La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2019 | FRANCE | N°17-31546

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 février 2019, 17-31546


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte notarié des 29 et 30 août 2002, la société Crédit lyonnais a consenti à M. H... X... un prêt garanti par le cautionnement hypothécaire de Mme O..., pour financer l'acquisition de la nue-propriété d'un bien immobilier cédée par son frère, G... ; que M. H... X... et Mme O... ont assigné la banque le 10 avril 2013 en nullité du contrat de prêt pour dol et en responsabilité contractuelle ; que M. G... X... est intervenu volontairement à l'instance

; qu'en cause d'appel, MM. X... et Mme O... (les consorts X...) ont soulev...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte notarié des 29 et 30 août 2002, la société Crédit lyonnais a consenti à M. H... X... un prêt garanti par le cautionnement hypothécaire de Mme O..., pour financer l'acquisition de la nue-propriété d'un bien immobilier cédée par son frère, G... ; que M. H... X... et Mme O... ont assigné la banque le 10 avril 2013 en nullité du contrat de prêt pour dol et en responsabilité contractuelle ; que M. G... X... est intervenu volontairement à l'instance ; qu'en cause d'appel, MM. X... et Mme O... (les consorts X...) ont soulevé la nullité du contrat de prêt pour fausse cause et invoqué la responsabilité délictuelle de la banque ;

Sur le premier moyen qui est recevable, comme étant de pur droit :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que les actions en nullité de l'acte de prêt notarié des 29 et 30 août 2002 pour dol et pour fausse cause sont prescrites et, par suite, irrecevables alors, selon le moyen, qu'une assignation signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; que cet effet interruptif s'applique à l'ensemble des moyens successifs présentés au soutien de la demande dont le délai de prescription a été interrompu ; qu'en l'espèce, l'assignation délivrée par les consorts X... le 10 avril 2013 à la société Crédit lyonnais a interrompu le délai de prescription de l'action en nullité du prêt, quel qu'en soit le fondement ; qu'en jugeant cependant irrecevable comme prescrite la demande en nullité du prêt pour fausse cause et cause illicite et immorale, parce que présentée pour la première fois sur ce fondement dans des conclusions du 6 janvier 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription le 17 juin 2013, tandis que l'assignation du 10 avril 2013 avait interrompu le délai de prescription de l'action en nullité, quel qu'en soit le fondement, de sorte que cette action n'était pas prescrite le 6 janvier 2016 lorsque les consorts X... ont invoqué la fausse cause et soutenu que la cause réelle du prêt était illicite et immorale, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;

Mais attendu qu'en application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'action en nullité pour absence de cause ou fausse cause se prescrit par cinq ans à compter de l'acte argué de nullité ; qu'il en résulte qu'à la date à laquelle l'assignation a été délivrée, le 10 avril 2013, l'action en nullité engagée par M. H... X... et Mme O... pour fausse cause était prescrite depuis le 31 août 2007 ; que, par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;

Mais sur le second moyen, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu l'article 2241 du code civil ;

Attendu que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en responsabilité délictuelle, l'arrêt retient qu'elle a été présentée pour la première fois dans des conclusions transmises le 18 février 2015, alors qu'elle aurait dû être formée avant le 19 juin 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité délictuelle tendait aux mêmes fins indemnitaires que l'action en responsabilité contractuelle engagée par l'assignation du 10 avril 2013, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la demande subsidiaire des consorts X... fondée sur la responsabilité délictuelle de la banque est prescrite et, par suite, irrecevable, l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à MM. H... et G... X... et à Mme O... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour MM. H... et G... X... et Mme O...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'action en nullité de l'acte de prêt notarié des 29 et 30 août 2002 pour dol était prescrite et par suite irrecevable, et d'avoir dit que l'action en nullité de cet acte de prêt pour fausse cause était aussi prescrite et par suite irrecevable ;

AUX MOTIFS QUE M. H... X... et Mme O... veuve X... ont assigné la banque le 10 avril 2013 en nullité du contrat de prêt pour dol ; que l'action en nullité pour vices du consentement est soumise à la prescription quinquennale prévue par l'ancien article 1304 du code civil qui prévoit notamment que le délai court en cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts ; que les appelants fixent le point de départ de la prescription au 16 juin 2010, date du commandement de payer valant saisie des biens immobiliers situés [...] ; que cependant, c'est au plus tard lors de la notification de la déchéance du terme du prêt et de son exigibilité faite par lettres recommandées du 7 octobre 2004, que H... X... et Mme O... veuve X..., ont été en mesure de découvrir le dol dont ils se prévalent ; qu'en effet, à cette date, la banque a manifesté clairement sa volonté de recouvrer le solde du prêt assorti des intérêts contractuels et les a informés de la saisine de son avocat afin que toutes procédures judiciaires soient mises en oeuvre ;

que le fait que la banque ait délivré un commandement de payer valant saisie quelques années plus tard n'a pas eu pour effet de reporter le point de départ de la prescription ; qu'en conséquence, l'action en nullité du prêt pour dol engagée le 10 avril 2013, soit plus de trois ans après l'expiration du délai quinquennal, est prescrite et par suite irrecevable ; qu'en cause d'appel, les consorts X... demandent à la cour de prononcer la nullité de l'acte de prêt pour fausse cause en se prévalant d'une cause réelle de nature illicite ou immorale ; qu'il est de principe qu'une telle action qui relève du régime des actions en nullité relative se prescrit également par cinq ans, par application de l'ancien article 1304 du code civil, étant précisé que le régime des actions en nullité a été unifié depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, en vertu duquel les actions personnelles sont soumises à la prescription quinquennale à compter du jour où le titulaire aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

que dans la mesure où les consorts X... font valoir que le financement de l'opération d'achat de droits immobiliers avait pour seul but de diminuer les encours de la banque envers la société Optimum, le point de départ de la prescription quinquennale se situe nécessairement à la date de l'acte notarié de prêt, le 30 août 2002, de sorte que la demande en nullité fondée sur la fausse cause formalisée pour la première fois en cause d'appel le 6 janvier 2016, est prescrite et par suite irrecevable ; qu'à supposer que cette demande relèverait du régime de la nullité absolue, les consorts X... reconnaissent, dans leurs dernières écritures (page 15), que le nouveau délai de prescription édicté par l'article 2224 du code civil qui court à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2009, a expiré le 17 juin 2013 ; que cependant leur demande de nullité pour fausse cause a été formalisée en janvier 2016, soit bien postérieurement à cette date butoir ;

ALORS QU'une assignation signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; que cet effet interruptif s'applique à l'ensemble des moyens successifs présentés au soutien de la demande dont le délai de prescription a été interrompu ; qu'en l'espèce, l'assignation délivrée par les consorts X... le 10 avril 2013 au Crédit Lyonnais a interrompu le délai de prescription de l'action en nullité du prêt, quel qu'en soit le fondement ; qu'en jugeant cependant irrecevable comme prescrite la demande en nullité du prêt pour fausse cause et cause illicite et immorale, parce que présentée pour la première fois sur ce fondement dans des conclusions du 6 janvier 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription le 17 juin 2013 (arrêt, p. 10 § 5), tandis que l'assignation du 10 avril 2013 avait interrompu le délai de prescription de l'action en nullité, quel qu'en soit le fondement, de sorte que cette action n'était pas prescrite le 6 janvier 2016 lorsque les consorts X... ont invoqué la fausse cause et soutenu que la cause réelle du prêt était illicite et immorale, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la demande subsidiaire des consorts X... fondée sur la responsabilité délictuelle du Crédit Lyonnais et la demande infiniment subsidiaire au titre des manquements contractuels aux devoir de conseil et de mise en garde étaient prescrites et par suite irrecevables ;

AUX MOTIFS QU' invoquant les manoeuvres dolosives de la banque, les consorts X... n'ont recherché, à titre subsidiaire, la responsabilité de celle-ci, sur le fondement délictuel, que postérieurement à la réinscription de l'affaire au répertoire général du tribunal de grande instance de Rodez intervenue le 30 janvier 2014 ; que dans leur assignation, les consorts X... ont à titre principal sollicité la nullité de l'acte de prêt, des garanties hypothécaires et du cautionnement réel pour dol outre l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et à titre subsidiaire, ils ont invoqué la responsabilité contractuelle de la banque ; que l'affaire a fait l'objet d'une radiation administrative par ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2013 pour défaut de communication des pièces des demandeurs ; que cette communication est intervenue le 29 juin 2014 ; que la demande fondée sur la responsabilité délictuelle de la banque au titre de prétendues manoeuvres dolosives a donc été exercée à titre subsidiaire postérieurement à cette date, étant observé que le jugement fait état de conclusions transmises le 18 février 2015 ; qu'aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que le délai de prescription applicable aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée était décennal ; que la banque est fondée à se prévaloir de ces dispositions légales qui ne distinguent pas selon le caractère civil ou commercial des obligations qu'elles visent ;

qu'en tout état de cause, le délai de prescription de 10 ans édicté à l'ancien article 2270-1 du code civil a également été réduit à cinq ans en vertu de l'article 2224 du même code, issu de la loi du 17 juin 2008 ; qu'eu égard aux motifs ci-dessus exposés, les faits prétendument dolosifs et leurs conséquences quant aux poursuites judiciaires encourues ont été révélés aux consorts X... au plus tard lors de la notification de la déchéance du terme du prêt, les 13 et 13 octobre 2004 ; que dès lors, les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de la banque du fait de prétendues manoeuvres dolosives, auraient dû être formées avant le 19 juin 2013 ; qu'une telle demande faite postérieurement au 30 juin 2013 est prescrite et par suite irrecevable ;

ALORS QU'une assignation signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; que cet effet interruptif s'applique à l'ensemble des moyens successifs présentés au soutien de la demande dont le délai de prescription a été interrompu ; qu'en l'espèce, l'assignation délivrée par les consorts X... le 10 avril 2013 au Crédit Lyonnais a interrompu le délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre la banque, quel qu'en soit le fondement ; qu'en jugeant cependant irrecevable comme prescrite la demande des consorts X... en responsabilité délictuelle du Crédit Lyonnais, parce que présentée pour la première fois sur ce fondement le 18 février 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription le 19 juin 2013 (arrêt, p. 11 §2 et 6), tandis que l'assignation du 10 avril 2013 avait interrompu le délai de prescription de l'action en responsabilité, quel qu'en soit le fondement, de sorte que cette action n'était pas prescrite le 6 janvier 2016 lorsque les consorts X... ont invoqué la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-31546
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 24 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 fév. 2019, pourvoi n°17-31546


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31546
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award