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06/03/2019 | FRANCE | N°17-17627

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-17627


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H..., engagé le 1er juillet 1993 par la société Procter etamp; Gamble, et dont le contrat de travail a été transféré le 1er mai 2010 à la société Warner Chilcott France, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur médical et affaires réglementaires France ; que dans le cadre du plan d'actionnariat, huit mille cinq cent quatre-vingt-sept actions gratuites dites « Restricted Stock Units » (RSU) lui ont été attribuées le 17 février 2011 ; que le salarié a Ã

©té licencié pour motif économique le 23 avril 2012 et a bénéficié d'un cong...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H..., engagé le 1er juillet 1993 par la société Procter etamp; Gamble, et dont le contrat de travail a été transféré le 1er mai 2010 à la société Warner Chilcott France, occupait en dernier lieu les fonctions de directeur médical et affaires réglementaires France ; que dans le cadre du plan d'actionnariat, huit mille cinq cent quatre-vingt-sept actions gratuites dites « Restricted Stock Units » (RSU) lui ont été attribuées le 17 février 2011 ; que le salarié a été licencié pour motif économique le 23 avril 2012 et a bénéficié d'un congé de reclassement jusqu'au 31 juillet 2014 ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, les articles L. 1233-72 et L. 1234-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages- intérêts pour inexécution par l'employeur du plan d'actionnariat, l'arrêt retient que selon l'article 4.4 de l'annexe pour les bénéficiaires français « si le contrat de travail d'un participant français fait l'objet d'une rupture, pour quelque raison que ce soit, et qu'en conséquence il ou elle n'est plus salarié de la société ou d'une de ses filiales avant le deuxième anniversaire de la date d'attribution, tous les RSU attribués en vertu des présentes seront annulés, tous les droits du participant français sur ces RSU s'éteindront et tous les RSU ainsi annulés seront repris et résiliés par la société », qu'en l'espèce il est constant que la rupture du contrat de travail de l'intéressé est intervenue à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant le licenciement, c'est-à-dire le 23 avril 2012 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de travail subsiste jusqu'à la date d'expiration du préavis, dont le terme est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement quand celui-ci excède la durée du préavis, de sorte qu'en application de l'article 4.4 de l'annexe dont les dispositions prévalaient sur toutes autres, la seule notification du licenciement ne pouvait exclure le salarié du bénéfice de l'attribution gratuite d'actions pendant le préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. H... de sa demande en condamnation de la société Warner Chilcott France à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour non-exécution du plan d'actionnariat salarié, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Warner Chilcott France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Warner Chilcott France à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de sa demande principale tendant à ce que la société Warner Chilcott France soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour défaut d'exécution du plan d'actionnariat salariés ;

AUX MOTIFS propres QUE le 17 février 2011 , 8.587 RSU (restricted stock units) ont été attribuées à M. H... ; que ces actions ne devenaient la propriété du bénéficiaire qu'après une période de conservation à l'issue de laquelle elles étaient acquises ; qu'ainsi, le plan RSU 2011 prévoyait-il en son Appendice 2 « Les RSU s'acquièrent comme suit ... » par tranche de 25 % chaque année suivant la date anniversaire de la date d'attribution ; que l'Annexe concernant les bénéficiaires français (« participants français») contenait des dispositions similaires ; qu'en définitive, devait être distinguée la date d'attribution (droit de bénéficier des options) de la date d'acquisition (date de transfert de la propriété) ; que selon l'article 4. 4 de l'Annexe pour les bénéficiaires français, « si le contrat de travail d'un Participant Français fait l'objet d'une rupture, pour quelque raison que ce soit, et qu'en conséquence, il ou elle n'est plus salariée(e) de la Société ou d'une de ses filiales avant le deuxième anniversaire de la date d'attribution, tous les RSU attribués en vertu des présentes seront annulés, tous les droits du Participant Français sur ces RSU s'éteindront et tous les RSU ainsi annulés seront repris et résiliés par la Société » ; que des dispositions identiques figuraient dans le plan de RSU global (art. 3.e) ; que, en l'espèce, il est constant que la rupture du contrat de travail de M. H... est intervenue à la date d'envoi de la lettre recommandée notifiant le licenciement, c'est-à-dire le 23 avril 2012 ; que l'Appendice 1-B (d) prévoyait que « si l'emploi du bénéficiaire fait l'objet d'une rupture (. . .), le droit du bénéficiaire à acquérir les RSU en vertu du Plan, le cas échéant, prendra fin, sauf stipulation contraire dans cet Accord ou dans le Plan, à compter de la date à laquelle le Bénéficiaire n'est plus activement employé et ce droit ne sera prorogé par aucun préavis (par exemple une période de mise à pied) imposé par le droit local » ; que dans ces conditions, M. H... ne peut prétendre qu'il aurait dû participer au processus d'acquisition des RSU en faisant valoir que, du fait du congé de reclassement, il a fait partie des effectifs de la société jusqu'au 14 juillet 2014 ; qu'à cet égard, le guide d'accompagnement au congé de reclassement mentionnait « Le préavis est effectué pendant le congé de reclassement dont vous êtes dispensé d'exécution. La durée du congé de reclassement étant plus longue que la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté au dernier jour du congé de reclassement » ; qu'ainsi, il ressortait sans ambiguïté des dispositions susvisées que le droit de M. H... d'acquérir les RSU a pris fin le 23 avril 2012, date de la rupture du contrat de travail qui n'a pu être prorogée jusqu'au terme du congé de reclassement, assimilé à une période de préavis, dans la mesure où durant cette période il n'était « plus activement employé » par la société ; que celleci n'a, en conclusion, commis aucun manquement dans l'exécution du plan d'actionnariat ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE le plan d'actionnariat salariés applicable en France prévoyait l'attribution gratuite de 8.587 actions à M. H... à la date du 17 février 2011 ; qu'il était cependant stipulé que si le contrat de travail faisait l'objet d'une rupture « pour Cause » de la part de l'employeur (3 § d), « tous les RSU alors en cours d'acquisition ( .. .) seront perdus, et tous les droits du bénéficiaire (. . .)s'éteindront et tous les RSU en cours d'acquisition seront repris et annulés par la Société sans contrepartie » ; que ce plan était complété, pour les participants français, par une annexe prévoyant (§ 4.4)

que les RSU seraient acquis à raison de 50 % au 2éme anniversaire de la date d'attribution, 25 % supplémentaires au 3éme anniversaire et 25 % supplémentaires au 4éme anniversaire, tout en précisant que si le contrat de travail faisait l'objet d'une rupture, pour quelque raison que ce soit, et qu'en conséquence, le participant français n'était plus salarié de la Société avant le 2éme anniversaire de la date d'attribution, tous les RSU attribués seraient annulés, repris et résiliés par la société ; que la rupture du contrat de travail de M. H... est intervenue le 23 avril 2012 alors que la date d'acquisition de la première tranche ne pouvait pas intervenir avant 2013 ; qu'ainsi M. H... a perdu tout droit à souscription d'actions en raison de son licenciement et ne peut valablement se prévaloir du congé de reclassement pour prétendre que son contrat de travail se serait poursuivi artificiellement, ce qui l'aurait autorisé à bénéficier de ce plan d'actionnariat, indépendamment du fait que les documents de rupture lui étaient remis à la fin de ce congé ;

1) ALORS QUE, en cas de licenciement pour motif économique, le contrat de travail et la qualité de salarié qui en découlent subsistent soit jusqu'à la date d'expiration du préavis, soit jusqu'à la fin du congé de reclassement lorsque la durée de ce congé excède celle du préavis ; qu'en affirmant que la rupture du contrat de travail était intervenue à la date de la notification de la lettre de licenciement, le 23 avril 2012, et que M. H... ne pouvait prétendre avoir, du fait du congé de reclassement, fait partie des effectifs de la société Warnar Chilcott France jusqu'au 14 juillet 2014, pour en déduire qu'il n'était plus salarié de cette société lors du deuxième anniversaire de la date d'attribution des actions, le 17 janvier 2013, et qu'en vertu de l'article 4.4 de l'Annexe pour les participants français, il avait perdu tout droit à acquisition des actions qui lui avaient été attribuées le 17 janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-72 alinéa 2 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2) ALORS en outre QUE le préambule de l'Appendice 1 à l'Accord d'attribution gratuite d'actions stipulait que cet Appendice comprenait des termes et conditions supplémentaires régissant les RSU attribués « dans /es pays identifiés ci-dessous » ; que la France ne faisait pas partie des pays identifiés de sorte que l'Appendice 1, et notamment ses dispositions ajoutant une sous-section d) à la section 4 de l'Annexe A de l'Accord, n'étaient pas applicables aux participants recevant des RSU en France ; qu'en retenant, au contraire, que l'Appendice 1 s'appliquait aux salariés français, pour en déduire que ses stipulations prévoyant que si l'emploi du bénéficiaire faisait l'objet d'une rupture, son droit à acquérir les RSU prendrait fin à compter de la date à laquelle il ne serait plus activement employé, s'appliquaient et que tel était le cas de M. H... à compter de la notification de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 225-197-1 et suivants du code de commerce ;

3) ALORS en toute hypothèse QUE M. H... faisait valoir qu'aux termes du préambule de l'Annexe propre aux participants français, en cas de conflit entre les termes de cette Annexe et les conditions de l'Accord, les conditions de la première prévaudraient, et que par suite, il n'y avait pas lieu d'interpréter les dispositions de l'article 4.4 de l'Annexe pour les participants français au regard de celles de la section 4 (d) de l'Annexe A de l'Accord, tel que modifié par l'Appendice 1, et que, par conséquent, il suffisait que le participant français soit encore salarié de la société lors du deuxième anniversaire de la date d'attribution pour que ses droits ne soient pas éteints ; qu'en faisant, au contraire, prévaloir les stipulations de l'Accord modifiées par l'Appendice 1 pour juger qu'il était nécessaire que le bénéficiaire français soit activement employé par la société à la date du deuxième anniversaire de l'attribution des actions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de sa demande subsidiaire tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour manquement à la loyauté contractuelle ;

AUX MOTIFS QUE l'appelant fait valoir l'absence de volonté du groupe Warner Chilcott de s'installer définitivement en France et le fait que le plan RSU de 2011 ne constituait qu'un simulacre dès lors qu'aucune action gratuite ne pouvait être attribuée en cas de notification de licenciement dans un délai inférieur à deux ans, ce qui conduisait à ne pas attribuer d'actions ;

mais que l'implantation, durable ou non, de la société Warner Chilcott en France est sans effet sur l'issue du présent litige ; que s'agissant des conditions et délais d'attribution des actions prévus par le Plan, au-delà de ses allégations, M. H... ne produit aucun élément et/ou indice de quelque nature que ce soit permettant de démontrer que les restrictions émises rendaient illusoire la perspective pour un salarié de devenir propriétaire des actions lui ayant été attribuées ; que le comportement déloyal de la société n'est pas démontré ;

1) ALORS QUE M. H... faisait état de certains éléments objectifs et précis, permettant de supposer que l'employeur envisageait déjà, avant la conclusion de l'Accord d'attribution gratuite d'actions de février 2011, de supprimer tout ou partie des emplois localisés en France de la branche d'activité pharmaceutique du groupe Procter et Gambie qu'il venait d'acquérir ; qu'il produisait aux débats le rapport du cabinet Syndex de novembre 2011 ; qu'en reprochant à M. H... de ne produire aucun élément permettant d'établir que les licenciements économiques dans un délai inférieur à deux ans étaient prévisibles, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS en tout état de cause QUE M. H... faisait état de certains éléments précis, exposés dans le rapport du cabinet Syndex de novembre 2011 produit aux débats, permettant de supposer que l'employeur envisageait déjà, lors de la conclusion de l'Accord d'attribution gratuite d'actions, d'abandonner l'activité pharmaceutique en Europe ; qu'en affirmant que M. H... ne produisait aucun élément permettant d'établir que les licenciements économiques dans un délai inférieur à deux ans étaient prévisibles et en faisant ainsi peser sur le salarié l'entière charge de la preuve d'un défaut d'exécution loyale par l'employeur du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17627
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-17627


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.17627
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