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07/03/2019 | FRANCE | N°18-10776

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 mars 2019, 18-10776


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 53, I, et 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers textes que le capital ou la rente versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'

incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionn...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles 53, I, et 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers textes que le capital ou la rente versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, s'il existe ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. W... a développé un cancer broncho-pulmonaire, dû à une exposition à l'amiante, qui a été diagnostiqué le 6 juin 2014 ; que le caractère professionnel de cette pathologie a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'opale (la caisse) qui lui a attribué une rente à compter du 15 novembre 2016 sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 75 % ; que M. W... a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices ; qu'en désaccord avec les deux offres d'indemnisation présentées par le FIVA, il a saisi la cour d'appel d'un recours ;

Attendu que pour fixer à la somme de 53 554,58 euros l'indemnisation du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle de M. W... entre le 7 juin 2014 et le 31 mars 2017 et à celle de 7 606 euros l'indemnisation de ce même préjudice entre les 1er avril et 24 août 2017, l'arrêt, énonce que les sommes versées à l'assuré social au cours de la période du 7 juin 2014 au 24 août 2017 par la caisse ayant déjà été imputées sur l'incidence professionnelle, il n'y a pas lieu à déduction à ce titre, la somme retenue au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel devant revenir intégralement au demandeur ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir retenu que l'incidence professionnelle de M. W... devait être indemnisée à hauteur de 80 000 euros et que les prestations versées par son organisme social à hauteur de 123 167,01 euros devaient se déduire de cette somme, de sorte que la fraction supérieure à 80 000 euros indemnisait nécessairement le poste de déficit fonctionnel et devait donc en être déduite, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 53 554,58 euros l'indemnisation du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle de M. W... entre le 7 juin 2014 et le 31 mars 2017 et à celle de 7 606 euros l'indemnisation de ce même préjudice entre les 1er avril et 24 août 2017, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. W... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR fixé à la somme de 53 554,58 euros l'indemnisation du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle de M. W... entre le 7 juin 2014 et le 31 mars 2017 et à celle de 7 606 euros l'indemnisation de ce même préjudice entre les 1er avril et 24 août 2017 ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'incidence professionnelle, il ressort des pièces du dossier que M. W..., porteur d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 6 juin 2014, opéré le 6 août suivant (lobectomie) et traité ensuite par chimiothérapie, a été placé en arrêt de travail le 10 juin 2014, le médecin du travail qui a procédé à la visite médicale de reprise professionnelle ayant, le 14 novembre 2016, déclaré le malade inapte en ce sens que les capacités restantes du salarié sont difficilement évaluables au jour de l'examen, que M. W... pourrait éventuellement travailler sur un poste totalement sédentaire de type administratif mais pas plus d'une heure par jour, qu'il pourrait réaliser du télétravail à domicile, étant précisé qu'il ne peut plus faire d'effort, qu'il ne peut pas monter des escaliers de façon répétitive et qu'il ne peut pas travailler en milieu poussiéreux ; que, de fait, il est justifié de ce que M. W..., alors salarié de la SAS DAC concessionnaire Renault à 62 231 Coquelles, a été licencié de son poste de mécanicien automobile spécialisé qu'il occupait depuis mai 1992 par lettre du 2 février 2017, la lecture de ce document enseignant que si la société employeur pouvait proposer quatre emplois administratifs à M. W... dont un seul dans le Nord à Sequedin (les autres étant fixés dans le Poitou ou en Bretagne), il apparaissait que la réduction de la capacité quotidienne de travail à une seule heure selon la médecine du travail rendait inenvisageable toute affectation de l'intéressé à l'un ou l'autre de ces emplois ; qu'il ne peut au surplus être perdu de vue qu'au jour de son licenciement, M. W... était âgé de 61 ans pour être né le [...] , toute réinsertion professionnelle de l'intéressé avec les restrictions médicales précédemment examinées rendant dans le contexte actuel du marché de l'emploi plus qu'aléatoire, pour ne pas dire illusoire, toute perspective de le revoir travailler ; que, dans ce contexte, l'incidence professionnelle alléguée par M. W... est notoire, étant ici rappelé qu'il faut entendre par cette expression non pas la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du préjudice à la sphère professionnelle comme celui subi par le malade en raison de sa « dévalorisation » sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé ou encore du préjudice subi du fait de la nécessité de devoir abandonner la profession exercée avec l'apparition de la maladie au profit d'une autre choisie en raison du handicap ; qu'il importe au surplus de ranger dans ce poste de préjudice les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste ainsi que la perte de retraite imputable à la maladie ; qu'en l'espèce, si M. W... maintient qu'il envisageait de travailler jusqu'à 67 ans pour bénéficier d'une retraite complète, aucune donnée n'est toutefois transmise par le demandeur permettant de retracer son parcours professionnel avant son embauche en mai 1992 par la SAS DAC concessionnaire Renault à Coquelles de sorte que la cour ignore si l'intéressé était contraint de maintenir son activité jusqu'en 2023 pour bénéficier d'une retraite au taux plein ; qu'en outre, il ne peut être négligé que M. W... présentait, avant même l'établissement du diagnostic de cancer broncho-pulmonaire, diverses affections non négligeables comme une BPCO liée à un tabagisme important pendant 46 ans, une pathologie cardio-vasculaire sévère ainsi qu'un diabète de type 2, soit autant de maladies ne présentant aucun lien avec l'exposition à l'amiante mais affaiblissant sensiblement son état de santé de sorte qu'il n'est pas acquis avec certitude qu'indépendamment de sa pathologie liée à l'exposition à l'amiante, M. W... aurait pu travailler jusqu'à ses 67 ans ; qu'en définitive, l'incidence professionnelle certes démontrée par M. W... ne peut cependant justifier une indemnité réclamée d'un peu plus de 154 000 euros, l'indemnité due au demandeur à ce titre ne pouvant excéder 80 000 euros ; que, dans la mesure où M. W... ne discute pas le principe de la déduction de cette sommes des prestations perçues de son organisme social, ce qu'il chiffre lui-même à un montant total de 123 167,01 euros, aucune créance ne saurait lui revenir au titre de l'incidence professionnelle, l'intéressé étant débouté de son recours à ce titre ; que, sur le préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle, en premier lieu que les parties sont d'accord sur le taux d'incapacité de 100% reconnu au demandeur à compter du 6 juin 2014, les calculs développés par chacune s'arrêtant au 23 août 2017, le taux d'incapacité revenant à 70% à compter du 24 août 2017 sauf élément nouveau de la part de M. W... établissant une aggravation de son état ou une rechute ; que le demandeur ne conteste pas davantage le montant de la rente FIVA, soit 19 015 euros par an à compter du 1er avril 2017 ; que c'est ainsi à raison que M. W... calcule dans un premier temps l'indemnisation de son préjudice fonctionnel échu à compter du 7 juin 2014 pour l'arrêter au 31 mars 2017, soit les développements suivants : (19 015 euros x 208 jours/365) + (19 015 euros x 2 ans) + (19 016 euros x 90 jours/365) = 53 554,58 euros ; que les sommes versées à l'assuré social au cours de cette période par la CPAM de la Côte d'Opale ayant déjà été imputées sur l'incidence professionnelle comme précédemment mentionné, il n'y a pas lieu à déduction à ce titre et la somme indiquée ci-dessus doit revenir intégralement au demandeur ; qu'à compter du 1er avril 2017 et jusqu'au 24 août 2017, le calcul est le suivant : (19 015 euros x 146 jours/365) = 7 606 euros, les sommes perçues par le demandeur de la sécurité sociale au cours de cette période ayant déjà été imputées sur l'incidence professionnelle » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE l'article 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 impose au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85 677 du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l'application de l'article 31, alinéas 1er et 3, de cette loi ; que, selon les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le capital ou la rente versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, ce capital ou cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que, pour condamner le Fonds à payer à M. W... la somme de 53 554,58 euros pour les arrérages échus entre le 7 juin 2014 et le 31 mars 2017 et celle de 7 606 euros pour ceux échus entre les 1er avril et 24 août 2017, la cour d'appel a énoncé que les sommes versées à l'assuré social au cours de ces périodes par la CPAM de la Côte d'Opale ayant déjà été imputées sur l'incidence professionnelle, pour les mêmes périodes, il n'y a pas lieu à déduction à ce titre ; qu'en statuant ainsi, après avoir retenu que l'incidence professionnelle doit être indemnisée à hauteur de 80 000 euros et que les prestations perçues par M. W... de son organisme social s'élèvent à un montant total de 123 167,01 euros, ce dont se déduisait que, pour la fraction supérieure à 80 000 euros, le capital versé par l'organisme de sécurité sociale indemnisait nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les articles 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale.

2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QU'il appartient à la cour d'appel saisie d'un recours juridictionnel, pour évaluer l'indemnisation due par le Fonds au titre du poste de préjudice de déficit fonctionnel permanent du demandeur, de comparer les arrérages échus de la rente servie par le Fonds jusqu'à la date de sa décision et ceux versés par l'organisme de sécurité sociale pendant la même période, puis, pour les arrérages à échoir à compter de sa décision, de calculer et comparer les capitaux représentatifs des deux rentes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour évaluer le préjudice fonctionnel subi par M. W..., sans procéder, à la date de sa décision, au calcul et la comparaison des capitaux des rentes respectivement servies par le Fonds et la caisse, pour imputer globalement sur les arrérages échus dus par le Fonds et le capital représentatif de la rente servie par le Fonds au demandeur, les arrérages versés par l'organisme de sécurité sociale, pendant la même période, et le capital représentatif de la rente servie par ce dernier à la victime, la cour d'appel a violé les articles 53 I et 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10776
Date de la décision : 07/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 23 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 mar. 2019, pourvoi n°18-10776


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10776
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