LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après un accident du travail guéri sans séquelles survenu le 12 février 2011 jugé imputable à une faute inexcusable de son employeur la société ED devenue Erteco France, Mme Q... a subi une rechute la laissant atteinte d'une incapacité permanente partielle pour laquelle un taux de 15 % lui a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) ; que l'employeur a contesté devant une juridiction de sécurité sociale devoir rembourser à la caisse le capital représentatif de la majoration de rente ;
Attendu que pour dire que le taux d'incapacité pris en charge par la caisse n'est pas opposable à l'employeur et que celle-ci supportera seule le capital représentatif de la majoration de rente dont elle ne pourra récupérer le montant, l'arrêt énonce que la caisse dispose en vertu de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale d'un recours personnel en remboursement à l'encontre de l'employeur, récursoire et non subrogatoire à la différence de celui qu'elle tire de l'article L. 452-3 du même code, de sorte que l'employeur est en droit d'opposer tous les moyens de défense tirés de ses relations avec la caisse et ainsi de lui opposer l'autonomie de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la rechute déclarée le 30 juin 2011 par Mme Q... ayant conduit la caisse à prendre en charge les soins subséquents et à verser une rente majorée ; qu'il en aurait été autrement si l'employeur s'était vu notifier par la caisse la décision de prise en charge de la rechute, ouvrant ainsi pour lui la possibilité de la contester ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, qui est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit inopposable à la société ED le taux de 15 % d'incapacité permanente partielle reconnu et pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au bénéfice de Mme Q... et que la caisse supportera seule le capital représentatif de la majoration de rente dont le montant ne pourra être récupéré auprès de la société ED, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit le taux d'incapacité permanente partielle de 15 % reconnu et pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au bénéfice de Mme Q... opposable à la société Erteco France ;
Dit qu'en conséquence la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône pourra récupérer auprès de la société Erteco France le capital représentatif de la majoration de rente allouée à Mme Q... ;
Condamne la société Erteco France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Erteco France ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le taux de 15 % d'IPP reconnu et pris en charge par la CPAM de Lyon au bénéfice de Mme G... Q... est inopposable à la société ED, devenue la société Erteco, et d'AVOIR dit qu'en conséquence, la CPAM supportera seule le capital représentatif de la majoration de rente dont le montant ne pourra être récupéré auprès de la société ED, devenue la société Erteco ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale dispose que : « Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret » ;
que la société ED soutient qu'en application de l'article D.242-6-3 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, « Le taux brut est calculé d'après le rapport de la valeur du risque propre à l'établissement à la masse totale des salaires payés au personnel, pour les trois dernières années connues. Ne sont pas compris dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents du trajet visés à l'article L.411-2 et les frais de rééducation professionnelle visés à l'article L.431-1.
La valeur du risque, telle que définie ci-dessus, comprend :
[ ... ]
2°Les capitaux représentatifs des rentes notifiées au cours de la période triennale de référence aux victimes atteintes, à la date de consolidation initiale de leur état de santé, d'une incapacité permanente afférente à l'accident ou à la maladie concernés, à l'exception de l'incapacité permanente reconnue après rechute » ;
qu'elle considère que Madame Q... a été déclarée guérie et qu'aucune IPP ne lui a été reconnue, et qu'en conséquence, la rechute survenue ne peut être imputée sur son compte employeur, et qu'aucun capital représentatif de la majoration de rente calculé sur la base du taux d'IPP fixé après rechute à 15 % ne pourra être mis à sa charge ;
que la caisse primaire d'assurance maladie soutient que l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir d'une impossibilité pour la CPAM de recouvrer la majoration de rente au seul motif que l'attribution du taux de 15 % suite à prise en charge d'un état de rechute qui n'est pas été contradictoire à son égard et de ses conséquences ; qu'elle estime en effet que les sommes dues au titre de la majoration de rente relèvent exclusivement de la responsabilité quasi-délictuelle de l'employeur et des règles de droit commun qui s'y attache ; que la faute inexcusable ayant été reconnue et jugée à l'encontre la société ERTECO, la Caisse est subrogée dans les droits de l'assuré et procédera donc à l'avance et au recouvrement des sommes versées au titre de la majoration de la rente au taux fixé de 15 %, ainsi que des préjudices et des frais de l'expertise ; que la caisse rappelle qu'eu égard aux dates des notifications de prise en charge de la rechute et du taux d'Incapacité permanente suite à rechute telles qu'issues des réformes des procédures relatives à l'instruction des dossiers accident du travail/maladie professionnelle ainsi qu'aux règles de Tarification résultant du décret n° 2010-753 du 05/07/2010 mettant en place un principe de tarification unique à l'accident du travail initial et aux séquelles initiales et de manière forfaitaire pour les sinistres déclarés à compter de 2010, les conséquences financières de la rechute du 30 juin 2011, dont l'attribution de la rente de 15 %, n'impactent pas le compte Tarification employeur de la Société ERTECO ;
qu'elle estime néanmoins, que les sommes qui représentent les conséquences financières dues en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur sont aujourd'hui immédiatement récupérables auprès de l'employeur à l'exclusion d'une tarification employeur ;
qu'à cet égard, la caisse soutient que le législateur est venu consacrer le principe de l'indépendance des parties et dans le cadre des litiges de faute inexcusable entre le salarié et son employeur et que l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale applicable en l'espèce fait obligation à l'employeur de rembourser les sommes avancées par la Caisse, à la seule et unique condition que responsabilité soit reconnue par un jugement passé en force de chose jugée ;
que la caisse considère que la responsabilité de l'employeur est jugée d'après les circonstances de réalisation de l'accident du travail du 12 février 2011 et de la conscience du danger dans lequel l'employeur a placé son salarié le jour de l'accident initial et que dès lors, sa responsabilité s'étend à l'ensemble des préjudices ultérieurs induits par sa faute inexcusable le jour de l'accident du travail et les textes visant la réparation de de Faute Inexcusable que ce soit en matière de rente et de préjudices n'opèrent aucune distinction entre l'Accident Initial et les éventuelles rechutes ;
Sur ce,
que l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale créé par Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, dite loi de financement de la sécurité sociale, énonce que : "Quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3" ;
que ce texte concerne l'incidence sur l'action en remboursement des caisses primaires d'assurance maladie en cas de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable d'un non respect par celles-ci de la procédure d'instruction des demandes de prise en charge au titre de la législation professionnelle des accidents et maladies ; qu'il a été pris en vue de mettre fin à une jurisprudence qui estimait que ce non respect privait les caisses de tout recours à l'encontre de l'employeur ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun débat n'ayant cours sur la nature de l'accident et sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
que par ailleurs, l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale prévoit en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur que "la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre", soit le livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accident de travail et maladie professionnelles, indemnités qui incombent à la caisse ;
que le dernier alinéa de ce texte précise que: "La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret" ;
que la Caisse dispose donc en vertu de ce texte d'un recours personnel en remboursement à l'encontre de l'employeur, soit d'un recours récursoire et non subrogatoire, à la différence de celui qu'elle tire de l'article L452-3 ; que dans ces conditions, l'employeur est en droit d'opposer tous les moyens de défense tirés de ses relations avec la caisse et ainsi de lui opposer l'autonomie de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la rechute déclarée le 30 juin 2011 par Madame Q... ayant conduit la caisse à prendre en charge les soins subséquents et à verser une rente majorée ; qu'il en aurait été autrement si l'employeur s'était vu notifier par la caisse la décision de prise en charge de la rechute ouvrant ainsi pour lui la possibilité de contester cette décision ; qu'il en résulte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré que le taux révisé après rechute de 15 % était opposable à la société ED ;
ALORS QUE l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge, par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, ne prive pas la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, dès lors que sa faute inexcusable a été reconnue, les compléments de rente et les indemnités versées au titre notamment de la rechute ; qu'en affirmant que le caractère non contradictoire de la prise en charge de la rechute rendait le taux révisé après rechute de 15 % inopposable à la société ED dont la faute inexcusable avait pourtant été reconnue dans l'accident du travail survenu à sa salariée, la cour d'appel a violé les articles L 452-3 et L 452-3-1 du code de la sécurité sociale.