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06/03/2019 | FRANCE | N°17-20459

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 mars 2019, 17-20459


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2016), qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la SARL Dumelu sécurité privée, les 13 mai 2013 et 13 septembre 2013, la société Y... S..., désignée en qualité de liquidateur, a assigné M. U..., gérant, en responsabilité pour insuffisance d'actif ; qu'elle a également demandé le prononcé contre lui d'une mesure de faillite personnelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. U... fait grief à l'arrêt de le cond

amner à payer partie de l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer à son en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2016), qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la SARL Dumelu sécurité privée, les 13 mai 2013 et 13 septembre 2013, la société Y... S..., désignée en qualité de liquidateur, a assigné M. U..., gérant, en responsabilité pour insuffisance d'actif ; qu'elle a également demandé le prononcé contre lui d'une mesure de faillite personnelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. U... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer partie de l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de sept ans alors, selon le moyen, qu'en se bornant à relever que le ministère public, auquel l'affaire a été communiquée, était représenté lors des débats et a fait connaître son avis, sans constater que M. U... aurait reçu communication écrite de cet avis dans des conditions lui permettant d'y répondre utilement, ni que le ministère public aurait développé à l'audience des observations orales auxquelles M. U... aurait eu la possibilité de répliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 431 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le ministère public était représenté à l'audience par un avocat général qui avait fait connaître son avis et demandé la confirmation du jugement entrepris, ce dont il résultait qu'un avis oral avait été donné auquel M. U... pouvait répliquer dans les conditions de l'article 445 du code de procédure civile, la cour d'appel n'avait pas à effectuer les constatations mentionnées par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. U... fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale d'une durée de sept ans alors, selon le moyen, que les juges du fond ont relevé, pour reprocher à M. U... la tenue incomplète de comptabilité de la société Dumelu sécurité privée, que l'administrateur judiciaire soulignait dans son rapport que M. U... n'a fourni aucune réponse à ses questions sur la comptabilité et son élaboration, et que le liquidateur judiciaire avait reproché à M. U... une comptabilité incomplète ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à caractériser l'incomplétude de la comptabilité de la société Dumelu sécurité privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-5 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en dépit de demandes répétées de l'administrateur, M. U... ne lui avait pas communiqué de nombreux documents nécessaires à l'analyse patrimoniale et financière de la société ni fourni de réponse à ses questions quant à la comptabilité et son élaboration, la cour d'appel, qui a retenu que la comptabilité était incomplète, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société W... Y... - O... S..., en qualité de liquidateur de la société Dumelu sécurité privée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. A... U....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné monsieur U... à payer à la société W... Y... – O... S... ès qualités de liquidateur de la société Dumelu sécurité privé, la somme de 50 000 € à titre de contribution à l'insuffisance d'actif, et d'AVOIR prononcé à l'encontre de monsieur U... une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale, d'une durée de sept ans ;

ALORS QU'en se bornant à relever que le ministère public, auquel l'affaire a été communiquée, était représenté lors des débats et a fait connaître son avis, sans constater que monsieur U... aurait reçu communication écrite de cet avis dans des conditions lui permettant d'y répondre utilement, ni que le ministère public aurait développé à l'audience des observations orales auxquelles monsieur U... aurait eu la possibilité de répliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 431 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné monsieur U... à payer à la société W... Y... – O... S... ès qualités de liquidateur de la société Dumelu sécurité privé, la somme de 50 000 € à titre de contribution à l'insuffisance d'actif ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « selon l'article L. 651-12 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supportée, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; que pour condamner M. U... au paiement d'une somme de 50.000 euros, les premiers juges ont retenu que M. U... avait dirigé la société Dumelu Sécurité Privée dans l'ignorance complète de sa situation comptable, en l'absence de tout tableau de gestion et que la situation s'est aggravée pendant la période suspecte qui a duré 16 mois ; que de son côté, l'appelant conteste avoir effectué des fautes de gestion et prétend avoir dirigé la société débitrice en bon père de famille ; qu'il ne verse aucun élément à l'appui de ses déclarations ; qu'or il est établi que M. U... n'a pas respecté son obligation légale d'effectuer une déclaration de cessation de paiement dans le délai de 45 jours prescrit par l'article L. 631-4 du code de commerce et ce retard constitue une faute de gestion ; qu'en effet, alors que le tribunal a constaté l'existence d'un état de cessation des paiements depuis le 15 janvier 2012, M. U... n'a pris aucune initiative pour effectuer au greffe du tribunal une déclaration de cessation des paiements et, au contraire, a attendu d'être assigné par le ministère public pour que soit ouverte une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société qu'il dirigeait ; qu'il résulte du rapport de Maître L..., administrateur judiciaire, en date du 12 mars 2013, que la société Dumelu Sécurité Privée ne disposait d'aucun élément de trésorerie, que la direction de l'entreprise était confuse, que M. U... n'assumait pas ses responsabilités de gérant et que son directeur administratif et financier apparaissait être le principal interlocuteur ; qu'or le fait de diriger une entreprise sans disposer d'une comptabilité fiable et de tableaux de bord à jour, ne permet pas à son dirigeant de prendre les décisions de gestion nécessaires et pertinentes pour la conduite de l'entreprise, et constitue également une faute de gestion ; que de surcroît, le fait de laisser la direction réelle de l'entreprise à un tiers, ainsi que le démontre le rapport de l'administrateur, constitue également une faute de gestion ; que ces fautes de gestion sont d'autant plus graves que, ainsi que le relève le liquidateur judiciaire, l'examen du passif permet de constater que ni les créances fiscales, ni les organismes sociaux n'ont été payés et que pendant la période suspecte le passif s'est accru de 1.130.000 euros, ce qui a eu pour effet d'aggraver le montant de l'insuffisance d'actif ; que c'est donc de façon proportionnée que les premiers juges ont condamné M. U... au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et le jugement sera confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« il convient de rechercher si des fautes de gestion ont été commises qui ont contribué à l'insuffisance d'actifs ; que le mandataire liquidateur fait reproche à Monsieur U... d'avoir poursuivi une exploitation dans l'ignorance complète de la situation comptable et en l'absence de tout tableau de gestion, Attendu que Monsieur U..., questionné par le Tribunal, ignore jusqu'au chiffre d'affaires de la société dont il était le dirigeant ; que la poursuite de l'activité 16 mois après la date de cessation des paiements dans de telles conditions est fautive ; que Monsieur U... tente de minimiser le passif et soutient que les créances des organismes sociaux sont mal fondées et que la liste des créanciers au 22104/15 serait de 133.310,19 € ; mais que les créances admises ont force de chose jugée ; que les créances dont l'état est communiqué sont les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture ; que la confusion opérée par Monsieur U... entre tes dettes antérieures et les dettes postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire dénote son absente totale de connaissance de la gestion de l'entreprise ; que Monsieur U... indique n'avoir réalisé aucun enrichissement personnel ; que ce grief n'est pas formulé par le demandeur ; que le Tribunal relevant que Monsieur U... n'est pas le véritable animateur de l'entreprise, le condamnera à payer à la SCP Y...-S..., la somme de 50.000 € » ;

ALORS QUE pour condamner monsieur U... à contribuer à l'insuffisance d'actif, l'arrêt attaqué lui a reproché une absence de déclaration intentionnelle de l'état de cessation des paiements, en relevant qu'il n'avait rien fait pour procéder à cette déclaration et qu'au contraire il avait attendu d'être assigné par le ministère public ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant, sur la mesure d'interdiction de gérer, qu'il n'était pas établi que monsieur U... aurait sciemment omis de déclarer la cessation des paiements, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé à l'encontre de monsieur U... une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale d'une durée de sept ans ;

AUX MOTIFS QUE « pour condamner M. U... à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale, pour une durée de 10 ans, les premiers juges ont relevé le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements, le défaut de tenue de comptabilité, le fait que celui-ci n'a pas transmis la liste de ses créanciers au mandataire judiciaire, son défaut de coopération avec les organes de la procédure ainsi que l'émission de chèques nonobstant une interdiction ; que selon l'article L. 653-8 du code de commerce une interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 du même code qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 13 mai 2013 a fixé la date de cessation des paiements au janvier 2012 ; qu'il en résulte que l'appelant n'a pas effectué la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours prévu par la loi ; que cependant aucun élément ne permet de démontrer que ce défaut de déclaration de cassation des paiements dans le délai légal a été effectué sciemment ; que ce grief ne sera donc pas retenu ; que s'agissant du défaut de transmission de la liste des créanciers, le liquidateur judiciaire vise l'article L. 653-8 alinéa 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, qui prévoit que l'interdiction de gérer peut être prononcée lorsque le dirigeant ne remet pas au mandataire ou au liquidateur judiciaire les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture, c'est-à-dire la liste des créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours, ainsi que des instances en cours ; qu'en l'espèce, M. U... n'a communiqué aucune information, et c'est ainsi que dans son rapport du 12 juin 2013, l'administrateur judiciaire indique avoir sollicité de sa part la communication de documents nécessaires à l'analyse patrimoniale et financière de sa société, mais qu'en dépit de ses demandes répétées de nombreux documents ne lui ont pas été remis, handicapant de ce fait l'élaboration du diagnostic de la société ; que de même, le liquidateur judiciaire indique dans son rapport du 13 novembre 2014 que la société débitrice n'a pas communiqué la liste des créanciers lors de l'ouverture de la procédure collective ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé à son encontre une interdiction de gérer de ce chef ; que pour condamner M. U... à une interdiction de gérer, les premiers juges avaient également retenu à son encontre un grief d'émission de chèque sans provision ; qu'or l'émission de chèque sans provision ne constitue pas un motif de sanction personnelle ; qu'aucun grief ne sera donc retenu à ce titre pour justifier une interdiction de gérer ; qu'il résulte de l'article L. 653-5 du code de commerce que le tribunal peut prononcer une sanction personnelle à l'encontre de tout dirigeant qui n'a pas tenu de comptabilité ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; que c'est de façon erronée que les premiers juges ont retenu une absence de comptabilité puisqu'en effet l'administrateur judiciaire a mis en évidence dans son rapport, non pas que la comptabilité était inexistante, mais que l'appelante n'a pu lui fournir aucune réponse à ses questions relatives à la comptabilité et à son élaboration ; que de la même façon, le liquidateur judiciaire a reproché à M. U... le caractère incomplet de la comptabilité de la société qu'il dirigeait ; qu'en conséquence, il convient de retenir la responsabilité de celui-ci non pas au titre d'une absence de comptabilité, mais d'une comptabilité incomplète ; qu'en résumé, seuls les griefs de comptabilité incomplète et de défaut de communication de la liste des créanciers seront retenus à l'encontre de M. U... ; qu'il convient dès lors de ramener à de plus justes proportions la mesure d'interdiction de gérer qui sera prononcée pour une durée de 7 ans » ;

ALORS QUE les juges du fond ont relevé, pour reprocher à monsieur U... la tenue incomplète de comptabilité de la société Dumelu sécurité privée, que l'administrateur judiciaire soulignait dans son rapport que monsieur U... n'a fourni aucune réponse à ses questions sur la comptabilité et son élaboration, et que le liquidateur judiciaire a reproché à monsieur U... une comptabilité incomplète ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à caractériser l'incomplétude de la comptabilité de la société Dumelu sécurité privée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-5 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-20459
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-20459


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.20459
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