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06/02/2019 | FRANCE | N°17-28518

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2019, 17-28518


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc.,16 mars 2016, pourvoi n° 14-19683), que M. X... a été engagé, le 30 mars 1987, par la société Gerland routes, aux droits et obligations de laquelle vient la société Eiffage route Centre Est (la société) ; qu'en arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008, le salarié a été déclaré inapte à son poste ; qu'il a été, le 18 mars 2010, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
>Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spéc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc.,16 mars 2016, pourvoi n° 14-19683), que M. X... a été engagé, le 30 mars 1987, par la société Gerland routes, aux droits et obligations de laquelle vient la société Eiffage route Centre Est (la société) ; qu'en arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008, le salarié a été déclaré inapte à son poste ; qu'il a été, le 18 mars 2010, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ;

Attendu que pour déclarer le salarié irrecevable en sa contestation du caractère non professionnel de l'inaptitude à l'origine de son licenciement et le débouter de ses demandes issues du caractère mal fondé de son licenciement et de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail, l'arrêt retient que la simple lecture de l'arrêt rendu le 16 mars 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation permet de constater que cette juridiction a entendu valider la décision de l'arrêt déféré retenant l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, puisque les branches du moyen visant ce point ont été expressément rejetées ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 novembre 2013 avait été cassé, sauf en ce qu'il annulait l'avertissement du 26 mars 2008 et condamnait la société à payer au salarié la somme de 150 euros au titre de l'avertissement annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties en l'état où elle se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Eiffage route Centre Est aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eiffage route Centre Est à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. X... irrecevable en sa contestation du caractère non professionnel de l'inaptitude à l'origine de son licenciement, ET D'AVOIR en conséquence débouté M. X... de ses demandes issues du caractère mal fondé de son licenciement et de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

AUX MOTIFS QU'au soutien de sa contestation du licenciement qui lui a été notifié le 19 mars 2009, M. X... invoque deux arguments distincts :

- d'une part l'attitude fautive de l'employeur, qu'il estime être à l'origine directe et exclusive de l'inaptitude et du licenciement subséquent,

- et d'autre part le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de recherche de reclassement ;

la société Eiffage route Centre Est conteste la recevabilité du premier grief, estimant que cette question a été définitivement tranchée par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 6 novembre 2013, puisque les branches du moyen de cassation portant sur ce point ont été rejetées par la Cour de cassation comme mal fondées ; le salarié s'oppose à cet argument en faisant valoir que le dispositif de l'arrêt du 16 mars 2016 n'exclut de la cassation prononcée que l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre ; mais la simple lecture de l'arrêt rendu le 16 mars 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation permet de constater que cette juridiction a entendu valider la décision de l'arrêt déféré retenant l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de M. X... puisque les branches du moyen visant ce point ont été expressément rejetées ; par ailleurs, l'absence de précision expresse à ce sujet dans le dispositif de cet arrêt de cassation partielle s'explique directement par le fait que le dispositif de l'arrêt du 6 novembre 2013 n'incluait aucune mention spécifique au sujet de l'origine de cette inaptitude ; par voie de conséquence, c'est à juste titre que l'employeur estime irrecevable devant la cour de renvoi la contestation réitérée par le salarié de l'origine non professionnelle de son inaptitude ;

ALORS QUE la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en l'espèce, par arrêt du 16 mars 2006, la Cour de cassation n'a exclu de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 6 novembre 2013 que l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts à ce titre, de sorte que rien n'a subsisté du dispositif de l'arrêt attaqué qui avait jugé que le licenciement prononcé pour inaptitude reposait sur une cause réelle et sérieuse ; que la cause et les parties ayant été remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant cet arrêt, M. X... était en droit devant la cour d'appel de renvoi de contester le caractère réel et sérieux du licenciement en se prévalant de moyens tirés de l'attitude fautive de l'employeur à l'origine de son inaptitude ; qu'en déclarant M. X... irrecevable en cette demande et en refusant d'examiner les moyens qu'il avait présentés au motif inopérant que les branches du moyen visant l'origine professionnelle de l'inaptitude avaient été expressément rejetées par l'arrêt de cassation du 16 mars 2008 qui avait ainsi entendu valider la décision de l'arrêt déféré retenant l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel a violé les articles 624, 631, 632 et 633 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse, ET D'AVOIR débouté M. X... de ses demandes de condamnation de la société Eiffage route Centre Est venant aux droits de la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, le médecin du travail a déclaré le 9 février 2010 M. X... inapte au poste d'agent routier en une seule visite pour cause de danger immédiat ; la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne a interrogé dès le lendemain, par courrier du 10 février 2010, M. X... sur sa mobilité dans le cadre d'un reclassement, et ce salarié lui a répondu le 15 février 2010 qu'il se positionnerait en fonction des propositions qui lui seraient faites ; par ailleurs, la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne a interrogé par courrier du 11 février 2010 le médecin du travail sur les aptitudes résiduelles de M. X... dans le cadre d'un reclassement, interrogation à laquelle ce praticien n'a toutefois donné aucune suite ni réponse ; la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne avait néanmoins dans ce cadre une obligation de rechercher, tant en son sein que dans le groupe auquel elle appartient, une solution personnalisée de reclassement compatible avec l'aptitude résiduelle de M. X... ; à ce sujet, elle rappelle à juste titre que son activité principale est constituée par les travaux de construction ou d'entretien d'ouvrages routiers ou aménagements urbains, et que M. X... a été déclaré inapte à son poste d'agent routier, c'est-à-dire d'ouvrier travaillant à un titre ou un autre sur un tel chantier ; elle verse aux débats (sa pièce 25) un extrait de son registre unique des entrées sorties du personnel dont il résulte effectivement qu'aucun poste compatible avec les restrictions constatées par le médecin du travail ne pouvait être offert à M. X... à cette époque au sein de ses différents établissements ; pour contester néanmoins le sérieux de cette recherche de reclassement en interne, M. X... reproche à la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne en premier lieu de ne pas avoir suffisamment interrogé le médecin du travail ; ce reproche s'avère toutefois mal fondé, en l'état du courrier précité du 11 février 2010 (pièce 13), courrier que l'employeur n'avait pas d'obligation de réitérer même en l'absence de réponse expresse de médecin, compte tenu des termes généraux de l'avis d'inaptitude rendu et de sa connaissance – non contestée ni contestable – du fait que la cause de cette inaptitude de M. X... était un état de dépression chronique d'origine non professionnelle ; en second lieu, M. X... fait grief à l'employeur de ne pas lui avoir proposé un quelconque autre poste en son sein, quitte à le faire bénéficier d'un aménagement de poste ou d'une formation complémentaire ; force est toutefois de constater, au vu du registre du personnel précité, qu'aucun poste de cette nature n'était vacant au sein de l'entreprise Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne à l'époque du licenciement litigieux et que M. X... n'indique d'ailleurs pas quel poste précis aurait pu ou dû lui être proposé dans ce cadre ; par ailleurs, la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne justifie avoir interrogé l'ensemble des autres entreprises appartenant au même groupe qu'elle sur les possibilités de reclassement de M. X... en leur sein, démarche dont le résultat n'a pas permis d'identifier un poste susceptible d'être proposé à l'intéressé après le cas échéant interrogation du médecin du travail ; en effet, il est incontestable que le profil professionnel de M. X... rendait difficile son affectation sur tout autre emploi que celui d'agent routier, auquel il a été déclaré inapte, et que son employeur n'avait pas l'obligation pour le reclasser de lui assurer une formation complète pour lui permettre d'occuper un emploi d'un tout autre type ; en l'état de ces éléments, la cour estime que la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne justifie avoir procédé à une recherche sérieuse et personnalisée d'une solution de reclassement pour M. X... tant au sein de ces différents établissements que dans les différentes sociétés du groupe à laquelle il appartient ; aucun manquement à ses obligations ne peut donc lui être reproché de ce chef ;

1°- ALORS QUE l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail déclarant le salarié inapte à occuper un poste de travail dans l'entreprise, même en cas d'urgence, ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise, et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que les juges du fond doivent caractériser l'impossibilité de l'employeur de mettre en oeuvre de telles mesures; qu'en l'espèce, la société Eiffage route Centre Est a reconnu dans ses conclusions d'appel que le médecin du travail lui avait indiqué que M. X... était apte à effectuer des travaux administratifs légers et à occuper un poste de magasinier « léger » ; qu'en affirmant de manière erronée ou inopérante que le médecin du travail n'avait donné aucune réponse sur les aptitudes résiduelles de M. X... et que de surcroît l'employeur qui démontrait employer essentiellement des agents routiers, établissait qu'il n'existait aucun poste compatible avec l'avis du médecin du travail ayant déclaré M. X... inapte à un poste d'agent routier, sans vérifier si la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne avait cherché à reclasser M. X... sur un poste permettant d'effectuer des travaux administratifs légers ou encore sur un poste de magasinier « léger », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

2°- ALORS QU'il incombe à l'employeur de justifier de démarches précises afin de reclasser le salarié devenu inapte à son emploi et en particulier de démontrer avoir recherché les possibilités de mutations, d'adaptations ou de transformations de postes de travail ; que M. X... a fait valoir dans ses conclusions d'appel (p.19) que la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne aurait pu l'affecter à la distribution de matériels au sein d'un magasin, à un poste d'agent de sécurité sur les chantiers ou même encore auprès des mécaniciens dans les garages pour effectuer l'entretien et la réparation des engins de travaux publics ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir indiqué quel poste précis aurait pu ou dû lui être proposé, sans vérifier si la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne avait effectivement recherché la possibilité d'une mutation ou d'un aménagement de poste autre que celui d'agent routier, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-28518
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-28518


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.28518
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