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06/02/2019 | FRANCE | N°17-27983

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2019, 17-27983


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 septembre 2017), que M. Y... a été engagé par la société Sopap automation, venant aux droits de la société X... France à compter du 1er mai 2010, en qualité de responsable des ventes itinérant ; que le 9 juillet 2014, il a saisi la juridiction prud'homale d'une action en résiliation judiciaire de contrat de travail aux torts de son employeur et de diverses demandes au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail ;

Sur les trois premiers moyens

du pourvoi :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision sp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 20 septembre 2017), que M. Y... a été engagé par la société Sopap automation, venant aux droits de la société X... France à compter du 1er mai 2010, en qualité de responsable des ventes itinérant ; que le 9 juillet 2014, il a saisi la juridiction prud'homale d'une action en résiliation judiciaire de contrat de travail aux torts de son employeur et de diverses demandes au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail ;

Sur les trois premiers moyens du pourvoi :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que, sans se contredire et par une décision motivée, la cour d'appel a estimé que la demande était étayée et constaté l'existence d'heures supplémentaires dont elle a souverainement évalué l'importance en fixant le montant des créances ; que le moyen, inopérant en sa cinquième branche, la saisine du conseil de prud'hommes le 9 juillet 2014 ayant interrompu la prescription, même si certaines demandes ont été présentées en cours d'instance, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sopap automation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sopap automation à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sopap automation

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes du salarié, et en ce qu'il a débouté l'EURL X... aux droits de laquelle vient la SAS Sopap Automation de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, d'AVOIR infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant, d'AVOIR ordonné la résiliation du contrat de travail du 1er mai 2010 aux torts de la SAS Sopap Automation avec effet au 18 avril 2016, d'AVOIR dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement nul, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation à payer au salarié les sommes de 50 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, de 12 863,98 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 1 286,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de 40 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du harcèlement moral, de 5 000,00 euros de dommages et intérêts nés du non-respect de l'obligation de sécurité, et de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, d'AVOIR ordonné la remise par la SAS Sopap Automation au salarié des documents de fins de contrat rectifiés en fonction de la décision, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :
- le 7 juin 2017 pour M. Daniel Y...,
- le 12 juin 2017 pour la SARL X..., et soutenues oralement à l'audience.
(
) 2- sur la rupture du contrat de travail
Monsieur Y... ayant saisi conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail le 9 juillet 2014 avant d'être licencié le 18 avril 2016, il faut examiner préalablement la demande de résiliation.
Au soutien de sa demande, M. Y... fait état :
- d'un harcèlement moral,
- d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,
le tout ayant affecté sa santé et porté atteinte à son avenir professionnel.
Concernant le harcèlement, il lui appartient de présenter, en application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L. 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Au vu de ces éléments, à les supposer établis, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifient la situation présentée par le salarié.
M. Y... argue :
- de défaillance dans l'organisation entraînant une surcharge de travail,
- de violences verbales de la part d'un dénommé A...,
- d'un acharnement procédural conduisant à de nombreuses contrevisites médicales abusives,
- à une dégradation de son état de santé l'obligeant à mettre fin au contrat portant ainsi atteinte à son avenir professionnel.
Si la surcharge de travail n'est pas établie autrement que par les plaintes du salarié appuyées par son épouse, il ressort en revanche de nombreux échanges de mail que M. Y... était traité par le dénommé A..., directeur industriel, d'une manière humiliante et irrespectueuse et ce continuellement. A titre d'exemples non exhaustifs, dans des mails avec copie à des collègues :
- du 31 mars 2011 le dénommé A... lui indique : « Tu chies dans la colle. As-tu décidé de ne plus prendre au sérieux PSA ' »
- du 28 septembre 2011 : « Super !! Comme je vais finir par tout envoyer c'r (Sopap Auto et tout le reste...), il va falloir trouver un candidat YAKA au poste de DI.'je l'ai trouvé : Toi.
Avec des 'il n'y a qu'à' et des 'si' on peut tout faire »
- du 16 avril 2012 : « Tu vas encore penser que je t'en veux, mais suite aux dates données ci-dessous, je me suis intéressé à ton planning OUTLOOK.
J'en tire plusieurs leçons :
• quoique je dise tu ne fais que ce que tu as envie ' aucun RdV professionnel ou organisation planifiée dans le mois à venir à part la réunion chez Laurent.
• Tu sais planifier tes vacances car elles sont toutes indiquées ' c'est un centre d'intérêt comme un autre, mais quand même.
• Tu prévois de venir le 25 pour aller à Douai le 27 ' cherche à faire des économies de route et de fatigue : comme tu n'as rien de planifier je te propose d'arriver le 26 en fin d'après-midi et de récupérer le matériel, de dormir à Charleville et d'aller ensuite à Douai le vendredi 27 au matin pour rentrer le soir chez toi.
• Tu n'as aucun RdV planifier à l'avance. N'as-tu dons pas l'intention de prendre des visites clients ' J'ai l'impression que Bruno et Laurent sont les seuls à tourner en clientèle : je me trompe ou j'ai encore rien compris '
• Stp, UN PLANNING SE RENSEIGNE A L'AVANCE ET PAS APRES QUE LA SEMAINE SOIT FINIE !
Tu as beaucoup de chance que M. X... n'a pas encore eu accès à ton planning mais ça va changer car je vais demander à ce que tu sois muté sur la messagerie de Ratingen. Si moi, je suis incapable de te faire entendre raison, je reste persuader que André saura être plus « pédagogique ».
Tu nous as prouvé qu'avec un peu de pression, tu es capable de parler d'autres choses que les tables SOPAP avec exemple les convoyeurs. Je te demande une nouvelle et dernière fois d'être présent chez nos clients et de pousser toute la gamme.
Il faut que tu arrêtes de penser que tu es encore dans ton ilot d'Aulnay comme cela était du temps de la SOPAP ' tu fais partie d'une équipe ou plutôt d'une famille ! »
- du 19 novembre 2012 : « je te prie d'écrire beaucoup plus lisiblement le nom de tes invités je n'ai pas de temps à perdre (et le commissaire aux comptes) à essayer de déchiffrer pour vérifier la justification ».
Suit une critique des notes de frais dans laquelle M. Y... est accusé d'être « grand seigneur avec l'argent de la société » en invitant des collègues en ces termes : « c'est la dernière fois que je le dis : la prochaine fois, tu en seras de ta poche, ou tu iras réclamer à tes invités'la prochaine fois qu'une telle idée te passe par la tête, je te prie ou de l'oublier ou de me demander l'autorisation »
- du 12 décembre 2012, alors qu'il reproche à M. Y... un manque de diligence sur une tâche à effectuer il indique : « ce n'est pas la peine d'appeler pour faire le nounours en t'excusant avec une excuse bateau et d'envoyer un mail avec les montants, ce sont les factures que je veux. Tout le monde est débordé et ça emmerde tout le monde de faire ça, mais c'est comme ça. »
- du 16 janvier 2013, à propos du comportement courtois employé par M. Y... avec une collègue : « C'est quoi ce truc ' Tu travailles pour son augmentation ou tu as une autre idée derrière la tête ' Elle essaye et surtout doit faire son boulot correctement comme nous devrions tous le faire, c'est tout. Point/barre. Alors STP, arrête les courbettes et autres rites de remerciements déplacés. Un merci de temps en temps, c'est très bien et encourageant ; plus c'est suspect. »
- du 14 mai 2013 : « Je suis très énervé de constater que nous sommes incapables de gérer un simple petit reste à faire. ..... Le « merdier » là-dessous n'est qu'une dissertation absolument inefficace !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! JE VEUX UN TABLEAU EXCEL ..... Il va falloir penser à être des industriels un jour »
- du 15 mai 2013 : « Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte dans ton monde, mais nous avons besoin de commandes... »
- du 18 octobre 2013 à propos d'un courriel où il remercie beaucoup un collègue d'avoir pris en charge une demande : « Eriiiiiicc ! Pourquoi tu n'as pas écrit 50x « BEAUCOUP » en plus, pour qu'il soit bien sûr que tu es son obligé et qu'il peut t'en remettre un petit coup, surtout, qu'il n'hésite pas, tu as l'air d'aimer ça ... »
A cela s'ajoutent les fréquents contrôles des arrêts de travail dans une attitude suspicieuse exprimée par le directeur industriel dans une lettre du 19 novembre 2013 . En effet, dès le 5 novembre 2013, M. Y... sera en arrêt de travail en raison d'un état dépressif. Le 19 novembre 2013 il va informer son employeur que son arrêt est dû à un burn out. Le même jour, M. A... lui adresse une lettre dans laquelle il indique : « nous espérons que vous n'avez pas allumé ce « pare feu » dans le seul but de vous réfugier derrière le paravent médical, suite aux erreurs que vous avez commises dans les chiffrages des passerelles/structures des dernières affaires de convoyeurs qui font supporter à l'entreprise une charge irrécouvrable de plusieurs dizaines de milliers d'Euros. Vous conviendrez que le doute, quant à la finalité de votre démarche, nous est permis dès lors que, jusqu'à présent, vous n'aviez jamais fait état de la moindre difficulté, tandis que vos problèmes de santé arrivent opportunément au moment de la découverte et de la prise en compte des conséquences de vos erreurs par nos services. »
Suivront effectivement trois contrôles des arrêts de travail en janvier, février et mars 2014.
Ainsi, M. Y... présente des éléments de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement.
En effet, il s'agit du comportement habituel du directeur industriel visant précisément le travail et la personne de M. Y... en des termes destinés à le rabaisser et le dénigrer au travers de son travail. Contrairement à ce que soutient l'employeur, repris par le conseil de prud'hommes, ce ne sont pas des actes isolés mais bien une attitude habituelle inhérente à la personnalité du directeur commercial. En outre, le conseil de prud'hommes ne pouvait les considérer comme des faits certes inadaptés mais ne visant pas spécifiquement M. Y..., par un individu dont les propos étaient centrés sur le travail, espacés dans le temps. La lecture des courriels repris ci-dessus contredit cette lecture de l'attitude de Monsieur A.. Le fait que d'autres salariés le subissent sans se plaindre ne change pas la situation de Monsieur S. qui est fondé à réclamer du directeur commercial et de ses collègues une attitude digne et respectueuse, ce qui n'était pas le cas du dénommé A....
L'employeur ne justifie pas que cette attitude était étrangère au harcèlement dans la mesure où même si les critiques faites à M. Y... étaient justifiées comme il le prétend, cela ne peut faire admettre une communication de travail basée sur le dénigrement et l'humiliation répétés et publics, les courriels adressés à M. Y... étant mis en copie à d'autres collègues.
C'est donc par une appréciation erronée des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a avalisé un tel comportement, lequel a manifestement été à l'origine de l'état dépressif de M. Y.... En effet, l'arrêt du 5 novembre 2013 vient après une accumulation de mails illicites de la part du directeur industriel remettant en cause son travail. En outre, en l'état du dossier, aucun autre facteur n'explique l'état de santé du salarié en novembre 2013.
Cet élément et les contrôles répétés des arrêts de travail, sans justification par l'employeur qu'ils sont étrangers à tout harcèlement, caractérisent donc les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, faits subis par M. Y... entre 2011 et la suspension de son contrat de travail par l'arrêt du 5 novembre 2013.
Pour ce qui concerne le manquement de l'employeur à son obligation de résultat, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a respecté les obligations imposées par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail.
Non seulement les moyens mis en place par l'employeur ne sont pas justifiés, mais de surcroît, ce dernier a fait travailler le salarié pendant son arrêt de travail. Ainsi après le 5 novembre 2013 plus d'une quinzaine de mails professionnels sont échangés entre l'employeur et M. Y....
Le manquement de l'employeur est donc établi.
Ils sont suffisamment graves et persistant pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur. En effet, l'employeur ne peut prétendre que ces manquements sont anciens dans la mesure où ils ont perduré plusieurs années, sont à l'origine de la suspension du contrat de travail et n'étaient pas solutionnés à la date de la rupture pour inaptitude en avril 2016, puisque l'auteur principal du harcèlement était encore en poste, signataire des documents de la rupture du contrat de travail, et qu'aucune mesure n'a été prise pour remédier à la situation empêchant ainsi toute reprise. D'ailleurs c'est un avis d'inaptitude médicale qui a été rendu par la médecine du travail qui retient malgré tout un possible reclassement dans un autre site du groupe, matérialisant ainsi l'impossible reprise imputable comme il a été dit plus haut à la faute de l'employeur.
La résiliation sera donc prononcée aux torts de l'employeur au 19 avril 2016, date de la rupture effective du contrat, avec les effets d'un licenciement nul.
En conséquence, M. Y... peut prétendre :
- à une indemnité compensatrice de préavis. En effet, dès lors que la résiliation est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est toujours due quand bien même le salarié serait dans l'incapacité de l'accomplir. Aussi, en application des dispositions de l'article 27 de la convention collective, et compte tenu de son statut de cadre et de son âge dépassant 55 ans au moment de la rupture, M. Y... a droit à une indemnité équivalente à six mois de salaire, soit 34 395,00 euros. Toutefois, M. Y... réclame une somme de 12 863,98 euros déduisant à tort ce qui lui a été payé à ce titre par l'AGS lors de son licenciement économique. La cour ne pouvant allouer une somme supérieure à ce qui est demandé, il sera fait droit à la demande de 12 863,98 euros bruts.
- à des congés payés y afférents soit la somme de 1 286,39 euros bruts.
- à une indemnité conventionnelle de licenciement qui selon son âge et son ancienneté est égale à 1/5ème de mois par année d'ancienneté majoré de 30 % sans que le montant total ne soit inférieur à six mois et avec un plafond de 18 mois de salaire. A ce titre, et sur la base d'un salaire brut mensuel de 5 732,50 euros, il lui est dû la somme de 34 395,00 euros. Or, de l'aveu même de Monsieur S. dans ses écritures et des pièces versées aux débats il apparaît que cette indemnité lui a été intégralement payée. Il doit donc être débouté.
- à des dommages et intérêts en réparation des dommages nés de la rupture du contrat de travail. M. Y... a perdu son emploi alors qu'il était âgé de 57 ans et qu'il avait 5 ans 6 mois et 19 jours d'ancienneté. Il justifie avoir été indemnisé par PÔLE EMPLOI dès le 12 septembre 2016 à raison d'une indemnité journalière brute de 104,84 euros. Il était toujours indemnisé en juin 2017, preuve que ses nécessaires recherches d'emploi sont restées vaines. Il a donc subi sur dix mois une perte de salaire brute de plus de 2 500,00 euros. Le fait qu'il n'ait pas été payé de la précédente indemnité dans le cadre du licenciement économique est sans lien de causalité avec la présente rupture du contrat de travail. A cela s'ajoute le préjudice moral né de la perte de son emploi après près de trente ans d'activité sans certitude d'en retrouver un compte tenu de son âge. La somme de 50 000,00 euros apparaît de nature à réparer intégralement les préjudices sachant que l'entreprise compte plus de onze salariés, que M. Y... a plus de deux ans d'ancienneté et que six mois de salaire équivalent à 34 395,00 euros.
3- sur les demandes de dommages et intérêts
M. Y... a formé des demandes de dommages et intérêts en réparation de préjudices distincts de la perte d'emploi indemnisée plus haut.
les dommages et intérêts en réparation des dommages nés du harcèlement Le harcèlement a été caractérisé plus haut de sorte que la faute de l'employeur est établie. Elle a causé préjudice au salarié dans la mesure où sa santé en a été affectée, avec elle sa vie de famille. Le préjudice physique et moral qui en découle, qui n'a pas été indemnisé par la somme allouée plus haut au titre de la perte d'emploi, sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 40 000,00 euros.
les dommages et intérêts en réparation des dommages nés du manquement à l'obligation de sécurité
Le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité a été reconnu plus haut de sorte que sa faute est établie. Elle cause préjudice au salarié en ce sens qu'elle lui a fait perdre une chance d'éviter les préjudices subis du fait du harcèlement moral et décrits plus haut. La somme de 5 000,00 euros réparera intégralement les préjudices en découlant » ;
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p.3), l'employeur faisait valoir que l'arrêt de travail du salarié pour « burn out » faisait immédiatement suite à la faute professionnelle qu'il avait commise dans le chiffrage d'une passerelle, ce qui avait causé un important préjudice, de sorte que l'employeur avait pu nourrir un doute sur la réalité de la justification médicale de son arrêt de travail et ce d'autant plus au regard des raisons évoquées par le salarié dans son courrier du 19 novembre 2013 (conclusions d'appel p. 21, production n°5) ; qu'en affirmant que l'employeur ne justifiait pas des contrôles répétés des arrêts de travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que l'arrêt de travail du salarié pour « burn out » faisait immédiatement suite à la faute professionnelle qu'il avait commise dans le chiffrage d'une passerelle, entrainant un important préjudice, de sorte que l'employeur avait pu nourrir un doute sur la réalité de la justification médicale de son arrêt de travail et ce d'autant plus au regard des raisons évoquées par le salarié dans son courrier du 19 novembre 2013 (conclusions d'appel p. 21, production n°5) ; qu'en se bornant à relever que les contrôles répétés des arrêts de travail n'étaient pas justifiés par l'employeur (arrêt p.9 § 1), sans à aucun moment examiner l'élément objectif invoqué par ce dernier pour justifier ces contrôles, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; que pour exclure tout harcèlement moral et justifier la teneur des mails produits aux débats par le salarié, l'employeur faisait valoir qu'en mars 2011, malgré plusieurs relances de M. B..., directeur commercial, qui avait sollicité un chiffrage pour un appel d'offre à M. Y..., ce dernier n'avait pas daigné répondre, laissant la place au concurrent, qu'en novembre 2012, sur un important projet Renault, le salarié avait envoyé son chiffrage au client sans prendre le soin d'expliquer son offre ni de formuler une nouvelle proposition suite au refus du client ; qu'en outre il avait souligné que le salarié avait fréquemment abusé des notes de frais et présenté des justificatifs en retard et/ou mal remplis, que le salarié avait eu une attitude déplacée envers une nouvelle salariée, Mme C..., que M. Y... avait, outrepassant ses attributions et discréditant la démarche de M. A... qui s'était plaint auprès de la société Arval, loueur de voiture, du manque de réactivité de ses services pour la fourniture des cartes grises, relancé cette société une heure plus tard, que le salarié avait encore remercié en octobre 2013 un salarié de la société X... Iberica, M. D..., qui avait pourtant répondu à une demande formulée en juillet après de nombreuses relances, avec un important retard de plusieurs mois (conclusions d'appel de l'exposante p.19 à 21 et productions n°6 à 11) ; qu'en se bornant à affirmer que si les critiques faites au salarié étaient justifiées, cela ne justifiait pas la teneur des mails échangés, sans s'expliquer, ne serait-ce que sommairement, sur l'ensemble des circonstances et pièces mises en avant par l'employeur et qui étaient de nature à justifier objectivement des agissements reprochés, et plus particulièrement sans s'expliquer sur l'inertie répétée du salarié qui avait été à l'origine de nombreuses pertes de marchés importants et sur l'exaspération que cette attitude avait pu créer chez M. A..., Directeur de la société Sopap Automation et ancien responsable de la société X... France, la cour d'appel a méconnu le régime probatoire applicable en matière de harcèlement moral, et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE seuls caractérisent un harcèlement moral des agissements répétés visant directement le salarié et ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, de nature à porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en retenant le ton des critiques par ailleurs justifiées faites par le supérieur hiérarchique du salarié dans quelques mails espacés de nombreux mois sur plusieurs années, et le fait pour l'employeur d'avoir sollicité trois contrôles des arrêts de travail du salarié, la cour d'appel n'a pas caractérisé des agissements de harcèlement moral et partant a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes du salarié, et en ce qu'il a débouté l'EURL X... aux droits de laquelle vient la SAS Sopap Automation de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, d'AVOIR infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation à payer au salarié les sommes de 40 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du harcèlement moral, de 5 000,00 euros de dommages et intérêts nés du non-respect de l'obligation de sécurité, et de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, d'AVOIR ordonné la remise par la SAS Sopap Automation au salarié des documents de fins de contrat rectifiés en fonction de la décision l'employeur à rembourser les indemnités chômage qu'il a perçues, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :
- le 7 juin 2017 pour M. Daniel Y...,
- le 12 juin 2017 pour la SARL X...,
et soutenues oralement à l'audience.
(
) 2- sur la rupture du contrat de travail
Monsieur Y... ayant saisi conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail le 9 juillet 2014 avant d'être licencié le 18 avril 2016, il faut examiner préalablement la demande de résiliation.
Au soutien de sa demande, M. Y... fait état :
- d'un harcèlement moral,
- d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,
le tout ayant affecté sa santé et porté atteinte à son avenir professionnel.
Concernant le harcèlement, il lui appartient de présenter, en application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L. 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Au vu de ces éléments, à les supposer établis, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifient la situation présentée par le salarié.
M. Y... argue :
- de défaillance dans l'organisation entraînant une surcharge de travail,
- de violences verbales de la part d'un dénommé A...,
- d'un acharnement procédural conduisant à de nombreuses contrevisites médicales abusives,
- à une dégradation de son état de santé l'obligeant à mettre fin au contrat portant ainsi atteinte à son avenir professionnel.
Si la surcharge de travail n'est pas établie autrement que par les plaintes du salarié appuyées par son épouse, il ressort en revanche de nombreux échanges de mail que M. Y... était traité par le dénommé A..., directeur industriel, d'une manière humiliante et irrespectueuse et ce continuellement. A titre d'exemples non exhaustifs, dans des mails avec copie à des collègues :
- du 31 mars 2011 le dénommé A... lui indique : « Tu chies dans la colle. As-tu décidé de ne plus prendre au sérieux PSA ' »
- du 28 septembre 2011 : « Super !! Comme je vais finir par tout envoyer c'r (Sopap Auto et tout le reste...), il va falloir trouver un candidat YAKA au poste de DI.'je l'ai trouvé : Toi.
Avec des 'il n'y a qu'à' et des 'si' on peut tout faire »
- du 16 avril 2012 : « Tu vas encore penser que je t'en veux, mais suite aux dates données ci-dessous, je me suis intéressé à ton planning OUTLOOK.
J'en tire plusieurs leçons :
• quoique je dise tu ne fais que ce que tu as envie ' aucun RdV professionnel ou organisation planifiée dans le mois à venir à part la réunion chez Laurent.
• Tu sais planifier tes vacances car elles sont toutes indiquées ' c'est un centre d'intérêt comme un autre, mais quand même.
• Tu prévois de venir le 25 pour aller à Douai le 27 ' cherche à faire des économies de route et de fatigue : comme tu n'as rien de planifier je te propose d'arriver le 26 en fin d'après-midi et de récupérer le matériel, de dormir à Charleville et d'aller ensuite à Douai le vendredi 27 au matin pour rentrer le soir chez toi.
• Tu n'as aucun RdV planifier à l'avance. N'as-tu dons pas l'intention de prendre des visites clients ' J'ai l'impression que Bruno et Laurent sont les seuls à tourner en clientèle : je me trompe ou j'ai encore rien compris '
• Stp, UN PLANNING SE RENSEIGNE A L'AVANCE ET PAS APRES QUE LA SEMAINE SOIT FINIE !
Tu as beaucoup de chance que M. X... n'a pas encore eu accès à ton planning mais ça va changer car je vais demander à ce que tu sois muté sur la messagerie de Ratingen. Si moi, je suis incapable de te faire entendre raison, je reste persuader que André saura être plus « pédagogique ».
Tu nous as prouvé qu'avec un peu de pression, tu es capable de parler d'autres choses que les tables SOPAP avec exemple les convoyeurs. Je te demande une nouvelle et dernière fois d'être présent chez nos clients et de pousser toute la gamme.
Il faut que tu arrêtes de penser que tu es encore dans ton ilot d'Aulnay comme cela était du temps de la SOPAP ' tu fais partie d'une équipe ou plutôt d'une famille ! »
- du 19 novembre 2012 : « je te prie d'écrire beaucoup plus lisiblement le nom de tes invités je n'ai pas de temps à perdre (et le commissaire aux comptes) à essayer de déchiffrer pour vérifier la justification ».
Suit une critique des notes de frais dans laquelle M. Y... est accusé d'être « grand seigneur avec l'argent de la société » en invitant des collègues en ces termes : « c'est la dernière fois que je le dis : la prochaine fois, tu en seras de ta poche, ou tu iras réclamer à tes invités'la prochaine fois qu'une telle idée te passe par la tête, je te prie ou de l'oublier ou de me demander l'autorisation »
- du 12 décembre 2012, alors qu'il reproche à M. Y... un manque de diligence sur une tâche à effectuer il indique : « ce n'est pas la peine d'appeler pour faire le nounours en t'excusant avec une excuse bateau et d'envoyer un mail avec les montants, ce sont les factures que je veux. Tout le monde est débordé et ça emmerde tout le monde de faire ça, mais c'est comme ça. »
- du 16 janvier 2013, à propos du comportement courtois employé par M. Y... avec une collègue : « C'est quoi ce truc ' Tu travailles pour son augmentation ou tu as une autre idée derrière la tête ' Elle essaye et surtout doit faire son boulot correctement comme nous devrions tous le faire, c'est tout. Point/barre. Alors STP, arrête les courbettes et autres rites de remerciements déplacés. Un merci de temps en temps, c'est très bien et encourageant ; plus c'est suspect. »
- du 14 mai 2013 : « Je suis très énervé de constater que nous sommes incapables de gérer un simple petit reste à faire. ..... Le « merdier » là-dessous n'est qu'une dissertation absolument inefficace !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! JE VEUX UN TABLEAU EXCEL ..... Il va falloir penser à être des industriels un jour »
- du 15 mai 2013 : « Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte dans ton monde, mais nous avons besoin de commandes... »
- du 18 octobre 2013 à propos d'un courriel où il remercie beaucoup un collègue d'avoir pris en charge une demande : « Eriiiiiicc ! Pourquoi tu n'as pas écrit 50x « BEAUCOUP » en plus, pour qu'il soit bien sûr que tu es son obligé et qu'il peut t'en remettre un petit coup, surtout, qu'il n'hésite pas, tu as l'air d'aimer ça ... »
A cela s'ajoutent les fréquents contrôles des arrêts de travail dans une attitude suspicieuse exprimée par le directeur industriel dans une lettre du 19 novembre 2013 . En effet, dès le 5 novembre 2013, M. Y... sera en arrêt de travail en raison d'un état dépressif. Le 19 novembre 2013 il va informer son employeur que son arrêt est dû à un burn out. Le même jour, M. A... lui adresse une lettre dans laquelle il indique : « nous espérons que vous n'avez pas allumé ce « pare feu » dans le seul but de vous réfugier derrière le paravent médical, suite aux erreurs que vous avez commises dans les chiffrages des passerelles/structures des dernières affaires de convoyeurs qui font supporter à l'entreprise une charge irrécouvrable de plusieurs dizaines de milliers d'Euros. Vous conviendrez que le doute, quant à la finalité de votre démarche, nous est permis dès lors que, jusqu'à présent, vous n'aviez jamais fait état de la moindre difficulté, tandis que vos problèmes de santé arrivent opportunément au moment de la découverte et de la prise en compte des conséquences de vos erreurs par nos services. »
Suivront effectivement trois contrôles des arrêts de travail en janvier, février et mars 2014.
Ainsi, M. Y... présente des éléments de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement.
En effet, il s'agit du comportement habituel du directeur industriel visant précisément le travail et la personne de M. Y... en des termes destinés à le rabaisser et le dénigrer au travers de son travail. Contrairement à ce que soutient l'employeur, repris par le conseil de prud'hommes, ce ne sont pas des actes isolés mais bien une attitude habituelle inhérente à la personnalité du directeur commercial. En outre, le conseil de prud'hommes ne pouvait les considérer comme des faits certes inadaptés mais ne visant pas spécifiquement M. Y..., par un individu dont les propos étaient centrés sur le travail, espacés dans le temps. La lecture des courriels repris ci-dessus contredit cette lecture de l'attitude de Monsieur A.. Le fait que d'autres salariés le subissent sans se plaindre ne change pas la situation de Monsieur S. qui est fondé à réclamer du directeur commercial et de ses collègues une attitude digne et respectueuse, ce qui n'était pas le cas du dénommé A....
L'employeur ne justifie pas que cette attitude était étrangère au harcèlement dans la mesure où même si les critiques faites à M. Y... étaient justifiées comme il le prétend, cela ne peut faire admettre une communication de travail basée sur le dénigrement et l'humiliation répétés et publics, les courriels adressés à M. Y... étant mis en copie à d'autres collègues.
C'est donc par une appréciation erronée des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a avalisé un tel comportement, lequel a manifestement été à l'origine de l'état dépressif de M. Y.... En effet, l'arrêt du 5 novembre 2013 vient après une accumulation de mails illicites de la part du directeur industriel remettant en cause son travail. En outre, en l'état du dossier, aucun autre facteur n'explique l'état de santé du salarié en novembre 2013.
Cet élément et les contrôles répétés des arrêts de travail, sans justification par l'employeur qu'ils sont étrangers à tout harcèlement, caractérisent donc les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, faits subis par M. Y... entre 2011 et la suspension de son contrat de travail par l'arrêt du 5 novembre 2013.
Pour ce qui concerne le manquement de l'employeur à son obligation de résultat, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a respecté les obligations imposées par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail.
Non seulement les moyens mis en place par l'employeur ne sont pas justifiés, mais de surcroît, ce dernier a fait travailler le salarié pendant son arrêt de travail. Ainsi après le 5 novembre 2013 plus d'une quinzaine de mails professionnels sont échangés entre l'employeur et M. Y....
Le manquement de l'employeur est donc établi.
3- sur les demandes de dommages et intérêts
M. Y... a formé des demandes de dommages et intérêts en réparation de préjudices distincts de la perte d'emploi indemnisée plus haut.
les dommages et intérêts en réparation des dommages nés du harcèlement Le harcèlement a été caractérisé plus haut de sorte que la faute de l'employeur est établie. Elle a causé préjudice au salarié dans la mesure où sa santé en a été affectée, avec elle sa vie de famille. Le préjudice physique et moral qui en découle, qui n'a pas été indemnisé par la somme allouée plus haut au titre de la perte d'emploi, sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 40 000,00 euros.
les dommages et intérêts en réparation des dommages nés du manquement à l'obligation de sécurité
Le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité a été reconnu plus haut de sorte que sa faute est établie. Elle cause préjudice au salarié en ce sens qu'elle lui a fait perdre une chance d'éviter les préjudices subis du fait du harcèlement moral et décrits plus haut. La somme de 5 000,00 euros réparera intégralement les préjudices en découlant » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant dit que le salarié avait été victime d'un prétendu harcèlement moral entraînera l'annulation du chef du dispositif ayant condamné l'employeur au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, oralement soutenues lors de l'audience (arrêt p. 3), si le salarié sollicitait une indemnisation pour non respect par l'employeur de son obligation de sécurité (conclusions d'appel adverses p.90), il n'avait à aucun moment prétendu que son préjudice était constitué par la perte de chance d'éviter les préjudices subis du fait du harcèlement moral dont il s'estimait victime ; qu'en retenant, pour octroyer la somme de 5 000 euros au salarié, que le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité avait fait perdre à l'intéressé une chance d'éviter les préjudices subis du fait du harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE lorsqu'ils décident d'octroyer au salarié des dommages et intérêts distincts pour harcèlement moral et pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, les juges doivent caractériser l'existence de préjudices distincts subis par le salarié ; qu'en se bornant à affirmer que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité avait fait perdre au salarié une chance d'éviter les préjudices subis du fait du harcèlement moral déjà indemnisés, la cour d'appel a en réalité indemnisé deux fois le même préjudice ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes du salarié, et en ce qu'il a débouté l'EURL X... aux droits de laquelle vient la SAS Sopap Automation de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, d'AVOIR infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant, d'AVOIR ordonné la résiliation du contrat de travail du 1er mai 2010 aux torts de la SAS Sopap Automation avec effet au 18 avril 2016, d'AVOIR dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement nul, d'AVOIR annulé la convention de forfait jours, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation à payer au salarié les sommes de 50 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, de 12 863,98 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 1 286,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, et de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, d'AVOIR ordonné la remise par la SAS Sopap Automation au salarié des documents de fins de contrat rectifiés en fonction de la décision, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « 2- sur la rupture du contrat de travail
Monsieur Y... ayant saisi conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail le 9 juillet 2014 avant d'être licencié le 18 avril 2016, il faut examiner préalablement la demande de résiliation.
Au soutien de sa demande, M. Y... fait état :
- d'un harcèlement moral,
- d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, le tout ayant affecté sa santé et porté atteinte à son avenir professionnel.
Concernant le harcèlement, il lui appartient de présenter, en application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L. 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Au vu de ces éléments, à les supposer établis, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement justifient la situation présentée par le salarié.
M. Y... argue :
- de défaillance dans l'organisation entraînant une surcharge de travail,
- de violences verbales de la part d'un dénommé A...,
- d'un acharnement procédural conduisant à de nombreuses contrevisites médicales abusives,
- à une dégradation de son état de santé l'obligeant à mettre fin au contrat portant ainsi atteinte à son avenir professionnel.
Si la surcharge de travail n'est pas établie autrement que par les plaintes du salarié appuyées par son épouse, il ressort en revanche de nombreux échanges de mail que M. Y... était traité par le dénommé A..., directeur industriel, d'une manière humiliante et irrespectueuse et ce continuellement. A titre d'exemples non exhaustifs, dans des mails avec copie à des collègues :
- du 31 mars 2011 le dénommé A... lui indique : « Tu chies dans la colle. As-tu décidé de ne plus prendre au sérieux PSA ' »
- du 28 septembre 2011 : « Super !! Comme je vais finir par tout envoyer c'r (Sopap Auto et tout le reste...), il va falloir trouver un candidat YAKA au poste de DI.'je l'ai trouvé : Toi.
Avec des 'il n'y a qu'à' et des 'si' on peut tout faire »
- du 16 avril 2012 : « Tu vas encore penser que je t'en veux, mais suite aux dates données ci-dessous, je me suis intéressé à ton planning OUTLOOK.
J'en tire plusieurs leçons :
• quoique je dise tu ne fais que ce que tu as envie ' aucun RdV professionnel ou organisation planifiée dans le mois à venir à part la réunion chez Laurent.
• Tu sais planifier tes vacances car elles sont toutes toutes indiquées ' c'est un centre d'intérêt comme un autre, mais quand même.
• Tu prévois de venir le 25 pour aller à Douai le 27 ' cherche à faire des économies de route et de fatigue : comme tu n'as rien de planifier je te propose d'arriver le 26 en fin d'après-midi et de récupérer le matériel, de dormir à Charleville et d'aller ensuite à Douai le vendredi 27 au matin pour rentrer le soir chez toi.
• Tu n'as aucun RdV planifier à l'avance. N'as-tu dons pas l'intention de prendre des visites clients ' J'ai l'impression que Bruno et Laurent sont les seuls à tourner en clientèle : je me trompe ou j'ai encore rien compris '
• Stp, UN PLANNING SE RENSEIGNE A L'AVANCE ET PAS APRES QUE LA SEMAINE SOIT FINIE !
Tu as beaucoup de chance que M. X... n'a pas encore eu accès à ton planning mais ça va changer car je vais demander à ce que tu sois muté sur la messagerie de Ratingen. Si moi, je suis incapable de te faire entendre raison, je reste persuader que André saura être plus « pédagogique ».
Tu nous as prouvé qu'avec un peu de pression, tu es capable de parler d'autres choses que les tables SOPAP avec exemple les convoyeurs. Je te demande une nouvelle et dernière fois d'être présent chez nos clients et de pousser toute la gamme.
Il faut que tu arrêtes de penser que tu es encore dans ton ilot d'Aulnay comme cela était du temps de la SOPAP ' tu fais partie d'une équipe ou plutôt d'une famille ! »
- du 19 novembre 2012 : « je te prie d'écrire beaucoup plus lisiblement le nom de tes invités je n'ai pas de temps à perdre (et le commissaire aux comptes) à essayer de déchiffrer pour vérifier la justification ».
Suit une critique des notes de frais dans laquelle M. Y... est accusé d'être « grand seigneur avec l'argent de la société » en invitant des collègues en ces termes : « c'est la dernière fois que je le dis : la prochaine fois, tu en seras de ta poche, ou tu iras réclamer à tes invités'la prochaine fois qu'une telle idée te passe par la tête, je te prie ou de l'oublier ou de me demander l'autorisation »
- du 12 décembre 2012, alors qu'il reproche à M. Y... un manque de diligence sur une tâche à effectuer il indique : « ce n'est pas la peine d'appeler pour faire le nounours en t'excusant avec une excuse bateau et d'envoyer un mail avec les montants, ce sont les factures que je veux. Tout le monde est débordé et ça emmerde tout le monde de faire ça, mais c'est comme ça. »
- du 16 janvier 2013, à propos du comportement courtois employé par M. Y... avec une collègue : « C'est quoi ce truc ' Tu travailles pour son augmentation ou tu as une autre idée derrière la tête ' Elle essaye et surtout doit faire son boulot correctement comme nous devrions tous le faire, c'est tout. Point/barre. Alors STP, arrête les courbettes et autres rites de remerciements déplacés. Un merci de temps en temps, c'est très bien et encourageant ; plus c'est suspect. »
- du 14 mai 2013 : « Je suis très énervé de constater que nous sommes incapables de gérer un simple petit reste à faire. ..... Le « merdier » là-dessous n'est qu'une dissertation absolument inefficace !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! JE VEUX UN TABLEAU EXCEL ..... Il va falloir penser à être des industriels un jour »
- du 15 mai 2013 : « Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte dans ton monde, mais nous avons besoin de commandes... »
- du 18 octobre 2013 à propos d'un courriel où il remercie beaucoup un collègue d'avoir pris en charge une demande : « Eriiiiiicc ! Pourquoi tu n'as pas écrit 50x « BEAUCOUP » en plus, pour qu'il soit bien sûr que tu es son obligé et qu'il peut t'en remettre un petit coup, surtout, qu'il n'hésite pas, tu as l'air d'aimer ça ... »
A cela s'ajoutent les fréquents contrôles des arrêts de travail dans une attitude suspicieuse exprimée par le directeur industriel dans une lettre du 19 novembre 2013 . En effet, dès le 5 novembre 2013, M. Y... sera en arrêt de travail en raison d'un état dépressif. Le 19 novembre 2013 il va informer son employeur que son arrêt est dû à un burn out. Le même jour, M. A... lui adresse une lettre dans laquelle il indique : « nous espérons que vous n'avez pas allumé ce « pare feu » dans le seul but de vous réfugier derrière le paravent médical, suite aux erreurs que vous avez commises dans les chiffrages des passerelles/structures des dernières affaires de convoyeurs qui font supporter à l'entreprise une charge irrécouvrable de plusieurs dizaines de milliers d'Euros. Vous conviendrez que le doute, quant à la finalité de votre démarche, nous est permis dès lors que, jusqu'à présent, vous n'aviez jamais fait état de la moindre difficulté, tandis que vos problèmes de santé arrivent opportunément au moment de la découverte et de la prise en compte des conséquences de vos erreurs par nos services. »
Suivront effectivement trois contrôles des arrêts de travail en janvier, février et mars 2014.
Ainsi, M. Y... présente des éléments de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement.
En effet, il s'agit du comportement habituel du directeur industriel visant précisément le travail et la personne de M. Y... en des termes destinés à le rabaisser et le dénigrer au travers de son travail. Contrairement à ce que soutient l'employeur, repris par le conseil de prud'hommes, ce ne sont pas des actes isolés mais bien une attitude habituelle inhérente à la personnalité du directeur commercial. En outre, le conseil de prud'hommes ne pouvait les considérer comme des faits certes inadaptés mais ne visant pas spécifiquement M. Y..., par un individu dont les propos étaient centrés sur le travail, espacés dans le temps. La lecture des courriels repris ci-dessus contredit cette lecture de l'attitude de Monsieur A.. Le fait que d'autres salariés le subissent sans se plaindre ne change pas la situation de Monsieur S. qui est fondé à réclamer du directeur commercial et de ses collègues une attitude digne et respectueuse, ce qui n'était pas le cas du dénommé A....
L'employeur ne justifie pas que cette attitude était étrangère au harcèlement dans la mesure où même si les critiques faites à M. Y... étaient justifiées comme il le prétend, cela ne peut faire admettre une communication de travail basée sur le dénigrement et l'humiliation répétés et publics, les courriels adressés à M. Y... étant mis en copie à d'autres collègues.
C'est donc par une appréciation erronée des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a avalisé un tel comportement, lequel a manifestement été à l'origine de l'état dépressif de M. Y.... En effet, l'arrêt du 5 novembre 2013 vient après une accumulation de mails illicites de la part du directeur industriel remettant en cause son travail. En outre, en l'état du dossier, aucun autre facteur n'explique l'état de santé du salarié en novembre 2013.

Cet élément et les contrôles répétés des arrêts de travail, sans justification par l'employeur qu'ils sont étrangers à tout harcèlement, caractérisent donc les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, faits subis par M. Y... entre 2011 et la suspension de son contrat de travail par l'arrêt du 5 novembre 2013.
Pour ce qui concerne le manquement de l'employeur à son obligation de résultat, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a respecté les obligations imposées par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail.
Non seulement les moyens mis en place par l'employeur ne sont pas justifiés, mais de surcroît, ce dernier a fait travailler le salarié pendant son arrêt de travail. Ainsi après le 5 novembre 2013 plus d'une quinzaine de mails professionnels sont échangés entre l'employeur et M. Y....
Le manquement de l'employeur est donc établi.
Ils sont suffisamment graves et persistant pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur. En effet, l'employeur ne peut prétendre que ces manquements sont anciens dans la mesure où ils ont perduré plusieurs années, sont à l'origine de la suspension du contrat de travail et n'étaient pas solutionnés à la date de la rupture pour inaptitude en avril 2016, puisque l'auteur principal du harcèlement était encore en poste, signataire des documents de la rupture du contrat de travail, et qu'aucune mesure n'a été prise pour remédier à la situation empêchant ainsi toute reprise. D'ailleurs c'est un avis d'inaptitude médicale qui a été rendu par la médecine du travail qui retient malgré tout un possible reclassement dans un autre site du groupe, matérialisant ainsi l'impossible reprise imputable comme il a été dit plus haut à la faute de l'employeur.
La résiliation sera donc prononcée aux torts de l'employeur au 19 avril 2016, date de la rupture effective du contrat, avec les effets d'un licenciement nul.
En conséquence, M. Y... peut prétendre :
- à une indemnité compensatrice de préavis. En effet, dès lors que la résiliation est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est toujours due quand bien même le salarié serait dans l'incapacité de l'accomplir. Aussi, en application des dispositions de l'article 27 de la convention collective, et compte tenu de son statut de cadre et de son âge dépassant 55 ans au moment de la rupture, M. Y... a droit à une indemnité équivalente à six mois de salaire, soit 34 395,00 euros. Toutefois, M. Y... réclame une somme de 12 863,98 euros déduisant à tort ce qui lui a été payé à ce titre par l'AGS lors de son licenciement économique. La cour ne pouvant allouer une somme supérieure à ce qui est demandé, il sera fait droit à la demande de 12 863,98 euros bruts.
- à des congés payés y afférents soit la somme de 1 286,39 euros bruts.
- à une indemnité conventionnelle de licenciement qui selon son âge et son ancienneté est égale à 1/5ème de mois par année d'ancienneté majoré de 30 % sans que le montant total ne soit inférieur à six mois et avec un plafond de 18 mois de salaire. A ce titre, et sur la base d'un salaire brut mensuel de 5 732,50 euros, il lui est dû la somme de 34 395,00 euros. Or, de l'aveu même de Monsieur S. dans ses écritures et des pièces versées aux débats il apparaît que cette indemnité lui a été intégralement payée. Il doit donc être débouté.
- à des dommages et intérêts en réparation des dommages nés de la rupture du contrat de travail. M. Y... a perdu son emploi alors qu'il était âgé de 57 ans et qu'il avait 5 ans 6 mois et 19 jours d'ancienneté. Il justifie avoir été indemnisé par PÔLE EMPLOI dès le 12 septembre 2016 à raison d'une indemnité journalière brute de 104,84 euros. Il était toujours indemnisé en juin 2017, preuve que ses nécessaires recherches d'emploi sont restées vaines. Il a donc subi sur dix mois une perte de salaire brute de plus de 2 500,00 euros. Le fait qu'il n'ait pas été payé de la précédente indemnité dans le cadre du licenciement économique est sans lien de causalité avec la présente rupture du contrat de travail. A cela s'ajoute le préjudice moral né de la perte de son emploi après près de trente ans d'activité sans certitude d'en retrouver un compte tenu de son âge. La somme de 50 000,00 euros apparaît de nature à réparer intégralement les préjudices sachant que l'entreprise compte plus de onze salariés, que M. Y... a plus de deux ans d'ancienneté et que six mois de salaire équivalent à 34 395,00 euros » ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant dit que le salarié avait été victime d'un prétendu harcèlement moral entraînera l'annulation du chef du dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et ayant condamné l'employeur à payer à ce dernier diverses sommes à ce titre, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'un manquement qui pendant des années n'a pas empêché la poursuite du contrat de travail ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés par le salarié à son employeur, à savoir un harcèlement moral de la part de M. A..., directeur de la société Sopap Automation depuis 2011 jusqu'à la suspension de son contrat de travail le 5 novembre 2013, et le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité en découlant (arrêt p.6), étaient antérieurs de plusieurs années à sa demande de résiliation judiciaire introduite le 9 juillet 2014, et n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant les faits dont se prétendait victime le salarié comme suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire de ce dernier, quand il résultait de ses propres constatations que les manquements, à les supposer avérés, n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et les articles L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS subsidiairement QU'il appartient au salarié d'établir et au juge de caractériser que l'inaptitude du salarié est imputable à un manquement de l'employeur ; qu'en se bornant à retenir que l'arrêt de travail du 5 novembre 2013 du salarié faisait suite à une accumulation de mails illicites de la part de M. A..., qu'aucun autre facteur n'expliquait l'état de santé du salarié en novembre 2013 et que l'avis d'inaptitude médicale retenait un possible reclassement dans un autre site du groupe, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'inaptitude du salarié et le prétendu manquement de l'employeur à ses obligations et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L.4121-1 et L. 1226-2 et L. 1232-1, L. 1235-5 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes du salarié, et en ce qu'il a débouté l'EURL X... aux droits de laquelle vient la SAS Sopap Automation de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles, d'AVOIR infirmé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, dans cette limite, et y ajoutant, d'AVOIR annulé la convention de forfait jours, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation à payer au salarié les sommes de 50 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, de 12 863,98 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 1 286,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de 40 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du harcèlement moral, de 5 000,00 euros de dommages et intérêts nés du non-respect de l'obligation de sécurité, de 86 714,62 euros bruts de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires du 2 mai 2010 au 3 novembre 2013, de 8 671,46 euros bruts au titre des congés payés y afférents, de 36 488,83 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages nés de la perte des repos compensateurs, et de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, d'AVOIR ordonné la remise par la SAS Sopap Automation au salarié des documents de fins de contrat rectifiés en fonction de la décision, d'AVOIR condamné la SAS Sopap Automation aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Si la surcharge de travail n'est pas établie autrement que par les plaintes du salarié appuyées par son épouse, il ressort en revanche de nombreux échanges de mail que M. Y... était traité par le dénommé A..., directeur industriel, d'une manière humiliante et irrespectueuse et ce continuellement.
(
) 4- sur les demandes de rappel de salaire et de repos compensateurs
M. Y... plaide la nullité de la convention de forfait en arguant de ce que l'employeur :

- n'a pas signé d'accord collectif l'autorisant,
- n'a pas mis en place de système de contrôle du respect des règles liées au repos,
- n'a pas procédé à l'entretien annuel.
L'employeur soutient pour sa part :
- que le forfait jour était prévu par un accord du 28 juillet 1998 applicable aux cadres dépendant de la convention collective des cadres de la métallurgie comme c'était le cas de M. Y...,
- que la charge de travail était contrôlée au moyen de l'agenda électronique et des transmissions des interventions par le net de sorte que l'employeur était informé en temps réel de la charge de travail de son salarié,
- que M. Y... se rendait fréquemment dans l'entreprise où il a pu discuter de l'organisation et de la charge de travail.
En effet, l'article L. 3121-58 du code du travail permet la mise en place d'une convention de forfait en jours pour les cadres qui disposent d'une autonomie dans leur organisation de travail et qui par la nature de leur activité, ne suivent pas l'horaire collectif, comme c'était le cas de M. Y....
Les articles L. 3121-63 impose que ce type de convention soit mis en place par accord collectif qui définit notamment les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi de la charge de travail du salarié et les modalités selon lesquelles employeur et salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail.
L'accord du 28 juillet 1998 annexé à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable en l'espèce prévoit effectivement en son article 14 une possibilité de forfait en jours.
Il précise : « Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.
Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.
En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. A cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation ».
Si les agendas électroniques peuvent effectivement remplir la mission de contrôle prévue à l'accord collectif, force est de constater qu'ils n'ont pas été mis en place en vue de ce contrôle et ne sont pas utilisés à cette fin. En effet, si lors des échanges entre M. Y... et M. A..., qui n'est pas son supérieur hiérarchique, il est fait grief à M. Y... de ne pas suffisamment visiter les clients et de mal compléter son agenda, à aucun moment il n'est rappelé que cet outil a été mis en place pour le contrôle de respect du nombre de jours travaillés. D'ailleurs, à la lecture des courriels il apparaît qu'il sert plutôt à vérifier l'optimisation de son temps de travail par le salarié. Enfin, alors même que le salarié se plaint d'être débordé, aucun entretien annuel en vue de contrôler la charge de travail n'est organisé par le supérieur hiérarchique, M. A..., lequel préfére ironiser sur la réelle motivation de M. Y.... Contrairement à ce que soutient l'employeur, l'entretien annuel n'est pas une rencontre fortuite au hasard d'un passage dans les locaux de l'entreprise, mais bien un entretien programmé avec un ordre du jour précis et le cas échéant des conséquences en terme d'organisation de travail et de rémunération.
Il en ressort qu'aucun dispositif de contrôle n'a été mis en place par l'employeur qui n'a pas organisé d'entretien annuel d'évaluation de la charge de travail de son salarié.
La demande d'annulation du forfait et des demandes de rappel de salaires et de repos compensateur sont justifiées dès lors que le salarié étaye sa demande en faisant un récapitulatif précis des horaires réellement effectués que l'employeur ne peut justifier faute de contrôle des horaires.
La SAS Sopap Automation sera donc condamné à payer à M. Y...:
- la somme de 86 714,62 euros bruts au titre des heures supplémentaires du 2 mai 2010 au 3 novembre 2013, outre 8 671,46 euros de congés payés y afférents,
- la somme de 36 488,83 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de l'impossibilité de bénéficier de repos compensateurs dus.
5- sur les autres demandes
la remise des documents de fin de contrat
La SAS Sopap Automation sera condamnée à remettre à M. Y... les documents de fin de contrats modifiés en fonction de la présente décision, sans qu'il ne soit nécessaire de fixer une astreinte.
le remboursement des indemnités chômage
Ce remboursement ne peut être ordonné en l'absence de licenciement, le contrat ayant été résilié.
les frais irrépétibles et dépens
Succombant au sens de l'article 696 du code de procédure civile , la SAS Sopap Automation doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel. Le jugement qui a débouté l'EURL X... de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles sera confirmé et infirmé en ce qu'elle a débouté également M. Y... le condamnant au surplus aux dépens.
La SAS Sopap Automation sera débouté en appel de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à M. Y... la somme de 5 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel » ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la surcharge de travail alléguée par le salarié n'était pas établie d'une part, que le salarié avait effectué des heures supplémentaires d'autre part ; qu'en statuant ainsi, par des motifs de fait contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande ; que ne constituent pas de tels éléments les décomptes précisant seulement le nombre global d'heures hebdomadaires travaillées, réalisés a posteriori pour les besoins de la cause, par un salarié disposant d'une importante autonomie dans l'organisation de son temps de travail ; que la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur un tel document, n'a pas caractérisé que le salarié produisait des éléments de nature à étayer sa demande, et a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le décompte établi a posteriori par le salarié pour les besoins de la cause présentait de nombreuses incohérences (conclusions d'appel p.28 et production n°22), qu'en comparaison avec l'activité d'un autre salarié occupant un poste identique, M. E..., l'activité de M. Y... avait été très modeste (conclusions d'appel p.14 in fine et p.15, productions n°12 à 14) et qu'en comparaison avec l'activité de M. F..., salarié que M. Y... avait formé, ce dernier ne pouvait pas avoir effectué d'heures supplémentaires (conclusions p.31 in fine et p.32 et productions n°15 à 21) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces différents points, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que lorsque le salarié fournit au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande, l'employeur doit présenter des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en l'espèce, pour établir que le salarié n'avait effectué aucune heure supplémentaire qui n'aurait pas été rémunérée ou récupérée, l'employeur avait versé aux débats, l'agenda électronique renseigné par le salarié lui-même faisant apparaitre une activité modeste (production n°13) ; qu'en faisant droit à la demande du salarié au titre de prétendues heures supplémentaires effectuées, sans à aucun moment s'expliquer sur l'agenda du salarié versé aux débats par l'employeur pour justifier des horaires effectivement réalisés par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

5°) ALORS subsidiairement QUE l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le licenciement a été notifié au salarié le 18 avril 2016 de sorte que la prescription était acquise à compter du 18 avril 2013 et qu'en tout état de cause, le salarié n'avait présenté aucune demande de paiement d'heures supplémentaires en première instance et que le jugement du conseil des prud'hommes ayant été notifié le 10 novembre 2015, le délai d'appel expirait le 20 décembre 2015, de sorte que le salarié n'avait pu formuler une demande de régularisation d'heures supplémentaires avant le 20 novembre 2015, ce dont il se déduisait que les demandes étaient prescrites pour la période antérieure au 20 novembre 2012 (conclusions d'appel de l'exposante p.35 in fine et p.36) ; qu'en octroyant au salarié un rappel d'heures supplémentaires du 2 mai 2010 au 3 novembre 2013, sans à aucun moment s'expliquer sur la prescription de cette demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3245-1 et L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27983
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 20 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-27983


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27983
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