La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2019 | FRANCE | N°17-15449

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mars 2019, 17-15449


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 12 mars 2010, M. U..., gérant de la société JLHF conseils (la société JLHF) a conclu avec M. T..., dirigeant de la société Antennes toutes fréquences (la société ATF), une promesse synallagmatique de vente portant sur l'ensemble des actions composant le capital social de cette société, moyennant le paiement de la somme de 1 740 000 euros ; que lors de la réitération de la promesse, la société JLHF s'est substituée à son gérant ; qu'afin de payer le prix de

cession, ce dernier a négocié deux emprunts de 550 000 et 400 000 euros aup...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 12 mars 2010, M. U..., gérant de la société JLHF conseils (la société JLHF) a conclu avec M. T..., dirigeant de la société Antennes toutes fréquences (la société ATF), une promesse synallagmatique de vente portant sur l'ensemble des actions composant le capital social de cette société, moyennant le paiement de la somme de 1 740 000 euros ; que lors de la réitération de la promesse, la société JLHF s'est substituée à son gérant ; qu'afin de payer le prix de cession, ce dernier a négocié deux emprunts de 550 000 et 400 000 euros auprès d'établissements de crédit ; que pour compléter le financement de l'acquisition, M. U... a sollicité son oncle, M. A..., qui, le 26 octobre 2010, a consenti à la société JLHF un prêt de 650 000 euros ; que le contrat de prêt prévoyait, au profit de M. A..., une option d'achat d'actions ; que les établissements bancaires ayant débloqué les fonds sur présentation de quatre chèques de banque établis par M. A..., la cession des actions de la société ATF a été formalisée le 3 novembre 2010 ; que la société JLHF a restitué à M. A... trois de ses quatre chèques pour un montant de 550 000 euros, puis lui a remboursé, le 6 août 2011, la somme supplémentaire de 100 000 euros ; que n'ayant pas obtenu de la société JLHF la mise en oeuvre de l'option d'achat qui lui avait été consentie sur 25 % du capital de la société ATF, détenu par la société JLHF, M. A... l'a assignée en justice ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour annuler l'option d'achat consentie, lors du contrat de prêt du 26 octobre 2010, à M. A... par la société JLHF, l'arrêt, après avoir énoncé que, selon l'article 1174 du code civil, toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige, retient qu'il résulte de l'article 8 du contrat de prêt que les modalités de paiement du prix ont été laissées à la seule discrétion de M. A... et dépendent de la volonté unilatérale de ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs écritures, les sociétés ATF et JLHF demandaient l'annulation du contrat de prêt sur le fondement du défaut de cause du contrat, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour annuler l'option d'achat, l'arrêt retient que les parties n'ont jamais convenu de contrepartie, au moment de la transaction et qu'en conséquence, la cause de l'obligation de la société JLHF est inexistante ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'article 8 du contrat de prêt du 26 octobre 2010 stipulait que « M. U... a besoin de la somme de 650 000 euros pour finaliser l'achat de 100 % des parts de la société ATF » et « qu'en considération de ce service rendu par M. A... à l'emprunteur, celui-ci consent une option d'achat des titres de la société JLHF » et relevait que M. A... avait remis, le jour même, quatre chèques de banque d'un montant global de 650 000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société JLHF conseils et la société Antennes toutes fréquences aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. A... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR prononcé la nullité de l'option d'achat de parts sociales de la SARL JLHF Conseils consentie à Monsieur A... par l'article 8 du contrat de prêt à intérêt en date du 26 octobre 2010 ;

AUX MOTIFS QUE le 26 octobre 2010, la société JLHF Conseils et Monsieur A... ont signé un document intitulé « contrat de prêt à intérêt' dont l'article 8 stipule :
« Monsieur U... a besoin de la somme de 650.000 euros pour finaliser l'achat de 100 % des parts de la société ATF.
C'est ainsi qu'il a sollicité M... A... son oncle, pour lui prêter cette somme indispensable à la bonne fin de cette transaction.
(...) En considération du service rendu par Monsieur A... au préteur (à l'emprunteur), celui-ci consent une option d'achat des titres de la société JLHF. Celle-ci s'effectuera de la manière suivante :
1) Si la société JLHF signe l'acquisition des titres de la société ATF, il sera automatiquement consenti à Monsieur A... une option d'achat portant sur 10 % du capital. Le prix de cession des parts sera de 43.000 euros. Cette vente sera consentie à crédit pour la totalité de son montant. Les modalités de paiement seront à la discrétion de l'acquéreur, sachant que les dividendes reçus par l'acquéreur devront être en totalité consacrés au paiement de cette dette qui ne portera pas d'intérêts.
2) Si la société JLHM ne procède pas au remboursement du crédit de 650.000 euros dans un délai de 10 jours à compter de la signature, il sera consenti au profit de Monsieur A... une option d'achat complémentaire portant sur 15 % du capital portant sur un montant de 63.500 euros. Les modalités de paiement seront identiques au paragraphe I. » ;
qu'il est constant que Monsieur A... a, le 26 octobre 2010, remis à Monsieur U... quatre chèques de banque (200.000 euros à l'ordre de J. T... - chèque de banque nº 820 daté du 26 octobre 2010, 100.000 euros à l'ordre de J. T... chèque de banque nº [...] daté du 26 octobre 2010, 260.000 euros à l'ordre de J. T... - chèque de banque nº [...] daté du 26 octobre 2010, 90.000 euros à l'ordre de JLHF Conseils - chèque de banque nº [...] daté du 26 octobre 2010) ; que seul le chèque de 100.000 euros a été encaissé ; que la cession du capital de la société ATF au profit de la société JLHF Conseils est intervenue le 3 novembre 2010 ; que la société JLHF Conseils a remboursé à Monsieur A... la somme de 100.000 euros le 6 août 2011 ;
Sur la nullité de la promesse de vente consentie par JLHF Conseils :
les appelantes invoquent la nullité de la promesse de vente des titres de JLHF contenue dans la convention du 26 octobre 2010, pour défaut de cause en raison de l'absence d'engagement de Monsieur A... de payer le prix de cession des actions ; que l'article 8 du contrat de prêt stipule que : « les modalités de paiement seront à la discrétion de l'acquéreur, sachant que les dividendes reçus par l'acquéreur devront être en totalité consacrés au paiement de cette dette qui ne portera pas d'intérêts » ; que l'article 1174 du code civil dispose que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; que, dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée de l'autre contractant ; qu'il résulte de l'article 8 précité que les modalités de paiement du prix de cession ont été laissées à la seule discrétion de Monsieur A... et dépendent de la seule volonté unilatérale de ce dernier ; que Monsieur A... ne s'est pas personnellement engagé, lors de la formation du contrat, à verser à JLHF le prix des actions, indiquant seulement qu'il entend voir opérer une compensation avec le montant des dividendes qui lui seraient servis par ATF ; qu'il ressort de ces éléments que Monsieur A... a laissé le règlement du prix à sa seule volonté ; que les parties ne sont donc jamais convenues, au moment de la transaction, de l'objet de la contrepartie de la cession des parts sociales ; que, par suite, la cause de l'obligation de JLHF est inexistante ; que l'option d'achat encourt, dans ces conditions, la nullité ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce sens ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, les sociétés ATF et JLHF avaient invoqué la nullité de la promesse de vente des titres pour défaut de cause et non pas l'existence d'une condition potestative du contrat de prêt ; qu'en conséquence, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la nullité de la promesse en raison du caractère potestatif de l'engagement de Monsieur A... sans provoquer les explications préalables des parties sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU' il résultait des propres constatations de l'arrêt que seules « les modalités de paiement» du prix de cession étaient laissées à la discrétion de Monsieur A..., à l'exclusion du principe même de l'engagement de payer le prix ; que l'obligation du cessionnaire de payer le prix, quelles qu'en fussent « les modalités », n'était donc pas contractée sous une condition potestative ; qu'en décidant le contraire pour prononcer la nullité de l'option d'achat de parts sociales litigieuse, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 1304-2 du code civil (article 1174 ancien) ;

4°) ALORS QU'ENFIN la cause de l'option d'achat résidait dans la mise à disposition des fonds (650.000 €) par Monsieur A... ; que cette obligation a été entièrement exécutée par celui-ci qui, dès le 26 octobre 2010, mis une somme de 650.000 € à disposition sous forme de quatre chèques bancaires, permettant ainsi le déblocage du financement bancaire ; que l'option d'achat n'était donc que la contrepartie de ce service ; qu'en retenant dès lors, pour prononcer la nullité de l'option d'achat, que la cause de l'obligation de JLHF était inexistante motif pris de ce que la contrepartie de la cession des parts sociales n'avait pas été contractuellement prévue, quand la contrepartie de l'option, qui consistait dans le prêt, avait été exécutée, la cour d'appel a violé l'article 1103 (1134 ancien) du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur A... de sa demande - subsidiaire – tendant, dans l'hypothèse où la cour d'appel prononcerait la nullité de l'option d'achat de parts sociales en sa faveur, à voir condamner la société JLHF Conseils au paiement de la somme de 2.568.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le gain manqué et la perte de chance ;

SANS MOTIF

ALORS QUE Monsieur A... avait, dans l'hypothèse où la nullité de l'option d'achat serait prononcée, demandé la condamnation de la société JLHF Conseils à lui payer la somme de 2.568.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le gain manqué et la perte de chance ; qu'en déboutant Monsieur A... de cette demande sans nullement motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-15449
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 mar. 2019, pourvoi n°17-15449


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.15449
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award