LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 18-85.465 FS-P+B+I
N° 235
VD1
20 FÉVRIER 2019
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
DECHEANCE et cassation sur les pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel de Basse-Terre, I... E..., représenté par Mme H... E..., contre l'arrêt de ladite cour, chambre spéciale des mineurs, en date du 29 mai 2018, qui, pour meurtre aggravé et tentatives de vol avec arme, a condamné I... E... à douze ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, MM. de Larosière de Champfeu, Guéry, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Wallon ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi formé par I... E... ;
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 :
Vu l'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, ensemble l'article R. 311-7 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, devant le tribunal pour enfants, seuls sont admis à assister aux débats la victime, constituée ou non partie civile, les témoins, les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronage et des services ou institutions s'occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée ;
Qu'en application du second, en cas d'appel d'un jugement du tribunal pour enfants, les règles relatives à la tenue des débats devant cette juridiction sont applicables à la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'après l'interrogatoire d'identité de l'accusé et l'appel des témoins et experts, la chambre spéciale des mineurs, statuant en matière criminelle, a examiné une demande de renvoi présentée par la défense et statué sur cette demande après en avoir délibéré ; qu'ensuite, la publicité restreinte des débats a été ordonnée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la demande de renvoi aurait dû être examinée sous le régime de la publicité restreinte, la chambre spéciale des mineurs a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 242 du code de procédure pénale :
Vu les articles L. 251-1, R. 123-13 et R. 311-7 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu qu'il se déduit des textes précités que la présence du greffier est obligatoire devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel, statuant en matière criminelle ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le président a interrogé l'accusé sur son identité, lui a donné connaissance de l'accusation, a procédé à l'appel des témoins et a rendu la décision sur la demande de renvoi en l'absence du greffier ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi la chambre spéciale des mineurs a méconnu les textes précités ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des droits de la défense :
Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire du code de procédure pénale et 4-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que toute personne faisant l'objet d'une accusation a droit à l'assistance d'un défenseur et que celle-ci est obligatoire lorsque la personne est mineure ;
Attendu que selon les mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, l'un des avocats de l'accusé a été privé de la possibilité de plaider au motif que les quatre avocats l'ayant précédé n'avaient pas respecté le temps de parole convenu avec la cour ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, la chambre spéciale des mineurs a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi formé par I... E... :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 29 mai 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt février deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.