La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2019 | FRANCE | N°18-11096

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 18-11096


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à compter du 21 janvier 2002, la société France 3, devenue France télévisions, a engagé M. P... par des contrats à durée déterminée journaliers non successifs en qualité de chef-monteur ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps complet et de condamnation de l'employeur au paiement de rappels de salaire et d'accessoires de salaire subséquents ; que le syndicat

national de radiodiffusion et de télévisions du groupe France télévisions...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à compter du 21 janvier 2002, la société France 3, devenue France télévisions, a engagé M. P... par des contrats à durée déterminée journaliers non successifs en qualité de chef-monteur ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps complet et de condamnation de l'employeur au paiement de rappels de salaire et d'accessoires de salaire subséquents ; que le syndicat national de radiodiffusion et de télévisions du groupe France télévisions est intervenu à l'instance pour former une demande indemnitaire ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire et d'accessoires de salaire, y compris pour les périodes non travaillées ayant séparé les contrats à durée déterminée requalifiés, l'arrêt retient, après avoir constaté que ces contrats ne prévoyaient pas la durée hebdomadaire et la répartition prévue à l'article L. 3123-14 du code du travail, que la présomption de contrat de travail à temps complet n'est pas renversée par l'employeur ;

Attendu, cependant, que la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, s'agissant des rappels de salaire au titre des périodes interstitielles, il appartenait à la salariée d'établir qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer le salaire mensuel de référence de la salariée à une certaine somme et condamner la société France télévisions à lui verser des rappels de salaires et d'accessoires de salaire, l'arrêt retient qu'au regard des conclusions des parties et des dispositions conventionnelles applicables il apparaît que le salarié aurait dû être classé B 16, lors de son premier engagement et que dix ans plus tard, en octobre 2011, il aurait été automatiquement promu B 21-1 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions oralement soutenues devant la cour d'appel, les parties s'accordaient sur le fait que si le salarié avait été engagé par un contrat à durée indéterminée dès l'origine, il aurait atteint la qualification B 21-1 le 21 janvier 2012, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France télévisions à payer à M. P... les sommes de 153 014 euros à titre de rappel de salaire, de 15 301 euros au titre des congés payés afférents, de 16 358 euros à titre de prime d'ancienneté, de 9 383 euros à titre de primes de fin d'année et de 1 560 euros au titre des mesures FTV, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. P... et le syndicat national de radiodiffusion et de télévisions du groupe France télévisions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le contrat à durée indéterminée de M. P... est à temps complet, d'AVOIR en conséquence condamné la société France Télévisions à lui verser les sommes de 153 014 € à titre de rappel de salaire et la somme de 15301 € à titre de congés payés afférents, 16 358 € au titre de la prime d'ancienneté, 9383 € au titre de la prime de fin d'année, 1560 € au titre des mesures FTV et 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR en conséquence condamné l'exposante à verser au syndicat SNRT CGT la somme de 1000 euros à titre de dommage et intérêts outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « il résulte des pièces et conclusions des parties que l'appelant a été engagé, à compter du 21 janvier 2002, en qualité de chef monteur, par la société FRANCE 3, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société FRANCE TELEVISIONS qui, depuis la loi du 5 mars 2009, a réuni en son sein l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public, dont, la société FRANCE 3 ;
Que M. P... a exercé ses fonctions durant 14 ans en vertu de contrats à durée déterminée successifs alternant divers motifs de recours ;
Que le 12 juin 2013, M. P... a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifier en contrat à durée indéterminée, à temps plein, les divers contrats à durée déterminée qui l'avaient lié aux sociétés FRANCE 3 et FRANCE TELEVISIONS, d'obtenir le versement d'un rappel de salaire en conséquence, ainsi que les diverses sommes résultant de l'application, en sa faveur, des dispositions légales et conventionnelles dont bénéficie un « salarié statutaire» ou permanent ;
que par le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a accueilli la demande de M. P..., quant à la requalification en contrat à durée indéterminée mais à temps partiel, seulement, correspondant à 36 % d'un temps complet, -en se fondant sur le nombre de jours travaillés par le salarié pour les deux sociétés ; que le juge départiteur a fixé le salaire à 1548 € et, sur la base de ce salaire, a alloué à M. P... les sommes rappelées en tête du présent arrêt au titre de la prime d'ancienneté, la prime de fin d'année et les mesures de France télévision (ou MFT) ainsi qu'une indemnité de requalification de 10 000 € ;
Qu'enfin, le conseil de prud'hommes a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser au SNRT-CGT la somme de l000€ à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que conformément aux dispositions de l'article R 1245-1 du code du travail qui assortit la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de l'exécution provisoire de droit, la société FRANCE TELEVISIONS a proposé à M. P... la signature d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, selon elle, conforme aux dispositions du jugement ; que c'est dans ce cadre que depuis le 1er janvier 2016, se poursuit actuellement la relation contractuelle ;
Considérant qu'il ressort des conclusions susvisées de la société FRANCE TELEVISIONS que celle-ci admet et ne conteste plus la requalification, en contrat à durée indéterminée, de la relation contractuelle entre les parties ;
Considérant que M. P... est dès lors bien fondé à solliciter le versement par la société FRANCE TELEVISIONS d'une indemnité de requalification, conformément aux dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail ;
Considérant que l'indemnité litigieuse a pour objet, à la fois, de sanctionner l'employeur qui ne s'est pas soumis à la règlementation sur les contrats à durée déterminée et de dédommager le salarié du préjudice subi en raison de la privation des avantages liés au statut de salarié permanent ;
que compte tenu de la longue durée de la relation contractuelle (14 ans) la cour, comme le premier juge, évalue, en l'espèce à 10 000 € l'indemnisation due à M. P... en réparation de l'insécurité professionnelle qu'a créée la pratique de la société FRANCE TELEVISIONS et de la perte des divers avantages, conventionnels notamment, auxquels le salarié aurait pu prétendre ;
Considérant que si la qualification juridique du contrat -à durée déterminée ou indéterminée- n'est ainsi plus en débat entre les parties, celles-ci demeurent opposées, quant à la durée du travail du salarié: temps complet ou temps partiel, et dans ce dernier cas, quel temps partiel ;
Sur la qualification du contrat liant les parties, à temps complet ou partiel Considérant que la qualification de la relation contractuelle, en contrat à durée indéterminée, n'étant ainsi plus contestée, -ce dont il sera donné acte au dispositif- M. P... entend voir encore juger que son contrat à durée indéterminée était à temps complet car ses contrats à durée déterminée n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail et il se tenait à disposition de la société FRANCE 3 ou FRANCE TELEVISIONS « 365 jours sur 365 », ses conditions de travail ne lui permettant nullement de connaître et d'organiser son emploi du temps ;
Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS rappelle justement que si le contrat de travail à temps partiel est conforme aux. exigences de l'article L 3123-14 précité du code du travail (avec indication de la durée, hebdomadaire ou mensuelle, prévue et de la répartition de la durée du travail, entre les jours de la semaine ou les semaines du mois), la requalification en contrat à temps complet suppose que le salarié apporte la preuve qu'il effectuait, en réalité, un travail à temps complet, en dépit de l'apparente régularité du contrat à temps partiel à lui consenti ; qu'elle soutient qu'en l'espèce, les contrats de M. P... étaient conformes aux exigences légales et qu'il appartient à l'appelant de démontrer que ces contrats à temps partiel correspondaient, en réalité, à des contrats à temps complet ;
Que la société FRANCE TELEVISIONS expose également, avec raison, que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ne porte que sur la durée du contrat mais que les autres stipulations demeurent inchangées ;
Considérant il n'est pas discuté que le contrat de travail de l'appelant était un contrat à temps partiel, au regard de la durée du temps de travail figurant sur les contrats et sur les bulletins de paye de M. P... ;
Considérant qu'il s'ensuit que la cour doit vérifier si, comme le soutient la société FRANCE TELEVISIONS et comme le conteste M. P..., les formalités prévues à l'article L 3123 -14 précité étaient remplies, étant rappelé que, dans la négative, le contrat devrait être présumé à temps complet et qu'il appartiendrait, alors, à l'employeur de renverser cette présomption, en démontrant que le salarié était informé de la durée exacte de travail, hebdomadaire ou mensuelle convenue, et en établissant que M. P... était matériellement en mesure de prévoir son emploi du temps et son rythme de travail, sans avoir à se tenir constamment à sa disposition ;
qu'à l'inverse, dans l'hypothèse où les exigences de l'article L 3123-14 auraient été satisfaites, ce serait à M. P... d'administrer la preuve que son contrat à temps partiel était exécuté de telle sorte qu'il ne pouvait disposer de son temps et devait, en réalité, se tenir à la disposition permanente de la société FRANCE TELEVISIONS, celle-ci justifiant donc la requalification en temps complet, du contrat théoriquement à temps partiel ;
Or considérant qu'il résulte des pièces aux débats que si la plupart des contrats produits font état des jours et du nombre de jours de travail de l'appelant, ceux-ci ne prévoient pas la durée hebdomadaire et la répartition prévues à l'article L 3123-14 ;
Que dans ces conditions M. P... est bien fondé à se prévaloir de la présomption de contrat de travail à temps complet ;
Et considérant que pour combattre cette présomption, la société FRANCE TELEVISIONS se prévaut de la faible importance, selon elle, de l'activité professionnelle de M. P..., en son sein, alliée à la perception régulière d'allocations de chômage, d'u montant non négligeable ;
Mais considérant que M. P..., produit des décomptes, effectués à partir de ses bulletins de paye -non utilement contredits par la société FRANCE TELEVISIONS- desquels il ressort que le nombre de ses jours de travail était bien supérieur à celui annoncé par les conclusions de la société FRANCE TELEVISIONS et atteignait, la centaine environ, par an ; qu'en particulier pour l'année 2012, où FRANCE TELEVISIONS lui comptabilise -à partir des contrats de travail qu'elle produit- 29 jours de travail, pour les seuls trois premiers mois de l'année, les bulletins de paye qu'il verse, lui, aux débats établissent bien qu'il a travaillé d'avril à décembre 2012 ;
qu'il fait justement valoir, de plus, que le nombre de jours travaillés résulte du choix unilatéral de la société FRANCE TELEVISIONS et ne rend pas compte de l'état de disponibilité totale dans lequel il devait se tenir à l'égard de cette société, attendant que son employeur veuille bien faire appel à lui, dans des conditions d'imprévisibilité et d'inorganisation ; que les courriels produits établissent en effet que, contrairement à ses dires, la société FRANCE TELEVISIONS, la plupart du temps, n'avisait le salarié que tardivement (moins de 8 jours ) de ses « plannings », lesquels étaient de surcroît, modifiables ;
que pour illustrer cette politique de choix, propre à l'employeur, l'appelant cite, sans être contredit, l'exemple de la journée du 5 décembre 2016 où ont été successivement employés, sur l'antenne de France 3 Lyon, 5 chefs monteurs -sans spécialité particulière- dont la durée totale de travail équivalait à 3,5 équivalents temps complet ;
Que la collaboration de l'appelant avec la société FRANCE TELEVISIONS, régulière et ancienne, apparaît dès lors loin d'être anodine et insignifiante, comme celle-ci tente de le soutenir - d'autant que les déclarations fiscales de M. P... démontrent que celui-ci ne disposait pas d'autre employeur - peu important les sommes perçues au titre de l'assurance chômage qui demeurent inférieures aux salaires perçus par M. P..., de FRANCE TELEVISIONS ;
Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que la présomption de contrat de travail à temps complet n'est pas renversée par la société FRANCE TELEVISIONS et que M. P... sollicite à bon droit la requalification en ce sens, de son contrat à durée indéterminée.
Sur le salaire de base et le rappel de salaire
Considérant que pour statuer sur la demande de rappel de salaire, omise par le premier juge, il convient de déterminer le salaire de base de M. P... dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet ;
Considérant que M. P... ne saurait cumuler les éléments appartenant à la situation qui était la sienne avant la requalification et ceux procédant de l'application du régime juridique du contrat à durée indéterminée devenu applicable par l'effet du jugement déféré auquel la société FRANCE TELEVISIONS acquiesce sur ce point ;
qu'il doit bénéficier seulement des dispositions qui, depuis l'origine, auraient dû lui être appliquées, en sa qualité de salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; que, cependant, la société FRANCE TELEVISIONS, du fait de la requalification du contrat, en contrat à durée indéterminée à temps complet, est tenue d'une obligation contractuelle au paiement du salaire correspondant à un temps complet qui ne peut être affectée par les revenus de remplacement dont a pu bénéficier le salarié ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. P... doit être débouté de sa demande, tendant à voir appliquer à son horaire à temps complet, le taux horaire prévu par ses contrats à durée déterminée ; qu'il y a lieu de déterminer en conséquence le montant du salaire, à temps complet, qu'aurait dû percevoir M. P... ;
Considérant qu'au regard des conclusions des parties et des dispositions conventionnelles applicables il apparaît que M. P... aurait dû être classé B 16, lors de son premier engagement en 2001 et que 10 ans plus tard, en octobre 201l, il aurait été automatiquement promu B 21-1 ;
Que le montant de son salaire ne peut, dès lors, être celui, minimal, de 2777,50 € avancé subsidiairement par la société FRANCE TELEVISIONS, qui correspond au minimum conventionnel d'un chef monteur sans expérience ;
Que le salaire de 3357 € dont se prévaut l'appelant procède de la moyenne opérée entre les salaires perçus par des salariés exerçant les mêmes fonctions que lui et disposant d'une classification semblable à la sienne ; que, certes, la société FRANCE TELEVISIONS, conteste cette estimation mais, pour sa part, ne produit aucune pièce justifiant que des collègues de M. P..., dans une situation identique à la sienne, perçoivent un salaire moindre à celui qu'il revendique ;
Considérant que la cour retiendra donc la somme de 3357 € comme salaire de base de l'appelant ; que le montant du rappel requis sera accordé à M. P..., majoré des congés payés afférents, comme dit au dispositif ci-après (soit 153 014 € et 15 301 €) ;
Sur les accessoires de salaires
Considérant que du fait de la requalification intervenue, M. P... est en droit de bénéficier des dispositions légales et conventionnelles, applicables aux salariés « statutaires» ou permanents, titulaires d'un contrat à durée indéterminée ;
Que ses revendications ont trait à la prime d'ancienneté, à La prime de fin d'année et aux mesures FTV ;
Sur la prime d'ancienneté
Considérant qu'à ce premier titre, il convient d'allouer à M. P... la somme réclamée en principal, soit 16358 €, la société FRANCE TELEVISIONS produisant des décomptes fondés sur un contrat à temps partiel ou critiquant à tort le décompte de M. P... qui, contrairement à ses prétentions n'a pris en considération la classification B 21-1 qu'à compter du 1er février 2012, seulement et non, dès son embauche ;
Considérant toutefois que M. P... doit être débouté de sa demande en paiement des congés payés afférents à cette somme ;
qu'en effet, la prime litigieuse est versée au salarié tout au long de l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, en sorte que son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer pour partie une seconde fois par l'employeur ; que par surcroît, la prime d'ancienneté n'étant pas la contrepartie d'un travail effectif, elle ne saurait supporter le paiement de congés payés afférents ;
Sur la prime de fin d'année
Considérant que M. P... est également fondé à solliciter le paiement de cette prime accordée aux salariés statutaires par la société FRANCE TELEVISIONS ;
Que cette dernière répond seulement que cette prime n'est pas due à l'appelant au motif que son statut de salarié à contrat à durée déterminée l'exclut du bénéfice de cet avantage ou, sans le démontrer, que la prime requise n'a pas d'existence et ne tient pas compte des dispositions de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 ;
Que cependant au regard des dispositions qui précèdent M. P..., titulaire d'un contrat à durée indéterminée, doit se voir reconnaître ce bénéfice ; qu'en outre, M. P... réplique et justifie que l'accord précité n'a supprimé la prime d'ancienneté qu'à compter de 2013, par son intégration au salaire de base ;
Que M. P... est dès lors fondé à solliciter le paiement de la somme due par la société FRANCE TELEVISIONS à ce titre jusqu'en 2012, soit 9383 € ;
Sur les mesures FTV
Considérant qu'à la suite des négociations annuelles obligatoires et jusqu'en 2011 une augmentation salariale collective, dénommée « mesure FTV », a été accordée aux salariés permanents de la société FRANCE TELEVISIONS ; que celle-ci, pour s'opposer à la demande, comme précédemment, fait valoir que ces mesures sont réservées aux salariés permanents ;
Que toutefois il ressort des dispositions précédentes que M. P... doit être considéré comme un salarié permanent et bénéficier en conséquence des dites mesures ;
Que sans invoquer aucune disposition particulière, la société FRANCE TELEVISIONS affirme que les mesures litigieuses ne seraient applicables qu'aux journalistes et qu'aux salariés percevant un revenu annuel inférieur à 40 000€ ; que M. P... produit aux débats des notes établies à la suite des Négociations Annuelles Obligatoires établissant le caractère injustifié de ces affirmations ;
Qu'il convient donc d'accueillir la demande de l'appelant et de condamner la société FRANCE TELEVISIONS, à verser à celui-ci la somme de 1560 € due jusqu'en 2011 ;
Considérant que l'équité et la situation des parties commandent d'allouer à M. P... la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle accordée en première instance sur le fondement du même texte ;
Sur les demandes du syndicat SNRT CGT
Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS forme appel incident du chef des dispositions du jugement qui l'ont condamnée à verser des dommages et intérêts au syndicat SNRT CGT ;
Considérant que, comme l'ont estimé les premiers juges, le litige qui oppose M. P... à la société FRANCE TELEVISIONS intéresse la pratique d'un employeur et les conditions de travail que celui-ci impose au salarié d'une profession particulière, spécialement défendue par le syndicat SNRT CGT ; que l'inobservation par la société France TELEVISIONS des dispositions légales et règlementaires applicables au contrat à durée indéterminée a pour objet ou pour effet de fragiliser, en la précarisant, cette profession, de sorte que l'atteinte à l'intérêt collectif professionnel dont cette organisation a la charge, justifie l'action de cette dernière et l'allocation à son profit des dommages et intérêts qui lui ont été justement accordés en première instance, en réparation du préjudice subséquent ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société FRANCE TELEVISIONS versera à cette organisation syndicale la somme de 500 €, en sus de celle allouée par le juge départiteur »

1/ ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, sous couvert d'une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la Cour d'appel a jugé M. P... bien fondé à solliciter, non pas des rappels de salaire au titre des périodes travaillées, mais des rappels de salaires afférents aux périodes non travaillées ; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la société France Télévisions ne rapportait pas la preuve que celui-ci n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, lorsqu'il appartenait au salarié qui revendiquait le paiement de périodes non travaillées, de rapporter la preuve contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1103 et 1353 du Code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE le salarié intermittent engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, requalifié en un unique contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à des rappels de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats que s'il établit s'être tenu à la disposition permanente de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en retenant que M. P... travaillait environ 100 jours par an pour la société France Télévisions et qu'il n'avait connaissance que tardivement (moins de 8 jours ) de ses « plannings », qui étaient modifiables, la Cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants impropres à caractériser qu'au cours des périodes non travaillées, le salarié se tenait à la disposition permanente de l'exposante, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil ;

3/ ALORS QUE la seule circonstance que le salarié n'a pas eu d'autre employeur pendant les périodes interstitielles ne suffit pas à caractériser sa disposition permanente à l'égard de l'employeur qui a eu recours à ses services de manière intermittente ; qu'en retenant que M. P... n'avait pas eu d'autre employeur que la société France Télévisions, la Cour d'appel n'a pas caractérisé qu'il était demeuré à la disposition permanente de cette dernière pendant les périodes non travaillées ; qu'en lui accordant néanmoins des rappels de salaires au titre de ces périodes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Télévisions à verser à M. P... les sommes de 153 014 € à titre de rappel de salaire et la somme de 15301 € à titre de congés payés afférents, 16 358 € au titre de la prime d'ancienneté, 9383 € au titre de la prime de fin d'année, 1560 € au titre des mesures FTV, et 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « pour statuer sur la demande de rappel de salaire, omise par le premier juge, il convient de déterminer le salaire de base de M. P... dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet ;
Considérant que M. P... ne saurait cumuler les éléments appartenant à la situation qui était la sienne avant la requalification et ceux procédant de l'application du régime juridique du contrat à durée indéterminée devenu applicable par l'effet du jugement déféré auquel la société FRANCE TELEVISIONS acquiesce sur ce point ;
qu'il doit bénéficier seulement des dispositions qui, depuis l'origine, auraient dû lui être appliquées, en sa qualité de salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; que, cependant, la société FRANCE TELEVISIONS, du fait de la requalification du contrat, en contrat à durée indéterminée à temps complet, est tenue d'une obligation contractuelle au paiement du salaire correspondant à un temps complet qui ne peut être affectée par les revenus de remplacement dont a pu bénéficier le salarié ;
Considérant qu'il s'ensuit que M. P... doit être débouté de sa demande, tendant à voir appliquer à son horaire à temps complet, le taux horaire prévu par ses contrats à durée déterminée ; qu'il y a lieu de déterminer en conséquence le montant du salaire, à temps complet, qu'aurait dû percevoir M. P... ;
Considérant qu'au regard des conclusions des parties et des dispositions conventionnelles applicables il apparaît que M. P... aurait dû être classé B 16, lors de son premier engagement en 2001 et que 10 ans plus tard, en octobre 2011, il aurait été automatiquement promu B 21-1 ;
Que le montant de son salaire ne peut, dès lors, être celui, minimal, de 2777,50 € avancé subsidiairement par la société FRANCE TELEVISIONS, qui correspond au minimum conventionnel d'un chef monteur sans expérience ;
Que le salaire de 3357 € dont se prévaut l'appelant procède de la moyenne opérée entre les salaires perçus par des salariés exerçant les mêmes fonctions que lui et disposant d'une classification semblable à la sienne ; que, certes, la société FRANCE TELEVISIONS, conteste cette estimation mais, pour sa part, ne produit aucune pièce justifiant que des collègues de M. P..., dans une situation identique à la sienne, perçoivent un salaire moindre à celui qu'il revendique ;
Considérant que la cour retiendra donc la somme de 3357 € comme salaire de base de l'appelant ; que le montant du rappel requis sera accordé à M. P..., majoré des congés payés afférents, comme dit au dispositif ci-après (soit 153 014 € et 15 301 €) ;
Sur les accessoires de salaires
Considérant que du fait de la requalification intervenue, M. P... est en droit de bénéficier des dispositions légales et conventionnelles, applicables aux salariés « statutaires» ou permanents, titulaires d'un contrat à durée indéterminée ;
Que ses revendications ont trait à la prime d'ancienneté, à 1a prime de fin d'année et aux mesures FTV ;
Sur la prime d'ancienneté
Considérant qu'à ce premier titre, il convient d'allouer à M. P... la somme réclamée en principal, soit 16358 €, la société FRANCE TELEVISIONS produisant des décomptes fondés sur un contrat à temps partiel ou critiquant à tort le décompte de M. P... qui, contrairement à ses prétentions n'a pris en considération la classification B 21-1 qu'à compter du 1er février 2012, seulement et non, dès son embauche ;
Considérant toutefois que M. P... doit être débouté de sa demande en paiement des congés payés afférents à cette somme ;
qu'en effet, la prime litigieuse est versée au salarié tout au long de l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, en sorte que son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer pour partie une seconde fois par l'employeur ; que par surcroît, la prime d'ancienneté n'étant pas la contrepartie d'un travail effectif, elle ne saurait supporter le paiement de congés payés afférents ;
Sur la prime de fin d'année
Considérant que M. P... est également fondé à solliciter le paiement de cette prime accordée aux salariés statutaires par la société FRANCE TELEVISIONS ;
Que cette dernière répond seulement que cette prime n'est pas due à l'appelant au motif que son statut de salarié à contrat à durée déterminée l'exclut du bénéfice de cet avantage ou, sans le démontrer, que la prime requise n'a pas d'existence et ne tient pas compte des dispositions de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 ;
Que cependant au regard des dispositions qui précèdent M. P..., titulaire d'un contrat à durée indéterminée, doit se voir reconnaître ce bénéfice ; qu'en outre, M. P... réplique et justifie que l'accord précité n'a supprimé la prime d'ancienneté qu'à compter de 2013, par son intégration au salaire de base ;
Que M. P... est dès lors fondé à solliciter le paiement de la somme due par la société FRANCE TELEVISIONS à ce titre jusqu'en 2012, soit 9383 € ;

Sur les mesures FTV
Considérant qu'à la suite des négociations annuelles obligatoires et jusqu'en 2011 une augmentation salariale collective, dénommée « mesure FTV », a été accordée aux salariés permanents de la société FRANCE TELEVISIONS ; que celle-ci, pour s'opposer à la demande, comme précédemment, fait valoir que ces mesures sont réservées aux salariés permanents ;
Que toutefois il ressort des dispositions précédentes que M. P... doit être considéré comme un salarié permanent et bénéficier en conséquence des dites mesures ;
Que sans invoquer aucune disposition particulière, la société FRANCE TELEVISIONS affirme que les mesures litigieuses ne seraient applicables qu'aux journalistes et qu'aux salariés percevant un revenu annuel inférieur à 40 000€ ; que M. P... produit aux débats des notes établies à la suite des Négociations Annuelles Obligatoires établissant le caractère injustifié de ces affirmations ;
Qu'il convient donc d'accueillir la demande de l'appelant et de condamner la société FRANCE TELEVISIONS, à verser à celui-ci la somme de 1560 € due jusqu'en 2011 ;
Considérant que l'équité et la situation des parties commandent d'allouer à M. P... la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle accordée en première instance sur le fondement du même texte »

1/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que la société France Télévisions et M. P... s'accordaient sur le fait que si ce dernier avait été engagé en contrat à durée indéterminée dès l'origine, il aurait atteint le groupe de classification B 21-1 à compter du 21 janvier 2012, correspondant à la date à laquelle il avait atteint une ancienneté de 10 ans (conclusions d'appel de l'exposante p 22, conclusions d'appel de M. P... p 24) ; qu'en retenant au soutien de sa décision qu'au regard des conclusions des parties et des dispositions conventionnelles applicables, M. P... aurait dû être classé B 16, lors de son premier engagement en 2001 et que 10 ans plus tard, en octobre 2011, il aurait été automatiquement promu B 21-1, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la société France Télévisions faisait valoir que le salaire de 3357 euros revendiqué par M. P... correspondait à la moyenne des salaires versés aux salariés chefs monteurs auxquels il se comparait, dont la classification était supérieure à la sienne ainsi que cela résultait des contrats de travail et bulletins de paie de ces salariés produits aux débats par M. P... (sa pièce d'appel n° 17), ce dont elle déduisait que ce salaire moyen ne pouvait servir de référence pour calculer les rappels de salaires dus à M. P... (ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience p 18) ; qu'en accordant un rappel de salaire à M. P... sur la base de ce salaire moyen sans répondre à ce moyen déterminant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE la société France Télévisions faisait encore valoir que le salaire de 3357 euros revendiqué par M. P... correspondait à la moyenne des salaires versés aux salariés chefs monteurs exerçant des fonctions similaires aux siennes auxquels il se comparait, qui leur avait été versé en 2014 et 2015 ainsi que cela résultait des contrats de travail et bulletins de paie de ces salariés produits aux débats par M. P... (sa pièce d'appel n° 17), ce dont elle déduisait que ce salaire moyen ne pouvait servir de référence que pour accorder un rappel à M. P... sur les années 2014 et 2015, mais non pour les années antérieures (ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience p 18) ; qu'en accordant un rappel de salaire à M. P... sur la base de ce salaire moyen, pour la période comprise entre 2008 et 2015 sans répondre à ce moyen déterminant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-11096
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°18-11096


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11096
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award