LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Mme I... N...,
contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar, en date du 1er juin 2018, qui a déclaré non-admis son appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg l'ayant condamnée pour extorsion à six mois d'emprisonnement avec sursis, ayant ordonné une mesure de confiscation et ayant prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 498, 554, 555, 559 et 563, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du droit à un recours effectif, des droits de la défense, du droit à un procès équitable ; manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré l'appel de Mme I... N... non-admis comme tardif ;
"aux motifs que l'appel de Mme N... a été formé plus de dix jours après l'expiration du délai prévu à l'article 498 du code de procédure pénale ;
"alors que le mode exceptionnel de signification d'un jugement à parquet ne peut être admis qu'autant qu'il est établi qu'ont été faites, pour découvrir le destinataire, toutes les recherches que commandent la vigilance et la bonne foi ; que les diligences utiles effectuées par l'huissier pour parvenir à signifier le jugement à la personne même du destinataire doivent être mentionnées sur l'original de l'exploit ; qu'en l'espèce, après avoir tenté de signifier à Mme N... le jugement de condamnation du 5 juillet 2013, à l'adresse même du terrain confisqué par ce jugement, l'huissier s'est borné à indiquer « où étant, j'ai constaté qu'elle y est introuvable et inconnue » pour ensuite procéder immédiatement à une remise au parquet, sans effectuer d'autres recherches ; que dès lors il ne résulte pas des pièces de la procédure que les formalités prévues à l'article 555 du code de procédure pénale aient été effectuées et il s'ensuit que la signification à parquet est dépourvue de tout effet légal ; qu'en jugeant au contraire que celle-ci faisait courir le délai d'appel de dix jours le président de la chambre des appels correctionnels a violé les textes susvisés et les droits de la défense" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 498, 554, 555, 559 et 563, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du droit à un recours effectif, des droits de la défense, du droit à un procès équitable ; manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré l'appel de Mme N... non-admis comme tardif ;
"aux motifs que l'appel de Mme N... a été formé plus de dix jours après l'expiration du délai prévu à l'article 498 du code de procédure pénale ;
"1°) alors que la combinaison des articles 498 et 559 du code de procédure pénale est contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux principes constitutionnels des droits de la défense, du droit à un recours effectif et des exigences d'une procédure juste et équitable en ce que, selon leur interprétation, ils prévoient que la signification d'un jugement de condamnation faite à parquet fait courir un délai d'appel de dix jours, laissant ainsi au parquet et à lui seul le soin de signifier et de recevoir la signification faisant courir le délai d'appel dont il pourra ensuite demander la non-admission, sans que la partie ne puisse en avoir autrement connaissance dans le bref délai de dix jours qui lui est imparti pour faire appel, la privant ainsi de son droit à un recours effectif et à l'égalité des armes ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et séparé privera l'ordonnance attaquée de tout fondement juridique ;
"2°) alors que le droit à un procès équitable et les droits de la défense imposent que la personne condamnée soit mise en mesure d'exercer de façon effective son droit de recours ; que tel n'est pas le cas lorsque le délai de recours court à compter de la signification d'un jugement de condamnation à parquet après une tentative de signification infructueuse effectuée à l'adresse du bien confisqué par ledit jugement ; que dans ce cas, seul le moment où la personne condamnée a connaissance de la signification faite à parquet peut commencer à faire courir le délai d'appel ; qu'en considérant au contraire que l'acte émanant du parquet signifié à lui-même était de nature à faire courir le délai d'appel dont le même parquet a demandé la non-admission, quand il résultait des éléments de la cause que Mme N... n'avait pas pu avoir connaissance de la signification du jugement, la présidente de la chambre des appels correctionnels a méconnu les textes et principes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme N... à l'occasion du présent pourvoi ;
D'où il suit que le grief est devenu sans objet ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il résulte de l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels, du jugement et des pièces de procédure, que Mme N... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Strasbourg par ordonnance du juge d'instruction du chef d'extorsion, à l'issue d'une information au cours de laquelle elle avait déclaré résider à une adresse qui s'est révélée être celle d'un terrain non constructible dont elle était propriétaire ;
Que les premiers juges, par jugement du 5 juillet 2013, contradictoire à signifier en application des dispositions de l'article 179-1 du code de procédure pénale, ayant déclaré les faits établis, ont condamné l'intéressée à une peine d'emprisonnement avec sursis et ordonné la confiscation dudit terrain ;
Attendu que le procureur de la République a vainement tenté de faire signifier le jugement à l'adresse déclarée, l'huissier précisant dans l'acte du 19 février 2014 que Mme N... était "introuvable et inconnue" à ladite adresse ; qu'il a de nouveau fait signifier le jugement, à parquet, le 12 mars 2014 ; que Mme N... a interjeté appel du jugement le 25 janvier 2018 ;
Attendu que pour critiquer l'ordonnance attaquée, qui a déclaré l'appel tardif, la requérante expose que, d'une part, la signification à parquet ne saurait être regardée comme régulière, faute pour l'huissier d'avoir procédé aux diligences qui lui incombaient en application de l'article 555 du code de procédure pénale, d'autre part, le délai d'appel ne pouvait courir alors que le jugement avait été signifié à l'adresse du bien confisqué par ladite décision ;
Attendu que c'est sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées que l'ordonnance attaquée a déclaré l'appel tardif, la signification à parquet étant régulière, dès lors qu'il appartenait à la prévenue, au cours de l'information, de déclarer son adresse personnelle ou celle d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés, toute signification à l'adresse déclarée étant réputée faite à personne, ainsi qu'il se déduit de l'article 116 du code de procédure pénale, et qu'ayant méconnu les dispositions de ce texte en déclarant l'adresse d'un terrain non constructible, elle ne saurait se faire un grief de ce que l'huissier se soit borné à constater qu'elle y était introuvable et inconnue ;
Qu'il est indifférent que le terrain sis à cette adresse ait été confisqué par le jugement dont appel ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Que l'appel étant irrecevable, le pourvoi l'est également ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
DÉCLARE le pourvoi irrecevable ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.