LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 août 2017), que, le 12 novembre 2008, la SCI L'Envol a donné à bail à l'association Union départementale des associations familiales (l'UDAF) un immeuble à usage professionnel de bureaux et maison d'accueil spécialisé ; que, le 7 août 2012, la locataire a donné congé ; que, soutenant que le congé était irrégulier et que des travaux avaient été réalisés dans l'immeuble sans son autorisation, la bailleresse a assigné la locataire en paiement des loyers jusqu'au terme du bail, en remise des lieux en état et en indemnisation de l'immobilisation ;
Attendu que la SCI L'Envol fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la locataire avait avisé la bailleresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de la date de libération des lieux, que la bailleresse ne s'était pas présentée pour la remise des clés et la rédaction de l'état des lieux de sortie et avait par la suite refusé à deux reprises, par lettre et par acte d'huissier de justice, de recevoir les clés, la cour d'appel a pu en déduire que les lieux avaient été restitués le 2 février 2013 et qu'aucun arriéré de loyer n'était dû ;
Attendu, d'autre part, qu'un état des lieux établi unilatéralement peut être admis comme élément de preuve dès lors qu'il a été soumis à la discussion contradictoire ; qu'ayant relevé que la bailleresse était absente lors de la libération des lieux dont la date lui avait été communiquée et qu'un état des lieux dressé le même jour par un huissier de justice mentionnait que l'immeuble était restitué en état d'usage, la cour d'appel en a souverainement déduit que les dégradations constatées le 5 novembre 2014 ne pouvaient être imputées à la locataire ;
Attendu, enfin, qu'ayant relevé que la bailleresse avait accepté de modifier la destination de son immeuble initialement à usage d'habitation en le donnant à bail pour un usage professionnel et que cette nouvelle destination nécessitait d'importants travaux de mise en conformité que la locataire avait pris en charge avec l'accord exprès de la bailleresse, la cour d'appel, a pu en déduire que celle-ci n'était pas fondée à exiger la remise des lieux en leur état d'origine ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI L'Envol aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI L'Envol et la condamne à payer à l'Union départementale des associations familiales la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Y..., avocat aux Conseils, pour la société L'Envol.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI L'Envol de l'ensemble de ses demandes dirigées contre l'association Union départementale des associations familiales (UDAF) ;
AUX MOTIFS QUE, à l'énoncé de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, dans sa version applicable à la date du contrat, dont les dispositions sont d'ordre public en application de l'article 46 de la loi, « le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Il est établi par écrit. Au terme fixé par le contrat et sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article, le contrat est reconduit tacitement pour la même durée. Chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat à l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois. Le locataire peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois. Les notifications mentionnées au présent article sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier. Les parties peuvent déroger au présent article dans les conditions fixées au 7º du I de l'article L.145-2 du code de commerce » ; qu'en application des dispositions du texte précité, l'UDAF, dont le caractère professionnel du bail n'est pas discuté, pouvait donner congé à tout moment en respectant un délai de préavis de six mois ; que l'UDAF ayant donné congé par courrier recommandé du 7 août 2012 reçu par la société L'Envol le 9 août suivant, le bail a expiré le 9 février 2013 ; que la société L'Envol ne conteste pas avoir reçu la lettre recommandée adressée par l'UDAF le 30 janvier 2013 l'avisant de la libération de l'immeuble et lui proposant la remise des clefs sur place le 2 février suivant à 12 heures et que c'est vainement qu'elle prétend que ce courrier ne mentionne pas l'établissement de l'état des lieux de sortie alors qu'il est d'usage que celui-ci soit établi lors de la remise des clefs et que, dans le congé, la locataire lui a précisé se tenir à sa disposition pour établir l'état des lieux de sortie ; que la société L'Envol ne s'étant pas présentée sur place le 2 février 2013 et ayant ensuite refusé l'envoi postal contenant les clefs, il convient de dire les clefs restituées à cette date, le prétendu usage local dont fait état l'intimée n'étant pas établi, la restitution des clefs par le locataire ne dépendant pas du bon vouloir du bailleur ; que l'UDAF ayant réglé le loyer du mois de février 2013, il convient, infirmant le jugement, de débouter la société L'Envol de sa demande en paiement de loyers ; que la société L'Envol reproche à l'UDAF d'avoir procédé à des modifications importantes des lieux sans son accord, son autorisation ayant été sollicitée le 16 mars 2009 pour une mise en conformité alors que le bail avait pris effet le 1er novembre 2008 ; qu'elle prétend n'avoir pas été informée de la nature des travaux, lesquels ont entraîné des dégradations lui interdisant de louer les lieux à titre d'habitation bourgeoise ; qu'elle se prévaut de nombreuses dégradations constatées par l'huissier C... le 5 novembre 2014 et le rapport de M. A..., expert immobilier, du 11 décembre 2014 et de modification des lieux établis dans le rapport de M. A... du 8 novembre 2012 ; que, cependant, il est de principe que le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsque les locaux loués ne peuvent être normalement utilisés faute de respecter les normes prescrites par la réglementation ; que le bailleur a donc l'obligation de délivrer au locataire des locaux conformes à la réglementation de l'activité prévue au bail, en l'espèce, des locaux à usage professionnel (bureaux - maison d'accueil spécialisée) ; qu'en l'espèce, l'UDAF, qui aurait pu exiger de la société L'Envol qu'elle remplisse son obligation de délivrance, a pris les travaux à sa charge et y a associé le bailleur, lequel était présent dès le 22 septembre 2008, antérieurement à la prise de possession, lors de la visite de M. B..., major sapeur-pompier, pour déterminer les travaux à réaliser et a donné l'autorisation, le 16 mars 2009, de procéder aux travaux de mise en conformité ; que la société L'Envol ayant changé l'usage de son immeuble en ne le louant pas à usage d'habitation bourgeoise ne peut donc réclamer que cet immeuble lui soit rendu en état de répondre à cet usage ; que la demande en paiement de travaux de remise des lieux dans leur état antérieur ne peut prospérer et qu'il convient, infirmant le jugement, de la débouter de sa demande d'indemnité d'immobilisation ; que, pour ce qui concerne les réparations, à défaut de stipulation particulière, ce sont les règles du code civil qui recevront application ; que les articles 1754 et 1755 du code civil mettent à la charge du locataire toutes les réparations locatives et de menu entretien, sauf lorsqu'elles sont occasionnées par la vétusté ou la force majeure ; que le bailleur supporte toutes les autres réparations ; qu'il appartient donc au bailleur d'établir les dégradations des lieux en rapport avec l'usage prévu au bail ; que la société L'Envol verse au débat le constat établi par l'huissier C... le 5 novembre 2014 et le rapport de M. A..., expert immobilier du 11 décembre 2014 ; que, cependant, les lieux étant à sa disposition dès le 2 février 2013, ces constats ne peuvent faire preuve de dégradations imputables à l'UDAF, laquelle justifie en produisant le constat de l'huissier D..., dressé au jour de sa sortie que les lieux étaient en bon état, d'autant que, par courrier du 19 juillet 2013, la société L'Envol s'est plainte à l'UDAF de l'organisation d'un squat dans les locaux ; que le constat d'huissier ayant été dressé vingt mois après la fin de la location et la remise des lieux à disposition de la société L'Envol, il convient, infirmant le jugement, de la débouter de sa demande en paiement de travaux de réparation ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le preneur est débiteur, à l'endroit du bailleur, d'une obligation de restituer la chose louée à l'issue du bail ; qu'il lui appartient de prouver qu'il s'est acquitté de son obligation, soit qu'il ait remis les clés au bailleur, soit encore que le bailleur ait refusé de les recevoir ; que, pour débouter la SCI L'Envol de ses demandes, l'arrêt attaqué retient qu'elle ne conteste pas avoir reçu une lettre recommandée adressée par l'UDAF le 30 janvier 2013 l'avisant de la libération de l'immeuble pris à bail et lui proposant la remise des clefs sur place le 2 février suivant à 12 heures, et que, la SCI L'Envol ne s'étant pas présentée et ayant ensuite refusé l'envoi postal contenant les clefs, il convient de dire les clefs restituées à cette date ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que l'UDAF n'avait pas tenté de remettre les clés en main propre au bailleur ou un mandataire habilité par lui à les recevoir, la cour d'appel a violé les articles 1134 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1730 et 1754 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE l'état des lieux est établi contradictoirement par les parties lors de la remise et de la restitution des clés ou, à défaut, par huissier de justice, à l'initiative de la partie la plus diligente ; que, lorsque l'état des lieux doit être établi par huissier de justice, le respect de la contradiction et des droits de la défense commande que les parties en soient avisées par lui à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que, pour débouter la SCI L'Envol de ses demandes, l'arrêt attaqué retient que le constat de l'huissier D... dressé le 2 février 2013 justifie du bon état de l'immeuble pris à bail au jour du départ de l'UDAF ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de l'exposante, p. 9), si le constat d'huissier de justice n'était pas inopposable à la SCI L'Envol faute pour celle-ci d'avoir été préalablement informée de l'établissement de cet acte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1730 et 1754 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le bailleur est obligé notamment de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; que, pour débouter la SCI L'Envol de ses demandes, l'arrêt attaqué retient que le bail concernait des locaux à usage « professionnel (bureaux - Maison d'Accueil Spécialisée) » et que, les travaux de mise en conformité pris en charge par l'UDAF ayant incombé à la SCI L'Envol en vertu de son obligation de délivrance, celle-ci n'était pas fondée en sa demande de remise en état des lieux loués ; qu'en statuant ainsi, cependant que le bail stipulait que « le locataire reconnaît que le bailleur satisfait à son obligation de délivrance telle que définie par l'article 1719 du code civil », la cour d'appel a violé les articles 1134 dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1719 et 1720 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE, le preneur est débiteur, à l'endroit du bailleur, d'une obligation de restituer la chose louée à l'issue du bail ; que, pour débouter la SCI L'Envol de ses demandes, l'arrêt attaqué retient qu'elle a changé l'usage de son immeuble en ne le louant pas à usage d'habitation bourgeoise et qu'elle ne peut pas réclamer que cet immeuble lui soit rendu en état de répondre à cet usage ; qu'en statuant ainsi, cependant que le bail prévoyant l'obligation pour le locataire de remettre les lieux loués à ses frais dans leur état d'origine pour le cas où des aménagements ou améliorations faits par lui leur causeraient des dégradations irréversibles, la SCI L'Envol pouvait exiger que l'immeuble pris à bail lui soit rendu dans son état d'origine, en tant notamment qu'il était « composé au rez-de-chaussée de deux appartements F3 et à l'étage d'un appartement F4 », la cour d'appel a méconnu les articles 1134 dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1730 et 1754 du code civil.