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14/03/2019 | FRANCE | N°17-23051

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 mars 2019, 17-23051


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2017), rendu en référé, que, par acte du 4 août 2011, Mme V... et M. I... ont acquis une maison à usage d'habitation ; qu'un permis d'aménagement accordé aux vendeurs mentionnait l'existence d'un canal d'arrosage reliant le système principal à la parcelle acquise en passant par les fonds appartenant à M. et Mme E... et à M. et Mme D... ; que Mme V... et M. I... ont revendiqué un passage leur permettant d'accéder à l'entrée de la canalisat

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2017), rendu en référé, que, par acte du 4 août 2011, Mme V... et M. I... ont acquis une maison à usage d'habitation ; qu'un permis d'aménagement accordé aux vendeurs mentionnait l'existence d'un canal d'arrosage reliant le système principal à la parcelle acquise en passant par les fonds appartenant à M. et Mme E... et à M. et Mme D... ; que Mme V... et M. I... ont revendiqué un passage leur permettant d'accéder à l'entrée de la canalisation et ont assigné leurs voisins en suppression, sous astreinte, des ouvrages y faisant obstacle et en enlèvement de palissades de clôture ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme V... et M. I... font grief à l'arrêt de rejeter la demande en suppression des obstacles à l'accès au canal ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'existait pas, au profit du fonds de Mme V... et de M. I..., de servitude conventionnelle, ni d'enclave dès lors que l'accès demeurait possible par un autre chemin, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire qu'en l'absence de trouble manifestement illicite imputable aux propriétaires des fonds voisins de Mme V... et de M. I..., la demande devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 809 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande en réduction d'une palissade construite en limite du fonds de M. et Mme D... engendrant une perte d'ensoleillement, l'arrêt retient qu'elle se heurte à des contestations sérieuses ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de réduction de l'ouvrage implanté le long du mur de clôture du fonds de M.et Mme D..., l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme V... et M. I..., M. et Mme D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme V... et M. I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme V... et M. I... de leurs demandes en suppression des obstacles matériels à l'accès à l'entrée du canal et à la canalisation et en paiement d'une provision de mille euros de dommages et intérêts du fait de l'entrave injustifiée à la servitude de passage de canalisation d'eau du canal ;

Aux motifs que les appelants font valoir que depuis leur prise possession des lieux, ils bénéficient sur les parcelles [...] et [...] appartenant aux intimés, conformément aux statuts de l'ASA du Corps des Arrosants de Saint-Chamas et Miramas, d'une servitude de passage des eaux provenant du canal que leur vendeur n'avait pas jugé utile d'insérer dans l'acte de vente puisque cette servitude est rattachée à tous les fonds se trouvant dans ce périmètre d'irrigation, que depuis que les époux D... et E... ont effectué des travaux sur leurs parcelles respectives, les appelants n'ont plus accès à la martelière et ne peuvent plus contrôler l'arrivée d'eau d'arrosage qui parfois n'atteint pas leur fonds, parfois l'inonde, qu'en dépit d'une lettre adressée par l'ASA rappelant aux intimés qu'indépendamment de l'établissement de toute servitude, en se rendant acquéreurs d'une parcelle inscrite dans le périmètre d'irrigation ils avaient contracté un certain nombre de charges qu'ils devaient assumer, les époux D... n'ont pas déféré et ont même remblayé leur terrain jusqu'à la limite séparative de sorte que leur terrain est surélevé d'au moins 50 cm, entraînant régulièrement des inondations et qu'ils ne peuvent pas accéder au canal par l'impasse [...], laquelle est un espace privé que seuls les riverains de l'impasse ont le droit d'emprunter ; que le premier juge leur a déjà répondu qu'il n'existe pas de servitude conventionnelle à leur profit ni d'enclave, le passage pour accéder à la martelière s'étant toujours effectué par l'impasse [...] ; que Mme X... N... épouse W... le confirme, puisqu'elle atteste :« Avoir vu à plusieurs reprises M. S... I... accéder au canal d'arrosage par l'impasse [...] et a déclaré ne pas l'avoir revu passer par l'ancien accès à la martelière depuis que l'accès a été bouché depuis près de 20 ans ; je déclare aussi que mon ruisseau d'arrosage était au bord du débordement et je peux également affirmer avoir vu les terrains de M. B... J..., M. E... et M. D... avant leur construction, inondés par les eaux du canal» ; que le contenu de ce témoignage n'est pas discuté par les appelants ; qu'il en ressort qu'il n'existe aucune nécessité pour les consorts I... V... de passer par le fonds des intimés et qu'aucun trouble manifestement illicite imputable aux intimés ou blocage subi par ces derniers d'un passage ancien ne peuvent dès lors être retenus ; que l'ordonnance qui a rejeté la demande des appelants de supprimer sous astreinte les obstacles à l'entrée du canal et à la canalisation et tendant au versement de dommages-intérêts doit donc être approuvée ;

Alors qu'en matière de servitude d'écoulement des eaux, les règlements particuliers et locaux sur le cours et l'usage des eaux doivent être observés ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si les statuts de l'Association syndicale autorisée du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas n'avaient pas institué un droit de passage d'un mètre de largeur sur les fonds servants, dont se prévalaient Mme V... et M. I..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 645 du code civil et 809 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme V... et M. I... de leur demande en réduction à la hauteur d'un mètre soixante, du mur en parpaings ayant remplacé la palissade de bois posée en violation des règles d'urbanisme ;

Aux motifs que les consorts I... V... soutiennent qu'en construisant une palissade en bois, puis en ses lieu et place, un mur en parpaings de plus de 2 mètres de haut au lieu de la hauteur de 1,60 m déclarée aux services de l'urbanisme, leurs voisins auraient sensiblement réduit l'ensoleillement de leur jardin, leur causant à l'évidence un trouble de jouissance excédant les inconvénients normaux de voisinage ; que cependant, les époux D... produisent d'une part une attestation du Service de l'urbanisme datée du 24 mars 2016 qui a validé leur déclaration de travaux prévoyant en clôture, des murs en limite séparative en parpaings d'une hauteur de 2 mètres ; que d'autre part les époux D... font valoir qu'ils craignent que leurs enfants en bas âge ne tombent dans la piscine des appelants, lesquels admettent que leur piscine est d'une hauteur de 1,20 m hors-sol et située immédiatement derrière le mur litigieux ; que les époux D... ajoutent exactement que le dispositif des écritures des appelants, qui lie la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne vise qu'une demande de démolition d'une palissade, désormais inexistante, et non du mur en parpaings édifié ; que la demande de démolition présentée par les appelants se heurte donc à des contestations sérieuses;

Alors 1°) que la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en déboutant les appelants de leur demande de réduction à la hauteur de 1,60 mètre de la palissade remplacée par un mur en parpaings en raison de l'existence de contestations sérieuses, la cour d'appel, qui a subordonné l'intervention du juge des référés à l'absence d'une contestation sérieuse, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que le trouble anormal de voisinage ouvre droit à une action même en présence d'une validation d'une déclaration de travaux émanant des services de l'urbanisme ; qu'en se fondant, pour débouter Mme V... et M. I... de leurs demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage, sur l'existence d'une attestation du service de l'urbanisme du 24
mars 2016 ayant validé une déclaration de travaux déposée par les époux D..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que le propriétaire d'un fonds peut invoquer l'existence d'un trouble anormal de voisinage résultant d'une perte d'ensoleillement à la suite de l'édification d'une clôture, même si elle a été édifiée pour pallier les risques de chute d'enfants en bas âge dans une piscine construite derrière le mur litigieux ; qu'en déboutant les consorts I... V... de leur demande en réparation de la perte d'ensoleillement causée par la clôture en raison de la présence d'une piscine située derrière le mur litigieux, d'une hauteur de 1,20 mètre hors sol, dans laquelle des enfants en bas âge auraient pu tomber, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, Mme V... et M. I... demandaient la réduction à la hauteur d'un mètre soixante ou le remplacement par un mur bahut de cette hauteur, de la palissade posée en violation des règles d'urbanisme, peu important le matériau employé pour la clôture qui devait être remplacée ; qu'en rejetant la demande des consorts V... I... au motif qu'elle n'aurait visé que la démolition d'une palissade en bois, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des appelants et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mars 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 14 mar. 2019, pourvoi n°17-23051

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Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 14/03/2019
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-23051
Numéro NOR : JURITEXT000038264943 ?
Numéro d'affaire : 17-23051
Numéro de décision : 31900199
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-03-14;17.23051 ?
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