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06/03/2019 | FRANCE | N°17-25924

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-25924


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée par la société Adrian Industries, aux droits de laquelle vient la société Elixens SAS, le 15 septembre 1988, en qualité de technicienne chimiste, Mme L... exerçait des mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise ; que le 18 mars 2005, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que suivant autorisation de l'inspecteur du travail en date du 19 juin 2006, la salariée a été licenciée pour motif économique le 2

2 juin suivant ; que par un arrêt du 11 février 2014, la cour administrat...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée par la société Adrian Industries, aux droits de laquelle vient la société Elixens SAS, le 15 septembre 1988, en qualité de technicienne chimiste, Mme L... exerçait des mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise ; que le 18 mars 2005, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que suivant autorisation de l'inspecteur du travail en date du 19 juin 2006, la salariée a été licenciée pour motif économique le 22 juin suivant ; que par un arrêt du 11 février 2014, la cour administrative d'appel a annulé l'autorisation de licenciement ainsi que la décision du ministre du travail l'ayant confirmée ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 25 février 2015 par le Conseil d'Etat ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée, sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que l'octroi d'une indemnité suppose l'existence d'un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu'en se bornant à affirmer que compte tenu des circonstances de l'espèce, il convenait d'allouer à la salariée la somme de 3 000 euros pour préjudice moral, sans à aucun moment préciser lesdites circonstances ni caractériser quel aurait été le préjudice moral subi par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Mais attendu que l'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail doit correspondre à la totalité du préjudice, tant matériel que moral, subi par le salarié ; que les juges du fond ont souverainement justifié l'existence du préjudice moral par l'évaluation qu'ils en ont faite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société à payer à la salariée en réparation de son préjudice matériel, sur le fondement du texte susvisé, une indemnité calculée en fonction de revenus bruts, l'arrêt retient que s'agissant d'un complément de salaire et dès lors qu'elle s'accompagne du versement des cotisations afférentes, l'indemnité doit être entendue comme étant une indemnité brute, qu'il sera donc pris en considération l'ensemble des revenus bruts que la salariée aurait dû percevoir pendant la période d'indemnisation, en l'espèce du 22 juin 2006 au 11 juillet 2010, desquels seront déduits les revenus de substitution calculés en brut ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce mode de calcul en brut ne conduisait pas à octroyer à la salariée une indemnité plus importante que le préjudice qu'elle avait réellement subi, dès lors que les salaires et revenus de remplacement ne sont pas soumis aux mêmes taux de cotisations de sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Elixens à payer à Mme L..., sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, la somme de 34 006,01 euros brute en réparation du préjudice matériel et celle de 3 400 euros brute au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 12 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Elixens France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR statuant sur les demandes ayant fait l'objet d'un sursis à statuer par arrêt du 14 janvier 2010, condamné la société Elixens à payer à la salariée sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail les sommes de 34 006,01 euros bruts en réparation du préjudice matériel et de 3 400 euros bruts au titre des congés payés afférents, outre une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société Elixens aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'annulation définitive de la décision d'autorisation de licenciement

Sur le fondement de l'article L2422-4 du code du travail, Mme L... demande la somme de 48 517,53 euro bruts en tenant compte d'une part de l'arrêt de la cour d'appel du 14 janvier 2010 qui a jugé qu'elle devait bénéficier de l'indice 480 à compter du 1er janvier 2006 et d'autre part des salaires minima conventionnels réévalués chaque année. Elle précise que cette indemnité a la nature d'un complément de salaire dont le montant doit être calculé en brut puisque son paiement s'accompagne du versement des cotisations sociales. Enfin, elle soutient que l'employeur a toujours appliqué le minimum conventionnel prévu par la convention collective peu important le volume horaire de travail réalisé par les salariés non soumis à la convention de forfait de sorte que même si la convention collective a fixé le salaire minimum conventionnel sur la base de 38 heures il n'y a pas lieu de proratiser sa demande d'indemnité sur la base des 35 heures qu'elle effectuait par semaine.

La société Elixens conteste le montant de l'indemnité sollicitée par Mme L... aux motifs d'une part que le salaire minimum conventionnel correspond à une durée de travail de 38 heures de sorte qu'il conviendrait de convertir les salaires conventionnels 'base 38 heures' pour une durée hebdomadaire de travail 'base 35 heures' dès lors qu'il n'existe aucun usage au sein de la société qui permettrait à un salarié de percevoir un salaire sur la base de 38 heures pour un temps de travail effectif de 35 heures et ce même si Mme L... a pu bénéficier, par erreur de la société et pour un temps, d'une rémunération correspondant au minimum conventionnel. D'autre part, sauf à octroyer un enrichissement sans cause, Mme L... aurait dû présenter sa demande d'indemnisation sur la base des rémunérations qui auraient dû lui être versées en net. Enfin, la société Elixens fait valoir que Mme L... omet de tenir compte des salaires versés aux mois de juillet, août et septembre 2006 et des indemnités journalières versées du 1er juillet au 14 octobre 2006.

L'article L2422-4 du travail dispose que 'lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire'.

L'indemnité répare tant le préjudice matériel que le préjudice moral. Concernant le préjudice matériel, s'agissant d'un complément de salaire et dès lors qu'elle s'accompagne du versement des cotisations afférentes, elle doit être entendue comme étant une indemnité brute.

Il sera donc pris en considération l'ensemble des revenus bruts que Mme L... aurait dû percevoir pendant la période d'indemnisation, en l'espèce du 22 juin 2006 au 11 juillet 2010, desquels seront déduits les revenus de substitution calculés en brut.

Compte tenu de la décision de la cour d'appel du 14 janvier 2010 qui a jugé que Mme L... devait bénéficier de l'indice 480 à compter du 1er janvier 2006 et des salaires minima conventionnels réévalués chaque année sur la base d'une durée hebdomadaire de 38 heures, le salaire à retenir pour le calcul de l'indemnisation doit être proratisé au taux horaire de 35 heures qui constituait le temps de travail effectif de la salariée dès lors que cette dernière ne démontre pas l'existence d'un usage au sein de la société qui permettait aux salariés travaillant 35 heures par semaine d'être payés à hauteur de 38 heures.

La société Elixens demande de prendre en compte d'une part les salaires versés aux mois de juillet, août et septembre 2006 et d'autre part les indemnités journalières versées entre le 1er juillet et le 14 octobre 2006 alors que les bulletins de salaire indiquent un 'net à payer' de 0 euro et qu'aucune attestation de versement d'indemnités journalières n'est produite pour la période alléguée.

Il sera donc accordé au titre du préjudice économique la somme de 34 006,01 euro et ce en vertu du calcul présenté en pièce 22-2 (produite par Mme L...) et qui répond à l'ensemble des conditions exposées ci-dessus, outre la somme de 3 400 euro au titre des congés payés afférents.

Concernant le préjudice moral, compte tenu des circonstances de l'espèce, il sera alloué à Mme L... la somme de 3 000 euro.

Sur l'indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse Alors que Mme L... sollicite à ce titre la somme de 69 544,80 euro la société Elixens, qui ne conteste pas le principe de l'indemnisation sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, demande d'en limiter le montant à six mois de salaire.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (45 ans), de son ancienneté 17 ans et 10 mois), de sa qualification, de sa rémunération (3 863,60 euro) et des circonstances de la rupture, il sera accordé à Mme L... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 54 000 euro.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Il est équitable de condamner la société Elixens à payer à Mme L... la somme de 3 000 euro au titre des frais qu'elle a engagés en première instance et en appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société Elixens, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile » ;

1°) ALORS QUE le salarié licencié sur autorisation ultérieurement annulée ne peut prétendre qu'à une indemnité correspondant au préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et, s'il n'a pas demandé sa réintégration, l'expiration du délai de deux mois suivant la décision d'annulation ; que cette indemnité, qui comprend la rémunération dont le salarié a été privé, déduction faite des revenus de substitution perçus pendant la même période, doit être calculée sur la base de la différence entre la rémunération nette qui aurait dû être versée et les revenus nets réellement reçus lorsque le taux de cotisation appliqué à la rémunération brute qui aurait dû être versée est distinct de celui appliqué aux revenus bruts perçus, et, si cette différence est positive, le paiement du montant obtenu, constitutif d'un complément de salaire, s'accompagne du versement des cotisations afférentes ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'en calculant l'indemnité due à la salariée en raison de l'annulation de l'autorisation de son licenciement, sur la base des montants bruts de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir d'une part, des indemnités chômage et maladie effectivement perçues d'autre part, l'indemnisation obtenue était supérieure au préjudice réellement subi par la salariée compte-tenu des taux de cotisations, distincts, appliqués à chacun des revenus en cause (conclusions d'appel p.10 et productions n°13 à 15) ; qu'en procédant au calcul de l'indemnité en considération du montant brut des différents revenus en cause, sans à aucun moment rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si le calcul de l'indemnité au regard des revenus bruts n'aboutissait pas à ce que la salariée perçoive une indemnisation plus importante que le préjudice qu'elle avait réellement subi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge doit préciser et analyser les éléments qui lui permettent de fixer le montant de la condamnation de l'employeur ; qu'en l'espèce, selon les calculs de l'employeur qui tenait compte du salaire proratisé aux 35 heures dans ses calculs, la salariée aurait dû percevoir une rémunération de 157 061,04 euros bruts en application de l'article L. 2422-4 du code du travail ; que selon les calculs de la salariée tenant compte de la même proratisation, pour une période identique, Mme L... aurait dû percevoir une rémunération de 170 357,20 euros bruts, de sorte que compte tenu des revenus de substitution perçus, elle sollicitait la somme de 34 006,01 euros ; qu'en octroyant à la salariée la comme de 34 006,01 euro, après avoir affirmé que le salaire minimum conventionnel devait être proratisé aux 35 heures comme le soulignait l'employeur, sans à aucun moment s'expliquer sur le montant que la salariée aurait dû percevoir en application de l'article L. 2422-4 du code du travail et qui était différent selon les calculs opérés par l'employeur ou la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Elixens à payer à Mme L..., sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « concernant le préjudice moral, compte tenu des circonstances de l'espèce, il sera alloué à Madame L... la somme de 3 000 euros »

ALORS QUE l'octroi d'une indemnité suppose l'existence d'un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu'en se bornant à affirmer que compte tenu des circonstances de l'espèce, il convenait d'allouer à la salariée la somme de 3 000 euros pour préjudice moral, sans à aucun moment préciser lesdites circonstances ni caractériser quel aurait été le préjudice moral subi par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2422-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-25924
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-25924


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.25924
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