesté la validité du congé délivré le 19 septembre 2003 à effet du 10 avril 2004 dans le cadre de la procédure initiale engagée le 20 octobre 2003 et ayant débouché sur le jugement du 28 mars 2006 et, partant, dans le délai de deux ans prévu par l'article L. 145-9 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré valable le congé délivré par acte d'huissier du 19 septembre 2003 à la requête de Mme Y... sans offre de renouvellement, la demande en contestation de congé et en paiement d'une indemnité d'éviction de la société Le Caveau du Haxakessel étant irrecevable car forclose, et d'AVOIR condamné, en conséquence, la société Le Caveau du Haxakessel à verser une indemnité d'occupation à Mme Y..., d'un montant équivalent au montant du loyer, à compter du 11 avril 2006 ;
AUX MOTIFS QUE pour solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction, la Sarl Le Caveau du Haxakessel devait contester le congé du bailleur avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, pour motifs graves et légitimes qui lui avait été délivré le 19 septembre 2003 avec effet à la date du 10 avril 2004, avant le 10 avril 2006 ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel n'a pas contesté la validité du congé dans le cadre de la procédure initiale, engagée le 20 octobre 2003 et ayant débouché sur le jugement entrepris du 28 mars 2006, mais a engagé une autre procédure pour laquelle la demande a été enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Colmar le 11 avril 2006 ; que si la cour n'a pas compétence pour apprécier la recevabilité de la procédure engagée devant le tribunal de grande instance de Colmar, elle ne peut que constater que la contestation de la validité du congé et la demande en paiement d'une indemnité d'éviction n'a pas été engagée dans le délai de forclusion de deux années prévues à l'article L. 145-9 du code de commerce ; que dans ces conditions, cette demande doit être déclarée irrecevable ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel n'ayant pas contesté la validité du congé dans les délais prévus à l'article L. 145-9 du code de commerce, ce congé doit être déclaré définitif et la société appelante sera en conséquence redevable d'une indemnité d'occupation dont le montant sera égal à celui du loyer ; que la Sarl Le Caveau du Haxakessel ne pourra pas dans ces conditions, être autorisée à se maintenir dans les lieux ; que ce loyer subira l'indexation contractuelle prévue dans le bail initial ;
ALORS QUE commet un excès de pouvoir le juge qui statue sur une demande dont il n'est pas saisi ; que seules les demandes soumises au tribunal sont, par l'effet dévolutif de l'appel, déférées à la connaissance de la cour d'appel ;qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « la Sarl Le Caveau du Haxakessel n'a(vait) pas contesté la validité du congé dans le cadre de la procédure initiale, engagée le 20 octobre 2003 et ayant débouché sur le jugement entrepris du 28 mars 2006 » (cf. arrêt, pp. 3 et 4) ; que saisie de l'appel du jugement du 28 mars 2006, la cour d'appel a jugé que la contestation de la validité du congé et la demande en paiement d'une indemnité d'éviction n'avaient pas été engagées dans le délai de forclusion de deux années prévues à l'article L. 145-9 du code de commerce, de sorte que cette demande devait être déclarée irrecevable ; qu'en statuant ainsi sur la recevabilité d'une demande dont elle constatait qu'elle n'avait pas été soumise au juge de première instance, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé les articles 4, 5 et 561 du code de procédure civile.