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20/02/2019 | FRANCE | N°17-26532

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 2019, 17-26532


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 novembre 2016),

que Mme S..., sportive de haut niveau, a été engagée le 10 décembre 2010 par la SNCF au cadre permanent en qualité d'attaché opérateur ; que, suivant conventions du même jour, la Fédération française de ski, la SNCF et Mme S... ont signé un protocole individuel de suivi de la convention d'insertion professionnelle et un « engagement d'honneur d'athlète de haut niv

eau », aux termes duquel l'agent s'engageait à être présent dans l'entreprise pour un...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 novembre 2016),

que Mme S..., sportive de haut niveau, a été engagée le 10 décembre 2010 par la SNCF au cadre permanent en qualité d'attaché opérateur ; que, suivant conventions du même jour, la Fédération française de ski, la SNCF et Mme S... ont signé un protocole individuel de suivi de la convention d'insertion professionnelle et un « engagement d'honneur d'athlète de haut niveau », aux termes duquel l'agent s'engageait à être présent dans l'entreprise pour un nombre équivalent à un mi-temps étalé sur l'année et pouvant être aménagé afin de faciliter son entraînement quotidien et réduit exceptionnellement pour lui permettre de suivre le programme de préparation olympique fixé ; que la SNCF lui a notifié le 22 avril 2014, qu'une mesure de radiation étant envisagée à son encontre, elle était convoquée à un entretien préalable le 15 mai 2014 ; que l'agent a déclaré son état de grossesse le 8 juillet suivant ; qu'à la suite de la décision du conseil de discipline du 11 juillet 2014, la SNCF a procédé le 21 juillet 2014 à la radiation des cadres de la société de l'agent ;

Attendu que l'agent fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail et du licenciement intervenu pendant la grossesse, alors, selon le moyen :

1°/ que le licenciement d'un salarié en état de grossesse ne peut intervenir que pour un fait grave étranger à l'état de grossesse ; qu'il appartient à l'employeur qui licencie d'alléguer une telle faute grave ; qu'en vertu du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, la radiation des cadres n'implique pas nécessairement l'invocation par l'employeur d'une faute grave et la rupture du contrat sans préavis ni indemnité ; que la lettre de rupture fixant les limites du litige, il appartient au juge d'examiner les motifs invoqués dans celle-ci et exclusivement ces motifs ; qu'en l'espèce, la lettre de radiation reprochait à Mme S... un seul et unique fait qui n'était nullement qualifié de grave : celui de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 21 mars 2014 sans précision aucune quant au préavis, à la date de fin de contrat et à l'indemnité de licenciement ; que dès lors, en disant que la radiation des cadres avait été prononcée pour une faute grave justifiant le licenciement pendant la grossesse de la sportive, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4 du code du travail ;

2°/ que la lettre de rupture fixant les limites du litige, il appartient au juge d'examiner les motifs invoqués dans celle-ci et exclusivement ces motifs ; qu'en l'espèce, la lettre de radiation reprochait à Mme S... un seul et unique fait : celui de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 21 mars 2014, et non ceux de ne pas avoir communiqué un planning ou d'avoir été absente en 2013 ; que dès lors en ajoutant ces deux motifs, la cour d'appel a dépassé le cadre du litige et a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu que, s'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; que l'article 10 du chapitre 7 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, intitulé « Délai-congé », prévoyant qu' «en cas de faute grave (entraînant le congédiement par mesure disciplinaire, radiation des cadres ou révocation), la cessation de service intervient sans délai-congé », la cour d'appel en a exactement déduit qu'en notifiant à l'agent sa radiation des cadres de la société, l'employeur lui avait reproché une faute grave ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par un arrêt spécialement motivé sur les deuxième et troisième branches du moyen ci-après annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme S...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme S... de ses demandes au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail et du licenciement intervenu pendant la grossesse ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la radiation de la salariée des cadres de la société a été décidée pour le motif suivant : « le 21 mars 2007, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail malgré le courrier que vous avez reçu le 6 mars 2014 vous invitant à reprendre votre poste de travail. Non-respect de l'article 7 du RH0006 » ; la décision a été notifiée à C... S... le 2 août 2014 ; l'employeur justifie de l'envoi en date du 4 mars 2014, d'une lettre invitant la salarié à se présenter à son poste de travail le 21 mars 2014 d'une demande d'explication en date du 7 avril 2014 adressée à la salariée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 avril 2014, avant l'envoi toujours par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 avril 2014 de l'engagement d'une procédure disciplinaire ; la salariée ne démontre s'être présentée à son poste de travail, ni avoir justifié auprès de son employeur d'un quelconque motif légitime ; [

] ; l'absence non justifiée après rappel par l'employeur de reprendre son poste le 21 mars 2014 et sa demande d'explication du 22 avril 2014 constituent un refus volontaire de travail par la salariée, ce qui caractérise une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et légitime la rupture du contrat de travail, nonobstant son état de grossesse notifié le 8 juillet 2014, postérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire ; [

] ; de la même façon, elle ne peut se prévaloir d'un engagement tardif de la procédure dès lors que suite à la demande d'explication du 8 avril 2014, l'employeur a engagé la procédure dès le 22 avril 2014 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' en l'espèce, le 22 avril 2014 (date d'envoi d'une lettre recommandée à Mme S... pour la prévenir qu'une éventuelle radiation des cadres était envisagée envers elle) la SNCF à cette date ne connaissait pas l'état de grossesse de Mme S... (déclaré le 4 juillet) ; l'article 1225-4 du Code du travail ne s'applique pas ; en l'espèce, Mme S... avait déclaré son état de grossesse le 4 juillet 2014 ; le 21 juillet 2014 au moment de sa radiation son contrat n'était pas suspendu ;

l'article 1225-4 du Code du travail peut s'appliquer en cas de licenciement pour faute grave ; Mme S... a été absente deux mois en 2013 sans donner de motif à ses absences ; elle a été absente aussi en début 2014 sans raison ; Mme S... n'a pas fourni régulièrement son planning à la SNCF ; ce fait révèle une violation de sa convention qui mentionne qu'elle devait transmettre régulièrement son planning en concertation avec sa fédération ; [

] ; l'absentéisme de Mme S... entrainait une difficulté pour la SNCF de lui proposer un emploi à son retour sans désorganiser le travail des autres salariés ; la SNCF n'avait aucun élément de contrôle sur Mme S... au niveau de l'organisation de son temps de travail (pas de planning) et sur ses absences non justifiées ; il était difficile de maintenir Mme S... au sein de l'effectif de la SNCF au-delà du 21 juillet 2014 ; les fautes de Madame S... ne sont pas liées à son état de grossesse ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le licenciement d'un salarié en état de grossesse ne peut intervenir que pour un fait grave étranger à l'état de grossesse ; qu'il appartient à l'employeur qui licencie d'alléguer une telle faute grave ; qu'en vertu du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, la radiation des cadres n'implique pas nécessairement l'invocation par l'employeur d'une faute grave et la rupture du contrat sans préavis ni indemnité ; que la lettre de rupture fixant les limites du litige, il appartient au juge d'examiner les motifs invoqués dans celle-ci et exclusivement ces motifs ; qu'en l'espèce, la lettre de radiation reprochait à Mme S... un seul et unique fait qui n'était nullement qualifié de grave : celui de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 21 mars 2014 sans précision aucune quant au préavis, à la date de fin de contrat et à l'indemnité de licenciement ; que dès lors, en disant que la radiation des cadres avait été prononcée pour une faute grave justifiant le licenciement pendant la grossesse de la sportive, la Cour d'appel a violé l'article L.1225-4 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'abandon de poste ou « refus de travailler » susceptible de justifier la rupture pour faute grave pendant la grossesse de l'agent, n'est caractérisé qu'en l'absence de justification de son absence de la part de celui-ci ; qu'en considérant en l'espèce, que l'absence était injustifiée alors même qu'il résultait de ses constatations adoptées, ainsi que des conclusions d'appel de la SNCF et des pièces du dossier, que cette dernière reconnaissait avoir été informée dès le 7 mars 2014 par son agent que la saison sportive ne se terminerait que le 2 mai 2014 et qu'elle ne pouvait donc pas reprendre son travail le 21 mars 2014 comme exigé par elle, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations qui lui imposaient de vérifier si la justification invoquée par Mme S... était avérée, en violation de l'article L.1234-1 du Code du travail ;

ALORS, EGALEMENT, QUE la convention de 2001 sur l'insertion des sportifs de haut niveau en entreprise, conclue entre le ministère de la jeunesse et des sports et la SNCF, a pour objet de permettre à ceux-ci de percevoir une rémunération pendant leur entraînement et les compétitions, en échange principalement de participer à la publicité de la société en promouvant son image et d'effectuer des tâches de travail, en l'occurrence non déterminées contractuellement, selon un planning devant être décidé entre l'employeur, la fédération du sport pratiqué et la sportive ; que l'employeur supportant la charge de la preuve de la faute grave qu'il invoque, il lui appartenait en l'espèce d'établir que contrairement à ce que soutenait la salariée, la saison sportive était bien achevée au jour où il exigeait son retour, à savoir le 21 avril 2014 ; qu'en reprochant à l'inverse à Mme S... de ne pas justifier du contraire, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L.1234-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE la lettre de rupture fixant les limites du litige, il appartient au juge d'examiner les motifs invoqués dans celle-ci et exclusivement ces motifs ; qu'en l'espèce, la lettre de radiation reprochait à Mme S... un seul et unique fait : celui de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 21 mars 2014, et non ceux de ne pas avoir communiqué un planning ou d'avoir été absente en 2013 ; que dès lors en ajoutant ces deux motifs, la Cour d'appel a dépassé le cadre du litige et a violé l'article L.1232-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26532
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 24 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 fév. 2019, pourvoi n°17-26532, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26532
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