AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/05331
SOCIETE ERTECO ANCIENNEMENT SOCIETE ED
C/
[T]
CPAM DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 20 Juin 2016
RG : 20141781
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2017
APPELANTE :
SOCIETE ERTECO ANCIENNEMENT SOCIETE ED
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Antoine JULIE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
[V] [T]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL STEPHANE TEYSSIER AVOCAT, avocat au barreau de LYON substituée par Me Lucie DAVY, avocat au barreau de LYON
CPAM DU RHÔNE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par madame [Q] [R], munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Octobre 2017
Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président
Laurence BERTHIER, Conseiller
Thomas CASSUTO, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Novembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Madame [V] [T] a été victime d'un Accident du Travail le 12 février 2011 dans les circonstances suivantes : « Agression 4 voleurs interpellés en magasin, ces derniers se sont énervés et tout le monde en est venu aux mains ; la salariée a reçu des coups de poing et a été touchée à la nuque».
Le certificat médical initial établi à la date du 11 février 2011, fait état de « raideur musculaire cervical sans signe de la sonnette ni lésion osseuse récente décelable ».
Au vu de ces éléments, les Services Administratifs de la Caisse ont pris en charge les faits au titre de la Législation Professionnelle.
Les lésions relatives à cet accident ont été déclarées guéries le 1er mars 2011.
Le 19 mars 2012, Madame [V] [T] a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'une demande tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur et à l'issue de cette réunion, l'employeur n'étant ni présent, ni représenté, la Caisse a établi un procès-verbal de carence le 09/10/2012.
Madame [V] [T] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui par jugement rendu le 20 juin 2016 a :
- Dit que l'accident du travail survenu le 11 février 2001 est imputable à la faute inexcusable de l'employeur,
- Majoré la rente attribuée suite à la rechute au taux maximum prévu par la loi,
- Avant dire droit sur l'indemnisation, ordonné une expertise aux fins d'évaluer les préjudices subis,
- Donné acte à la CPAM qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance directement auprès de l'employeur, y compris du capital représentatif de la rente et des frais d'expertise.
La Société ERTECO a régulièrement relevé partiellement appel de cette décision.
Selon conclusions régulièrement signifiées qu'elle soutient à l'audience du 17 octobre 2017, la société ERTECO demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le taux révisé après rechute de 15 % était opposable à la société ED et statuant à nouveau de :
- Dire et juger que compte tenu de la guérison initiale intervenue aucun taux d'IPP n'est opposable à la société ED ;
- Dire et juger que la CPAM supportera seul le capital représentatif de la majoration de rente dont le montant ne pourra être récupéré auprès de la société ED.
Selon conclusions régulièrement signifiées qu'il soutient à l'audience du 17 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la CPAM procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes avancées au titre de la Faute inexcusable, y compris de la majoration de la rente sur la base de 15% et des frais de l'expertise diligentée.
Elle soutient qu e Madame [T] a bénéficié de la prise en charge d'un état de rechute en date du 30 juin 2011, dont les lésions ont été déclarées consolidées le 11 mars 2013, avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partiel de 15%. Elle estime qu'il y a lieu de distinguer entre ce qui est opposable à l'employeur en matière d'instruction et ce qui est recouvrable. Elle prétend disposer d'une action récursoire à l'encontre de l'employeur.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de relever que l'employeur ne remet pas en cause le principe de sa faute inexcusable retenu par le tribunal des affaires de sécurité sociale. Son appel est limité à l'opposabilité de la prise en charge de la rechute de Madame [T].
Il n'est pas non plus contesté que l'état de Madame [T] au 30 juin 2011 constitue une rechute de l'accident du travail survenu le 11 février 2011.
Sur la majoration de la rente opposable à l'employeur,
L'article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale dispose que :
« Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. »
La société ED soutient qu'en application de l'article D.242-6-3 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, «Le taux brut est calculé d'après le rapport de la valeur du risque propre à l'établissement à la masse totale des salaires payés au personnel, pour les trois dernières années connues. Ne sont pas compris dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents du trajet visés à l'article L.411-2 et les frais de rééducation professionnelle visés à radicle L.431-1.
La valeur du risque, telle que définie ci-dessus, comprend :
[...]
2°Les capitaux représentatifs des rentes notifiées au cours de la période triennale de référence aux victimes atteintes, à la date de consolidation initiale de leur état de santé, d'une incapacité permanente afférente à l'accident ou à la maladie concernés, à l'exception de l'incapacité permanente reconnue après rechute».
Elle considère que Madame [T] a été déclarée guérie et qu'aucune IPP ne lui a été reconnue, et qu'en conséquence, la rechute survenue ne peut être imputée sur son compte employeur, et qu'aucun capital représentatif de la majoration de rente calculé sur la base du taux d'IPP fixé après rechute à 15% ne pourra être mis à sa charge.
La caisse primaire d'assurance maladie soutient que l'employeur n'est pas fondé à se prévaloir d'une impossibilité pour la CPAM de recouvrer la majoration de rente au seul motif que l'attribution du taux de 15% suite à prise en charge d'un état de rechute qui n'est pas été contradictoire à son égard et de ses conséquences.
Elle estime en effet que les sommes dues au titre de la majoration de rente relèvent exclusivement de la responsabilité quasi-délictuelle de l'employeur et des règles de droit commun qui s'y attache. La faute inexcusable ayant été reconnue et jugée à l'encontre la société ERTECO, la Caisse est subrogée dans les droits de l'assuré et procédera donc à l'avance et au recouvrement des sommes versées au titre de la majoration de la rente au taux fixé de 15%, ainsi que des préjudices et des frais de l'expertise.
La caisse rappelle qu'eu égard aux dates des notifications de prise en charge de la rechute et du taux d'Incapacité permanente suite à rechute telles qu'issues des réformes des procédures relatives à l'instruction des dossiers accident du travail / maladie professionnelle ainsi qu'aux règles de Tarification résultant du décret n°2010-753 du 05/07/2010 mettant en place un principe de tarification unique à l'accident du travail initial et aux séquelles initiales et de manière forfaitaire pour les sinistres déclarés à compter de 2010, les conséquences financières de la rechute du 30 juin 2011, dont l'attribution de la rente de 15%, n'impactent pas le compte Tarification employeur de la Société ERTECO.
Elle estime néanmoins, que les sommes qui représentent les conséquences financières dues en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur sont aujourd'hui immédiatement récupérables auprès de l'employeur à l'exclusion d'une tarification employeur.
À cet égard, la caisse soutient que le législateur est venu consacrer le principe de l'indépendance des parties et dans le cadre des litiges de faute inexcusable entre le salarié et son employeur et que l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale applicable en l'espèce fait obligation à l'employeur de rembourser les sommes avancées par la Caisse, à la seule et unique condition que sa responsabilité soit reconnue par un jugement passé en force de chose jugée.
La caisse considère que la responsabilité de l'employeur est jugée d'après les circonstances de réalisation de l'accident du travail du 12 février 2011 et de la conscience du danger dans lequel l'employeur a placé son salarié le jour de l'accident initial et que dès lors, sa responsabilité s'étend à l'ensemble des préjudices ultérieurs induits par sa faute inexcusable le jour de l'accident du travail et les textes visant la réparation de de Faute Inexcusable que ce soit en matière de rente et de préjudices n'opèrent aucune distinction entre l'Accident Initial et les éventuelles rechutes.
Sur ce,
L'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale créé par Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, dite loi de financement de la sécurité sociale, énonce que : 'Quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3".
Ce texte concerne l'incidence sur l'action en remboursement des caisses primaires d'assurance maladie en cas de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable d'un non respect par celles-ci de la procédure d'instruction des demandes de prise en charge au titre de la législation professionnelle des accidents et maladies. Il a été pris en vue de mettre fin à une jurisprudence qui estimait que ce non respect privait les caisses de tout recours à l'encontre de l'employeur.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun débat n'ayant cours sur la nature de l'accident et sa prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par ailleurs, l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale prévoit en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur que 'la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre', soit le livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accident de travail et maladie professionnelles, indemnités qui incombent à la caisse.
Le dernier alinéa de ce texte précise que : 'La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.'
La Caisse dispose donc en vertu de ce texte d'un recours personnel en remboursement à l'encontre de l'employeur, soit d'un recours récursoire et non subrogatoire, à la différence de celui qu'elle tire de l'article L452-3.
Dans ces conditions, l'employeur est en droit d'opposer tous les moyens de défense tirés de ses relations avec la caisse et ainsi de lui opposer l'autonomie de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la rechute déclarée le 30 juin 2011 par Madame [T] ayant conduit la caisse à prendre en charge les soins subséquents et à verser une rente majorée. Il en aurait été autrement si l'employeur s'était vu notifier par la caisse la décision de prise en charge de la rechute ouvrant ainsi pour lui la possibilité de contester cette décision.
Il en résulte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a considéré que le taux révisé après rechute de 15 % était opposable à la société ED.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Réforme partiellement le jugement rendu le 20 juin 2016 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON,
Y substituant,
Dit que le taux de 15 % d'IPP reconnu et pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de LYON au bénéfice de Madame [V] [T] est inopposable à la société ED ;
En conséquence, dit que la CPAM supportera seul le capital représentatif de la majoration de rente dont le montant ne pourra être récupéré auprès de la société ED.
Dit n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.
LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE
Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH