LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 18-10.420 et D 18-10.425 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 30 mars 2017 et 15 juin 2017), qu'en premier lieu, se prévalant d'un acte sous seing privé en date du 3 février 2010, par lequel elle s'engageait à verser une somme mensuelle à titre de prêt à M. U..., son salarié, la société Espace 2 (la société) a assigné M. U... en remboursement, qu'en second lieu, invoquant également avoir consenti un prêt à M. U..., M. P..., dirigeant de la société, l'a assigné en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° Y 18-10.420, et sur le moyen unique du pourvoi n° D 18-10.425, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi n° Y 18-10.420, ci-après annexé :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au remboursement d'une certaine somme au titre de l'acte du 3 février 2010 ;
Attendu que l'arrêt retient qu'en l'absence d'élément probant, la seule affirmation de la société relative à la nature des sommes versées mensuellement à titre d'acomptes sur les bulletins de salaire de M. U... ne permet pas de qualifier ces sommes de prêt plutôt que de salaires ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments à elle soumis et sans inverser la charge de la preuve, que la cour d'appel a estimé que la preuve du prêt allégué n'était pas rapportée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. P... et la société Espace 2 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° Y 18-10.420 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Espace 2
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société ESPACE 2 de sa demande de remboursement de la somme de 38 500 €, ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
AUX MOTIFS QUE le document intitulé « contrat de prêt » est rédigé sur papier libre ; qu'il mentionne 12 dates du 20 février 2010 au 31 janvier 2010 (vraisemblablement 2011) et pour chacune des dates un montant de 5 923,02 euros pour le premier, puis ensuite et toujours de 2 961,64 euros lesquels montants constitueraient donc des prêts ; que la somme ainsi prêtée se chiffrerait à 38 500,89 euros comme le précise le document en question lequel prévoit que « le prêt est consenti pour 24 mois soit une échéance au 31 janvier 2012 » ; qu'il résulte alors de la lecture du document signé par M. U... que ce dernier devait procéder au remboursement d'une somme totale 38 500,89 euros le 31 janvier 2012 ; que la cour relève que le licenciement intervenait à quelques jours de la date à laquelle un remboursement devait intervenir ; que la Société ESPACE 2 a produit devant le premier juge son grand livre comptable dont il ressortait que les montants fixés au document du 3 février 210 sont enregistrés au nom de « U... » dans le compte appelé « prêt au personnel » ; que l'employeur explique que, bien que figurant sur les bulletins de salaire de M. U... pour les mois de juillet, septembre et octobre 2010, les sommes remises correspondent à un prêt et non à des salaires car les bulletins dont s'agit ont été établis à la seule fin de permettre à M. U... de constituer un dossier destiné à sa banque en vue de l'acquisition d'un bien immobilier ; qu'à partir du mois de janvier 2011 (février, mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, et novembre) c'est encore cette somme de 5 961,26 euros qui apparaît pour ensuite disparaître du bulletin de paie du mois de décembre 2011, date qui marque – avec l'arrêt maladie de M. U... – la dégradation des relations professionnelles entre les parties ; que la seule affirmation de l'employeur quant à la nature de ces sommes, sans élément probant, ne permet pas de qualifier les sommes qui y figurent de prêts plutôt que de salaires ; qu'enfin, la cour relève l'incohérence des fiches de paie de juillet, septembre et octobre 2010 produites par M. U... où l'employeur est porté comme étant ESPACE 2 avec un salaire de base de 7 697 euros et non plus de 4 000 euros ; Qu'il apparaît dès lors qu'il n'est pas probant qu'un prêt de 38 500,89 euros ait été consenti à M. U... ; que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la Société ESPACE 2 ne rapportait pas la preuve de ce que les sommes remises à M. X... U... constituait un prêt ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE la Société ESPACE 2 n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les sommes qu'elle a versées, en tant qu'acomptes de février 2010 à janvier 2011 correspondent au versement d'un capital emprunté comme elle le prétend ;
1/ ALORS QUE la reconnaissance de dette fait présumer la remise des fonds ; que la Cour d'appel a constaté que par acte intitulé « contrat de prêt », Monsieur U... s'était reconnu redevable d'une somme de 38 500,89 euros ; qu'en déboutant la Société ESPACE 2 de sa demande de remboursement au motif que cette dernière ne rapporterait pas la preuve de la remise des fonds, la Cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du Code civil ;
2/ ALORS QUE s'il appartient au prêteur de prouver la remise de la somme d'argent prêtée, c'est à l'emprunteur, qui conteste que les fonds remis l'ont été en exécution du prêt consenti, d'en rapporter la preuve ; que la Cour d'appel a constaté l'existence d'un contrat de prêt d'un montant de 38 500,89 euros et de la remise de sommes dont Monsieur U... a prétendu qu'elles lui avaient été versées, non en exécution du contrat de prêt, mais à titre de salaires; qu'en énonçant qu'il n'était pas possible de qualifier ces sommes de prêts plutôt que de salaires, pour en déduire qu'il n'était pas probant qu'un prêt de 38 500,89 € ait été consenti à Monsieur U..., la Cour d'appel a mis à la charge de la Société ESPACE 2 la preuve que les sommes versées ne l'avaient pas été à titre de salaires, inversant ainsi la charge de la preuve en violation de l'article 1315, devenu 1353, du Code civil.
Moyen produit au pourvoi n° D 18-10.425 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. P...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur U... à rembourser à Monsieur D... la seule somme de 30 000 € en principal au titre du prêt consenti et débouté ce dernier du surplus de sa demande à ce titre, qui s'élevait à un montant en principal de 87 500 € ;
AUX MOTIFS QUE ne sont pas contestés l'existence et le montant des virements réalisés du compte bancaire personnel de M. P... sur celui de M. U..., d'un montant de 30 000 euros les 6 et 10 mai 2010 puis de 15 000 euros le 18 juillet 2011 et le 21 juillet suivant de 12 500 euros, les parties s'opposant sur la qualification juridique de ces virements, M. P... soutenant qu'il s'agissait de prêts consentis à M. U... en raison des liens privilégiés les liant à cette époque et M. U... affirmant que ces sommes correspondent aux commissions dues mais non déclarées par la SA Espace 2, son ancien employeur, dirigée par Monsieur P... ; que le jugement a retenu à bon droit que M. P... justifiait d'un commencement de preuve par écrit du prêt par lui consenti en ce qui concerne la première somme de 30 000 euros virée le 10 mai 2010, l'appelant produisant en effet, en pièce 9, un courriel adressé par M. U... à M. P... le 4 mai 2010 intitulé « prêt de 30 000 euros » et rédigé comme suit :
« Bonjour,
Pouvez-vous me prêter 30 000 euros dans le cadre de mon acquisition appartement à Levallois ?
La banque a besoin de voir l'apport avant le 07 mai 2010 au plus tard pour prévoir le déblocage de mon prêt.
Enfin, nous formaliserons ce prêt par un engagement officiel ».
Qu'en outre, il n'est pas contesté que M. U... a acquis le 27 mai 2010 un appartement situé au [...] , qu'il a financé notamment par un apport personnel ; qu'il résulte de ce courriel et de la concordance des dates et montant que M. P... justifie, comme l'a exactement retenu le premier juge, de l'existence du prêt personnel consenti et réalisé le 4 mai 2010 au bénéfice de M. U... pour un montant de 30 000 euros ; qu'en revanche, l'appelant ne produisant aucun élément de nature à caractériser le commencement de preuve par écrit requis ou justifiant d'une impossibilité morale de se procurer la preuve littérale des trois autres prêts allégués, en ce compris le second virement de 30 000 € en date du 10 mai 2010, les relations amicales invoquées par M. P... ne pouvant caractériser une telle impossibilité, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté ce dernier de sa demande de paiement des sommes de 30 000 euros, 15 000 euros et 12 500 euros, étant relevé par la cour que la seule mention « Vir X... U... prêt » sur les virements correspondant, nécessairement porté par M. barda lui-même, n'est pas suffisante, à elle seule, à constituer le commencement de preuve requis ;
1/ ALORS QUE constitue un commencement de preuve par écrit « tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué » ; que la Cour d'appel a constaté que les quatre montants invoqués par Monsieur D... avaient bien été virés sur le compte personnel de Monsieur U..., qui soutenait que ces quatre virements n'avaient pas été effectués à titre de prêt mais en règlement de commissions prétendument dues mais non déclarées par la Société ESPACE 2, son ancien employeur, dirigée par Monsieur D... ; qu'en l'état de l'explication globale donnée par Monsieur U... aux quatre virements effectués sur son compte, la Cour d'appel, qui a considéré que le courriel du 4 mai 2010, constituait un commencement de preuve par écrit du prêt consenti en ce qui concerne le premier montant viré de 30 000 €, ne pouvait débouter Monsieur D... de sa demande en ce qu'elle était d'un montant supérieur à cette dernière somme, au motif de l'absence de production d'aucun élément de nature à caractériser le commencement de preuve par écrit pour les trois autres montants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce mail du 4 mai 2010 ne constituait pas un commencement de preuve par écrit pour la globalité des sommes en cause, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1347, devenu 1362 du Code civil ;
2/ ALORS QUE constitue un commencement de preuve par écrit tout acte par écrit ou toute déclaration constatée dans un écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ; que la Cour d'appel a constaté, d'une part, que le courriel du 4 mai 2010 constituait un commencement de preuve par écrit d'un prêt de 30 000 €, et d'autre part, que Monsieur U..., dans ses conclusions d'appel (arrêt, p. 5), avait affirmé que les quatre sommes virées sur son compte correspondaient à des commissions prétendument dues mais non déclarées par la Société ESPACE 2 ; qu'en s'abstenant en toute hypothèse de rechercher si le mail du 4 mai 2010 et les déclarations de Monsieur U... dans ses conclusions d'appel ne constituaient pas un commencement de preuve par écrit du prêt des quatre montants litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1347, devenu 1362 du Code civil.