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14/02/2019 | FRANCE | N°18-10787

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 février 2019, 18-10787


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2017), que, par acte authentique des 24 et 31 juillet 2008, M. K... a acquis un immeuble financé à l'aide d'un prêt accordé par le Crédit foncier de France (CFF) aux droits duquel vient la société Hoist finance AB et garanti par l'inscription du privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle ; que l'acte de vente mentionnait que ce prêt était accordé sous la condition suspensive

de la justification, avant la signature de l'acte notarié, du remboursement a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2017), que, par acte authentique des 24 et 31 juillet 2008, M. K... a acquis un immeuble financé à l'aide d'un prêt accordé par le Crédit foncier de France (CFF) aux droits duquel vient la société Hoist finance AB et garanti par l'inscription du privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle ; que l'acte de vente mentionnait que ce prêt était accordé sous la condition suspensive de la justification, avant la signature de l'acte notarié, du remboursement anticipé de deux autres prêts ; que, M. K... ayant cessé de rembourser le prêt souscrit auprès du CFF, celui-ci l'a assigné aux fins de constat de sa créance et en vente forcée ;

Attendu que M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en constat d'absence d'un titre exécutoire et en nullité du commandement de payer, de fixer le montant de la créance due et d'ordonner la vente forcée de l'immeuble ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'en signant l'acte authentique alors que la condition n'était pas accomplie, le prêteur et l'emprunteur avaient entendu renoncer au terme initialement convenu et choisi de proroger leurs engagements au-delà de ce terme, leur intention commune étant confirmée par le fait que le contrat de prêt avait reçu un commencement d'exécution puisque les fonds avaient été versés à M. K... qui avait procédé à des remboursements, et relevé que, selon les dispositions de l'article 1176 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la condition pouvait toujours être accomplie tant qu'il n'était pas devenu certain que l'événement attendu ne surviendrait pas, que le CFF produisait une lettre du 18 mars 2009 attestant de ce que les deux prêts consentis antérieurement à M. K... avaient été soldés et que la condition ainsi accomplie avait, conformément à l'article 1179 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, un effet rétroactif au jour du contrat de prêt, de sorte que I'acte authentique des 24 et 31 juillet 2008 était assorti de sa pleine efficacité au regard des dispositions de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, en a exactement déduit que la vente forcée de l'immeuble devait être poursuivie et a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. K... et du Crédit foncier de France et condamne M. K... à payer à la société Hoist finance AB la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. K....

IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. K... tendant à voir constater que la banque n'avait pas agi en vertu d'un titre exécutoire, à voir prononcer en conséquence la nullité du commandement de payer valant saisie du 17 septembre 2015 et à voir rejeter toutes demandes de la banque et d'avoir confirmé le jugement entrepris ayant mentionné le montant de la créance de la banque à la somme de 64.855,07 € arrêtée au 15 août 2015 avec intérêts postérieurs et accessoires jusqu'au jour du paiement, ordonné la vente forcée du bien saisi aux conditions fixées dans le cahier des conditions de vente et déterminé les modalités de visite de l'immeuble et de publicité de la vente

- AU MOTIF QUE Aux termes de 1' article L. 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière. Monsieur K... fait valoir devant la cour, comme il l'avait fait, sans succès, devant le juge de l'exécution, que la copie exécutoire de l'acte authentique de vente en vertu duquel le commandement lui a été délivré ne peut fonder la procédure de saisie immobilière dès lors qu'elle ne constate qu'un prêt juridiquement inefficace, en ce que ce prêt était soumis â l'accomplissement d'une condition suspensive assortie d'un terme, lequel était expiré sans que l'événement convenu soit arrivé, de sorte que la condition était censée défaillie par application de l'article 1176 (ancien) du Code civil. Il soutient que si la banque a néanmoins débloqué des fonds et s'il a procédé à des remboursements, ce ne peut être en exécution de ce contrat de prêt mais nécessairement en vertu d'un autre. Au titre des conditions de l'emprunt insérées à l'acte authentique des 24 et 31 juillet 2008, il était stipulé notamment celle de justifier avant la signature de l'acte notarié des justificatifs de remboursement anticipé total des prêts CMB N° 0744393679706 et n° 0744393679707. Cette condition figurait à l'offre préalable faite par la banque à Monsieur K... le 26 avril 2008, pour un prêt n° 35631279. Elle a été rappelée dans un courrier adressé par elle à celui-ci le 13 mars 2009, relatif au même prêt n° 3561279. Il résulte de cette chronologie que, ainsi que l'a justement relevé le juge de l'exécution, en signant l'acte authentique alors que la condition n'était pas accomplie, comme le montre le courrier précité, le prêteur et l'emprunteur avaient implicitement mais nécessairement entendu renoncer, comme il leur était loisible de le faire, au terme initialement convenu et choisi de proroger leurs engagements au-delà de ce terme, ce que ne contredit pas l'acte authentique qui n'a pas vocation à faire foi de l'intention non expressément exprimée par les parties. Une telle intention commune de celles-ci est encore confirmée par le fait que le contrat de prêt a reçu un commencement d'exécution de part et d'autre puisque les fonds ont été versés à Monsieur K... qui a procédé à des remboursements en tous cas jusqu'en 2014, et ce dernier ne justifie en rien de ce qu'il a conclu avec la banque un autre contrat de prêt pouvant causer ces versement et remboursements, alors que la mise en demeure notifiée le 24 mars 2015 et le commandement de payer signifié le 17 septembre 2015 visaient exclusivement le prêt n° 3561279. Il en résulte que, selon les dispositions de l'article 1176 (ancien) du Code civil, la condition pouvait toujours être accomplie tant qu'il n'était pas devenu certain que l'événement attendu, à savoir le remboursement total des prêts CMB visés, n'arriverait pas. Or, la banque poursuivante produit un courrier, daté du 18 mars 2009, du CMB de Brest Lambézellec attestant de ce que les deux prêts qu'elle avait consenti à Monsieur K... étaient soldés. La condition ainsi accomplie a, conformément à l'article 1179 (ancien) du Code civil, un effet rétroactif au jour du contrat de prêt, de sorte que l'acte authentique des 24 et 31 juillet 2008 est assorti de sa pleine efficacité au regard des dispositions de l'article L. 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution. Les autres dispositions du jugement, qui a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi et déterminé les conditions de cette vente, non discutées devant la cour, seront également confirmées, de même que celles qui sont relatives aux dépens de première instance.

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE en réitérant l'acte authentique sans que cette condition soit réalisée, il convient de retenir que les parties ont entendu y renoncer, ou à tout le moins renoncer au terme fixé, et ce d'autant que cette condition a été réalisée postérieurement de sorte que l'efficacité de l'acte ne saurait être remise en cause.

- ALORS QUE D'UNE PART lorsque dans un acte, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, l'acte est caduc ; qu'en l'espèce, l'acte authentique de vente (p. 22) contenant l'acte de prêt stipule notamment que celui-ci a été conclu « sous condition de justifier avant la signature de l'acte notarié des justificatifs de remboursement anticipé total des prêts CMB n° [...] et n° [...] », ce dont il résulte que cette condition suspensives relative au remboursement anticipé total des deux prêts CMB devaient être réalisées au plus tard les 24 et 31 juillet 2008 ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'au jour de la signature de l'acte authentique, la condition suspensive relative au remboursement anticipé total des prêts CMB n'était pas accomplie ; qu'en refusant de considérer que la condition contenue dans l'acte de prêt et reproduite dans l'acte authentique de vente était censée défaillie et en décidant en conséquence que l'acte authentique des 24 et 31 juillet 2008 était assorti de sa pleine efficacité au regard des dispositions de l'article L 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

- ALORS QUE D'AUTRE PART la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que dès lors, en l'espèce, en se bornant à énoncer que le prêteur et l'emprunteur avaient implicitement mais nécessairement entendu renoncer au terme initialement convenu et choisi de proroger leurs engagements au-delà de ce terme et qu'une telle intention commune des parties étaient encore confirmée par le fait que le contrat de prêt avait reçu un commencement d'exécution de part et d'autre, les fonds ayant été versés à M K... qui avait procédé à des remboursement en tous cas jusqu'en 2014 et en se fondant ainsi sur des éléments inopérants car postérieurs à la date de réalisation prévue, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le défaut de réalisation des conditions suspensives relatives au remboursement des deux prêts CMB, qui ne l'avait été que bien postérieurement à la signature de l'acte authentique, n'avait pas entraîné la caducité de l'acte de prêt de telle sorte que l'acte authentique de vente contenant prêt, ne pouvait pas être assortie de sa pleine efficacité au sens de l'article L311-2 du code des procédures civiles d'exécution, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1176 et 1134 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 .

- ALORS QUE DE TROISIEME PART lorsque la condition est stipulée dans l'intérêt des deux parties, la renonciation au bénéfice de l'une des conditions suspensives ne sera valable qu'en cas d'accord conjoint des deux parties ; qu'en l'espèce, l'exposant avait fait valoir (cf. ses conclusions notamment p. 4 et 5) que le CFF n'avait pas renoncé à la condition tenant au remboursement anticipé préalable des deux prêts CMB dès lors d'une part que l'acte authentique de vente rappelait à la page 22 les conditions du prêt dont celle du remboursement anticipé préalable des deux prêts avant la date de signature de l'acte authentique et que d'autre part le CFF avait par lettre du 13 mars 2009 soit huit mois après la signature de l'acte authentique réclamé le justificatif de remboursement desdits prêts, ce dont il résultait que le CFF n'avait pas renoncé à la condition ; qu'en décidant que les parties avaient entendu y renoncer, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 -

ALORS QU'ENFIN s'il est permis de donner une efficacité rétroactive aux dispositions d'un contrat dont la condition suspensive a défailli en cas de renonciation même non expresse à se prévaloir des conséquences juridiques de cette défaillance, c'est à la condition que cette renonciation implicite puisse être caractérisée ; qu'en se bornant à énoncer que le prêteur et l'emprunteur avait nécessairement entendu renoncer au terme initialement prévu et choisi de proroger leurs engagements au-delà de ce terme tout en constatant que le prêteur avait déjà débloqué les fonds au moment de la signature de l'acte authentique de vente alors même que les conditions stipulées dans le prêt n'étaient pas réunies, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1176 et 1134 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-10787
Date de la décision : 14/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 31 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 fév. 2019, pourvoi n°18-10787


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10787
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