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13/03/2019 | FRANCE | N°18-11240

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mars 2019, 18-11240


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 novembre 2017), que, suivant acte reçu le 18 décembre 2006 par M. H... (le notaire), régularisant une promesse de vente du 10 juillet 2006, M. et Mme O... (les acquéreurs) ont acquis un terrain en vue d'y construire une maison d'habitation ; que leur demande de permis de construire a été refusée, à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme du 21 février 2006 modifiant le plan d'occupation des sols du 21 février 2001 ; que, reprochant au notaire d'avoi

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 novembre 2017), que, suivant acte reçu le 18 décembre 2006 par M. H... (le notaire), régularisant une promesse de vente du 10 juillet 2006, M. et Mme O... (les acquéreurs) ont acquis un terrain en vue d'y construire une maison d'habitation ; que leur demande de permis de construire a été refusée, à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme du 21 février 2006 modifiant le plan d'occupation des sols du 21 février 2001 ; que, reprochant au notaire d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil sur les risques de renoncer à une condition suspensive d'obtention du permis de construire, les acquéreurs ont assigné celui-ci et la société civile professionnelle de notaires H..., V... (la SCP) en responsabilité et indemnisation ;

Sur le premier moyen, qui est recevable :

Attendu que le notaire et la SCP font grief à l'arrêt de les déclarer responsables in solidum du préjudice subi par M. et Mme O... à raison des conséquences du refus de délivrance du permis de construire et d'ordonner la réouverture des débats sur l'indemnisation de la perte de chance subie par eux, alors, selon le moyen :

1°/ que le notaire n'est pas tenu d'attirer l'attention de son client sur des données qui sont déjà connues, de sorte qu'une partie ne peut demander réparation d'un préjudice résultant d'une évidence qu'elle ne pouvait ignorer à la date de l'acte prétendument dommageable ; qu'en imputant au notaire de ne pas avoir mis en garde les acquéreurs « sur les conséquences de (leur) renonciation (à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours) en cas de refus de délivrance du permis de construire », quand les acquéreurs, informés par une clause claire et précise de l'acte de la nécessité d'obtenir un permis de construire, ne pouvaient ignorer que, sans permis de construire, ils seraient dans l'impossibilité de réaliser la construction projetée et qu'en l'absence de condition suspensive, la vente demeurerait valable, la cour d'appel a reproché au notaire de ne pas les avoir mis en garde contre un risque qui relevait de l'évidence, dont ils avaient nécessairement conscience, violant, ce faisant, l'article 1382 dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le notaire ne peut être tenu d'adresser une mise en garde aux parties que dans les hypothèses où les intérêts d'une partie sont gravement menacés par un risque particulier ; qu'en reprochant au notaire de ne pas avoir mis en garde les acquéreurs, à qui un certificat d'urbanisme positif avant été adressé contre « les conséquences de (leur) renonciation (à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours) en cas de refus de délivrance du permis de construire », sans relever de circonstances qui, nonobstant la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif, auraient accru le risque de non-obtention du permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, la promesse de vente stipulant que les acquéreurs renonçaient expressément à toute condition suspensive d'obtention du permis de construire, il appartenait au notaire, eu égard à l'opération immobilière poursuivie par ses clients, de les mettre en garde sur les conséquences de cette renonciation en cas de refus de délivrance du permis de construire, la cour d'appel a pu retenir que le notaire avait commis une faute ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que le notaire et la SCP font grief à l'arrêt de statuer comme il a été dit ;

Attendu que le moyen critique une disposition qui, se bornant à ordonner la réouverture des débats, constitue une mesure d'administration judiciaire, insusceptible de recours ; qu'il est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H... et la SCP H..., V... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. et Mme O... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. H... et la SCP H..., V....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. H... et la SCP H... V... responsables in solidum du préjudice subi par les époux O... en conséquence du refus de délivrance d'un permis de construire sur le terrain objet de la vente du 18 décembre 2006 et d'AVOIR ordonné la réouverture des débats sur l'indemnisation de la perte de chance subie par les époux O... ;

AUX MOTIFS QUE tenu d'assurer l'efficacité de l'acte conclu par ses clients, le notaire doit les éclairer sur les conséquences des engagements qu'ils contractent ; que la promesse de vente stipulant que M. et Mme O... renonçaient expressément à toute condition suspensive d'obtention d'autorisation de construire, il appartenait à M. H..., eu égard à l'opération immobilière poursuivie par ses clients, de les mettre en garde sur les conséquences de cette renonciation en cas de refus de délivrance du permis de construire ; que faute pour M. H... de ne pas avoir délivré ce conseil, il engage sa responsabilité délictuelle avec celle de la SCP; que dès lors qu'il existe un doute sur l'attitude de M. et L... O... s'ils avaient été correctement conseillés, le préjudice subi consiste en une simple perte de chance de renoncer à l'opération ou de faire insérer dans l'acte la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours ; que les parties n'ayant pas conclu sur ce point, il convient d'ordonner la réouverture des débats ;

1°) ALORS QUE le notaire n'est pas tenu d'attirer l'attention de son client sur des données qui sont déjà connues, de sorte qu'une partie ne peut demander réparation d'un préjudice résultant d'une évidence qu'elle ne pouvait ignorer à la date de l'acte prétendument dommageable ; qu'en imputant au notaire de ne pas avoir mis en garde les acquéreurs « sur les conséquences de (leur) renonciation (à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours) en cas de refus de délivrance du permis de construire », quand les acquéreurs, informés par une clause claire et précise de l'acte de la nécessité d'obtenir un permis de construire, ne pouvaient ignorer que, sans permis de construire, ils seraient dans l'impossibilité de réaliser la construction projetée et qu'en l'absence de condition suspensive, la vente demeurerait valable, la cour d'appel a reproché au notaire de ne pas les avoir mis en garde contre un risque qui relevait de l'évidence, dont ils avaient nécessairement conscience, violant, ce faisant, l'article 1382 dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire ne peut être tenu d'adresser une mise en garde aux parties que dans les hypothèses où les intérêts d'une partie sont gravement menacés par un risque particulier ; qu'en reprochant au notaire de ne pas avoir mis en garde les acquéreurs, à qui un certificat d'urbanisme positif avant été adressé contre « les conséquences de (leur) renonciation (à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours) en cas de refus de délivrance du permis de construire », sans relever de circonstances qui, nonobstant la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif, auraient accru le risque de non-obtention du permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. H... et la SCP H... V... responsables in solidum du préjudice subi par les époux O... des conséquences du refus de délivrance d'un permis de construire sur le terrain objet de la vente du 18 décembre 2006 et d'AVOIR ordonné la réouverture des débats sur l'indemnisation de la perte de chance subie par les époux O... ;

AUX MOTIFS QU'attendu que dès lors qu'il existe un doute sur l'attitude de M. et L... O... s'ils avaient été correctement conseillés, le préjudice subi consiste en une simple perte de chance de renoncer à l'opération ou de faire insérer dans l'acte la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours ; que les parties n'ayant pas conclu sur ce point, il convient d'ordonner la réouverture des débats ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent d'office qualifier le préjudice de perte de chance, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, les époux O... sollicitait la condamnation du notaire à les indemniser de l'intégralité du préjudice qu'ils estimaient avoir subi (leurs conclusions, p. 9 et 10) ; que dès lors en jugeant qu'il « exist(ait) un doute sur (leur) attitude s'ils avaient été correctement conseillés » de sorte que « le préjudice subi consist(ait) en une simple perte de chance de renoncer à l'opération ou de faire insérer dans l'acte la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours » pour ordonner la réouverture des débats sur « l'indemnisation de la perte de chance subie », invitant ainsi les parties à formuler leurs observations uniquement sur le quantum de la perte de chance qu'elle a retenue, dans son principe, d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, la contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt équivaut à une absence de motifs ; qu'en jugeant, dans son dispositif, que le notaire était responsable du préjudice subi par les acquéreurs, résultant « des conséquences du refus de délivrance d'un permis de construire sur le terrain objet de la vente », tout en jugeant, dans ses motifs que « le préjudice subi consist(ait) en une simple perte de chance de renoncer à l'opération ou de faire insérer dans l'acte la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours », la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, seul le préjudice causé par la faute invoquée peut faire l'objet d'une indemnisation ; qu'en jugeant que le notaire était responsable « des conséquences du refus de délivrance d'un permis de construire sur le terrain objet de la vente », bien que la faute reprochée au notaire ait consistée à ne pas avoir mis en garde les acquéreurs contre les conséquences de leur renonciation à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours, de sorte que, même sans ce manquement, les demandeurs à l'action n'auraient pas pu construire et réaliser les gains attendus de l'opérations, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-11240
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 07 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 mar. 2019, pourvoi n°18-11240


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11240
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