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13/03/2019 | FRANCE | N°17-26860

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2019, 17-26860


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 16 mars 2007 en qualité de directeur, responsable du Principal Investment par la société M... C... T... management, filiale de la société M... C... et Co LTD ; que le 26 novembre 2007, a été signée entre les parties une convention tripartite relative à la mutation et au transfert du salarié au sein de la société-mère dans des conditions identiques à celles dont il bénéficiait dans la filiale ; qu'ayant été licencié le 15 mai 2012, il a sa

isi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premiè...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé le 16 mars 2007 en qualité de directeur, responsable du Principal Investment par la société M... C... T... management, filiale de la société M... C... et Co LTD ; que le 26 novembre 2007, a été signée entre les parties une convention tripartite relative à la mutation et au transfert du salarié au sein de la société-mère dans des conditions identiques à celles dont il bénéficiait dans la filiale ; qu'ayant été licencié le 15 mai 2012, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, examinant l'ensemble des faits énoncés dans la lettre de licenciement et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen, inopérant en sa première branche, en l'absence de lien de dépendance nécessaire entre le chef de l'arrêt ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et celui ayant fait droit à sa demande de rémunération complémentaire, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux dernières branches, ci-après annexé :

Attendu que par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté le caractère vexatoire de la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme au titre de la rémunération complémentaire prévue par un courrier du 21 mars 2007, l'arrêt retient que la société ne pouvait pas modifier de façon discrétionnaire et unilatérale la structure de la rémunération du salarié ainsi que les bases de cette rémunération, alors qu'il avait été clairement convenu entre les parties le 21 mars 2007 que l'activité complémentaire du salarié au profit de la société mère, en ce qui concerne l'origination, la structuration et l'exécution des transactions de « Corporate finance », devait donner lieu à une rémunération supplémentaire distincte venant compléter la rémunération variable stipulée dans le contrat de travail initial ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le courrier du 21 mars 2007 prévoyait que les parties conviendraient de bonne foi, compte tenu des perspectives de développement de l'activité de « Principal Investment » notamment, à la date d'arrêté de la rémunération, et au plus tard le 29 février 2008, des conditions de reconduction éventuelle de la rémunération sur la période de douze mois suivante, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société M... C... et Co LTD à payer à M. A... la somme de 319 098 euros au titre de la rémunération complémentaire, l'arrêt rendu le 3 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société M... C... et Co LTD.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société M... C... et Co Ltd à payer à M. V... A... la somme de 319 098 euros au titre de la rémunération complémentaire,

AUX MOTIFS QUE

V... A... forme une demande relative à des sommes restant dues au titre de la rémunération additionnelle qui avait été prévue par le courrier du 21 mars 2007. Il rappelle avoir transmis à sa supérieure hiérarchique, Mme D..., sa contribution à l'activité "Corporate finance" le 12 janvier 2011 par courriel en vue de son évaluation annuelle et également le 12 janvier 2012, un tableau récapitulatif étant établi le 28 mars 2012 qui faisait apparaître un montant de bonus dû de 874 691 euros alors que la seule somme cumulée de 430 000 euros lui avait été versée depuis avril 2008, ce qui induit un bonus restant dû de 444 691 euros ; il conteste que les interventions mentionnées n'auraient pas donné lieu à transactions, et que le calcul de bonus doive se faire sur base HT ; V... A... a, à titre subsidiaire, invoqué la somme restant due de 319 098 euros en tenant compte des interventions qui n'auraient pas été suivies de transactions, le calcul étant réalisé sur base HT. Le salarié fait valoir que la liste présentée par son employeur présente des dossiers qui n'ont pas abouti mais qui ont été dénoués après son départ ; il était félicité pour son implication dans son travail lors des entretiens annuels.

La société M... C... et Co Ltd oppose le fait qu'en l'absence de levées de fonds, aucune rémunération n'était due au salarié en application des dispositions du contrat du 16 mars 2007. V... A... a signé le document concernant la rémunération variable complémentaire en date du 21 mars 2007. La société M... C... et Co Ltd conteste la validité de celui produit aux débats par V... A... sur lequel la mention "Qualification de la base en fonction du rôle effectif préalablement à chaque transaction" a été barrée par G. E..., managing director ayant signé ce document de même que le contrat de travail, qui comporte là encore une rature en page 2 dans le paragraphe relatif à la durée. L'exemplaire original du courrier du 21 mars 2007 en possession de l'entreprise ne comporte pas de rature, et dans l'attestation délivrée le 3 avril 2014, G. E... déclare ne pas être certain d'avoir rayé une phrase sur l'exemplaire produit par le salarié. Le 22 avril 2008, l'employeur a confirmé l'attribution d'un bonus de 200 000 euros incluant la rémunération variable prévue sur transactions "Corporate finance" et décidé que le salarié serait éligible sur l'année à venir à un nouveau bonus de 100 000 euros à réalisation de la clôture de la première transaction en cours d'exécution, document contresigné du salarié, ce qui signifiait que le bonus initialement convenu sur les opérations de "Corporate finance" n'avait pas été reconduit sous la même forme ; ce bonus a été versé en janvier 2009. Par la suite, la société M... C... et Co Ltd déclare avoir versé des bonus uniquement discrétionnaires de 80 000 euros en 2010 et 50 000 euros en 2011, Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont formées. La société M... C... et Co ne pouvait pas modifier de façon discrétionnaire et unilatérale la structure de la rémunération du salarié ainsi que les bases de cette rémunération, alors qu'il avait été clairement convenu entre les parties le 21 mars 2007 que l'activité complémentaire du salarié au profit de la société mère en ce qui concerne l'origination, la structuration et l'exécution des transactions de "Corporate finance" devait donner lieu à une rémunération supplémentaire distincte venant compléter la rémunération variable stipulée dans le contrat de travail initial.

Cette activité complémentaire s'est poursuivie lorsque V... A... a été transféré au sein de la société M... C... et Co Ltd dès lors que l'employeur a proposé les nouvelles modalités de cette rémunération variable lors de l'entretien s'étant tenu en avril 2008 alors que le salarié avait déjà été transféré ; ce dernier devait donc obtenir une rémunération spécifique au regard des services rendus.

En ce qui concerne la prise en compte du rôle effectif du salarié dans le calcul de cette rémunération, le signataire de la lettre du 21 mars 2012 ne peut pas opposer le fait qu'il ne se souvient pas avoir biffé la mention litigieuse alors que sa signature et son paraphe ont bien été apposé sur l'exemplaire remis au salarié ; en outre, le courrier postérieur du 22 avril 2008 ne mentionne pas cette disposition mais uniquement que "un bonus supplémentaire de 100 000 euros te sera payé à l'occasion de la clôture et du règlement des honoraires de la première transaction en cours d'exécution".

Enfin sur le montant devant être attribué à V... A..., il convient de prendre en compte, ainsi qu'il a été stipulé, les transactions que V... A... a contribué à "originer", terme qui confirme l'interprétation donnée sur le point précédent, et/ou dont il aura assuré l'exécution et qui auront été réalisées avant la date de calcul de la commission ; il s'agit donc de prendre en compte les transactions menées à terme calculées au taux HT mentionné par l'employeur, ce dernier ne justifiant aucunement des échecs allégués alors que le salarié démontre la réalité de son activité à ce titre par les documents produits,

En conséquence, la société M... C... et Co Ltd sera condamnée à verser la somme de 319 098 euros au titre de la rémunération additionnelle due jusqu'à décembre 2011, et le jugement rendu sera infirmé sur ce point ; en revanche V... A... ne donne aucun élément relatif à son activité sur la période postérieure et il convient de rejeter cette demande,

1° ALORS QU'il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties contractantes dans les termes employés par elles tant au moment de la formation de l'acte que dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester ; qu'en se bornant à énoncer que la société M... C... et Co ne pouvait pas modifier de façon discrétionnaire et unilatérale la structure de la rémunération du salarié ainsi que les bases de cette rémunération dès lors qu'il avait été clairement convenu entre les parties le 21 mars 2007 que l'activité complémentaire du salarié au profit de la société mère en ce qui concerne l'origination, la structuration et l'exécution des transactions de « Corporate finance » devait donner lieu à une rémunération supplémentaire distincte venant compléter la rémunération variable stipulée dans le contrat de travail initial, quand il résultait de cette lettre du 21 mars 2007 que « les parties conviendront de bonne foi, compte tenu des perspectives de développement de l'activité de "principal Investment" notamment, à la date d'arrêté de la rémunération, et au plus tard le 29 février 2008, des conditions de reconduction éventuelle de la rémunération sur la période de 12 mois suivante », la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelle était la commune intention des parties, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

2° ALORS QUE si l'intention de nover ne se présume pas, il n'est pas nécessaire qu'elle soit exprimée en termes formels dès lors qu'elle est certaine et résulte des faits de la cause ; que la cour d'appel a considéré que la société M... C... et Co ne pouvait pas modifier de façon discrétionnaire et unilatérale la structure de la rémunération du salarié ainsi que les bases de cette rémunération, dès lors qu'il avait été clairement convenu entre les parties le 21 mars 2007 que l'activité complémentaire du salarié au profit de la société mère en ce qui concerne l'origination, la structuration et l'exécution des transactions de « Corporate finance » devait donner lieu à une rémunération supplémentaire distincte venant compléter la rémunération variable stipulée dans le contrat de travail initial ; qu'il était cependant constant que M. A..., qui n'avait perçu au cours des années postérieures à 2009 aucune régularisation des commissions au titre de l'activité de « Corporate Finance », avait par lettre contresignée par ses soins du 22 avril 2008, été informé qu'il lui serait attribué un bonus de 200 000 euros incluant la rémunération variable prévue sur les transactions « Corporate finance » de l'année passée pour une durée déterminée d'un an seulement (2007 / 2008 – arrêtée au 31 mars) et qu'il serait éligible sur l'année à venir à un nouveau bonus de 100 000 euros à la réalisation de la clôture de la première transaction en cours d'exécution ; que ce document ayant été contresigné par le salarié, et par conséquent accepté, la cour d'appel, aurait dû en déduire que le bonus initialement convenu sur les opérations de « Corporate finance » n'avait pas été reconduit sous la forme initialement prévue dans la lettre du 21 mars 2007, les parties en ayant manifestement décidé autrement, clôturant ainsi l'année passée et prévoyant ensemble l'année à venir ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'intention de nover des parties et partant a violé l'article 1273 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

3° ALORS QUE les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; que selon les termes de la lettre du 21 mars 2007 « les parties conviendront de bonne foi, compte tenu des perspectives de développement de l'activité de principal Investment notamment, à la date d'arrêté de la rémunération, et au plus tard le 29 février 2008, des conditions de reconduction éventuelle de la rémunération sur la période de 12 mois suivante » ; que le paiement d'un complément de bonus n'étant envisagé que dans la lettre du 21 mars 2007 pour une durée déterminée s'achevant le 31 mars 2008, et non dans le contrat de travail initial, le salarié n'avait aucun droit à l'attribution, chaque année, en plus d'une rémunération variable, de sa rémunération fixe, au paiement d'un bonus sur les transactions « Coporate finance » ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et L. 1221-1 du code du travail,

4° ALORS QU'en toute hypothèse la modification de la rémunération du salarié qui emporte modification du contrat de travail suppose l'accord du salarié ; qu'en retenant que l'employeur avait modifié unilatéralement et discrétionnairement la structure de la rémunération ainsi que les bases de celles-ci, quand il résultait de la lettre du 22 avril 2008, que les parties étaient convenues de l'attribution d'un bonus de 200 000 euros incluant la rémunération variable prévue sur les transactions « Corporate finance » et décidé que le salarié serait éligible sur l'année à venir à un nouveau bonus de 100 000 euros à réalisation de la clôture de la première transaction en cours d'exécution, et surtout que ce document avait été contresigné par le salarié, ce qui impliquait qu'il avait donné son accord exprès à ce que le bonus initialement convenu sur les opérations de « Corporate finance » ne soit pas reconduit sous la même forme que celle prévue par la lettre du 21 mars 2007, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail,

5° ALORS QUE les conditions de perception et de calcul des différentes primes ou bonus sont fixées par les accords ou les engagements qui les instituent ; que la lettre du 21 mars 2007 prévoyait que seules les transactions réalisées pouvaient donner lieu à paiement du bonus ; que la société M... C... et Co faisait valoir qu'au sens du courrier du 21 mars 2007 les dossiers n'ayant pas abouti ne pouvaient pas générer de « success fees » et donnaient seulement lieu à facturation en début de dossier pour couvrir les frais ; qu'elle expliquait que pour 14 dossiers la transaction n'avait pas été réalisée ; qu'en condamnant pourtant la société M... C... et Co à verser à M. A... la somme de 319 098 euros au titre de la rémunération additionnelle due jusqu'à décembre 2011 sans même vérifier comme elle y était invitée si les dossiers I... Alliance, F..., Xdc, Afp, Cylande, J... et Prom, Sinequa, Valtech, Plysorol, Sinequa (2012), Y... (2012), Plysorol (2012), 1855 (2012) et Business (2012) avaient abouti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. V... A... par la société M... C... et Co Ltd était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir, par conséquent, condamné la société M... C... et Co Ltd à lui payer les sommes de 11 290 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre 1 129 euros de congés payés afférents, 38 889 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 888,90 euros pour congés payés afférents, 32 407 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et 117 000 € titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QU'

Il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige,

La qualification des fautes retenues par l'employeur est double, ce dernier invoquant une faute disciplinaire mais également une insuffisance professionnelle,

La faute grave est entendue comme la faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié,

La société M... C... et Co Ltd, au vu de la solution retenue en ce qui concerne le complément de rémunération variable, ne démontre pas le caractère mensonger des allégations du salarié qui a dès lors à bon droit formé une réclamation légitime auprès de son employeur, le 21 mars 2012, dans des termes fermes qui sont restés courtois, réitérés le 12 avril 2012. La faute n'est donc pas démontrée,

L'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. Pour que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il faut que les juges du fond recherchent si le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résultait soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié. Dès lors qu'une telle insuffisance professionnelle est établie, il n'est pas nécessaire de relever une faute à l'encontre du salarié pour procéder à son licenciement. Il faut alors que les éléments caractérisant l'insuffisance des résultats soient objectivement vérifiables.

Pour démontrer l'insuffisance des résultats obtenus par le salarié, la société M... C... et Co Ltd invoque la diminution des montants versés au titre des bonus (200 000 euros en 2008 mais 50 000 euros en 2011) ; elle lui reproche de n'avoir pas mené à bien l'activité de "Principal Investment" alors qu'il avait été recruté pour cela, et conteste devoir la rémunération supplémentaire résultant du courrier du 21 mars 2007 qui aurait donné lieu à un chantage exercé par le salarié ; dans ces conditions il n'a pas été donné suite à une proposition de partnership et le montant des bonus s'est dégradé,

Or, la société M... C... et Co Ltd a dans des termes clairs et précis sollicité l'intervention de V... A... dans le domaine de "Corporate finance", même si son contrat de travail initial lui prescrivait de participer au lancement des activités d'investissement direct ; il a été démontré que, dans le cadre de cette nouvelle activité vers laquelle il avait été réorienté, V... A... a obtenu des résultats qui sont relevés dans les compte rendus d'entretien d'évaluation produits par lui puisque l'employeur n'a pas transmis les documents définitifs, la performance globale étant à chaque fois positive ; le salarié produit des courriels manifestant la satisfaction de membres de la direction en particulier de la part du dirigeant, O. C..., le 27 mai 2011 ainsi que les attestations de A. W..., J. N... et de P. G..., des clients faisant valoir son implication, confirmée par un ancien collègue, P. H... , et démontrée par les dossiers de communication de l'entreprise, Par suite le licenciement de V... A... est sans cause réelle et sérieuse ; le jugement rendu sera infirmé,

Sur les conditions abusives et vexatoires du licenciement invoquées par V... A..., ce dernier indique que son licenciement résulte de sa demande de règlement de complément de salaire, qu'il a été contraint de rendre son ordinateur portable pendant sa mise à pied et n'a plus été en mesure d'avoir accès à sa messagerie professionnelle, ce qui révèle le caractère vexatoire et brutal de la rupture de son contrat de travail. En outre les termes employés dans la lettre de licenciement à son encontre sont manifestement vexatoires,

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de V... A..., de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société M... C... et Co Ltd sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme globale et forfaitaire de 117 000 euros outre les indemnités de rupture et le rappel de mise à pied ainsi qu'il est précisé au dispositif,

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L. 1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois,

1° ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué ayant dit que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse et ayant condamné l'employeur au paiement de diverses indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied,

2° ALORS QU'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que l'employeur reprochait au salarié une insuffisance de résultat procédant d'une insuffisance professionnelle dans le cadre de son activité de « Principal Investment » soit dans son activité de lancement des activités d'investissement direct ; qu'en n'examinant pas ce grief pourtant clairement exposé par l'employeur dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail,

3° ALORS QUE le caractère brutal et vexatoire d'un licenciement ne peut être retenu qu'à la condition de caractériser un comportement fautif de l'employeur, distinct de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'en énonçant que le licenciement de M. A... s'était produit dans des conditions brutales et vexatoires au motif qu'il avait été contraint de rendre son ordinateur portable pendant sa mise à pied et n'avait plus été en mesure d'avoir accès à sa messagerie professionnelle, sans même caractériser un comportement fautif de l'employeur ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,

4° ALORS QUE le caractère brutal et vexatoire d'un licenciement ne peut être retenu qu'à la condition de caractériser un comportement fautif de l'employeur, distinct de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'en énonçant que les termes de la lettre de licenciement étaient manifestement vexatoires sans même relever en quoi les termes employés par l'employeur caractérisaient un comportement fautif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26860
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2019, pourvoi n°17-26860


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26860
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