LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 544, 545 et 2227 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue et qu'elle est imprescriptible ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 juin 2017), que, par acte du 26 juin 1981, Mme D... a acquis des héritiers de X... E... une maison d'habitation, ainsi qu'un garage contigu et constituant un lot d'un immeuble adjacent en copropriété ; que, par convention du 2 décembre 1963, X... E... avait été autorisé « à laisser subsister dans son garage une ouverture suffisante pour le passage de piéton », cette faculté devant notamment cesser à son décès, survenu le [...] ; que, par acte du 4 juillet 2012, le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire (le syndicat) a assigné Mme D..., nouveau propriétaire de la maison et du lot de copropriété, afin de voir remettre le garage dans son état initial en reconstruisant le mur du fond de ce lot ;
Attendu que, pour qualifier l'action de réelle immobilière et la déclarer irrecevable pour cause de prescription, l'arrêt relève que la convention du 2 décembre 1963 consentie à X... E... stipulait que la tolérance de passage lui avait été accordée personnellement et cesserait de plein droit en cas de décès et retient que le droit de se prévaloir de ce terme et d'exiger la reconstruction du mur est né du décès du bénéficiaire de la tolérance survenu le [...] et que le délai pour agir a couru à compter du jour où le syndicat a connu ou aurait dû connaître ce décès, soit à compter du [...] , jour de la publication, à la conservation des hypothèques, d'une attestation de propriété établie le 30 mai 1974, de sorte que l'action engagée par assignation du 4 juillet 2012 est atteinte par la prescription trentenaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action engagée en vue de faire cesser une atteinte au droit de propriété et d'en revendiquer l'ensemble des attributs est, par nature, imprescriptible, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne Mme D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme D... et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à [...] au titre du passage est irrecevable parce que prescrite et débouté le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à [...] du surplus de ses demandes,
Aux motifs propres que par convention notariée du 2 décembre 1963, M. E... a été autorisé « à laisser subsister dans son garage n° 19 une ouverture suffisante pour le passage de piéton » ; qu'à hauteur d'appel, le syndicat des copropriétaires demande, en qualité de propriétaire du mur du fond du garage n° 19 constituant une partie commune, la reconstruction du mur dans son état initial, à savoir « un mur avec ouverture piétons » ; que cette action tendant à obtenir le rétablissement de parties communes dans leur état initial, alors que la propriété du syndicat des copropriétaires sur ce mur en tant que partie commune n'est pas discutée, s'analyse en une action réelle immobilière soumise à la seule prescription trentenaire de l'article 2262 ancien et de l'article 2227 nouveau du code civil ; que le délai court selon l'article 2227, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il n'est pas démontré par les pièces produites que Mme D... ait procédé à une modification de l'ouverture pratiquée initialement par M. E... ; que les photographies anciennes et actuelles produites au débat attestent le contraire ; que l'allégation du syndicat des copropriétaires sur ce point ne permet donc pas d'avancer le point de départ du délai de prescription ; que la convention notariée du 2 décembre 1963 avec M. E... stipulait : « cette tolérance est accordée à Monsieur E... personnellement et cessera de plein droit en cas de décès, comme dans le cas où Monsieur E... cesserait d'être propriétaire en tout ou partie de son immeuble et du garage » ; que cette tolérance a été ainsi accordée à titre personnel à M. E..., né le [...] , jusqu'à son décès, ou à la vente de l'immeuble par celui-ci ; que dès lors, le droit de se prévaloir de la cessation de plein droit de la tolérance contenue dans la convention notariée du 2 décembre 1963 et d'exiger la reconstruction de l'ouverture dans le mur est né du fait du décès de ce dernier le [...] puisque la seconde hypothèse envisagée par la convention résulte de la vente de M. E... lui-même ; que le délai pour agir court du jour où le syndicat des copropriétaires a connu ou aurait dû connaître ce décès entraînant la cessation de la tolérance de passage et donc, la faculté d'exiger la reconstruction du mur ; que M. E... étant décédé le [...] [sic], une attestation de propriété établie le 30 mai 1974 a été publiée le 10 juin 1974 à la conservation des hypothèques de Lyon, volume 980 n° 2 en application de l'article 28-3° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 s'agissant de la publicité obligatoire destiné à l'information des tiers de l'attestation notariée « en vue de constater la transmission ou la constitution par décès de droits réels immobiliers » et non comme le soutient inexactement le syndicat d'une inopposabilité limitée aux tiers ayant acquis des droits concurrents sur le même immeuble visée à l'article 30 du décret ; qu' à compter de la date de publication du décès de M. E... rendant ce fait opposable aux tiers, le syndicat des copropriétaires, qui dispose par ailleurs des éléments de preuve relatifs au paiement des charges de copropriété par les héritiers de M. E..., aurait dû connaître la circonstance du décès du bénéficiaire de la tolérance et disposait d'un délai de trente ans pour agir aux fins de reconstruire le mur partie commune dans son état initial ; que l'action engagée par la copropriété par assignation du 4 juillet 2012 est prescrite,
Et aux motifs non contraires, éventuellement adoptés, des premiers juges que l'action engagée contre Mme D..., propriétaire de la maison d'habitation avec jardin attenant située 2ter rue Henri D... à Caluire, qui utilise l'ouverture ainsi pratiquée pour accéder à son jardin, et donc d'un passage, pour obtenir que cesse cet usage, doit s'analyser en une action réelle qui se prescrit par 30 ans ; que la convention avec M. E... prévoyait que la tolérance dont bénéficiait ce dernier cessait de plein droit à son décès ; que M. E... est décédé le [...] et cet événement a fait l'objet d'une attestation de propriété établie le 30 mai 1974 qui a été publiée le 10 juin 1974 au profit de ses successibles ; qu'à compter du décès, et à tout le moins à compter de la date de sa publication, le syndicat disposait d'un délai de 30 ans pour agir afin de faire cesser l'usage résultant du maintien de l'ouverture du garage et du passage ainsi permis ; que surabondamment, il convient en outre de relever que l'acte authentique d'achat par Mme D... a été établi le 26 juin 1981 et publié le 9 juillet 1981 soit depuis plus de 30 ans à la date d'introduction de l'instance le 4 juillet 2012 ce qui établit l'existence d'un second délai de 30 ans ; qu'ainsi, l'action engagée, en ce qu'elle aurait pour objet une action portant sur le droit de passage est également prescrite,
1° Alors en premier lieu que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; que la propriété ne se perdant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive ; qu'en énonçant, après avoir relevé que « la propriété du syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire sur le mur du fond du garage n° 19 en tant que partie commune n'est pas discutée », que l'action tendant à obtenir le rétablissement des parties communes dans leur état initial et plus précisément la reconstruction du mur de la copropriété situé au fond du garage n° 19 dans son état initial, à savoir un mur avec ouverture piétons, s'analysait en une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 ancien et de l'article 2227 nouveau du code civil, quand cette action devait être qualifiée d'action en revendication par nature imprescriptible de sorte que le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire demeurait recevable à agir à ces fins à l'encontre de Mme D..., la cour d'appel a violé les articles 544, 545 et 2262 ancien, devenu l'article 2227 nouveau, du code civil,
2° Alors en deuxième lieu et à titre subsidiaire que les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription : qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que la convention notariée du 2 décembre 1963 avec M. E... stipulait : « cette tolérance est accordée à Monsieur E... personnellement et cessera de plein droit en cas de décès, comme dans le cas où Monsieur E... cesserait d'être propriétaire en tout ou partie de son immeuble et du garage », que cette tolérance a été ainsi accordée à titre personnel à M. E..., né le [...] , jusqu'à son décès, ou à la vente de l'immeuble par celui-ci et que ce dernier est décédé le [...] [sic : 5 novembre 1973] ; qu'en retenant comme point de départ de la prescription de l'action exercée par le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire aux fins de voir reconstruire le mur lui appartenant dans son état initial, à savoir un mur avec ouverture piétons, la date de la publication de l'attestation de propriété publiée le 10 juin 1974 établie « en vue de constater la transmission ou la constitution par décès de droits réels immobiliers » sans rechercher si le décès de M. X... E... n'avait pas nécessairement mis fin à la tolérance de passage accordée dans la convention conclue par acte notarié en date du 2 décembre 1963 de sorte que le délai de prescription trentenaire n'avait pu courir qu'à compter du moment où le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire avait eu connaissance de la vente intervenue entre les héritiers de M. X... E... et Mme D..., soit le 5 juillet 1982, date de sa notification, ainsi que de la volonté de cette dernière de contrarier le droit de propriété du syndicat des copropriétaires sur le mur du fond du garage n° 19 en utilisant à son tour l'ouverture et le passage pour ses besoins personnels, d'où il résultait que l'action exercée le 4 juillet 2012 n'était pas prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2262 ancien, devenu l'article 2227 nouveau, du code civil,
3° Alors en troisième lieu et à titre subsidiaire que les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que les formalités de publicité prévues par les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ont pour seul effet de rendre opposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à publicité et publiés, les actes et décisions judiciaires soumis à publicité ; qu'en retenant comme point de départ du délai de prescription trentenaire de l'action exercée par le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire « le jour où le syndicat des copropriétaires a connu ou aurait dû connaître ce décès entraînant la cessation de la tolérance de passage et donc la faculté d'exiger la reconstruction du mur le 10 juin 1974 », soit la date à laquelle avait été publiée « à la conservation des hypothèques de Lyon volume 980 n° 2 une attestation de propriété établie en application de l'article 28-3° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 s'agissant de la publicité obligatoire destinée à l'information des tiers de l'attestation notariée en vue de constater la transmission ou la constitution par décès de droits réels immobiliers » quand cette mesure de publicité ne pouvait être opposée au syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire, la cour d'appel a violé les articles 28-3° et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, ensemble l'article 2262 ancien, devenu l'article 2227 nouveau, du code civil,
4° Alors en quatrième lieu et à titre subsidiaire que les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant que le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire « qui dispose par ailleurs des éléments de preuve relatifs au paiement des charges de copropriété par les héritiers de M. E..., aurait dû connaître la circonstance du décès du bénéficiaire de la tolérance et disposait d'un délai de trente ans pour agir aux fins de reconstruire le mur partie commune dans son état initial » sans rechercher, bien qu'y ayant été invitée, si cette circonstance ne présentait pas un caractère inopérant dès lors que Mme S... E... était également propriétaire avec son époux du garage dépendant de la copropriété et à ce titre, avait continué de régler les charges de copropriété et qu'il n'était par ailleurs aucunement démontré que le syndicat des copropriétaires des immeubles sis 9-11-13 [...] à Caluire-et-Cuire avait été informé avant le 5 juillet 1982 du décès de M. X... E..., la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2262 ancien, devenu l'article 2227 nouveau, du code civil,